La BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a accordé un crédit de 12.000 € à Mme [C] [F] le 12 juin 2021, avec un taux d’intérêt de 4,09 % et un remboursement en 28 mensualités. En raison du non-paiement des échéances, la banque a envoyé une mise en demeure le 2 janvier 2023, demandant le règlement de 2.486,80 € sous 8 jours. Le 7 mai 2024, la banque a assigné Mme [C] [F] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir la déchéance du terme ou la résiliation du crédit, ainsi que le paiement de 8.528,78 € et 600 € au titre des frais. Lors de l’audience du 23 juillet 2024, Mme [C] [F] ne s’est pas présentée. Le juge a déclaré la banque recevable dans son action, a condamné Mme [C] [F] à payer 6.013,24 € sans intérêts, a débouté la banque de ses autres demandes et a condamné Mme [C] [F] aux dépens, tout en rappelant que l’exécution provisoire est de droit.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
53B
SCI/DC
PPP Contentieux général
N° RG 24/01313 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZEXR
BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE
C/
[C] [F]
Expéditions délivrées à :
Me JEAN
FE délivrée à :
Me JEAN
Le 08/10/2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 4]
JUGEMENT EN DATE DU 08 octobre 2024
JUGE : Madame Coraline BORIE
GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE
DEMANDERESSE :
BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE
[Adresse 1]
Représentée par Me Stéphanie JEAN, avocat au barreau de Bordeaux loco Me Guillaume METZ de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, avocat au barreau de Versailles
DEFENDERESSE :
Madame [C] [F] née le [Date naissance 3] 1989 en REPUBLIQUE DE MOLDAVIE, demeurant [Adresse 2]
Ni présente, ni représentée
DÉBATS :
Audience publique en date du 23 juillet 2024
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon une offre préalable acceptée le 12 juin 2021, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a consenti à Mme [C] [F] un crédit d’un montant de 12.000 €, portant intérêts au taux nominal de 4,09 %, remboursable en 28 mensualités de 450,06 €, hors assurance.
Se prévalant du non-paiement des échéances convenues, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a adressé à Mme [C] [F], par lettre recommandée avec avis de réception en date 2 janvier 2023, une mise en demeure de régler la somme de 2.486,80 € dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme.
Par acte de commissaire de justice du 7 mai 2024, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE, a fait assigner Mme [C] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de voir constater la déchéance du terme ou, subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du crédit, et, en tout état de cause :
▸ sa condamnation au paiement de la somme de 8.528,78 €, au titre du crédit n° 44465158179001, assortie des intérêts au taux contractuel de 4,09% l’an à compter du 28/01/2023, date de la mise en demeure, et jusqu’au jour du règlement effectif,
▸ sa condamnation au paiement de la somme de 600 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
A l’audience du 23 juillet 2024, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a maintenu ses demandes, elle a fait valoir que son action n’était pas forclose et qu’elle n’encourait pas de déchéance du droit aux intérêts.
Mme [C] [F], régulièrement citée à étude, n’a pas comparu ni été représentée.
L’affaire a été mise en délibéré au 8 octobre 2024.
Sur la non comparution du défendeur :
Conformément à l’article 472 du Code de Procédure Civile, lorsque la partie défenderesse ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne devant faire droit aux prétentions de la partie demanderesse que si celles-ci sont régulières, recevables et bien fondées.
Sur la recevabilité de l’action :
L’article R632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire.
• Sur la forclusion :
Aux termes de l’article R.312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans le délai de deux ans suivant l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, le premier incident de paiement non régularisé correspond à la mensualité exigible au 4 septembre 2022 ainsi qu’il résulte de l’étude de l’historique de compte.
L’action en paiement de la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE ayant été introduite le 7 mai 2024, date de l’assignation, soit moins de deux ans après l’événement qui lui a donné naissance, il convient de la déclarer recevable.
• Sur la déchéance du terme :
En vertu de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Conformément à l’article 1225 du code civil, la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
L’article L312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur est en droit d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus non payés et que jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard au taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut également prétendre au paiement d’une indemnité de résiliation qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
En l’espèce, par courrier recommandé en date du 2 janvier 2023, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE a mis en demeure Mme [C] [F] de régler les mensualités impayées. Il n’est pas établi, ni même allégué par le défendeur non comparant, qu’il ait apuré les arriérés correspondants. Dès lors, la déchéance du terme a pu valablement intervenir.
Sur la demande principale en paiement :
• Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
L’article L312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur est en droit d’exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus non payés et que jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard au taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut également prétendre au paiement d’une indemnité de résiliation qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Cependant, le prêteur doit avoir respecté des obligations mises à sa charge.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application et d’écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
La créance invoquée sera donc examinée au regard des dispositions du code de la consommation qui la régissent sur lesquelles la demanderesse a été invitée à s’expliquer à l’audience.
L’article L.312-16 du même code prévoit qu’avant de conclure un crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations. Celles-ci sont fournies par l’emprunteur lui-même à la demande du prêteur et par les éléments tirés du fichier national des incidents de paiement (FICP) qui doit être consulté par l’organisme de crédit, le résultat de la consultation effectuée à cette fin devant être conservé sous forme d’archive consultable dans le cadre de litiges.
L’article L 341-2 du code de la consommation dispose que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L 321-14 et L312-16 est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la
proportion fixée par le juge. L’emprunteur n’est alors tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Au soutien de ses demandes, la demanderesse ne justifie pas avoir vérifier la solvabilité de l’emprunteur (ressources et charges emprunteur) par la production de justificatifs suffisants. Il est constant que de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives (CJUE, 18 déc. 2014, C-449/13, CAConsumer Finance), lesquelles, en l’espèce, font défaut.
Partant, la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE sera intégralement déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter de la date de conclusion du contrat.
• Sur la déchéance du droit aux intérêts légaux :
Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-7 du code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt légal étant majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.
Cependant, la Cour de Justice a édicté le principe selon lequel « le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre initiative, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci » (CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal).
Or, l’article 23 de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédits aux consommateurs dispose que les Etats membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées, et que les sanctions soient « effectives, proportionnées et dissuasives ».
Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, LCL / Fesih Kalhan) a jugé que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations ».
La Cour de Justice a ainsi ajouté que, « si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif », et qu’il appartient à la juridiction saisie « de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation ».
En l’espèce, il résulte des pièces produites que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.
Dès lors, afin d’assurer le respect de la directive précitée, et du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient de ne pas faire application de l’article 1231-7 du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, en prévoyant que la somme restant due en capital ne portera pas intérêt, fût-ce au taux légal.
• Sur le montant de la créance principale :
Il ressort des éléments produits par la demanderesse que la défenderesse a réglé, au titre du prêt litigieux, la somme globale de 5.986,76 €.
Dès lors, compte tenu du prononcé de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et aux intérêts légaux, il convient de condamner Mme [C] [F] au paiement de la somme de 6.013,24 € (solde restant du au titre du capital emprunté, déduction faite des mensualités réglées).
Sur les demandes accessoires :
Succombant, Mme [C] [F] sera condamnée aux dépens de l’instance.
En revanche, la position économique respective des parties ne justifie pas de faire droit à la demande de BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est désormais de droit.
Le juge des contentieux de la protection, statuant par mise à disposition, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la société la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE recevable en son action ;
CONDAMNE Mme [C] [F] à payer à la société la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE la somme de 6.013,24 € et ce, sans intérêt, ni contractuel ni légal ;
DEBOUTE la société la BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE de toutes ses autres demandes ;
CONDAMNE Mme [C] [F] aux dépens ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Ainsi jugé et mis à disposition, les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERE LA JUGE