Conditions de validité et conséquences d’un contrat de crédit à la consommation : la déchéance du terme

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Conditions de validité et conséquences d’un contrat de crédit à la consommation : la déchéance du terme

La société LCL LE CREDIT LYONNAIS a accordé un crédit de 26.404 euros à M. [H] [T] en décembre 2019, remboursable en 86 mensualités. Après que M. [H] [T] a cessé de payer, LCL a envoyé une mise en demeure, suivie d’une déclaration de déchéance du terme. En avril 2024, LCL a assigné M. [H] [T] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le constat de la déchéance et le paiement d’une somme de 22.100,96 euros, entre autres demandes. Lors de l’audience de juillet 2024, M. [H] [T] n’était pas présent. Le jugement du 8 octobre 2024 a constaté que la déchéance du terme n’était pas acquise, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de prêt, et a condamné M. [H] [T] à payer 15.943,65 euros à LCL, sans intérêts. Les demandes de LCL pour dommages et intérêts ainsi que celles au titre de l’article 700 ont été rejetées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
24/01670
TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 10]
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 3]

NAC: 53B

N° RG 24/01670 – N° Portalis DBX4-W-B7I-S3VV

JUGEMENT

N° B

DU : 08 Octobre 2024

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS

C/

[H] [T]

pour signification :
[Adresse 7]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024

à Me Jérôme MARFAING-DIDIER

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargé des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.

Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 6]

représentée par Maître Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocats au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDEUR

M. [H] [T] demeurant [Adresse 9] – [Localité 4], pour signification
– [Adresse 7] – [Adresse 5] – [Localité 4]

non comparant, ni représenté

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 19 décembre 2019, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS a consenti à M. [H] [T] un crédit n°81446944317 d’un montant de 26.404 euros, remboursable en 86 mensualités de 366,90€, au TEG de 4,363% par an, hors assurance.

M. [H] [T] ayant cessé de faire face aux échéances de son crédit, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS lui a adressé une lettre de mise en demeure de régler ces échéances, restées sans effet. Par suite, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS lui a adressé un courrier par lequel elle a prononcé la déchéance du terme du contrat.

Par acte de commissaire de justice en date du 02 avril 2024, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS a ensuite fait assigner M. [H] [T] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:
– à titre principal, le constat de la déchéance régulière du terme et la condamnation de M. [H] [T] au paiement de la somme de 22.100,96 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 23 janvier 2024,
– à titre subsidiaire, le prononcé de la résolution judiciaire du contrat et sa condamnation à la somme de 22.100,96 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 23 janvier 2024,
– à titre infiniment subsidiaire, sa condamnation au paiement de la somme de 5064,54 euros représentant les échéances échues impayées à la date du 23 janvier 2024, avec intérêts de retard courant, et des échéances échues impayées postérieures, jusqu’au jugement,
– en tout état de cause, la condamnation de M. [H] [T]:
– au paiement de la somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts,
– au paiement de la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l’audience du 04 juillet 2024, la société CA CONSUMER FINANCE, représentée par son conseil, se réfère oralement à son assignation et maintient ses demandes. Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation et les moyens pouvant être relevés d’office, elle a produit à l’audience la fiche de liaison avec le tribunal comportant ses observations par lesquelles elle a rejeté toute irrégularité.

Convoqué par acte de commissaire de justice signifié par remise à étude le 04 avril 2024,
M. [H] [T] n’est ni présent ni représenté.

L’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, en l’absence du défendeur, le Tribunal ne fait droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.

I. SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT AU TITRE DU CONTRAT DE PRET PERSONNEL N°81446944317

A titre liminaire, il est rappelé que l’article R632-1 du code de la consommation permet au tribunal de relever d’office les moyens tirés de l’application du code de la consommation. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne impose au juge national d’examiner d’office l’existence de violations de ses obligations par le prêteur afin de garantir l’effectivité de l’objectif de protection du consommateur poursuivi par la directive 2008/48/CE (cf. notamment CJUE, C-679/18, OPR FINANCE SRO, 05/03/2020).

Aux termes de l’article 1353 du Code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient donc au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier des sommes dues et de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires.

– Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Selon l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’ancien article L.311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Le juge peut relever d’office l’irrégularité de la déchéance du terme (CA Paris, pôle 4 – ch. 9 – a, 10 mars 2022, n° 19/06663).

En l’espèce, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS fournit l’offre préalable de crédit du
19 décembre 2019 dont la clause sur « Déchéance du terme» au paragraphe 6.5 (page 3). mentionne la déchéance du terme en cas de non-paiement des échéances, dans un délai de 15 jours mois après que le prêteur ait mis en demeure l’emprunteur de respecter ses obligations par lettre recommandée avec accusé réception.

A ce titre, si la société LCL LE CREDIT LYONNAIS produit un courrier de mise en demeure en date du 1er décembre 2022, il n’est pas produit le justificatif de l’envoi de ce courrier en recommandé. Il n’est donc pas établi la réalité d’une mise en demeure préalable demandant à M. [H] [T] de régler la somme représentant les loyers impayés, sous peine de déchéance du terme. Il en est de même de la lettre de mise en demeure envoyée le 30 août 2023.

De même, si elle produit une troisième lettre datée du 12 octobre 2023 intitulée “mise en demeure”, cette lettre ne peut valoir mise en demeure préalable à la résiliation dans la mesure où elle informe M. [H] [T] de la déchéance du terme et le somme de rembourser immédiatement le capital dû outre le fait qu’il n’est également produit aucun accusé de réception à ce titre.

Il convient ainsi de considérer que la déchéance du terme n’est pas régulière et de débouter la société LCL LE CREDIT LYONNAIS de sa demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire et de sa demande en paiement de l’intégralité des sommes restant dues à ce titre, la somme sollicitée dans le cadre de l’assignation n’étant pas exigible.

– Sur la résiliation judiciaire du contrat de prêt :

L’article 1103 du Code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Selon l’article 1217 du même code, « la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut […] provoquer la résolution du contrat ».
L’article 1227 du même code précise que « la résolution peut, en tout hypothèse, être demandée en justice ».

Dans le cadre d’un crédit à la consommation, l’obligation principale de l’emprunteur consiste à rembourser les sommes prêtées, de sorte qu’un manquement répété et prolongé à ladite obligation peut justifier la résiliation dudit contrat aux torts de l’emprunteur défaillant.

En l’espèce, l’offre de crédit acceptée par M. [H] [T] emportait expressément pour lui l’obligation de rembourser les sommes prêtées selon les modalités contractuelles, notamment précisées par le tableau d’amortissement joint au contrat.

Pourtant, il ressort de l’échéancier versé en procédure que M. [H] [T] n’a plus réglé les mensualités à compter du mois d’octobre 2022.

M. [H] [T] n’ayant pas comparu à l’audience, il n’apporte par définition aucun élément pour expliquer les raisons de l’arrêt des remboursements.

Compte-tenu de la durée d’amortissement prévue au contrat et de la défaillance de M. [H] [T] pendant plusieurs mois, lequel n’a d’ailleurs pas estimé devoir s’expliquer devant le tribunal, il convient de considérer que les manquements répétés de l’emprunteur à son obligation contractuelle sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de prêt n°81446944317 conclu le 19 décembre 2019 entre M. [H] [T] et la société LCL LE CREDIT LYONNAIS.

Il convient en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat

-Sur la régularité du contrat de prêt et le droit aux intérêts du prêteur

En l’espèce, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS produit, au soutien de ses demandes :
– L’offre préalable de crédit signée manuscritement par M. [H] [T] le 19 décembre 2019,
– La fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée (FIPEN),
– Le document d’information de regroupement de crédits,
– Le justificatif de consultation du FICP en date du 10 décembre 2019
– La fiche de dialogue sur les revenus et charges de l’emprunteur signée,
– La carte d’identité de l’emprunteur
– La lettre de mise en demeure du 1er décembre 2022 sommant M. [H] [T] de régler sa dette à peine de déchéance du terme du crédit (sans AR produit),
– La lettre prononçant la déchéance du terme en date du 30 août 2023,
– Le tableau d’amortissement du prêt,
– Un décompte de la créance en date du 23 janvier 2024,
– Un historique des opérations effectuées sur le compte.

1. Sur l’information précontractuelle

En application des articles L. 312-12 et L.312-14 du code de la consommation, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement. La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat. Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention  » Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager « .

La charge de la preuve de l’existence de cette fiche repose sur l’organisme prêteur, lequel doit non seulement rapporter la preuve de son existence mais encore de ce que sa teneur répond aux exigences de l’article précité. Le prêteur ne peut se contenter d’une clause indiquant la remise de la fiche, laquelle renverse la charge de la preuve, et doit corroborer cette clause par d’autres éléments, selon un arrêt de la Cour de justice de l’union européenne du 18 décembre 2014 (C-449/13 CA CONSUMER FINANCE SA c. BAKKAUS, SAVARY et BONATO).

L’article L341-2 prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, le contrat de crédit signé par M. [H] [T] comporte une clause selon laquelle l’emprunteur reconnait avoir eu un exemplaire de la fiche d’informations précontractuelle. Néanmoins le prêteur produit une fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée, laquelle n’est toutefois pas signée par l’emprunteur. De fait, aucun élément de preuve ne vient corroborer le fait que la fiche d’information précontractuelle lui a bien été remise.

2- Sur la remise de la notice d’assurance

Aux termes de l’article L.312-29 du code de la consommation, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

La charge de la preuve de l’existence de cette notice d’assurance et de sa remise repose sur l’organisme prêteur, lequel doit non seulement rapporter la preuve de l’existence de cette fiche mais encore de ce que sa teneur répond aux exigences de l’article précité.

Selon l’arrêt de la Cour de justice de l’union européenne du 18 décembre 2014 (C-449/13 CA CONSUMER FINANCE SA c. BAKKAUS, SAVARY et BONATO), les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, s’opposent à ce que le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur en raison d’une clause type, laquelle entraîne un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. La cour a expliqué qu’il  » ressort de l’article 22, § 3 de la directive 2008/48 qu’une telle clause ne peut permettre au prêteur de contourner ses obligations et qu’elle ne constitue qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.  »

A défaut de remise de la notice de prévue par l’article L.312-29, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée par application de l’article L341-4 du même code.

En l’espèce, le contrat signé par M. [H] [T] mentionne l’adhésion à l’assurance facultative et comporte une clause selon laquelle celle-ci reconnaît avoir eu connaissance du dépliant d’information de la convention visant à améliorer l’accès à l’assurance (…). Il n’est toutefois produit aucune notice d’assurance, étant rappelé que celle-ci doit être signée ou visée par M. [H] [T]. De fait, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS ne rapporte pas la preuve de la remise effective de la notice d’assurance.

3- Sur la vérification de la solvabilité

En application de l’article L.312-16, avant de conclure le contrat de crédit et au plus tard sept jours après la signature de l’offre de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, étant précisé que  » de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives  » (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13, § 37). Le prêteur consulte le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

L’article L341-2 prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS a produit la fiche de dialogue avec comme justificatif copie de la pièce d’identité de M. [T] et les avis d’imposition sur les revenus 2016 et 2013. Néanmoins, ces derniers documents ont été établis en 2017 et en 2014, soit plusieurs années avant la signature du contrat prêt intervenue le 19 décembre 2019. Ainsi, faute de rapporter la preuve qu’elle aurait recueilli d’autres informations ou justificatifs concernant la solvabilité de M. [T] au moment de conclure le contrat de crédit, la société LCL LE CREDIT LYONNAIS se montre défaillante dans son obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient de déchoir la société LCL LE CREDIT LYONNAIS de son droit aux intérêts.

– Sur les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts et les sommes dues

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

En application de l’article L.341-8 du même code, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La jurisprudence nationale étend cette déchéance à tous les accessoires des intérêts contractuels, à savoir les frais de toute nature mais également les primes d’assurance (cf. notamment Civ. 1ère, 31/03/2011, n° 09-69963 et CA Paris, 29/09/2011, Pôle 04 ch. 09 n°10/01284).

Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.

Du fait de la déchéance du droit aux intérêts prononcée ci-avant, les sommes versées par l’emprunteur l’ont été au titre du capital exclusivement. Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient alors de déduire du capital versé l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine.

En l’espèce, les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [H] [T] (26.404€) et les règlements effectués (10.460,35€), tels qu’ils résultent du décompte des sommes dues selon l’échéancier produit par le prêteur, soit 15.943,65€ au titre du capital restant dû pour le contrat n°81446944317 et à l’exclusion de toute autre somme notamment la clause pénale.

Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 du Code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Cependant par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si  » les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté  » ses obligations découlant de ladite directive. La Cour de Justice a ainsi indiqué que  » si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif  » (point 52).

En l’espèce, le taux légal est fixé à 4,92 % au 2ème semestre 2024 (selon arrêté du 26 juin 2024) lorsque le créancier est un professionnel, tandis que le taux contractuel est fixé à 4,363 %. Il résulte de ces éléments que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ou même au seul taux légal, nonobstant la déchéance des intérêts, ne sont pas suffisamment inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ainsi que celle de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

II. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS

La société LCL LE CREDIT LYONNAIS ne démontre aucun préjudice distinct du simple retard de paiement et sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

III. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

M. [H] [T], partie perdante, supportera la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité et la situation économique des parties commandent de dispenser M. [H] [T] du paiement des frais irrépétibles exposés par le prêteur, tel que permis par l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la déchéance du terme n’est pas acquise à la société LCL LE CREDIT LYONNAIS ;

DEBOUTE la société LCL LE CREDIT LYONNAIS de sa demande tendant à obtenir la condamnation en paiement de M. [H] [T] à ce titre ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de prêt n°81446944317 conclu le 19 décembre 2019 entre M. [H] [T] et la société LCL LE CREDIT LYONNAIS;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société LCL LE CREDIT LYONNAIS au titre de ce contrat de prêt :

CONDAMNE M. [H] [T] à payer à la société LCL LE CREDIT LYONNAIS la somme de 15.943,65€ ;

DIT que cette somme ne portera pas intérêts même au taux légal ;

DEBOUTE la société LCL LE CREDIT LYONNAIS de sa demande au titre des dommages et intérêts ;

DEBOUTE la société LCL LE CREDIT LYONNAIS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [H] [T] aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

REJETTE le surplus des prétentions;

Le Greffier La vice-présidente


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