Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] ont acquis un immeuble le 7 octobre 2019, pour lequel la SAS DMC a été chargée de réaliser des travaux de terrasse pour un montant de 37 767,48 euros. Suite à des désordres sur la terrasse, un rapport d’expertise a été établi le 4 mai 2021, entraînant un protocole transactionnel le 5 mai 2021, où la SAS DMC s’engageait à effectuer des réparations. Ne voyant aucune intervention, les demandeurs ont assigné la SAS DMC en référé le 13 janvier 2022, ce qui a conduit à une expertise judiciaire. Un rapport d’expertise a été déposé le 25 juillet 2023, suivi d’un nouveau rapport le 20 octobre 2023. Faute de solution amiable, les demandeurs ont assigné la SAS DMC au fond le 20 décembre 2023, demandant des dommages et intérêts pour préjudice matériel et immatériel, ainsi que des frais de justice. La SAS DMC, régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat. Le tribunal a rendu son jugement le 2 juillet 2024, condamnant la SAS DMC à verser des dommages et intérêts et des frais de justice, tout en déboutant les demandeurs du surplus de leurs demandes. L’exécution provisoire a été ordonnée.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 08 OCTOBRE 2024
54G
N° RG 24/00333
N° Portalis DBX6-W-B7H-YSAR
Minute n°2024/
AFFAIRE :
[D] [E]
[L] [R]
C/
SAS DMC (DEVELOPPEMENT MAXIME COMPAGNIE)
Grosse Délivrée
le :
à
Me Jérôme DIROU
1 copie M. [Z], expert judiciaire
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame BOULNOIS, Vice-Président, statuant en Juge Unique,
Lors des débats et du prononcé :
Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier
à l’audience publique du 02 Juillet 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 08 Octobre 2024
JUGEMENT :
Réputé contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDEURS
Monsieur [D] [E]
né le 15 Avril 1983 à [Localité 2] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [L] [R]
née le 26 Mai 1985 à [Localité 4] (YVELINES)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE
SAS DMC (DEVELOPPEMENT MAXIME COMPAGNIE)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
défaillante
Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] ont acquis le 07 octobre 2019 auprès de la SCI [Adresse 3] un immeuble sis [Adresse 3] a [Localité 5].
Suivant devis du 17 janvier 2019, la SAS DMC s’était vu confier des travaux de réalisation d’une terrasse pour un montant de 37 767.48 euros, travaux qui ont été facturés à la SCI [Adresse 3] le 17 janvier 2020.
Se plaignant de désordres affectant la terrasse, Monsieur [E] et Madame [R] ont saisi leur assurance de protection juridique qui a missionné le Cabinet d’expertise Assistance Expertise Bâtiment. Celui-ci a rendu un rapport d’expertise amiable le 04 mai 2021.
Suite à ce rapport, un protocole transactionnel a été signé entre Monsieur [E] et la SAS DMC le 05 mai 2021, cette dernière s’engageant à intervenir pour la reprise des désordres mentionnés au rapport.
Faute d’intervention, Monsieur [E] et Madame [R] ont, par acte du 13 janvier 2022, fait assigner la SAS DMC devant le Tribunal judiciaire en référé aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire. Par une ordonnance en date du 24 octobre 2022, il a été fait droit à cette demande et Monsieur [K] [N] remplacé ensuite par Monsieur [F] [Z] a été désigné en qualité d’expert. Monsieur [Z] a déposé son rapport le 25 juillet 2023.
Insatisfaits des reprises effectuées par la SAS DMC entre temps, Monsieur [E] et Madame [R] ont de nouveau fait intervenir leur assurance de protection juridique qui a missionné à nouveau le Cabinet Assistance Expertise Bâtiment qui a rendu un rapport le 20 octobre 2023.
Faute de solution amiable, suivant acte signifié le 20 décembre 2023, Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] ont fait assigner au fond la SAS DMC et demandent au Tribunal de :
Vu les dispositions de l’article 1792, 1231-1 (ancien 1147) et 1217 du Code civil,
CON DAMNER la société DMC a payer aux consorts [E]-[R] les sommes de :
– 11 654.50 € au titre du préjudice matériel,
– 3000.00 € au titre du préjudice immatériel,
CONDAMNER la société DMC a payer aux consorts [E]-[R] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Régulièrement assignée, la SAS DMC n’a pas constitué Avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 02 juillet 2024.
Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, la juridiction peut néanmoins statuer sur le fond mais elle ne fait droit à la demande que si elle l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En application de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
L’action en responsabilité se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux et le désordre doit être caché au moment de la réception.
Le maître de l’ouvrage peut également rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, prévue par l’article 1231-1 du code civil qui dispose que «le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure» ; étant rappelé que ce recours de nature contractuelle impose de rapporter la preuve de l’existence d’un manquement contractuel, d’un préjudice et d’un lien causal.
L’acquéreur dispose des droits et actions attachés à la chose et dispose contre les locateurs d’ouvrage d’une action fondée sur leurs responsabilités envers le maître de l’ouvrage.
La terrasse réalisée par la SAS DMC est une terrasse en béton réalisée sur tout le pourtour de la maison, ancrée au sol et fixe. Dès lors, il s’agit d’un ouvrage au sens de l’article 1792.
Aucun procès-verbal de réception n’a été signé. Il n’est pas contesté que les travaux, quand bien même ils auraient été facturés ensuite, ont été réalisés avant la vente intervenue le 07 octobre 2019 sous la maîtrise d’ouvrage de la SCI [Adresse 3] et ont été intégralement payés par celle-ci. En conséquence, il convient de considérer que la réception des travaux est intervenue le 06 octobre 2019, sans réserves.
L’expert judiciaire a constaté que sur le côté de la terrasse ouest, celle-ci présentait une bosse en son milieu (de 2 à 3 cm) et qu’un joint de fractionnement côté terrasse sud entre deux terrasses ne correspondait pas à un joint de dilatation. Il a également constaté que relativement au rapport d’expertise amiable du 04 mai 2021, si la SAS DMC était intervenue pour faire des reprises, celles-ci ne corrigeaient pas les désordres. Ainsi, le rabotage de la bosse ne corrigeait pas le défaut de planimétrie de la terrasse et s’agissant du joint, un simple sciage avait été effectué entre la terrasse sud et la terrasse ouest qui n’avait pas été réalisé sur toute la hauteur du béton, ce qui faisait que le joint de dilatation restait inefficace. L’expert judiciaire a précisé que les désordres relevaient de malfaçons dans l’exécution et, notamment s’agissant du joint de dilatation, d’un défaut de respect des règles de l’art et que cela entraînait des risques de fissures dues à la dilatation du béton. Il a conclu que les éléments affectés correspondaient à la finition du gros œuvre des terrasses, sans rendre l’immeuble (les terrasses ou la maison) impropre à sa destination, que la solidité de la maison et des terrasses n’était pas compromise pour le désordre de planéité mais pouvait l’être pour le désordre lié au joint de dilatation. Il a précisé que les désordres étant «parfaitement visibles et mesurables par une règle, on peut en déduire qu’ils étaient apparents lors de la réception». Il a ajouté néanmoins que leur importance n’était pas visible pour un profane dans le sens où il n’était pas évident que les défauts de planimétrie rebuteraient un carreleur pour la suite des travaux.
Concernant la solution réparatoire, l’expert judiciaire a indiqué qu’il convenait d’approfondir le joint entre terrasse(s) et de démolir et reconstruire 6 m² de la terrasse ouest. Il a ajouté que «les parties anciennes et neuves devront être séparées par des joints de dilatation et que les travaux de démolition devront être faits après un sciage préalable».
Les mêmes désordres avaient été constatés par le Cabinet d’expertise Assistance Expertise Bâtiment dans le rapport d’expertise amiable du 04 mai 2021, à la différence que la bosse avait été localisée sur la terrasse sud qui avait conclu que le désordre ne rendait pas «pour l’heure l’ouvrage impropre à destination» et que le défaut de planéité n’était pas un désordre de nature décennale.
Le rapport amiable du 20 octobre 2023 du Cabinet d’expertise Assistance Expertise Bâtiment indique que dans le cadre des reprises effectuées, la société a simplement poncé légèrement la bosse (localisée cette fois sur la terrasse ouest de même que par l’expert judiciaire) qui est toujours présente et a fait un ragréage partiel. Il ajoute qu’elle n’a pas repris les joints de dilatation. Le rapport relève de plus depuis le ragréage effectué un défaut de planéité et un non-respect des pentes et conclut à la nécessité de démolir l’ouvrage pour qu’il soit remis en conformité avec les règles de l’art.
Il résulte de l’expertise judiciaire que les désordres n’étaient pas visibles à la réception dans leur importance par un profane dans la mesure où il n’était pas évident que les défauts de planimétrie rebuteraient un carreleur pour la suite des travaux. En outre, le désordre du joint de dilatation, susceptible de porter atteinte à la solidité de l’ouvrage n’est pas non plus perceptible dans son ampleur pour un profane. Ainsi, il s’agit de désordres cachés à la réception. Il résulte en outre du rapport d ‘expertise amiable du 20 octobre 2023 que les désordres n’ont pas été réparés et subsistent.
De plus, le désordre lié à l’absence de joint de dilatation correctement réalisé est d’ores et déjà susceptible de porter atteinte à la solidité de l’ouvrage. Il s’agit ainsi d’un désordre de nature décennale qui engage de plein droit la responsabilité de la SAS DMC sur le fondement d e l’article 1792 du code civil et elle en sera tenue à réparation.
Le désordre de défaut de planéité résulte d ‘une malfaçon d’exécution et engage la responsabilité contractuelle de la SAS DMC, professionnelle tenue à une obligation de résultat, qui en sera tenue à réparation.
L’expert judiciaire a indiqué que les demandeurs avaient fait réaliser un devis de réparation par la société GRM mais qu’il «n’avait pas ce devis». Il a ajouté que ce devis correspondrait à la «démolition et reconstruction de ½ (entrée) + (gauche) 1 terrasses» (sic). Il a ajouté qu’«à défaut d’autres éléments «on pourrait retenir 50 % de ce devis pour la réfection de la ½ terrasse à l’entrée, soit 5827, 25 euros TTC».
Monsieur [E] et Madame [R] sollicitent l’octroi d’une somme de 11 154,50 euros TTC pour pouvoir procéder à la réfection totale de la terrasse.
Cependant, l’expert judiciaire n’a pas estimé que la réparation des deux désordres qui lui on été soumis (plus un flash qui avait fait l’objet d’une réparation) justifiait la reprise intégrale de la terrasse. Cette reprise intégrale a été préconisée par le dernier rapport d’expertise amiable qui n’a pas été soumis à la discussion contradictoire, est inopposable à la SAS DMC et concerne de nouveaux désordres non visés à l’assignation et non soumis à l’examen de l’expert judiciaire. En outre, le devis de la société GRM, s’il est cité par l’expert judiciaire, ne lui a pas été soumis ce qui fait qu’il n’a pu en valider l’ensemble des prestations.
En conséquence, il y a lieu d’adopter la solution réparatoire validée par l’expert judiciaire pour la reprise des deux désordres dont est saisi le tribunal, à savoir «la bosse» et le défaut de joint de dilatation, et d ‘accorder à Monsieur [E] et Madame [R] à titre de dommages et intérêts la somme de 5 827,25 euros, seule somme validée par l’expert, que la SAS DMC sera condamnée à leur payer.
S’agissant d’un préjudice de jouissance, Monsieur [E] et Madame [R] ne justifient pas que les désordres affectant la terrasse ont entraîné pour eux l’impossibilité de l’utiliser et leur ont causé un préjudice de jouissance. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande à ce titre.
La SAS DMC, partie perdante, sera condamnée aux dépens et, au titre de l’équité, sera condamnée à payer à Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Tribunal,
CONDAMNE la SAS DMC à payer à Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] la somme de 5 827,25 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des désordres.
CONDAMNE la SAS DMC à payer à Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE Monsieur [D] [E] et Madame [L] [R] du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la SAS DMC aux dépens.
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
La présente décision est signée par Madame BOULNOIS, Vice-Président, le Président, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT