Évaluation des obligations contractuelles et des conséquences financières d’un prêt personnel en cas de défaillance de l’emprunteur

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Évaluation des obligations contractuelles et des conséquences financières d’un prêt personnel en cas de défaillance de l’emprunteur

La société Banque française mutualiste a accordé un prêt personnel de 21 000 euros à M. [G] le 29 mars 2019, remboursable en 84 mensualités. M. [G] a manqué des paiements à partir du 5 novembre 2020, entraînant la déchéance du terme le 10 mars 2021. En juin 2022, la banque a assigné M. [G] pour obtenir le remboursement de 17 681,64 euros, une indemnité de résiliation de 1 293,76 euros, la capitalisation des intérêts, ainsi qu’une indemnité de 1 000 euros et le remboursement des dépens. Le jugement du 2 février 2023 a condamné M. [G] à payer les montants demandés, sauf pour la capitalisation des intérêts, et a accordé 500 euros à la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [G] a interjeté appel le 21 mars 2023, demandant l’infirmation du jugement et contestant la clause pénale. La banque a demandé la confirmation du jugement en appel. La cour a confirmé le jugement, sauf pour l’indemnité de résiliation, réduisant celle-ci à 650 euros, et a condamné M. [G] à payer 1 200 euros à la banque pour les frais de procédure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/01894
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 OCTOBRE 2024

N° RG 23/01894

N° Portalis DBV3-V-B7H-VX6T

AFFAIRE :

[V] [G]

C/

S.A. BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE (BFM), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 février 2023 par le juge des contentieux de la protection de Vanves

N° RG : 22-000359

Expéditions exécutoires

Expéditions

Délivrées le : 15/10/2024

à :

– Me Elisa FREDJ

– Me Dan ZERHAT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [V] [G]

Né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 4] (SENEGAL)

De nationalité Française

Demeurant : [Adresse 2]

Représentant : Me Elisa FREDJ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de Versailles, vestiaire : 603 – N° du dossier 230017

APPELANT

****************

La S.A. BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE (BFM)

Dont le siège social se situe : [Adresse 3], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de Versailles, vestiaire : 731 – N° du dossier 23078050

Représentant : Me Juliette LASSARA-MAILLARD, Plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 mai 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère et Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, président, (rédacteur)

Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,

Greffière, lors du prononcé de la décision : Madame Céline KOC,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 29 mars 2019, la société Banque française mutualiste, qui a pour objet de consentir des prêts à la consommation aux fonctionnaires et agents publics, dans le cadre d’un partenariat avec la société Société Générale, a consenti à M. [V] [G] un prêt personnel d’un montant de 21 000 euros, remboursable en 84 échéances mensuelles.

A compter de l’échéance du 5 novembre 2020, M. [G] a été défaillant dans le remboursement de son prêt et la déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 10 mars 2021.

Par acte du 20 juin 2022, la société Banque française mutualiste a assigné M. [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vanves afin de voir :

– condamner M. [G] à lui payer une somme de 17 681,64 euros avec intérêts au taux de 4,88% depuis le 10 mars 2021 jusqu’à complet paiement,

– condamner M. [G] à lui payer une somme de 1 293,76 euros à titre d’indemnité contractuelle, avec intérêts au taux légal depuis le 10 mars 2021,

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– condamner M. [G] à lui payer une somme de 1 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [G] aux entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 2 février 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Vanves a :

– condamné M. [G] à payer à la société Banque française mutualiste une somme de 17 681,64 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 4,88% depuis le 10 mars 2021,

– condamné M. [G] à payer à la société Banque française mutualiste une somme de 1293,76 euros à titre d’indemnité de résiliation, ladite somme produisant intérêts au taux légal depuis le 20 juin 2022,

– débouté la société Banque française mutualiste de ses prétentions en capitalisation des intérêts,

– condamné M. [G] à payer à la société Banque française mutualiste une somme de 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [G] aux dépens.

Par déclaration déposée au greffe le 21 mars 2023, M. [G] a relevé appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 22 juin 2023, M. [G], appelant, demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel à l’encontre du jugement rendu le 2 février 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vanves,

– infirmer ledit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Banque française mutualiste de ses prétentions en capitalisation des intérêts,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– constater le caractère manifestement disproportionné de la clause pénale avec un taux s’élevant à 8%.

En conséquence,

– débouter la société Banque française mutualiste de sa demande de condamnation à ce titre à son encontre,

A titre reconventionnel,

– le recevoir et le déclarer bien-fondé en ses demandes reconventionnelles,

– juger que la société Banque française mutualiste n’a pas satisfait à son devoir de mise en garde,

En conséquence,

– condamner la société Banque française mutualiste à lui verser le montant de la condamnation qui sera prononcée à son encontre,

– ordonner la compensation entre cette somme et toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au titre du prêt qu’il a contracté le 29 mars 2019 auprès de la société Banque française mutualiste,

A titre subsidiaire,

– réduire le taux de 8% de la clause pénale du contrat de prêt à plus justes proportions,

– lui octroyer les délais de paiement les plus larges pour s’acquitter des sommes au paiement desquelles il serait condamné,

En tout état de cause,

– condamner la société Banque française mutualiste à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 26 juillet 2023, la société Banque française mutualiste, intimée, demande à la cour de :

– débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement rendu le 2 février 2023 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Vanves en toutes ses dispositions,

– condamner M. [G] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [G] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 21 mai 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur le caractère manifestement excessif de l’indemnité de résiliation anticipée de 8 % du capital restant dû

Moyens des parties

M. [G] fait grief au premier juge de l’avoir condamné à payer une indemnité de résiliation anticipée de 8 % du capital restant dû, représentant une somme de 1 293, 76 euros, sans s’interroger sur le caractère disproportionné d’une telle clause.

