Suspension des procédures en attente d’expertise : enjeux de prescription et responsabilité

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Suspension des procédures en attente d’expertise : enjeux de prescription et responsabilité

Monsieur [R] [M], Madame [I] [B] épouse [M] et Monsieur [F] [J] ont assigné plusieurs parties, dont la SCI RESIDENCE [Adresse 17] et diverses compagnies d’assurances, devant le tribunal judiciaire. Les époux [M] et Monsieur [J] ont demandé le rejet d’une demande de sursis à statuer et ont contesté une exception de prescription soulevée par la compagnie MMA, tout en demandant des dommages et intérêts pour mauvaise foi. Ils ont également soutenu que la prescription quinquennale n’était pas applicable en raison d’expertises en cours.

Les compagnies d’assurances ont, de leur côté, demandé que les demandes des consorts [M] et [J] soient déclarées prescrites, invoquant la prescription biennale. L’expert [V] a été chargé d’évaluer les causes de l’effondrement d’un plancher en bois, et il a été jugé que la responsabilité de la société ICE BTP pourrait être partagée avec la société APAVE.

Le tribunal a décidé de surseoir à statuer en attendant le rapport de l’expert, tout en déclarant irrecevables les demandes des consorts [M] et [J] pour cause de prescription concernant les demandes antérieures au 21 avril 2018. Les demandes de dommages et intérêts ont également été rejetées, et les dépens ont été réservés. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état pour des conclusions au fond.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Nice
RG
23/01834
Cour d’Appel d’Aix en Provence
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE

2ème Chambre civile
Date : 08 Octobre 2024

MINUTE N°24/
N° RG 23/01834 – N° Portalis DBWR-W-B7H-O3HH

Affaire : [R] [M]
[I] [B] épouse [M]
[F] [J]
C/ S.C.I. RESIDENCE [Adresse 17]
Compagnie d’assurance MMA IARD
S.A.R.L. INGENIERIE CONSTRUCTION ENTREPRISE BÂTIMENT TRAVAU X PUBLIC (ICE BTP)
Compagnie d’assurance SMA
Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Nous, Madame MORA, Juge de la Mise en Etat, assistée de Madame AYADI, Greffier

DEMANDEURS :
M. [R] [M]
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Maître Thierry DE SENA de la SELARL ALPIJURIS COTE D’AZUR – ACA, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
Mme [I] [B] épouse [M]
[Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par Maître Thierry DE SENA de la SELARL ALPIJURIS COTE D’AZUR – ACA, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant
M. [F] [J]
[Adresse 12]
[Localité 11]
représenté par Maître Thierry DE SENA de la SELARL ALPIJURIS COTE D’AZUR – ACA, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant

DEFENDERESSES :
S.C.I. RESIDENCE [Adresse 17]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-louis DEPLANO, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
Compagnie d’assurance MMA IARD
[Adresse 3]
[Localité 13]
représentée par Me France CHAMPOUSSIN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
S.A.R.L. INGENIERIE CONSTRUCTION ENTREPRISE BÂTIMENT TRAVAU X PUBLIC (ICE BTP)
[Adresse 4]
[Localité 2]
défaillant
Compagnie d’assurance SMA
[Adresse 10]
[Localité 14]
représentée par Me Nathalie PUJOL, avocat au barreau de GRASSE, avocat plaidant

Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD
[Adresse 7]
[Localité 15]
représentée par Me Julie DE VALKENAERE, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

Vu les articles 789 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu les conclusions régulièrement signifiées,
Ouïe les parties à notre audience du 24 juin 2024

La décision ayant fait l’objet d’une mise à disposition au 08 Octobre 2024 après prorogation du délibéré par Madame MORA Juge de la Mise en état, assisté de Madame AYADI, Greffier,

Vu l’exploit d’huissier en date du 20 avril 2023 par lequel monsieur [R] [M], madame [I] [B] épouse [M] et monsieur [F] [J] ont fait assigner la SCI RESIDENCE [Adresse 17], la compagnie MMA IARD assurances mutuelles, la SARL ICE BTP, la compagnie SMA, la compagnie d’assurances AXA FRANCE IARD devant le tribunal judiciaire de céans ;

Vu les dernières conclusions d’incident de la Résidence [Adresse 17] (RPVA 18 juin 2024) qui sollicite de voir :

Vu l’article 378 du code de procédure civile,

PRONONCER le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise,
RÉSERVER les frais et dépens ;

Vu les dernières conclusions d’incident des époux [M] et de monsieur [J] (RPVA 20 juin 2024) qui sollicitent de voir :

REJETER la demande de sursis à statuer
REJETER l’exception de prescription biennale soulevée par la compagnie MMA.
CONSTATER qu’en visant l’article L114-1 du code des assurances, la compagnie MMA IARD et la compagnie MMA SA font preuve d’une mauvaise foi confinant à l’abus de procédure.
LES CONDAMNER par conséquent solidairement à leur payer à chacun la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 32-1 du Code de procédure civile.
CONSTATER que les opérations expertales étant toujours en cours, la prescription quinquennale de l’article 2224 soulevée par la compagnie AXA n’a pas joué.
CONDAMNER solidairement les compagnies AXA et MMA SA et MMA IARD aux entiers dépens de l’incident, outre la somme de 7 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions d’incident d’AXA FRANCE IARD (RPVA 21 juin 2024) qui sollicite de voir :

Vu les dispositions des articles 378 et 789 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article 2224 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

D’une part,

JUGER que l’expert [V] s’est vu confier pour mission de statuer sur les causes et responsabilité de l’effondrement du plancher bois ;
JUGER que les demandes des consorts [M] et [J] portent sur l’indemnisation de leurs préjudices liés à l’effondrement de ce plancher bois ;
JUGER que les opérations d’expertise confiées à l’expert [V] sont en cours et que la responsabilité de la Société ICE BTP est susceptible d’être partagée avec celle de la Société APAVE qui a préconisé à tort l’arrêt de chantier des travaux au droit de ce plancher bois ;

En conséquence,

SURSEOIR à statuer dans l’attente du dépôt du rapport définitif de l’expert [V] dans l’affaire pendante sous le numéro RG 18/01079.

D’autre part,

JUGER que les demandes formulées par Monsieur [R] [M], Madame [I] [B] épouse [M] et Monsieur [F] [J] sont soumises à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil ;
JUGER que toute demande formulée antérieurement au 21 avril 2018 sont prescrites ;

En conséquence,

JUGER irrecevables pour cause de prescription les demandes formulées par Monsieur [R] [M], Madame [I] [B] épouse [M] et Monsieur [F] [J] entre le 1er octobre 2015 et le 20 avril 2018.

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [R] [M], Madame [I] [B] épouse [M] et Monsieur [F] [J] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions d’incident des MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA SA (RPVA 17 juin 2024) qui sollicitent de voir :

Vu les dispositions des articles 378 et 789 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article L114-1 du code des assurances,
Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal,

JUGER que les demandes formulées par Monsieur [R] [M], Madame [I] [B] épouse [M] et Monsieur [F] [J] sont soumises à la prescription biennale de l’article L114-1 du code des assurances ;

En conséquence,

JUGER irrecevables pour cause de prescription les demandes formulées par Monsieur [R] [M], Madame [I] [B] épouse [M] et Monsieur [F] [J] à l’encontre de l’assureur dommage-ouvrage ;
SURSEOIR à statuer dans l’attente du dépôt du rapport définitif de l’expert [V] dans l’affaire pendante sous le numéro RG 18/01079 ;

Vu les dernières conclusions d’incident de la SMA SA et de la SMABTP (RPVA 31 janvier 2024) qui sollicitent de voir :

Vu l’article 789 du Code de procédure civile,

JUGER que sa garantie n’est pas acquise s’agissant de la réparation de préjudice immatériel.
JUGER qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande d’AXA tendant à ce qu’il soit ordonné un sursis à statuer d’une part, et tendant à ce que les demandes des consorts [M]-[J] soient déclarées prescrites d’autre part.
RESERVER les dépens ;
La SARL ICE BTP n’a pas constitué avocat.

MOTIFS :

En 2006, la SCI RÉSIDENCE [Adresse 17], maître d’ouvrage, a entrepris la rénovation d’un ancien hôtel édifié dans les années 1930 sis [Adresse 8] à [Localité 16] en vue de le transformer en résidence de tourisme.
Une police d’assurance responsabilité décennale et dommages-ouvrage a été souscrite auprès de COVEA RISKS aux droits de laquelle est venue la compagnie MMA.
Le Bureau QUALICONSULT était investi d’une mission de contrôle technique, le BET TURRA
était titulaire d’une mission béton armé.
Par acte authentique en date du 27 mars 2007 Monsieur [R] [M] ET Madame [I] [B] épouse [M] ont acquis le lot n°121 situé dans le bâtiment U.
Par acte en date du 5 février 2007, Monsieur [F] [J] a acquis le lot 131 situé dans le bâtiment U.
Au mois de mars 2008, un incendie en cours de chantier a gravement endommagé le bâtiment.
Les travaux ont repris trois ans plus tard en 2011 sous la maîtrise d’œuvre de la SARL ICE BTP, assurée au titre de sa responsabilité décennale auprès de la compagnie SMA.
La SCI RÉSIDENCE [Adresse 17], exploitante de l’immeuble, a déclaré l’achèvement des travaux le 27 février 2013.
Le 12 juin 2015, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 17] a déclaré deux désordres à l’assureur dommages-ouvrage relatif à l’effondrement des planchers avec fissures et éclats de béton avec chute.
L’assureur dommages-ouvrage a pris une position de garantie s’agissant des chutes de béton mais a refusé sa garantie s’agissant du désordre relatif à l’effondrement des planchers.
Le syndicat des copropriétaires [Adresse 17] a saisi le juge des référés aux fins d’expertise judiciaire.
Par ordonnance de référé du 26 juin 2015, une expertise judiciaire a été ordonnée, et confiée à Monsieur [Z], qui a déposé son rapport le 8 juin 2018.
Entre-temps, le 13 juillet 2017, alors que les opérations d’expertise étaient en cours, le syndicat des copropriétaires [Adresse 17] a déclaré un nouveau désordre à l’assureur dommages-ouvrage (un nouvel affaissement du plancher).
Le 6 septembre 2017, l’assureur dommage-ouvrage notifiait à nouveau une position de non-garantie.
Par ordonnance de référé en date du 9 octobre 2018, Monsieur [Z] a, à nouveau, été désigné en qualité d’expert judiciaire pour les désordres affectant le plancher du rez-de-chaussée de l’immeuble dans le hall d’entrée.
Par ordonnance en date du 3 décembre 2018, monsieur [V] a été désigné en remplacement de Monsieur [Z].
Par assignation en date du 26 novembre 2019, le syndicat des copropriétaires [Adresse 17] a sollicité l’extension de la mission de l’expert à de nouveaux désordres.
Par ordonnance rendue le 3 juillet 2020, il a été fait droit à cette demande.
Par assignation en date du 11 septembre 2023, la Société AXA France IARD, prise en sa qualité d’assureur décennal de la Société ICE BTP, a appelé en cause l’APAVE aux fins de voir juger que les ordonnances des 9 octobre 2018, 3 décembre 2018, 16 septembre 2019, 12 février 2020 et 3 juillet 2020 lui soient déclarées communes et opposables et que les opérations d’expertise judiciaire confiées à Monsieur [V] leur soient rendues communes et contradictoires.
L’affaire a été évoquée à l’audience de référés du 14 novembre 2023 et mise en délibéré au 23 janvier 2024.
La compagnie AXA FRANCE IARD prise en sa qualité d’assureur décennal de la SARL ICE BTP, sollicite le sursis à statuer au motif que les opérations d’expertises sont en cours de sorte que Monsieur [V] n’a pas encore conclu sur les causes et responsabilités, et notamment sur celle de la Société APAVE, qu’il est indispensable qu’il soit sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, l’expert ayant, à l’occasion de la constatation de l’aggravation des désordres initiaux, considère désormais que d’autres responsabilités sont à envisager, dont celle de l’APAVE.
Elle soulève la prescription des demandes des consorts [M] et [J], au motif que toutes demandes antérieures au 21 avril 2018 (soit du 1er octobre 2015 au 20 avril 2018) sont prescrites eu égard à la prescription quinquennale applicable, car ils n’ont pas interrompu la prescription à son encontre pour l’avoir assignée pour la première fois, le 21 avril 2023.
Elle précise que les époux [M] et Monsieur [J] n’ont pas été à l’origine de la demande d’expertise ayant conduit à la désignation de Monsieur [Z] et de Monsieur [V], et qu’ils n’ont donc jamais interrompu la prescription à son encontre.

Les MMA ASSURANCES MUTUELLES et la MMA SA font valoir que l’expertise judiciaire est toujours en cours.
Sur la prescription de l’action, elles soutiennent que l’action des demandeurs introduite à l’encontre de l’assureur dommage-ouvrage par assignation du 4 mai 2023 est prescrite.
Elles sollicitent le sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise judiciaire.
La SMA SA et la SMABTP (intervenante volontaire) exposent que la SMABTP intervient volontairement aux débats en qualité d’assureur de la société ICE BTP, intervenue en qualité de maître d’œuvre d’exécution des travaux après l’incendie.
Elles précisent que la SMA SA a été assignée en sa qualité d’assureur de la société ICE BTP, ce qui a contraint la SMABTP à intervenir volontairement en substitution faisant valoir toutefois que sa garantie ne pouvait être mobilisée dans le cadre de ce sinistre puisque la société ICE BTP a résilié sa police d’assurance auprès de la SMABTP le 31 décembre 2010, qu’elle n’est donc l’assureur en risque que pour la garantie obligatoire.
Elles ajoutent qu’en l’espèce les consorts [M]-[J] ne sollicitent pas une réparation de l’ouvrage mais uniquement l’indemnisation de leur préjudice immatériel, que la SMABTP ne pourra donc pas être condamnée.
S’agissant de la demande d’incident de la compagnie d’assurance AXA, la SMABTP indique s’en
rapporter sur la demande de sursis à statuer ainsi que sur la prescription soulevée par
l’assureur.
En réponse, les époux [M] et monsieur [J] exposent que les mesures d’expertise judiciaire diligentées ont suspendu la prescription de leur action.
Sur la demande de sursis à statuer, ils concluent que la désignation de Monsieur [V] ne remet pas en cause les conclusions du rapport [Z] déposé le 3 juin 2018, que si Monsieur [V] a été désigné, c’est en raison d’une aggravation du sinistre initial alors qu’aucun de ces nouveaux postes ne concerne les appartements de Monsieur [J] et des époux [M].
Ils précisent que c’est le rapport déposé le 3 juin 2018 par Monsieur [Z] qui doit donc servir de base à la reconnaissance du fait que les désordres qui ont conduit à rendre inhabitables leurs logements, qui relèvent de la responsabilité décennale, que l’issue de cette expertise est indifférente à leurs demandes.
Sur la prescription biennale de l’article L 114-1 du code des assurances soulevées par les MMA, ils font valoir que cette prescription ne peut pas leur être opposée puisqu’ils ne sont pas liés contractuellement à la compagnie MMA, qui est l’assureur du maître d’ouvrage.
Ils invoquent la mauvaise foi de cette compagnie et sollicite sa condamnation à leur payer à chacun la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son incident abusif sur ce point, son argumentaire confinant à l’abus de droit.
Sur la prescription de l’article 2224 du code civil soulevée par AXA, ils font valoir que l’expertise ordonnée en référé le 26 juin 2015 a suspendu la prescription de l’article 2224 du Code civil.

Sur l’intervention volontaire de la MMA SA et de la SMABTP :

Il convient de constater que la MMA SA et la SMABTP sont intervenues volontairement à l’instance.
Sans opposition des parties, il convient de déclarer ces interventions volontaires recevables.

Sur la demande de sursis à statuer :

Aux termes de l’article 378 du Code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
En l’espèce, les époux [M] et monsieur [J] indiquent que la désignation de Monsieur [V] ne remet pas en cause les conclusions du rapport [Z] déposé le 3 juin 2018, que si Monsieur [V] a été désigné, c’est en raison d’une aggravation du sinistre initial et qu’aucun de ces nouveaux postes ne concerne leurs appartements.
Ils précisent que c’est le rapport déposé le 3 juin 2018 par Monsieur [Z] qui doit servir de base à la reconnaissance du fait que les désordres qui ont conduit à rendre inhabitables leurs logements, que l’issue de cette expertise est indifférente à leurs demandes.
Il leur appartient de justifier leurs demandes. S’ils considèrent qu’ils ont tous les éléments pour ce faire, il n’y a pas lieu de leur imposer l’attente des conclusions d’un rapport d’expertise dont ils indiquent ne pas être concernés par les missions de l’expert judiciaire.
En conséquence, la demande de sursis à statuer sera rejetée, et ce même si les autres parties devront attendre ce rapport d’expertise judiciaire pour éventuellement former leur recours contre les responsables identifiés.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action des époux [M] et de monsieur [J] soulevée par les MMA :

Aux termes de l’article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Aux termes de l’article L 114-1 du code des assurances, toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d’un contrat d’assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l’article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

La compagnie MMA invoque la prescription biennale des demandes formées par les époux [M] et monsieur [J], qui sont tiers au contrat souscrit entre elle et son assuré, le maître d’ouvrage.
Or, cette prescription ne peut pas être opposée aux demandeurs à l’instance, bien que leurs demandes soient fondées sur le contrat d’assurance, puisqu’ils ne sont pas liés contractuellement à la compagnie MMA.
Par conséquent que cette prescription biennale ne leur est pas opposable et la fin de non recevoir sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de droit :

Aux termes de l’article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Les demandeurs sollicitent des dommages et intérêts à l’encontre de la compagnie MMA IARD et de la compagnie MMA SA, invoquant un abus de droit au motif qu’en soulevant la prescription de leur actions, elles ont fait preuve d’une mauvaise foi confinant à l’abus de procédure.
Or, cet article ne peut être mis en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d’une amende civile à l’encontre de l’adversaire.
Au surplus, aucun abus de droit n’est établi.
Cette demande sera donc rejetée.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action des époux [M] et de monsieur [J] soulevée par la compagnie AXA FRANCE IARD :

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Aux termes de l’article 2239 du même code, la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
La compagnie AXA FRANCE IARD invoque l’article 2224 du code civil et soutient que les demandes formées par les époux [M] et monsieur [J] relatives à leur préjudice respectif subi avant le 21 avril 2018 (soit du 1er octobre 2015 au 20 avril 2018) sont prescrites eu égard à la prescription quinquennale applicable, car ils n’ont pas interrompu la prescription à son encontre pour l’avoir assignée pour la première fois, le 21 avril 2023.
Elle précise que les époux [M] et Monsieur [J] n’ont pas été à l’origine de la demande d’expertise ayant conduit à la désignation de Monsieur [Z] et de Monsieur [V], et qu’ils n’ont donc jamais interrompu la prescription à son encontre.
En réponse, les demandeurs font valoir que l’expertise judiciaire ordonnée en référé le 26 juin 2015 a suspendu la prescription de l’article 2224 du Code civil.
Or, à la lecture du rapport d’expertise judiciaire, (l’ordonnance de référé du 26 juin 2015 n’étant pas produite au débat), il apparaît que les époux [M] et monsieur [J] n’étaient pas demandeurs, ni partie à cette procédure de référé.
Donc, ils ne peuvent pas invoquer cette ordonnance comme ayant suspendu la prescription, puisque les événements interruptifs et suspensifs de prescription ne peuvent être revendiqués que par la partie qui a introduit l’instance en référé.
En conséquence, ne démontrant pas avoir interrompu la prescription à l’encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD avant le 21 avril 2018 date de l’assignation de la compagnie d’assurance, leurs demandes respectives seront déclarées prescrites à son encontre du 1er octobre 2015 au 20 avril 2018.

Sur la demande de la SMA SA et de la SMABTP :

La SMA SA et la SMABTP sollicitent de voir juger que la garantie de la SMABTP n’est pas acquise s’agissant de demandes concernant la réparation du préjudice immatériel des époux [M] et de monsieur [J].
Cette demande sera déclarée irrecevable, comme ne relevant pas de la compétence du juge de la mise en état, mais relevant de la compétence du juge du fond.

Sur les demandes accessoires :

Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées, car il n’apparaît pas inéquitable que les parties conservent la charge de leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens à ce stade de la procédure.
Les dépens suivront le sort du principal.

PAR CES MOTIFS :

Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARONS recevables les interventions volontaires de la MMA SA et de la SMABTP,

REJETONS la demande de sursis à statuer,

REJETONS la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale de l’action des époux [M] et de monsieur [J] soulevée par les MMA,

REJETONS la demande de dommages et intérêts de monsieur [R] [M], de madame [I] [M] et de monsieur [F] [J],

DECLARONS prescrites les demandes de monsieur [R] [M], de madame [I] [M] et de monsieur [F] [J] à l’encontre de la compagnie AXA FRANCE IARD avant le 21 avril 2018, soit du 1er octobre 2015 au 20 avril 2018 inclus,

DECLARONS irrecevable la demande de la SMA SA et la SMABTP aux fins de voir juger que la garantie de la SMABTP n’est pas acquise s’agissant de demandes concernant la réparation du préjudice immatériel des époux [M] et de monsieur [J],

REJETONS les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DISONS que les dépens suivront le sort du principal,

RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état du 14 NOVEMBRE 2024 à 8h55 (audience dématérialisée)pour conclusions des parties au fond.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT

Grosse :
Maître Thierry DE SENA de la SELARL ALPIJURIS COTE D’AZUR – ACA
Me France CHAMPOUSSIN
Me Julie DE VALKENAERE
Me Jean-louis DEPLANO

Me Nathalie PUJOL

Expédition :

Le 08/10/2024


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