Engagement de caution : Validité, forclusion et déchéance des intérêts en question

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Engagement de caution : Validité, forclusion et déchéance des intérêts en question

La S.A. Banque Courtois a accordé un prêt de 280’000 euros à la S.A.R.L Fun Bike, garanti par un acte de cautionnement de M. [C] pour 182’000 euros. Après l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire pour Fun Bike en 2011, la Banque a déclaré une créance de 218’483,92 euros. Un plan de redressement a été arrêté en 2012, mais la société a été liquidée en 2020. La Banque a mis en demeure M. [C] de régler 25’126,19 euros, puis l’a assigné en justice. Le tribunal a validé l’acte de caution, condamnant M. [C] à payer cette somme, tout en prononçant la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d’information. M. [C] a fait appel, demandant l’annulation de l’acte de caution et la restitution de 30’000 euros. La Société Générale, issue de la fusion avec la Banque Courtois, a formé un appel incident pour obtenir le paiement de la somme due et des intérêts. La cour a confirmé le jugement sauf pour la condamnation de M. [C] à payer la somme due, déboutant la Société Générale de ses demandes et lui imposant des dépens.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
23/01570
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 15 OCTOBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/01570 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PYMZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 14 NOVEMBRE 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2021 003780

APPELANT :

Monsieur [F] [C]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10] (34)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Samuel TALLON, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Aziza BATAL-GROSCLAUDE, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

S.A. SG COURTOIS

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Camille DUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER susbtituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS

PARTIE INTERVENANTE :

SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits et obligations de la société CREDIT DU NORD, Société Anonyme au capital de 890.263.248,28 euros, dont le siège est sis [Adresse 2], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LILLE METROPOLE sous le numéro 456 504 851, en vertu d’un traité de fusion par absorption en date du 15 juin 2022, publié au BODACC le 29 juin 2022 (n°1223) et devenue définitive en date du 1er Janvier 2023, laquelle société CREDIT DU NORD est précédemment venue aux droits de la BANQUE COURTOIS (SUCCESSEUR DE L’ANCIENNE MAISON COURTOIS & CIE DEPUIS 1760), Société anonyme à directoire et conseil de surveillance, ayant son siège social sis [Adresse 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de TOULOUSE sous le numéro 302 182 258, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès-qualités audit siège, en vertu d’un traité de fusion par absorption en date du 15 juin 2022, publié au BODACC le 29 juin 2022 (n°748) et devenue définitive en date du 1er Janvier 2023,

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Camille DUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER susbtituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 20 Août 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 SEPTEMBRE 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

FAITS ET PROCÉDURE :

La S.A. Banque Courtois a été en relation d’affaires avec la S.A.R.L Fun Bike dont le gérant était M. [F]-[C].

Par acte sous seing privé du 13 décembre 2007, la Banque Courtois a consenti à la société Fun Bike un prêt d’un montant principal de 280’000 euros accordé à un taux de 5.90% l’année, amortissable au moyen de 84 mensualités successives de 4 076,99 euros chacune.

Ce prêt était notamment garanti par un acte cautionnement en date du 29 novembre 2007 consenti par M. [C], en qualité de caution personnelle et solidaire, à hauteur de 182’000 euros dans la limite de 50 % de l’encours du prêt.

Par jugement du 2 février 2011, le tribunal de commerce de Béziers a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Fun Bike et a désigné Me [Y] [I] en qualité de mandataire à la procédure.

Le 7 avril 2011 la Banque Courtois a déclaré sa créance auprès de Me [I], ès qualités, pour un montant de 218’483,92 euros à titre chirographaire.

Suivant jugement du 29 février 2012, le tribunal de commerce de Béziers a arrêté un plan de redressement d’une durée de dix ans.

Dans le cadre de cette procédure collective, un certificat d’admission de créance a été dressé à hauteur de la somme de 146’959,86 euros.

Par jugement du 4 avril 2020, le tribunal de commerce de Béziers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Fun Bike et a désigné la SELARL [H] [D], représentée par M. [H] [D], en qualité de mandataire liquidateur.

Par lettre du 16 juillet 2020, la Banque Courtois a vainement mis en demeure M. [C] de régler les sommes dues.

Par jugement du 10 février 2021, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Par lettre du 22 juin 2021, la Banque Courtois a mis en demeure M. [C], en sa qualité de caution personnelle et solidaire, de régler la somme de 25’126,19 euros.

Par exploit d’huissier du 27 octobre 2021, la Banque Courtois a assigné M. [C] devant le tribunal de commerce de Béziers aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 25’126,19 euros au titre de sa qualité de caution personnelle et solidaire.

Par jugement contradictoire du 14 novembre 2022, le tribunal de commerce de Béziers a’:

– prononcé la validité de l’acte de caution du 29 novembre 2007′;

– jugé l’action engagée à l’égard de M. [C] par la Banque Courtois recevable et non prescrite’;

– condamné M. [C], en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Fun Bike à payer à la Banque Courtois, la somme de 25’126,19 euros, au titre du solde du prêt consenti en date du 13 décembre 2007′;

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d’information annuelle de la caution’;

– débouté la Banque Courtois du surplus de ses demandes’;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit’;

– rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées’;

– et condamné M. [C] à payer la somme de 2’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Le 1er janvier 2023, la Banque Courtois a fusionné avec la Société Générale pour devenir la société SG Courtois.

Par déclaration du 22 mars 2023, M. [C] a relevé appel de ce jugement qui lui a été signifié le 23 février 2023.

Par conclusions du 6 août 2024, il demande à la cour, au visa des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, des articles 2224, 2246 du code civil et de l’article 122 du code de procédure civile, de :

– infirmer le jugement entrepris’;

statuant à nouveau

à titre principal

– prononcer la nullité de l’acte de caution du 29 novembre 2007 eu égard aux irrégularités affectant la mention manuscrite’;

– rejeter des demandes formées par la Banque Courtois dirigées à son encontre’;

– condamner la Banque Courtois à lui restituer la somme de 30 000 euros encaissée au titre de la convention de gage-espèces’;

à titre subsidiaire

– constater la forclusion de l’action de la Banque Courtois tendant à l’exécution des actes de cautionnement du 29 novembre 2007′;

– prononcer l’irrecevabilité des demandes formées par la Banque Courtois’;

à titre plus subsidiaire

– enjoindre à la Banque Courtois de produire un décompte de la dette en principal prenant en compte la déchéance du droit aux intérêts en imputant les paiements opérés par la débitrice principale sur le capital restant dû’;

– juger qu’à défaut pour la Banque Courtois de produire un décompte expurgé des intérêts au taux conventionnel déduction faite de la somme de 30 000 euros encaissée au titre de la convention de gage-espèces, l’intégralité de ses demandes seront purement et simplement rejetées’;

en tout état de cause

– et condamner la Banque Courtois au paiement de la somme de 4’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions du 28 août 2023, formant appel incident, la société Générale intervenante volontaire venant aux droits et obligations de la société Crédit du Nord, précédemment venue aux droits de la Banque Courtois, demande à la cour, au visa des articles 328 et suivants du code de procédure civile, des articles 1134 et suivants et 2288 et suivants anciens du code civil, des articles L. 313-22, L. 341-2 et L. 341-3 anciens du code de la consommation et de l’article L. 622-25-1 du code de commerce, de’:

– rejeter toutes demandes contraires ;

– prendre acte de l’intervention volontaire de la Société Générale aux lieu et place de la société Banque Courtois suite aux opérations de fusion intervenues;

– déclarer son appel incident recevable et bien fondé ;

y faisant droit

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d’information annuelle de la caution, l’a débouté du surplus de ses demandes et a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondée ;

statuant à nouveau

– condamner M. [F] [C] à lui payer en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Fun Bike, la somme de 25 126,19 euros au titre du solde du prêt consenti le 13 décembre 2007, outre intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021 ;

– juger que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts ;

– confirmer pour le surplus le jugement attaqué’;

– et condamner M. [F] [C] à lui payer la somme de 3’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est datée du 20 août 2024.

MOTIFS :

Sur la validité de l’acte de cautionnement

L’article L.331-1 du code de la consommation, applicable au litige, dispose que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : «’En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même’».

Ces dispositions visent à attirer l’attention de la caution sans qu’elle ait à se référer à des éléments extérieurs à cette mention, sur des points précis tenant au montant cautionné, à la durée et aux effets de la solidarité à l’égard du droit de poursuite du créancier mais également à l’identité du débiteur cautionné.

La mention manuscrite portée sur l’acte de cautionnement de M. [C] est la suivante : «’En me portant caution de la S.A.R.L Fun Bike, dans la limite de la somme de 182’000 euros (cent quatre-vingt deux mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 9 ans, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la S.A.R.L Fun Bike n’y satisfait pas elle-même. »

En réalité, M. [C] soutient que la somme de 182’000 euros de sa main est erronée, dans la mesure où l’acte de cautionnement précise au titre du montant garanti : 182’000 euros (cent quatre-vingt deux mille euros) incluant principal, intérêt, commissions, frais et accessoires y compris l’indemnité due en cas d’exigibilité anticipée, dans la limite de 50 % de l’encours du prêt en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, et que le prêt souscrit par la société Fun Bike est d’un montant de 280’000 euros, de sorte que 50 % du prêt correspondraient à 140’000 euros, et non à 182 000.

Cependant, d’une part la mention manuscrite rédigée par M. [C] est parfaitement conforme aux prescriptions de l’article L.331-1 précité contrairement à ce qu’il affirme, et d’autre part il n’existe pas davantage d’erreur quant à la somme mentionnée, correspondant à 50 % du montant du prêt incluant non seulement le principal, mais aussi les intérêts et les frais divers, qui au regard des pièces du dossier s’élève à la somme totale de 340’690,92 euros, sans les pénalités éventuelles, de sorte que le montant des 50 % du coût total du prêt est bien de 182’000 euros’ incluant l’ensemble des intérêts, frais et pénalités prévus au contrat.

Le moyen sera rejeté.

Sur la forclusion alléguée par M. [C]

M. [C] soutient que le délai de neuf ans mentionné dans l’acte de cautionnement ne constitue pas un délai de prescription mais un délai de forclusion, qui est insusceptible de suspension et d’interruption.

Il considère que le délai a commencé à courir à la date de l’acte de cautionnement, soit le 13 décembre 2007 et qu’il s’est donc achevé neuf années plus tard, soit le 13 décembre 2016, de sorte que l’action engagée par la banque serait forclose.

Cependant, la banque lui oppose exactement que le délai mentionné à l’acte de cautionnement de neuf années est un délai de prescription, correspondant à la durée de l’obligation de couverture, et non un délai de forclusion.

Le délai de prescription de cinq ans de l’article 2224 du code civil applicable en l’espèce, devant en principe s’achever le 13 décembre 2021, a été interrompu pendant toute la durée de la procédure collective du débiteur principal depuis la déclaration de créance du 7 avril 2011 jusqu’à la date de la clôture de la procédure collective de la société Fun Bike le 10 février 2021, de sorte que l’action engagée par la banque par son assignation du 27 octobre 2021 n’est pas prescrite.

La fin de non-recevoir tirée de la forclusion sera rejetée.

Sur la lettre d’engagement de blocage du compte courant d’associé

M. [C] a signé le 28 novembre 2007 une lettre d’engagement de blocage de son compte courant d’associé à hauteur de 30’000 euros.

Il sollicite de la banque qu’elle produise un décompte expurgé des intérêts au taux conventionnel, déduction faite de la somme de 30’000 euros au titre de la convention de gage-espèce.

Cependant, alors que la banque produit un décompte de sa créance d’un montant de 25’126,19 euros, il ne pèse pas sur elle la charge de la preuve quant à la communication de la situation du compte courant d’associé de M. [C] qui concerne ses relations, en sa qualité d’associé, avec les organes de la procédure collective.

M. [C] sera en conséquence débouté de sa demande formée de ce chef.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour défaut d’information annuelle de la caution.

M. [C] sollicite la confirmation de cette disposition, alors que la banque en sollicite l’infirmation sans développer aucun moyen sur ce point, et sans fournir aucune pièce relative à son obligation d’information dont en définitive elle ne justifie pas.

La déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque depuis l’origine doit être en conséquence confirmée.

Au regard du tableau d’amortissement du prêt de 280’000 euros souscrit par la société Fun Bike produits par la banque, faisant ressortir des intérêts pour un montant total de 54’867,78 euros, M. [C] n’est donc redevable d’aucune somme envers la banque au titre de son engagement de caution.

Le jugement sera partiellement réformé en ce sens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné M. [F] [C], en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Fun Bike à payer à la Banque Courtois, la somme de 25’126,19 euros, au titre du solde du prêt consenti en date du 13 décembre 2007,

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,

Déboute la S.A. Société Générale, venant aux droits et obligations de la S.A. Crédit du Nord, elle-même précédemment venue aux droits de la S.A. Banque Courtois de l’intégralité de ses demandes dirigées contre M. [F] [C] en sa qualité de caution,

Condamne la S.A. Société Générale aux dépens de première instance et d’appel,

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la S.A. Société Générale à payer à M. [F] [C] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes.

le greffier, la présidente,


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