La SARLU [U] Contrôle Technique a confié à la SAS Alves Génération Travaux Publics (AGTP) des travaux d’enrobé pour l’aménagement de la voirie de son centre de contrôle technique, pour un montant initial de 11.970,74 euros HT. Les travaux, achevés en novembre 2018, ont été facturés 13.370,74 euros HT. Cependant, M. [U], gérant de la SARLU, a constaté des désordres et a sollicité une expertise amiable, suivie d’une expertise judiciaire. Le tribunal de commerce de Tarbes a jugé que la réception des travaux avait eu lieu le 21 novembre 2018, que les désordres n’étaient pas visibles à ce moment-là, et a ordonné la reprise des travaux, condamnant AGTP à verser 18.034,80 euros TTC à la SARLU. AGTP a interjeté appel, contesté la visibilité des désordres et demandé une réduction des montants dus. La SARLU a également fait appel, demandant des indemnités pour préjudice de jouissance et le remboursement des frais d’expertise. La cour a confirmé en partie le jugement initial, condamnant AGTP à verser des indemnités pour préjudice de jouissance et des frais d’expertise, tout en déboutant AGTP de sa demande d’indemnisation.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Numéro 24/03112
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 15/10/2024
Dossier : N° RG 23/00749
N° Portalis DBVV-V-B7H-IPBB
Nature affaire :
Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
Affaire :
S.A.S. ALVES GENERATION TRAVAUX PUBLICS (AGTP)
C/
S.A.R.L.U [U] CONTROLE TECHNIQUE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 15 Octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 09 Septembre 2024, devant :
Madame BLANCHARD, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame DEBON, remplissant les fonctions de greffière présente à l’appel des causes,
Madame BLANCHARD, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. ALVES GENERATION TRAVAUX PUBLICS (AGTP) Prise en la personne de son représentant légal demeurant et domicilié es-qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée et assistée de Me Frédéric BERNAL de la SCPA COUDEVYLLE/LABAT/BERNAL, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A.R.L.U [U] CONTROLE TECHNIQUE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée et assistée de Me Christophe JEAN-LOUIS, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 13 FEVRIER 2023
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES
RG numéro : 2022000893
Suivant devis initial d’un montant de 11.970,74 euros HT en date du 28 juin 2018, la SARLU [U] Contrôle Technique a confié à la SAS Alves Génération Travaux Publics (ci-après AGTP), des travaux de réalisation d’un enrobé pour l’aménagement de la voirie du centre de contrôle technique qu’elle exploite au [Adresse 3] à [Localité 4].
Les travaux ont été achevés en novembre 2018, ce qui a donné lieu à une facture du 21 novembre 2018 (n° 18-0066) transmise par la SAS AGTP à la SARLU [U] Contrôle Technique pour un montant de 13.370,74 euros HT soit 16.044,89 euros TTC.
Les travaux réalisés n’ont pas donné satisfaction à M. [U], gérant de la SARLU [U] Contrôle Technique.
La SARLU [U] Contrôle Technique a adressé un courrier en lettre recommandée avec accusé de réception daté du 28 février 2019, faisant état d’une liste de désordres.
Elle a fait intervenir M. [I] [D] du cabinet Expert Bâtiment d’Occitanie, aux fins de constater les désordres et manquements.
Un rapport d’expertise amiable daté du 08 juillet 2019 a été établi par M. [D].
La SAS AGTP n’a formulé aucune réponse aux demandes de la SARLU [U] Contrôle Technique suite aux désordres communiqués et identifiés lors de l’expertise amiable.
Par acte du 29 août 2019, la SARLU [U] Contrôle Technique a assigné en référé la SAS AGTP aux fins d’expertise judiciaire.
Par ordonnance du 22 octobre 2019, le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise judiciaire.
Le rapport d’expertise a été déposé le 20 janvier 2021.
Par acte du 23 mai 2022, la SARLU [U] Contrôle Technique a assigné la SAS AGTP devant le tribunal de commerce de Tarbes.
Par jugement contradictoire du 13 février 2023, le tribunal de commerce de Tarbes a :
– dit que la réception du chantier est intervenue le 21 novembre 2018 ;
– dit que l’ensemble des désordres n’étaient pas visibles par la SARLU [U] Contrôle Technique le jour de la réception du chantier ;
– dit qu’il y a lieu de reprendre l’aménagement du parking selon les conclusions de l’expert judiciaire ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 18.034,80 euros TTC ;
– débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande de faire payer à la SAS Alves Génération Travaux Publics les frais d’expertise amiable de M. [I] [D] ;
– débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande de faire payer à la SAS Alves Génération Travaux Publics la somme de 1.500 euros à titre de réparation financière du trouble de jouissance subi pendant la durée des travaux à venir ;
– débouté les parties de leurs autres demandes ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.
Le tribunal a considéré :
– qu’il est acquis que la SARLU [U] Contrôle Technique a pris possession de l’ouvrage et a réglé I’intégralité du montant du marché dès le 21 novembre 2018, date de l’émission de la facture,
– qu’au regard de la jurisprudence constante selon laquelle la prise de possession de l’ouvrage conjuguée au paiement du solde du prix font présumer l’univocité de la réception avec ou sans réserve, du rapport de l’expert et du courrier de la SARLU [U] Contrôle Technique, la réception du chantier est intervenue le 21 novembre 2018,
– que l’expert judiciaire a donné un avis défavorable quant à la qualité des travaux réalisés pour chacun des cinq désordres ; qu’il a rappelé que certaines zones ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur pour un établissement recevant du public,
– que le gérant de la SARLU [U] Contrôle Technique n’a aucune compétence en construction,
– que le caractère apparent des désordres au jour de la réception du chantier, n’est pas démontré,
– que l’ensemble de ces désordres constitue un manquement contractuel à l’obligation de résultat,
– qu’il y a lieu de condamner la SAS AGTP à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 18.034,80 euros TTC afin de remettre en état le chantier et de le rendre conforme à son usage normal,
– que la SARLU [U] Contrôle Technique a décidé de son propre chef de solliciter M. [D] du cabinet d’expert Bâtiment d’Occitanie afin de mener une expertise amiable, de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande de condamnation au paiement à l’encontre de la SAS AGTP,
– que la SARLU [U] Contrôle Technique doit être déboutée de sa demande de condamnation à l’encontre de la SAS AGTP, de la somme de 1.500 euros sur le fondement du trouble de jouissance subi pendant la durée des travaux.
Par déclaration du 10 mars 2023, la SAS Alves Génération Travaux Publics a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a :
– dit que l’ensemble des désordres n’étaient pas visibles par la SARLU [U] Contrôle Technique le jour de la réception du chantier ;
– dit qu’il y a lieu de reprendre l’aménagement du parking selon les conclusions de l’expert judiciaire ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de dix-huit mille trente quatre euros et quatre-vingt centimes (18.034,80 euros TTC) ;
– débouté la SAS Alves Génération Travaux Publics de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de deux-mille euros 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 04 décembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Alves Génération Travaux Publics, appelante, demande à la cour de :
Vu les articles 1792 et suivants et 1101 et suivants du code civil ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu le jugement de première instance rendu par le Tribunal de commerce de Tarbes le 13 février 2023 ;
Vu les pièces versées aux débats ;
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tarbes le 13 février 2023 en ce qu’il a :
– Dit que la réception du chantier est intervenue le 21 novembre 2018 ;
– Débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande de faire payer à la SAS Alves Génération Travaux Publics les frais d’expertise amiable de M.[I] [D] ;
– Débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande de faire payer à la SAS Alves Génération Travaux Publics la somme de 1.500 euros à titre de réparation financière du trouble de jouissance subi pendant la durée des travaux à venir ;
– Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tarbes le 13 février 2023 en ce qu’il a :
– Dit que l’ensemble des désordres n’étaient pas visibles par la SARLU [U] Contrôle Technique le jour de la réception du chantier ;
– Dit qu’il y a lieu de reprendre l’aménagement du parking selon les conclusions de l’expert judiciaire ;
– Condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de dix-huit mille trente-quatre euros et quatre-vingt centimes (18.034,80 euros TTC) ;
– Débouté la SAS Alves Génération Travaux Publics de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de deux-mille euros 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire ;
Statuant à nouveau,
– Dire et juger que l’ensemble des désordres dénoncés par la SARLU [U] Contrôle Technique étaient visibles à la réception ;
A titre principal,
– Débouter la SARLU [U] Contrôle Technique de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la SARLU [U] Contrôle Technique à verser à la SAS AGTP la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la SARLU [U] Contrôle Technique aux entiers dépens de la procédure de référé, de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire;
A titre subsidiaire,
– Limiter à la somme de 4.470 euros le montant des travaux de reprise ;
– Limiter à la somme de 4.470 euros le montant de la condamnation éventuellement prononcée à l’encontre de la SAS Alves Génération Travaux Publics ;
– Dire et juger que la SARLU [U] Contrôle Technique devra supporter la charge de ses propres frais et dépens, en ce compris le coût de son expertise amiable et de l’expertise judiciaire ;
Dans tous les cas,
– Débouter la SARLU [U] Contrôle Technique de son appel incident.
Au soutien de son appel, la SAS Alves Génération Travaux Publics fait valoir:
– que l’expert judiciaire n’a pu que constater que la réception des travaux était bel et bien intervenue de manière tacite le 21 novembre 2018,
– que selon le rapport d’expertise judiciaire, la seule place de stationnement accessible aux handicapés est compromise dans son utilisation et une légère zone localisée près du portail est impropre à l’usage, ce qui exclut le caractère décennal des désordres relevés sur l’ensemble de la zone concernée par les travaux et l’impropriété à destination,
– que le tribunal de commerce de Tarbes a fait une lecture correcte tant du rapport d’expertise judiciaire, que du courrier avec accusé de réception du 28 février 2019 pour retenir que la réception du chantier est intervenue le 21 novembre 2018,
– que les désordres dénoncés n’ont pas connu la moindre évolution entre le 21 novembre 2018 et le 28 février 2019, de sorte qu’il ne peut être invoqué une impossibilité de déceler l’ampleur et les conséquences desdits désordres à la réception,
– que les désordres ne peuvent faire l’objet d’un quelconque recours à ce jour, sur le fondement de la responsabilité décennale ou sur les autres fondements,
– que ce n’est que dans une hypothèse d’impossibilité technique de procéder à une reprise partielle (possible en l’espèce), que le seul chiffrage du remplacement s’impose, de sorte que le tribunal de commerce a commis une erreur en disant qu’il y avait lieu de reprendre l’aménagement du parking en la condamnant à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique, la somme de 18.034,80 euros TTC,
– qu’elle ne peut être condamnée à payer une somme supérieure à celle de 4.470 euros correspondant au coût de travaux de reprise qui sont parfaitement conformes aux règles de l’art,
– que la réalité du trouble de jouissance invoqué par la SARLU [U] Contrôle Technique n’est en aucun cas démontrée dans la mesure où la configuration des lieux peut permettre de procéder en deux phases avec un accès permanent à l’intérieur du bâtiment au sein duquel il est procédé au contrôle technique des véhicules confiés ;
– qu’elle ne démontre pas que lorsque l’enrobé litigieux a été réalisé, elle a été contrainte de suspendre son activité et de subir un trouble de jouissance,
– que si M. [D] a dû intervenir pour produire un rapport le 08 septembre 2019 à la demande de la SARLU [U] Contrôle Technique, c’est simplement pour pallier la carence de cette dernière lors de la réception des travaux, de sorte qu’elle doit conserver à sa charge, le montant de la facture.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 04 septembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SARLU [U] Contrôle Technique, intimée et appelante incident, demande à la cour de :
Y venir la SAS Alves Génération Travaux Publics, susnommée
Vu les articles 1792 et suivants du code civil ou alternativement les articles 1101 et suivants du même code
– Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que la réception de chantier est intervenue le 21 novembre 2018 ;
– dit que l’ensemble des désordres n’était pas visibles par la SARLU [U] Contrôle Technique le jour de la réception du chantier ;
– dit qu’il y a lieu de reprendre l’aménagement du parking selon les conclusions de l’expert judiciaire ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 18.034,80 euros TTC;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais de l’expertise judiciaire ;
– Infirmer le jugement en ce qu’il a :
– Débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande de faire payer à la SAS Alves Génération Travaux Publics les frais d’expertise amiable de M. [D],
– Débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande de faire payer à la SAS Alves Génération Travaux Publics la somme de 1.500 euros à titre de réparation financière du trouble de jouissance pendant la durée des travaux à venir,
Statuant à nouveau :
– Condamner la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la concluante la somme de 1.500 euros à titre de réparation du trouble de jouissance qui sera subi pendant la durée d’un semaine de travaux.
– Condamner la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la concluante la somme de 780 euros TTC correspondant à la facture de M. [D] acquittée par elle.
Y ajoutant :
– Condamner la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la concluante la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En tout état de cause :
– Débouter la SAS Alves Génération Travaux Publics de toute conclusion contraire aux présentes.