Il fait valoir que la clause pénale de 8 % est deux fois supérieure au taux d’intérêt contractuel qui est de 4,88 % et que ses revenus, de magasinier à la ville de [Localité 5], s’élevaient au moment où le prêt lui a été consenti à 1 300 euros nets par mois.

Il prie la cour de bien vouloir débouter la banque de sa demande en paiement au titre de la clause pénale, et, à titre subsidiaire, de réduire les sommes dues au titre de la clause pénale à de plus justes proportions.

La banque s’oppose à cette demande en explicitant que cette indemnité est due, dès lors qu’elle a été prévue par les parties aux termes d’un contrat qui fait la loi entre elles et qu’elle est conforme, s’agissant de son montant, aux dispositions de l’article D. 312-16 du code de la consommation.

Réponse de la cour

L’article D.312-16 du Code de la consommation dispose que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39 du même code, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance

En application de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut ‘ modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire’.

En l’espèce, la clause pénale de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par la banque et du taux des intérêts conventionnels, et doit être réduite à la somme de 650 euros.

II) Sur la responsabilité de la banque

Moyens des parties

M. [G] soutient que la banque a manqué à son devoir de mise en garde en lui accordant un prêt disproportionné par rapport à ses ressources.

Il considère que l’organisme lui a ainsi fait perdre une chance de ne pas contracter et que cette perte de chance doit être réparée par la condamnation de la banque à lui payer un montant de dommages et intérêts égal à celui de la condamnation prononcée à son encontre.

La banque intimée de répliquer qu’elle n’a pas manqué à son devoir de mise en garde, dès lors qu’elle s’est fiée aux informations communiquées par l’emprunteur, qui a justifié de ses revenus, et que, compte tenu des revenus et des charges déclarées par M. [G], le ratio d’endettement de ce dernier, qui était de 31 %, demeurait inférieur au maximum acceptable de 33 %.

Elle précise que, même si responsabilité devait être retenue, le montant des dommages et intérêts ne pourrait être équivalent à celui des sommes empruntées, parce qu’il convient de tenir compte de la probabilité qu’aurait eu l’emprunteur de contracter s’il avait été mis en garde.

Réponse de la cour

Le banquier est tenu à l’égard de ses clients, emprunteurs profanes, d’un devoir de mise en garde.

Ce devoir l’oblige à vérifier les capacités financières de son client avant d’apporter son concours, et à l’avertir si cette vérification fait apparaître que le crédit sollicité n’est pas adapté à sa situation, au regard de son patrimoine et de ses revenus.

Au cas d’espèce, M. [G], agent de la ville de [Localité 5], a rempli une fiche de dialogue, sur laquelle il a indiqué disposer d’un salaire mensuel de 1 569 euros – salaire net imposable annuel de 18 832, 36 euros – et mentionné que le total des crédits qu’il devait rembourser avant souscription de son prêt s’élevait à 188 euros par mois, si bien qu’ajouté à la mensualité de son nouveau crédit (301,93 euros), le total mensuel de ses charges s’établissait à 489,93 euros, soit un ratio d’endettement de 31, 22 %, inférieur au taux maximal communément admis, aucune réglementation juridique ou bancaire ne fixe un niveau d’endettement maximum.

Sont joints à la fiche de dialogue, plusieurs bulletins de paye de M. [G] permettant de vérifier sa qualité d’agent titulaire de la mairie de [Localité 5] et son salaire net annuel (bulletin de paye du mois de décembre 2018).

Il n’est donc pas établi, contrairement à ce que soutient M. [G], qu’au regard de sa situation financière, la souscription du prêt litigieux présentait pour lui un risque d’endettement excessif contre lequel il aurait dû être mis en garde par la banque.

Par suite, l’appelant sera débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

III) Sur la demande de délais de paiement de M. [G]

Moyens des parties

M. [G] sollicite des délais de paiement pour s’acquitter de sa dette.

La banque s’oppose à cette demande en faisant valoir que M. [G] ne produit aucun justificatif à l’appui de sa demande.

Réponse de la cour

En vertu de l’article 1345-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge, peut dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Tel aménagement de la dette n’est toutefois envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et que les propositions faites pour l’apurement de la dette permettent à celui-ci de s’en acquitter dans le respect des droits du créancier.

En outre, l’octroi de délais de paiement n’est pas de plein droit.

Au cas d’espèce, au regard de l’importance de la dette, supérieure à 18 000 euros, des revenus dont l’appelant fait état, et de l’absence de toute proposition de versement et pièces justificatives au soutien de la prétention, la demande de M. [G], qui n’a pas mis à profit les délais de la procédure d’appel dont il a bénéficié pour commencer à apurer sa dette, ne pourra qu’être rejetée.

IV) Sur les dépens

M. [G], qui succombe pour l’essentiel, sera condamné aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens, étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant condamné M. [V] [G] à payer à la société Banque française mutualiste une somme de 1293,76 euros à titre d’indemnité de résiliation, ladite somme produisant intérêts au taux légal depuis le 20 juin 2022 ;

Statuant à nouveau du seul chef infirmé :

Condamne M. [V] [G] à payer à la société Banque française mutualiste une somme de 650 euros à titre d’indemnité de résiliation, ladite somme produisant intérêts au taux légal depuis le 20 juin 2022 ;

Déboute M. [V] [G] du surplus de ses demandes, ainsi que de ses demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts et aux fins d’obtenir des délais de paiement ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [V] [G] à payer à la société Banque française mutualiste une indemnité de 1 200 euros ;

Condamne M. [V] [G] aux dépens de la procédure d’appel.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le président


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