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Le 29 janvier 2018, Monsieur [F] [X] a vendu un véhicule Audi S3 à Madame [L] [O] [N]. Le 3 juillet 2018, Mme [O] [N] a revendu ce véhicule à Monsieur [H] [U] avec un kilométrage de 157.490 km pour 12.200 euros. Après plusieurs pannes, M. [U] a engagé des réparations totalisant 7.215,61 euros. Une expertise a révélé un kilométrage inexact et a estimé les réparations nécessaires à 11.500 euros. M. [U] a assigné Mme [O] [N] en justice, demandant la résolution de la vente et des indemnités. Le tribunal a annulé la vente, condamnant Mme [O] [N] à restituer le prix de vente et à payer des frais de réparation et d’assurance. Mme [O] [N] a fait appel, contesté le jugement et demandé une expertise judiciaire. M. [U] a demandé la confirmation du jugement et des dommages et intérêts. La cour a finalement infirmé le jugement initial, débouté M. [U] de ses demandes et condamné ce dernier à verser 3.000 euros à Mme [O] [N] pour ses frais.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Numéro 24/02999
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 08/10/2024
Dossier : N° RG 23/00326
N° Portalis DBVV-V-B7H-IN5U
Nature affaire :
Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente
Affaire :
[L] [O] [N]
C/
[H] [U], [F] [X]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 08 Octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 03 Septembre 2024, devant :
Madame FAURE, Présidente
Madame BLANCHARD, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile
Madame DE FRAMOND, Conseillère
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l’appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [L] [O] [N]
née le 05 Avril 1991 à [Localité 8] (SUISSE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée et assistée de Me Denise POMBIEILH, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [H] [U]
né le 13 Septembre 1992 à ALGERIE
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté et assisté de Me Justine GIARD, avocat au barreau de PAU
Monsieur [F] [X]
né le 06 Décembre 1991 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
défaillant
sur appel de la décision
en date du 06 DECEMBRE 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 20/00195
Le 29 janvier 2018, Monsieur [F] [X], vendeur de véhicules automobiles, a vendu à Madame [L] [O] [N] un véhicule de marque Audi, modèle S3, immatriculé [Immatriculation 9].
Le 03 juillet 2018, Mme [O] [N] a vendu ledit véhicule à Monsieur [H] [U], affichant 157.490 kilomètres au compteur et moyennant le prix de 12.200 euros.
Suivant facture du garage Gire situé à [Localité 10] (16) du 10 juillet 2018, M. [U] a fait réparer le véhicule tombé en panne le jour de l’achat du fait de la casse d’une bougie d’allumage, pour le prix de 237,72 euros.
Suivant facture du 31 juillet 2018, M. [U] a fait changer par le même garagiste le kit d’embrayage et le volant moteur du véhicule à la suite d’une nouvelle panne le 18 juillet 2018, moyennant le paiement d’une somme de 1.188,66 euros, M. [U] ayant lui-même acquis les pièces de rechange pour un prix de 538,03 euros.
Le 05 août 2018, le véhicule est à nouveau tombé en panne du fait notamment de la casse du moteur, et le coût des réparations a été évalué selon devis du garage Gire à la somme de 5.829,23 euros TTC.
M. [U] a, par l’intermédiaire de son assurance protection juridique, initié une expertise amiable contradictoire du véhicule, et deux réunions se sont tenues les 23 janvier et 06 mars 2019 au garage Gire où est immobilisé le véhicule, dont la première en présence de Mme [O] [N].
L’expert a retenu que le kilométrage mentionné au compteur était inexact et a estimé les travaux de remise en état du véhicule à la somme de 11.500 euros TTC.
Par acte du 09 janvier 2020, M. [U] a fait assigner Mme [O] [N] devant le tribunal judiciaire de Pau en résolution de la vente et indemnisation de ses préjudices.
Par acte du 08 mars 2021, Mme [O] [N] a fait appeler à la cause M. [X] aux fins d’être garantie de toute condamnation qui serait prononcée contre elle.
Suivant jugement contradictoire du 06 décembre 2022 (RG n°20/00195), le tribunal a :
– constaté que les demandes procédurales de M. [X] sont devenues sans objet,
– débouté Mme [O] [N] de ses demandes à l’encontre de M. [X],
– prononcé la nullité du contrat de vente du véhicule Audi S3 immatriculé [Immatriculation 9] passé le 03 juillet 2018 entre Mme [O] [N] et M. [U],
– condamné Mme [O] [N] à restituer à M. [U] la somme de 12.200 euros,
– dit qu’il appartiendra à M. [U] de mettre à disposition de Mme [O] [N] le véhicule afin qu’elle en reprenne possession,
– condamné Mme [O] [N] à payer à M. [U] les sommes de 1.964,41 euros au titre des frais de réparation, de 1.255,96 euros au titre des frais d’assurance et de 1.000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
– condamné Mme [O] [N] à payer à M. [U] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [O] [N] à payer à M. [X] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– condamné Mme [O] [N] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :
-que la cause de la panne du véhicule est la défaillance de l’étanchéité du circuit d’injection qui résulte de l’utilisation du véhicule par Mme [O] [N], faute pour elle de démontrer qu’elle aurait connu des problèmes similaires lorsqu’elle a elle-même acquis le véhicule,
-que Mme [O] [N] ne justifie pas du nombre de kilomètres parcourus sur la période où elle était propriétaire du véhicule, alors qu’il lui appartenait de remplir la case prévue pour ce kilométrage sur le certificat de cession du véhicule, ce qu’elle n’a pas fait, de sorte qu’il est considéré qu’elle a volontairement dissimulé l’information,
– que le kilométrage d’un véhicule est une information déterminante pour l’acquéreur, et que son omission suffit à caractériser une manoeuvre dolosive qui justifie l’annulation du contrat sur le fondement de l’article 1137 alinéa 2 du code civil,
-que M. [U] justifie de frais de réparation et d’assurance afférents au véhicule litigieux qu’il y a lieu de rembourser.
-que son véhicule a été immobilisé à compter du 05 août 2018 et qu’il a dû acheter un véhicule de remplacement. Sans précision sur la date de cet achat, son préjudice de jouissance est réparé à hauteur de 1.000 euros,
-que la demande de M. [U] à titre de dommages et intérêts pour les démarches effectuées pour faire valoir ses droits en justice n’est pas distincte de la demande au titre des frais irrépétibles et est en conséquence rejetée, et qu’il ne justifie pas d’un préjudice moral.
Mme [L] [O] [N] a relevé appel par déclaration du 27 janvier 2023 (RG n°23/00326), critiquant le jugement en ce qu’il a :
– débouté Mme [O] [N] de ses demandes à l’encontre de M. [X],
– prononcé la nullité du contrat de vente du véhicule Audi S3 immatriculé [Immatriculation 9] passé le 03 juillet 2018 entre Mme [O] [N] et M. [U],
– condamné Mme [O] [N] à restituer à M. [U] la somme de 12.200 euros,
– condamné Mme [O] [N] à payer à M. [U] les sommes de 1.964,41 euros au titre des frais de réparation, de 1.255,96 euros au titre des frais d’assurance et de 1.000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
– condamné Mme [O] [N] à payer à M. [U] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [O] [N] à payer à M. [X] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [O] [N] aux dépens.
Par ordonnance du 28 juin 2023, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel de Mme [O] [N], à l’égard de M. [F] [X], l’instance se poursuivant à l’égard de M. [H] [U].
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [L] [O] [N], appelante, demande à la cour de :
– ordonner avant dire droit une expertise judiciaire automobile pour déterminer les causes de la panne et les responsabilités encourues,
A titre principal,
– réformer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle avait commis un dol et annulé la vente du véhicule,
– constater l’absence de dol commis par Mme [O] [N],
– constater que le kilométrage a été porté à la connaissance de M. [U],
– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes,
– constater le dol commis par M. [X] sur le certificat de cession du 29 janvier 2018 et le carnet d’entretien,
– condamner M. [X] à lui payer la somme de 12.000 euros en réparation du préjudice subi,
– condamner M. [U] à lui restituer toutes les sommes saisies, en ce compris tous les frais de saisie supportés par elle, soit la somme de 18.062,22 euros,
A titre subsidiaire,
– condamner M. [X] à la garantir de toute condamnation à son encontre concernant ce véhicule,
En tout état de cause,
– condamner M. [X] au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– condamner M. [X] et M. [U], chacun, au paiement d’une somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
– que le rapport d’expertise amiable n’a pas donné lieu à une contradiction dès lors qu’elle n’a pas pu se déplacer et faire valoir sa défense en raison de l’éloignement géographique,
– que les nouvelles pièces qu’elle produit concernant le kilométrage nécessitent un réexamen total de l’expertise,
– qu’il n’est pas démontré qu’elle aurait commis un dol dès lors qu’elle ignorait les problèmes du véhicule et qu’elle n’en a pas dissimulé le kilométrage, ayant remis à l’acquéreur le contrôle technique du véhicule indiquant un kilométrage de 156.979, qui apparaît également dans l’enregistrement de la cession de la vente, de sorte que M. [U] avait connaissance du kilométrage exact du véhicule lors de la vente,
– que la seule omission de remplir la case pour le kilométrage dans le certificat de cession du véhicule ne suffit pas à prouver qu’elle a volontairement cherché à dissimuler cette information,
– que le défaut d’entretien ayant entraîné la panne ne peut lui être imputé dès lors qu’elle n’a effectué que 500 km avec le véhicule, mais qu’elle a été victime de dol de la part de M. [X], qui n’a pas indiqué le kilométrage sur le certificat de cession qui lui a été remis, et qui lui a remis un carnet d’entretien faisant apparaître de nombreuses incohérences.
Par conclusions notifiées le 25 juillet 2023, M. [H] [U], intimé, demande à la cour de :
– débouter Mme [O] [N] de ses demandes,
– confirmer le jugement en tout point,
Y ajoutant,
– condamner Mme [O] [N] solidairement avec M. [X] à lui verser les sommes de :
– 5.000 eurosau titre des préjudices de jouissance,
– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et de la mauvaise foi de Mme [O] [N] sur le fondement de l’article 1104 du code civil compte tenu de la mauvaise foi des vendeurs et de la longueur de la procédure,
En tout état de cause,
– condamner ‘Madame et Monsieur’ (sic) à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir, au visa des articles 1137, 1104 et 1147 du code civil :
– qu’il est établi par le rapport d’expertise amiable que le véhicule ne totalise pas le kilométrage mentionné au compteur, de sorte que le kilométrage indiqué lors de la vente n’est pas le kilométrage réel, et l’expert a expressément retenu l’existence d’un dol au moment de la transaction,
– que ses mensualités d’assurance du véhicule continuent à courir, alors qu’il ne peut jouir du véhicule depuis qu’il est immobilisé au garage Gire depuis le 05 août 2018, ce qui l’a obligé à faire l’achat d’un nouveau véhicule au prix de 500 euros,
– qu’il subit un préjudice du fait du dol, des démarches qu’il a dû réaliser notamment dans le cadre de l’expertise amiable, et pour les besoins de la procédure en raison du refus de Mme [O] [N] de trouver une solution amiable,
– que la mauvaise foi de Mme [O] [N] et la durée anormalement longue de la procédure justifient l’octroi de dommages et intérêts, alors qu’il se retrouve dans une grande difficulté financière, ne pouvant utiliser le véhicule acquis sans en avoir perçu le remboursement.
M. [F] [X] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2024.
Sur la demande d’annulation de la vente :
Il résulte des dispositions de l’article 1137 du code civil que :
‘Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.’
En l’espèce, M. [U], se plaignant de pannes répétées du véhicule litigieux, sollicite l’annulation de la vente de ce véhicule uniquement sur le fondement du dol, estimant que Mme [O] [N] lui a dissimulé le kilométrage réel du véhicule lors de la vente.
Il s’appuie sur le rapport d’expertise amiable selon lequel il ne serait pas possible de déterminer le kilométrage réel du véhicule, l’expert considérant qu’il y aurait eu dol lors de la transaction.
Or, s’il est exact que le carnet d’entretien du véhicule et le compteur ne mentionnent pas le même kilométrage que celui relevé électroniquement par les garagistes du réseau de la marque ayant effectué l’entretien de celui-ci, il n’en demeure pas moins qu’aucune manoeuvre ni dissimulation d’information n’est démontrée à l’encontre de Mme [O] [N] lors de la vente.
En effet, celle-ci était propriétaire du véhicule litigieux depuis quelques mois seulement lors de sa revente à M. [U], et les interventions effectuées par le réseau de la marque (ayant permis le relevé d’un kilométrage différent du compteur) sont toutes antérieures à l’acquisition par Mme [O] [N] de ce véhicule, alors détenu par M. [X], lequel est professionnel de l’automobile ; aucune intervention n’a eu lieu durant la brève possession du véhicule par Mme [O] [N] de nature à lui permettre de découvrir une quelconque difficulté sur le kilométrage.
Lors de la vente à M. [U], Mme [O] [N] lui a remis le carnet d’entretien dont elle disposait, mentionnant un kilométrage correspondant à celui affiché au compteur du véhicule ; le fait que la venderesse ait omis de remplir la case relative au kilométrage sur le certificat de cession ne saurait être interprété comme une manoeuvre dolosive ni une réticence dolosive de sa part alors qu’une telle mention n’est pas obligatoire et que le modèle-type de certificat de cession précise de toutes façons, à la case concernée, qu’il s’agit de noter le kilométrage inscrit au compteur du véhicule.
Le dol n’est donc nullement établi, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.
Par ailleurs, faute pour M. [U] d’invoquer et a fortiori de démontrer un quelconque défaut de conformité ou vice caché du véhicule, ses demandes d’annulation de la vente du véhicule et de restitution du prix de vente ne peuvent qu’être rejetées, par infirmation du jugement déféré. Il en va de même de ses demandes indemnitaires accessoires à la demande d’annulation de la vente.
Au regard du fondement de l’action, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise judiciaire comme le sollicite avant dire droit Mme [O] [N].
Les demandes de Mme [O] [N] tendant à se voir restituer toutes les sommes saisies en exécution de la décision infirmée et des frais y afférents sont sans objet devant cette cour, s’agissant de conséquences de droit de l’infirmation des condamnations dont elle a fait l’objet.
Sur le surplus des demandes :
M. [U], succombant, sera condamné aux dépens de première instance par infirmation du jugement déféré ainsi qu’aux dépens d’appel, et à payer à Mme [O] [N] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M. [H] [U] de l’ensemble de ses demandes,
DIT n’y avoir lieu à ordonner une expertise judiciaire,
CONDAMNE M. [H] [U] à payer à Mme [L] [O] [N] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
CONDAMNE M. [H] [U] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE