Conséquences de la Défaillance d’un Emprunteur dans le Cadre d’un Contrat de Crédit à la Consommation

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Conséquences de la Défaillance d’un Emprunteur dans le Cadre d’un Contrat de Crédit à la Consommation

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a accordé un crédit de 20.000€ à M. [S] [C] le 19 février 2023, remboursable en 44 mensualités. M. [S] [C] a cessé de rembourser, entraînant une mise en demeure le 9 avril 2024, sans réponse de sa part. Le 28 mai 2024, BNP PARIBAS a assigné M. [S] [C] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour obtenir le paiement de 21.801,48€ en principal, plus des frais. Lors de l’audience du 4 juillet 2024, M. [S] [C] n’était pas présent. Le jugement du 8 octobre 2024 a prononcé la déchéance des intérêts contractuels, condamné M. [S] [C] à rembourser 20.000€ sans intérêts, débouté BNP PARIBAS de sa demande d’indemnité et condamné M. [S] [C] aux dépens. La décision est exécutoire à titre provisoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
24/02327
TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

NAC: 53B

N° RG 24/02327 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TCCN

JUGEMENT

N° B

DU : 08 Octobre 2024

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE REPRESENTE PAR LE GROUPE NEUILLY CONTENTIEUX

C/

[S] [C]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024

à Me Elisabeth LAJARTHE

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE REPRESENTE PAR LE GROUPE NEUILLY CONTENTIEUX, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocats au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDEUR

M. [S] [C], demeurant [Adresse 2]

non comparant, ni représenté

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 19 février 2023, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à M. [S] [C] un crédit d’un montant de 20.000€, remboursable en 44 mensualités d’un montant de 501,69 €, au taux de 5,36% par an, hors contrat d’assurance.

M. [S] [C] ayant cessé de faire face aux échéances du crédit, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE lui a adressé une lettre de mise en demeure de régler ces échéances en date du 09 avril 2024, restée sans effet.

Par acte de commissaire de justice en date du 28 mai 2024, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a ensuite fait assigner M. [S] [C] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 21.801,48 euros en principal avec intérêts au taux conventionnel à compter du
09 avril 2024,
– 600 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’audience du 04 juillet 2024, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, représentée par son conseil, s’est référée oralement à son assignation et a maintenu ses demandes.

Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation et les moyens pouvant être relevés d’office, elle a produit à l’audience la fiche de liaison avec le tribunal comportant ses observations par lesquelles elle a rejeté toute irrégularité.

L’assignation destinée à M. [S] [C] n’ayant pu lui être délivrée en l’absence de domicile connu, un procès-verbal de recherches infructueuses a été dressé, conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile (AR produit). M. [S] [C] n’a pas comparu et n’était pas représenté.

L’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, en l’absence du défendeur, le Tribunal ne fait droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.

A titre liminaire, il est rappelé que l’article R632-1 du code de la consommation permet au Tribunal de relever d’office les moyens tirés de l’application du code de la consommation.

I. SUR LA DEMANDE DE CONDAMNATION AU PAIEMENT AU TITRE DU CONTRAT DE CREDIT

Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires.

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient donc au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier des sommes dûes et de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires.

En l’espèce, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE produit, au soutien de ses demandes :
– L’offre préalable de crédit signé sous seing privé le 19 février 2023,
– Le tableau d’amortissement du prêt,
– La notice d’assurance, la fiche conseil sur l’assurance et le document d’information sur le produit d’assurance,
– Le justificatif de consultation du FICP, daté du 28 février 2023, date de mise à disposition des fonds,
– La fiche de renseignement sur les revenus et charges de l’emprunteur, ainsi que la pièce d’identité de M. [S] [C], des bulletins de paie de décembre 2022 et janvier 2023, son avis d’imposition pour les revenus 2021, un justificatif de domicile,
– La fiche d’information précontractuelle (FIPEN),
– La mise en demeure datée du 09 avril 2024 (AR revenu destinataire inconnu) demandant à l’emprunter de s’acquitter du paiement de la dette sous 15 jours,
– Un décompte de la créance,
– Un historique des opérations effectuées sur le compte.

-Sur la régularité du contrat de prêt et le droit aux intérêts du prêteur

a) sur le corps d’écriture du contrat

L’article R312-10 du code de la consommation dispose que  » le contrat de crédit prévu à l’article L. 312-28 est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.  » et qu’il doit être  » lisible « .

Le respect du corps 8 de la taille des caractères constitue une condition de lisibilité, pour l’emprunteur, des informations devant figurer au contrat selon les article L312-28 et R312-10 ensembles du même code. Par suite, à défaut de respect de cette exigence, il doit être considéré que les informations énumérées à l’article R312-10 n’ont pas été valablement transmises au débiteur. Auquel cas, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée par application de l’article L341-4 du même code.

Le corps huit correspond à « 3 mm en points Didot » (cf : A. Favre-Rochex, J.-Cl. Civil Annexes, Assurances, fasc. 5-1 : Contrat d’assurance – règles communes – cadre législatif et réglementaire, n° 78). On mesure le corps d’une lettre de la tête des lettres montantes, l, d, b, à la queue des lettres descendantes, g, p, q. Il suffit, pour s’assurer du respect de la prescription réglementaire, de diviser la hauteur en millimètres d’un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu’il contient.
Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

Afin de vérifier la lisibilité du contrat du 19 février 2023 et notamment le respect de son écriture en caractère 8, il convient de vérifier si le quotient de la hauteur du paragraphe divisée par le nombre de ligne est supérieure à trois millimètres sur un paragraphe. Par exemple, le paragraphe intitulé  » Procédure « , en page 3 de l’offre du contrat de crédit, mesure 21 millimètres et est composé de 8 lignes, chacune d’entre elle mesurant ainsi environ 2,625 millimètres. Ainsi, le contrat ne respecte pas les exigences légales sur ce point.

b) Sur l’avertissement donné quant à la défaillance de l’emprunteur

Les articles L312.-28 et R.312-10 du code de la consommation prévoient que le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable, constituant un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article
L. 312-12.

Conformément à l’article R.312-10 6°, c), le contrat de crédit doit comporter un avertissement relatif aux conséquences d’une défaillance de l’emprunteur, ces conséquences étant par ailleurs énumérées par l’article L.312-36.

L’avertissement doit donc mentionner les risques encourus au titre de l’article L.312-39 du même code, à savoir le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés et d’une indemnité, au titre de l’article 4 de l’arrêté du 26 octobre 2010, à savoir l’inscription au FICP et au titre de l’article L.141-3 du Code des assurances, à savoir son exclusion du bénéfice du contrat d’assurance s’il a été souscrit.

A défaut du respect de ces obligations, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée par application de l’article L341-4 du même code.

Dans les paragraphes du contrat du 19 février 2023 donnant l’avertissement relatif aux conséquences d’une défaillance de l’emprunteur (page 3), l’exclusion du bénéfice de l’assurance en cas de défaillance n’est pas mentionnée, alors qu’une assurance a été souscrite par M. [S] [C].

Dès lors, il y a lieu de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre de ce prêt.

– Sur les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts et le montant de la créance

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

En application de l’article L.341-8 du même code, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La jurisprudence nationale étend cette déchéance à tous les accessoires des intérêts contractuels, à savoir les frais de toute nature mais également les primes d’assurance (cf. Civ. 1ère, 31/03/2011, n° 09-69963 et CA Paris, 29/09/2011, Pôle 04 ch. 09 n°10/01284).

Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.

Du fait de la déchéance du droit aux intérêts, les sommes versées l’ont été au titre du capital exclusivement. Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient alors de déduire du capital versé l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine.

Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [S] [C] (20.000€) et les règlements effectués (0€), tels qu’ils résultent du décompte et de l’historique de compte, soit 20.000 euros.

Par conséquent, M. [S] [C] sera condamné à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 20.000 euros, au titre du principal restant dû.

Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 (ancien 1153) du Code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Cependant par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si  » les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté  » ses obligations découlant de ladite directive. La Cour de Justice a ainsi indiqué que  » si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif  » (point 52).

En l’espèce, le taux légal est fixé à 4,92 % au 2eme semestre 2024 lorsque le créancier est un professionnel, tandis que le taux contractuel est fixé à 5,36%. Il résulte de ces éléments que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance des intérêts, sont supérieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ainsi que celle de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

II. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

M. [S] [C], partie perdante, supportera la charge des dépens, qui comprendront notamment les coûts des actes de procédure nécessaires au sens des articles L111-7 et L111-8 du code des procédures civiles d’exécution.

L’équité et la situation économique des parties commandent de dispenser
M. [S] [C] du paiement des frais irrépétibles exposés par le prêteur.

La présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE concernant le contrat du 19 février 2023 ;

CONDAMNE M. [S] [C] à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 20.000 euros ;

DIT que cette somme ne portera pas intérêts même au taux légal ;

DEBOUTE la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [S] [C] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus ;

La greffière, La vice-présidente


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