Au soutien de ses conclusions, la SARLU [U] Contrôle Technique fait valoir:
– qu’il est constant que le gérant de la SARLU [U] Contrôle Technique n’a aucune compétence en matière de construction, eu égard à son activité de contrôleur technique automobile, de sorte que la visibilité de ces désordres n’est pas démontrée,
– qu’au regard des constatations de l’expert judiciaire, les désordres n’étaient pas visibles dans leur ampleur et leurs conséquences,
– que la prestation de la SAS Alves Génération Travaux Publics a été défectueuse sur plusieurs points, notamment le dévers de place de parking ERP qui est supérieur à 2% (« impropriété à l’utilisation »), l’absence de régularité de l’enrobé et sa dégradation prématurée (« atteinte à la solidité de la zone près du portail ») avec un seuil de porte du bureau d’accueil supérieur aux normes,
– que la responsabilité de la SAS Alves Génération Travaux Publics est entière,
– que si la cour ne retenait pas la condamnation de la SAS Alves Génération Travaux Publics sur le fondement de la garantie décennale, elle pourrait parfaitement la retenir sur le fondement des dommages intermédiaires qui supposent une faute contractuelle,
– que l’expert judiciaire affirme que la réparation partielle ne serait pas satisfactoire, de sorte que la réparation intégrale du préjudice matériel subi reste la réfection totale de l’enrobé,
– que le tribunal de commerce de Tarbes a donc parfaitement retenu, au regard des conclusions du rapport de l’expertise judiciaire, qu’il y a lieu de reprendre l’aménagement du parking et de condamner la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer la somme de 18.304,80 euros TTC à la SAS [U] Contrôle Technique,
– qu’il est incontestable que la réalisation des travaux de réfection de l’enrobé, lequel constitue l’intégralité de la surface de passage des véhicules, va engendrer un trouble de jouissance pendant la durée des travaux qui a été évaluée à une semaine, de sorte qu’il y a lieu de condamner la SAS Alves Génération Travaux Publics à lui payer la somme de 1.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
– qu’il est non moins incontestable que l’intervention de M. [D] a permis l’engagement d’une procédure de référé expertise et que le montant de sa facture doit donc lui être remboursé,
– qu’il y a lieu de condamner la SAS Alves Génération Travaux Publics à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 03 juillet 2024.
Sur la nature des désordres :
Les travaux litigieux concernent l’aménagement sur une surface d’environ 370 m² de la cour d’accès servant de parking au centre de contrôle technique exploité par la SARLU [U] Contrôle Technique, avec notamment la réfection de l’enrobé, la pose d’un puisard et la matérialisation d’une place de parking pour personnes handicapées.
Il n’est pas discuté entre les parties devant cette cour que la réception tacite du chantier a eu lieu le 21 novembre 2018, les travaux étant achevés et intégralement payés.
Les parties discutent en revanche du caractère apparent ou non des désordres.
Aucun procès-verbal de réception n’ayant été établi, les désordres évoqués par la SARLU [U] Contrôle Technique n’ont pas fait l’objet de réserve à cette date, ils ont été dénoncés à la SAS Alves Génération Travaux Publics officiellement par courrier recommandé du 28 février 2019 après plusieurs échanges téléphoniques entre les parties.
Ainsi le gérant de la SARLU [U] Contrôle Technique dénonçait les désordres suivants:
-regard de puisard trop haut
-pente non respectée (2%)
-dévers de place de parking ERP supérieur à 2%
-enrobé non régulier
-dégradation prématurée de l’enrobé.
La SAS Alves Génération Travaux Publics n’a pas donné suite à ce courrier, et la SARLU [U] Contrôle Technique a fait diligenter une expertise amiable dont le rapport confirme l’existence des désordres dénoncés et précise que la place pour PMR n’est pas conforme à la réglementation, que l’enrobé présente différents creux et bosses et se détériore, sans doute en raison d’un compactage insuffisant.
L’expertise judiciaire du 20 janvier 2021 confirme les irrégularités du revêtement, sa désagrégation par endroits, et note ‘ le parking pour personnes handicapées est impropre à sa destination, affecté dans l’un de ses éléments de constitution : pente en devers de 4.5% non conforme au cadre législatif et réglementaire suivant l’arrêté du 20 avril 2027 – article 3″.
Il indique qu’un relevé altimétrique au laser a été nécessaire pour confirmer l’existence du désordre ; celui-ci n’était donc pas visible à la réception, étant rappelé que le maître de l’ouvrage est profane en la matière.
L’enrobé est par ailleurs irrégulier en raison d’un défaut de compactage et fait apparaître des creux de faible profondeur où l’eau stagne, ce désordre non visible à la réception le jour de l’achèvement des travaux s’est révélé peu de temps après, dès le premier épisode pluvieux, et a conduit la SARLU [U] Contrôle Technique à le signaler à la SAS Alves Génération Travaux Publics.
L’expert relève par ailleurs que le puisard a été implanté en point haut mais que ceci ne constitue pas une malfaçon en soi car il remplit sa fonction de drainage, le couvercle en point haut n’ayant pas pour fonction de collecter l’eau, contrairement aux trois points de collecte constitués de regards à grille correctement en pente vers l’intérieur du puisard.
Par contre, il indique que ‘le désordre lié à ce point haut est un défaut des dispositions fonctionnelles lié au passage de véhicules sur le couvercle métallique du puisard, une irrégularité de la chaussée, une bosse de l’enrobé autour du couvercle’. Ce désordre était visible à la réception de l’ouvrage.
Enfin, l’enrobé se dégrade prématurément par endroit, cette dégradation est apparue peu de temps après la réception.
L’expert conclut que l’usage du stationnement automobile accessible aux PMR est compromis, pour cause de non conformité à la réglementation en vigueur, et que la solidité de la voirie est atteinte dans la zone près du portail au regard de la désagrégation du revêtement.
Il attribue les désordres :
-pour le dévers de la place PMR, à une faute de conception et une erreur d’exécution imputables à la SAS Alves Génération Travaux Publics,
-pour l’enrobé irrégulier avec défauts de compactage entraînant stagnation de l’eau, à des problèmes de mise en oeuvre de l’enrobé et un défaut d’exécution,
-pour la dégradation prématurée de l’enrobé, à un manque d’homogénéité de la mise en oeuvre des matériaux, constituant une erreur d’exécution.
Ces désordres rendent l’ouvrage impropre à l’usage auquel il est destiné.
Au regard de ces constatations expertales, non utilement remises en cause par les éléments et conclusions de la SAS Alves Génération Travaux Publics, la cour confirmera le jugement entrepris ayant considéré que ces désordres non apparents affectant l’ouvrage dans l’un de ses éléments constitutifs constituent des désordres de nature décennale entraînant la responsabilité de plein droit de la SAS Alves Génération Travaux Publics, seule l’implantation du puisard n’étant pas concernée puisque ce désordre apparent a été accepté par le maître de l’ouvrage lors de la réception.
Sur les préjudices résultant des désordres :
L’expert judiciaire conclut qu’une reprise partielle de l’enrobé, comme le demandait le conseil de la SAS Alves Génération Travaux Publics dans son dire, ‘n’est pas suffisante pour rendre l’immeuble conforme avec toutes les prescriptions du marché conclu et ses diverses fonctions légitimes et ce, en respectant la conformité et sans être affecté d’une moins value. Cette solution partielle comporterait une perte importante de qualité esthétique, un préjudice de la qualité générale. Le demandeur se retrouverait avec un parking à raccords à la place d’un parking neuf’.
La SAS Alves Génération Travaux Publics maintient à titre subsidiaire qu’une reprise partielle de l’enrobé doit être envisagée, or la réparation intégrale du préjudice subi par la SARLU [U] Contrôle Technique implique de valider les conclusions de l’expert et d’ordonner la reprise totale de l’ouvrage.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 18.304,80 € TTC correspondant au devis de l’entreprise COLAS pour la reprise totale de l’ouvrage.
La SARLU [U] Contrôle Technique invoque également un préjudice de jouissance, en expliquant à juste titre que l’expert chiffre à une semaine la durée des travaux et que, durant ceux-ci, son parking sera inutilisable par elle-même et ses clients.
Ainsi la cour allouera à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts, par infirmation du jugement ayant rejeté cette demande.
Enfin, il sera alloué à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 780 € TTC correspondant aux frais d’expertise amiable, lesquels ont été nécessaires pour lui permettre d’exercer son action en référé puis au fond, et d’être rétablie dans ses droits. Le jugement sera également infirmé sur ce point.
Sur le surplus des demandes :
La SAS Alves Génération Travaux Publics, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré ainsi qu’aux dépens d’appel et à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s’ajoutant à celle allouée à la SARLU [U] Contrôle Technique en première instance.
La demande de la SAS Alves Génération Travaux Publics au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a débouté la SARLU [U] Contrôle Technique de sa demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance et de sa demande en remboursement de frais d’expertise amiable,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Alves Génération Travaux Publics à payer à la SARLU [U] Contrôle Technique les sommes suivantes :
-1.500 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance,
-780 € pour frais d’expertise amiable,
-2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel,
DEBOUTE la SAS Alves Génération Travaux Publics de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Alves Génération Travaux Publics aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE