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Mme [U] [P] était propriétaire d’un véhicule Peugeot RCZ. Le 15 septembre 2020, elle a confié le véhicule à la SAS Urien-Lubert pour des dysfonctionnements mécaniques. Le garage a effectué des réparations, y compris le remplacement du joint de culasse le 9 octobre 2020 pour un montant de 2 857,58 euros. Le 25 octobre 2020, un incendie s’est déclaré dans le compartiment moteur, entraînant la destruction totale du véhicule. Une expertise non judiciaire a eu lieu le 11 décembre 2020, et l’assureur a indemnisé les époux [P] sur la base de la valeur de remplacement du véhicule. Le 17 juin 2021, ils ont assigné la SAS Urien-Lubert en réparation de leurs préjudices. Le tribunal a condamné le garage à verser plusieurs sommes aux époux [P] par jugement du 24 février 2022. La SAS Urien-Lubert a fait appel, demandant la réformation du jugement. Les époux [P] ont également demandé la confirmation de la décision initiale. La cour a infirmé partiellement le jugement, condamnant la SAS Urien-Lubert à verser 600 euros à Mme [U] [O] pour préjudice de jouissance, tout en déboutant sa demande de vaines réparations. Le jugement a été confirmé pour le reste, et la SAS Urien-Lubert a été condamnée aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°347
N° RG 22/01867
N° Portalis DBVL-V-B7G-SST3
(Réf 1ère instance : 1121476)
(2)
S.A.S. URIEN-LUBERT
C/
M. [X] [P]
Mme [U] [P]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me DOUET
– Me DURAND
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Mai 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTE :
S.A.S. URIEN-LUBERT
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Emmanuel DOUET de la SELAS FIDAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
INTIMÉS :
Monsieur [X] [P]
né le 09 Décembre 1951 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Madame [U] [P]
née le 01 Février 1952 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Tous deux représentés par Me Julie DURAND de la SELARL P & A, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
Mme [U] [P] née [O] était propriétaire d’un véhicule de marque Peugeot RCZ TPH 200 12CV BVM6.
Le 15 septembre 2020, constatant des dysfonctionnements mécaniques Mme [U] [P] a confié le véhicule à la SAS Urien-Lubert, garage concessionnaire Peugeot à [Localité 1] (56)
Le garage a confié à I’entreprise Techni Moteur des travaux d’épreuve de culasse, remise en état du plan de joint et de dépose nettoyage rodage et repose des soupapes.
Le 9 octobre 2020, la SAS Urien-Lubert a remplacé le joint de culasse du véhicule pour la somme de 2 857,58 euros.
Le 25 octobre 2020, alors que les époux [P] circulaient à bord du véhicule un incendie s’est déclaré dans le compartiment moteur aboutissant à la destruction complète du véhicule.
Une réunion d’expertise non judiciaire a été organisée le 11 décembre 2020 au contradictoire des parties et de leurs assureurs.
L’assureur du véhicule indemnisait les époux [P] sur la base de la valeur de remplacement du véhicule détruit.
Par acte du 17 juin 2021, M et Mme [P] ont assigné la SAS Urien-Lubert devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vannes en réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 24 février 2022, le tribunal a statué comme suit :
– Condamne la SAS Urien-Lubert à payer à [U] [O] épouse [P] les sommes de :
– Vaines réparations : 2 857,58 euros
– Frais de franchise : 130 euros
– Préjudice de jouissance : 1 050 euros
– Condamne la SAS Urien-Lubert à payer à [X] [P] et [U] [O] épouse [P] les sommes de :
– préjudice moral : 2 000 euros
– article 700 : 2 200 euros
– Condamne la SAS Urien-Lubert aux dépens.
La SA Urien-Lubert a formé appel du jugement et par dernières conclusions notifiées le 13 mars 2024, elle demande de :
– Recevoir la SAS Urien-Lubert en son appel et la dire bien fondée ;
Ce faisant,
– Réformer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Urien-Lubert à verser :
– à Mme [O], épouse [P] :
o Montant des réparations vaines : 2 857,58 euros
o Frais de franchise : 130,00 euros
o Dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance : 1 050,00 euros
– aux Epoux [P] :
o Dommages et intérêts au titre du préjudice moral : 2 000,00 euros
o Article 700 du CPC : 2 200,00 euros
o Entiers dépens
Statuant à nouveau,
– Débouter les Epoux [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
– Condamner les Epoux [P] à verser à la SAS Urien-Lubert la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner les mêmes aux entiers dépens
Par dernières conclusions notifiées le 18 mars 2024, les époux [P] demandent de :
– Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et de débouter la SAS Urien-Lubert de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
– Condamner la SAS Urien-Lubert à verser à Mme [P] la somme de 4 037,58euros au titre de son préjudice matériel, montant se décomposant comme suit :
– 2 857,58 euros au titre des réparations vaines,
– 130 euros au titre des frais de franchise,
– 1 050 euros à titre de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance subi
– Condamner la SAS Urien-Lubert à payer aux époux [P] :
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêt au titre du préjudice moral,
– Condamner la SAS Urien-Lubert à verser à Mme [O] et M. [P] la somme de 6 500 euros en application de l’article 700 1° du Code de Procédure Civile ;
– Condamner la SAS Urien-Lubert aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.
La société Urien-Lubert sollicite l’infirmation du jugement et conteste toute faute dans son intervention qu’elle soutient avoir réalisé dans les règles de l’art.
Elle conteste l’avis de l’expert retenu par le tribunal suivant lequel elle aurait manqué à ses obligations en s’abstenant de procéder au remplacement des tuyaux haute pression de l’injection à l’occasion des travaux de dépose de la culasse faisant valoir que ce remplacement n’est pas préconisé par le constructeur.
Elle soutient avoir procédé régulièrement au contrôle d’étanchéité de la rampe d’injection conformément aux préconisations du constructeur et que les époux [P] seraient défaillants dans l’administration de la preuve d’un manquement à ses obligations.
Il est de principe que la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s’étend qu’aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat. En conséquence, il incombe au client de démontrer que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans l’organe sur lequel le garagiste est intervenu.
Il est aussi de principe qu’en cas de sinistre ayant abouti à la destruction de la chose par incendie, le juge doit apprécier les éléments de preuve qui lui sont présentés, en écartant tout autre cause technique possible du sinistre pour ne retenir, après élimination, que la seule plausible.
Les époux [P] produisent à l’appui de leurs demandes un rapport d’expertise non judiciaire mais dressé contradictoirement avec la société Urien-Lubert, chacune des parties ayant été assistée par l’expert de sa compagnie d’assurance.
Suivant ce rapport les parties se sont accordées quant aux constatations suivant lesquelles la prédominance de l’incendie ayant détruit le véhicule ‘se situe dans le compartiment moteur côté gauche dans l’environnement de la batterie et de la pompe d’injection. Une fuite de carburant par l’un des deux tuyaux situé à proximité semble être à l’origine.’
L’expert a relevé que les contrôles d’étanchéité du circuit d’alimentation n’apparaissent pas sur la facture du garage ni le produit préconisé par le constructeur. L’expert a également relevé que les tuyaux haute pression ont été déposés mais non remplacés alors qu’une notice technique préconise le remplacement à neuf en cas de dépose.
La société Urien-Lubert conteste l’obligation de remplacement faisant valoir que la notice technique produite émanant de Atelio-Doc indique un remplacement des tuyaux alors que ce remplacement n’est pas préconisé par les fiches techniques du constructeur qu’elle produit aux débats.
Elle produit également une attestation du salarié qui est intervenu sur le véhicule et qui atteste avoir procédé au contrôle d’étanchéité de la rampe d’injection en faisant usage du produit préconisé par le constructeur.
Si la société Urien-Lubert entend ainsi effectuer la démonstration de ce qu’elle a procédé aux réparations dans les règles de l’art, il demeure qu’il n’est pas discuté que l’incendie du véhicule s’est déclaré spontanément dans le compartiment moteur alors que le véhicule circulait. Il ne ressort d’aucun élément que l’incendie ait été provoqué par une cause extérieure au véhicule.
Il sera constaté qu’à l’occasion des opérations d’expertise si les parties n’ont pas été affirmatives pour attribuer l’origine du sinistre à une fuite de carburant, aucune autre hypothèse n’a cependant été avancée.
Or il est constant qu’à l’occasion de son intervention du 9 octobre 2020, la société Urien-Lubert a procédé à la dépose et à la repose de la pompe à injection, impliquant une intervention sur le circuit de carburant du véhicule. Si le garagiste fait valoir que les époux [P] ne justifient pas d’avoir antérieurement respecté le plan d’entretien du véhicule, il n’explique pas quels seraient les défauts d’entretien du véhicule qui seraient susceptibles d’être à l’origine d’une fuite de carburant et qui ne relèveraient pas de sa propre obligation de résultat.
L’expertise a mis en évidence que le feu était prédominant dans la zone de la pompe à injection qui a fait l’objet d’une intervention de dépose. Les préconisations du constructeur en ce qu’elles prévoient une vérification particulière de l’étanchéité du système d’injection après sa dépose établissent l’existence d’un risque identifié de fuite de carburant dans ce cas.
Dans son attestation, le salarié de la société Urien-Lubert précise qu’il a procédé au contrôle d’étanchéité conformément aux préconisations constructeur et qu’il n’a constaté aucune fuite après un essai routier supérieur à 50 Kms. S’il n’y aucunement lieu de mettre en doute la bonne foi de l’intéressé, cette attestation n’est pas suffisante à exclure une erreur d’appréciation dans l’interprétation du contrôle ou dans sa réalisation.
En tout état de cause, cette attestation ne permet aucunement d’attribuer l’origine de l’incendie du compartiment moteur dans la zone de la pompe à injection à une autre cause qu’une fuite dans le système de carburant sur lequel la société Urien-Lubert venait d’intervenir à l’occasion du changement de joint de culasse.
En l’état de ces éléments, il apparaît que la seule cause plausible du sinistre consiste en une fuite du système d’injection de carburant sur lequel la société Urien-Lubert était intervenue le 9 octobre 2020 de sorte qu’il sera retenu que cette dernière a manqué à son obligation de résultat en assurant pas suffisamment son étanchéité.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Urien-Lubert à indemniser les époux [P] de leurs préjudices résultant de la destruction du véhicule par incendie.
S’agissant du préjudice matériel, il est constant que le véhicule a été déclaré irréparable par l’assureur du véhicule qui a indemnisé les époux [P] de la perte sur la base de la somme de 13 000 euros correspondant à la valeur de remplacement. Cette valeur de remplacement à la date du sinistre du 25 octobre 2020 est fixée au vu de l’état d’entretien du véhicule à cette date en ce compris les travaux de remplacement du joint de culasse réalisés antérieurement par la société Urien-Lubert.
Les époux [P] ne sauraient en conséquence prétendre à une indemnisation particulière au titre des travaux facturés le 9 octobre 2020.
Les époux [P] font valoir que l’assureur ne les a que partiellement indemnisés soutenant que la valeur du véhicule à la date du sinistre était en réalité de 15 000 euros. Il sera relevé à la suite du premier juge, que pour revendiquer une valeur supérieure à l’indemnisation versée, les époux [P] produisent aux débats des annonces de mise en vente de véhicules du même type. Si ces offres sont à des prix supérieurs à la valeur du véhicule retenue par l’expert, elles ne sauraient cependant suffire à établir la valeur vénale du véhicule faute d’éléments sur le prix effectif de transactions au regard des négociations habituellement pratiquées sur le marché automobile de l’occasion.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Urien-Lubert a à payer à Mme [P] la somme de 2 857,58 euros au titre de vaines réparations.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Urien-Lubert à indemniser les époux [P] au titre des frais de franchise d’assurance restés à leur charge.
S’agissant de l’indemnisation du trouble de jouissance, les époux [P] ne sauraient prétendre à indemnisation au titre de l’immobilisation du véhicule pendant le temps des travaux réalisés par la société Urien-Lubert du 15 septembre au 9 octobre 2020, cette immobilisation étant la conséquence de l’état du véhicule et des réparations qu’il nécessitait. Le jugement sera infirmé à ce titre.
Ils peuvent en revanche prétendre à réparation au titre d’un préjudice de jouissance résultant de la privation pour Mme [P] de l’usage du véhicule de la date du sinistre à la date d’achat d’un nouveau véhicule le 25 novembre 2020. La cour dispose des éléments pour fixer à la somme de 600 euros le montant de l’indemnisation qui sera alloué en complète réparation de ce préjudice.
S’agissant de l’indemnisation au titre du préjudice moral, c’est par des motifs pertinents que le premier juge a retenu que les époux [P] étaient fondés en leur réclamation en réparation d’un préjudice moral en ce que l’incendie du véhicule étant la conséquences des manquements de la société Urien-Lubert lors de ses réparations. Ce préjudice est caractérisé par le traumatisme résultant de l’incendie soudain de leur véhicule alors qu’ils circulaient et transportaient leurs petites filles, des manoeuvres d’urgence qu’ils ont du entreprendre et des craintes occasionnées par la situation tant pour leur sécurité propre que de celles de leurs petits-enfants. Les époux [P] produisent aux débats des certificats médicaux du 5 novembre 2020 qui mentionnent la persistance d’un état d’anxiété à cette date à l’origine de troubles du sommeil.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué une somme de 2 000 euros en réparation de ces préjudices.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions pertinentes sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Le jugement étant confirmé pour l’essentiel la société Urien-Lubert conservera la charge des dépens d’appel.
L’appel étant partiellement fondé, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Urien-Lubert à payer à Mme [U] [O] épouse [P] les sommes de :
– Réparations vaines : 2 857,58 euros
– Préjudice de jouissance : 1 050 euros
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés
Condamne la SAS Urien-Lubert à payer à Mme [U] [O] épouse [P] la somme de 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance.
Déboute Mme [U] [O] épouse [P] de sa demande en paiement de la somme de 2 857,58 euros au titre des vaines réparations.
Confirme le jugement pour le surplus.
Condamne la société Urien-Lubert aux dépens d’appel.
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT