Obligations contractuelles et des droits des parties dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable

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Obligations contractuelles et des droits des parties dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable

Madame [H] [X] a souscrit un contrat de crédit renouvelable de 9000€ auprès de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] le 7 février 2019. En raison de défauts de paiement, la caisse a assigné Madame [H] [X] devant le tribunal pour obtenir le paiement de 4.147,96€ avec intérêts, 500€ de dommages et intérêts, et 800€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Lors de l’audience du 7 mars 2024, la CAISSE a maintenu ses demandes, tandis que Madame [H] [X] a reconnu sa dette et a demandé des délais de paiement en raison de difficultés financières. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le 6 mai 2024, puis a ordonné la réouverture de l’audience du 4 juillet 2024 pour que la CAISSE fournisse des documents supplémentaires. À cette audience, Madame [H] [X] a informé le tribunal de son incapacité à se présenter pour des raisons de santé, sans justification. Le jugement rendu a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la CAISSE, débouté ses demandes de paiement, de dommages et intérêts, et de frais, et a condamné la CAISSE aux dépens. La décision est exécutoire à titre provisoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
23/04304
TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]

NAC: 53B

N° RG 23/04304 – N° Portalis DBX4-W-B7H-SPII

JUGEMENT

N° B

DU : 08 Octobre 2024

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4]

C/

[H] [X] NEE [D]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024

à Mme [H] [X] née [D]

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4], dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocats au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDERESSE

Mme [H] [X] NEE [D], demeurant [Adresse 2]

non comparante, ni représentée

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre acceptée le 7 février 2019, Madame [H] [X] a souscrit auprès de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] un contrat de crédit renouvelable utilisable par fractions d’un montant de 9000€ au taux débiteur variable.

Étant défaillante dans le paiement des échéances, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] a assigné par exploit de commissaire de justice en date du 13 octobre 2023 Madame [H] [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes de :
-4.147,96 € avec intérêts au taux contractuel de 2% à compter du 20 mars 2023,
-500€ de dommages et intérêts,
-800€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Après un renvoi à la demande des parties, l’affaire était retenue à l’audience du 7 mars 2024,au cours de laquelle :

-La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4], représentée par son conseil, a maintenu ses demandes formées et s’est opposée à la demande en délais de paiement formée par la défenderesse. Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation et les moyens pouvant être relevés d’office, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] a produit à l’audience la fiche de liaison avec le tribunal comportant ses observations par lesquelles elle a rejeté toute irrégularité.

-Madame [H] [X], comparante, a reconnu le montant de la dette. Elle a mentionné avoir eu des difficultés financières en raison d’une baisse de revenus du fait d’un arrêt maladie outre des frais d’obsèques suite au décès de son père. Elle a indiqué être aide soignante, avoir repris le travail début mars 2024 et percevoir environ 1600€ de salaire. Elle a sollicité des délais de paiement et proposé de verser 100 à 150€ par mois. Elle a précisé vivre seule et avoir la garde d’un fils de 14 ans.

L’affaire a été mise en délibéré au 06 mai 2024, date à laquelle, par jugement contradictoire, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de céans a ordonné la réouverture à l’audience du 04 juillet 2024, afin de permettre à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de fournir l’historique de compte depuis l’origine du contrat avec les sommes effectivement débloquées au profit de Madame [D] et réglées par cette dernière et de faire valoir ses observations sur les manquements précités concernant les formalités prescrites et par application des dispositions combinées de l’article 6 du Code civil et de l’article L 311-48 devenu L 341-1 et suivants du Code de la consommation et une éventuelle déchéance du droit aux intérêts.

A l’audience du 04 juillet 2024,La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4], représentée par son conseil, précise fournir le décompte expurgé et l’historique sollicités.

Par mail du 04 juillet 2024, Mme [H] [X], née [D], indique être souffrante et ne pas pouvoir se présenter au tribunal, sans toutefois en justifier ni demander un report d’audience. Elle produit de nouvelles pièces concernant sa situation financière, lesquelles ont été portées à la connaissance de la demanderesse lors de l’audience.

En application des dispositions de l’article 469 du code de procédure civile, le jugement rendu sera contradictoire.

La date du délibéré a été fixée au 08 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I- SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT

En vertu de l’article R. 632-1 du Code de la consommation, « le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application ».

Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient donc au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires.

– Sur la régularité du contrat et le droit aux intérêts du prêteur

En l’espèce, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] produit :
le contrat de crédit signé le 7 février 2019,le justificatif de la consultation du FICP le 14 février 2019,le tableau d’amortissement,le décompte des sommes dues au 20 mars 2023,la mise en demeure de payer la somme de 711,11€ adressée le 25 octobre 2022 et de payer la somme de 4161,61€ le 23 novembre 2022,la notice d’information en matière d’assurances ,la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée en matière de crédit à la consommation,la fiche de renseignements sur la situation personnelle et financière des emprunteurs
En revanche, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] ne justifie pas des éléments suivants:

– la fiche d’informations précontractuelles conforme aux dispositions de l’article L312- 12 du code de la consommation, dès lors que le justificatif fourni n’est pas visé par l’emprunteur. Il convient en outre de rappeler à ce titre, que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît avoir reçu un document de la part du prêteur constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. (Civ. 1re, 8 avr. 2021, n° 19-20. 890 ; articles L.312-12 et L.312-7 du Code de la consommation).

– le prêteur ne justifie pas non plus avoir vérifié la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations corroborées par des justificatifs contemporains à la souscription du crédit conformément à l’article L312-16 du code de la consommation. En l’espèce, la vérification aurait dû être d’autant plus complète que le contrat portait sur un montant non négligeable de 9 000€, or si le prêteur justifie avoir recueilli des justificatifs sur les revenus de Madame [D], il ne justifie pas avoir recueilli des justificatifs sur ses charges et ce alors qu’il est fait état d’autres crédits de sorte que les éléments figurant dans la fiche de dialogue sont purement déclaratifs en l’absence d’éléments les corroborant. Cette vérification apparaît insuffisante au regard des enjeux du contrat.

– la consultation annuelle du FICP :
Conformément à l’article L312-75 du code de la consommation : « Avant de proposer à l’emprunteur de reconduire le contrat, le prêteur consulte tous les ans le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6 et, tous les trois ans, il vérifie la solvabilité de l’emprunteur dans les conditions fixées à l’article L. 312-16 ». Excepté la consultation du 14 février 2019, aucun autre justificatif de consultation du FICP n’est fourni.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] au titre de ce prêt doit être prononcée par application des articles L341-1 et suivants du code de la consommation.

– Sur les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts et le montant de la créance

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

En application de l’article L.341-8 du même code, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La jurisprudence nationale étend cette déchéance à tous les accessoires des intérêts contractuels, à savoir les frais de toute nature mais également les primes d’assurance (cf. Civ. 1ère, 31/03/2011, n° 09-69963 et CA Paris, 29/09/2011, Pôle 04 ch. 09 n°10/01284).

Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.

Du fait de la déchéance du droit aux intérêts, les sommes versées l’ont été au titre du capital exclusivement. Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient alors de déduire du capital versé l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine.

En l’espèce, la réouverture des débats a été ordonnée afin de permettre à la demanderesse de produire l’historique de compte depuis l’origine du contrat avec les sommes effectivement débloquées au profit de Madame [D] et réglées par cette dernière.

Force est de constater que l’historique produit (pièce 14) porte en 1ère ligne un solde comptable du 06 décembre 2019 pour un montant de 8257,58 €.

Il n’est produit aucun élément pour la période antérieure, alors que le contrat a été conclu le 07 février 2019 et que cette première ligne démontre l’existence de mouvements antérieurs.

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] n’a donc pas mis le juge en mesure, nonobstant à réouverture des débats à cette fin, de vérifier le montant de la créance et de fixer celle-ci compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts prononcée.

En conséquence, faute pour la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de produire les éléments permettant d’établir sa créance à l’encontre de Mme [H] [D] épouse [X] à compter de la conclusion du contrat initial, elle sera déboutée de sa demande.

Il n’y a pas lieu dans ces conditions de statuer sur la demande reconventionnelle en délais de paiement de la défenderesse.

II. SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] ne démontre aucun préjudice distinct du simple retard de paiement et sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

III. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] , partie perdante, supportera la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] concernant le contrat du 07 février 2019 ;

DEBOUTE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de sa demande en paiement formée à l’encontre de Mme [H] [X] née [D] au titre du crédit renouvelable;

DEBOUTE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de sa demande en dommages et intérêts;

DEBOUTE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus ;

La greffière, La vice-présidente


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