Évaluation de la bonne foi dans le cadre d’une demande de traitement de surendettement : enjeux et implications.

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Évaluation de la bonne foi dans le cadre d’une demande de traitement de surendettement : enjeux et implications.
Ce point juridique est utile ?

Monsieur [K] [L] a déposé une demande de traitement de surendettement le 30 avril 2024, qui a été jugée recevable le 14 mai 2024. Le créancier [20] a contesté cette décision le 29 mai 2024, arguant que Monsieur [K] [L] n’était pas de bonne foi en raison de ses multiples recours au crédit et de fausses déclarations faites aux organismes financiers. Bien que le créancier n’ait pas comparu, il a soumis des observations écrites. Monsieur [K] [L] a expliqué qu’il avait été manipulé par une compagne qui l’a incité à contracter des emprunts, promettant de les rembourser, ce qu’elle n’a fait que partiellement. Il a également mentionné sa dépendance à des tiers pour la gestion de ses finances. Les autres créanciers n’ont pas comparu. L’affaire a été mise en délibéré pour le 8 octobre 2024. Le juge a demandé des éclaircissements sur un véhicule acquis par un prêt et sur un précédent rétablissement personnel. En décision publique, le juge a déclaré le recours du créancier recevable, a jugé que Monsieur [K] [L] n’était pas de bonne foi, et a déclaré sa demande de traitement de surendettement irrecevable, sans condamnation aux dépens. La décision est immédiatement exécutoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire d’Amiens
RG n°
24/00096
TRIBUNAL JUDICIAIRE d’AMIENS
[Adresse 22]
[Localité 9]
Service surendettement des particuliers

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/00096 – N° Portalis DB26-W-B7I-H66P

Jugement du 08 Octobre 2024

Minute n°

S.A. [16]

C/

[K] [L], [C] [R], [U] [R], Société [27], Société [25], Société [18], Société [26], S.A. [15], S.A.S. [14], Société [24], Société [27]

Expédition délivrée aux parties par LRAR
le 08.10.2024

JUGEMENT

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sous la Présidence de Céline BARTHOU, Vice-Présidente chargée de la Chambre de la proximité et de la protection, assistée de Agnès LEROY, Greffière ;

Après débats à l’audience publique du 3 Septembre 2024, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2024;

Sur la contestation formée par :

S.A. [16]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 8], comparante par LRAR

à l’encontre de la décision portant sur la recevabilité rendue par la Commission de Surendettement des Particuliers de la Somme à l’égard de :

Monsieur [K] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10], Présent

Créanciers :

Monsieur [C] [R]
[Adresse 7], Absent
Madame [U] [R]
[Adresse 7], Absente
Société [27]
Service surendettement, [Localité 12]
Absente
Société [25]
[Adresse 30], Absente
Société [18]
Chez [29], [Adresse 21], Absente
Société [26]
Chez [17] – service Attitude, [Adresse 23], Absente
S.A. [15]
Chez [28], [Adresse 5]
[Localité 11], Absente
S.A.S. [14]
[Adresse 3]
Absente
Société [24]
[Adresse 2]
Absente
Société [27]
Service surendettement, [Localité 6], Absente

EXPOSE DE LA SITUATION

Monsieur [K] [L] a saisi le 30 avril 2024 la commission de surendettement de la Somme d’une demande de traitement de sa situation de surendettement qui a déclaré cette demande recevable le 14 mai 2024.

Par courrier expédié le 29 mai 2024, le [20] a formé une contestation contre cette décision au motif que Monsieur [K] [L] n’est pas débiteur de bonne foi.

Le débiteur et les créanciers ont été régulièrement convoqués par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le [20] n’a pas comparu mais a usé de la faculté d’adresser ses observations par lettre recommandée avec accusé de réception tant au juge qu’à Monsieur [K] [L] dans le respect du contradictoire.

A l’appui de sa contestation, le créancier fait valoir que Monsieur [K] [L] a multiplié les recours au crédit en quelques mois et a fait de fausses déclarations auprès des organismes financiers pour bénéficier d’un concours qui lui aurait été refusé s’il avait été transparent sur sa situation.

Monsieur [K] [L] comparaît en personne, il explique s’être laissé dupé par une compagne malveillante qui lui a fait souscrire des emprunts à son bénéfice en lui promettant de le rembourser, ce qu’elle n’a fait que très partiellement. Il indique que les contrats étaient complétés par cette compagne qui gérait ses papiers et qu’il se contentait de signer.

Il ajoute avoir toujours dépendu d’un tiers pour gérer ses papiers, qu’il était accompagné d’abord de ses parents puis de sa compagne qui l’a isolé de ses proches et qu’il est désormais accompagné par une conseillère en économie sociale et familiale qui témoigne de la fragilité de Monsieur [K] [L] mais de ses efforts pour tenir son budget.

Les autres créanciers n’ont pas comparu.

L’affaire a été mise en délibéré au 8 octobre 2024.

Par courriel du 5 septembre 2024, le juge du surendettement a demandé à Monsieur [L] des éclaircissements sur le sort du véhicule acquis au moyen du prêt consenti le 13 juillet 2021 par le demandeur et des éléments sur le précédent rétablissement personnel sans liquidation judiciaire dont il a fait l’objet selon ses déclarations à l’audience.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande en traitement de la situation de surendettement :

Le juge peut vérifier, même d’office, que le débiteur se trouve dans une situation de surendettement.
Il peut prescrire toute mesure d’instruction qu’il estime utile et nonobstant toute disposition contraire, il peut également obtenir la communication de tout renseignement lui permettant d’apprécier la situation du débiteur et l’évolution possible de celle-ci.

La situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir, en ce compris le cautionnement ou l’acquittement solidaire de la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société.

Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale ne peut être tenu comme empêchant que la situation de surendettement soit caractérisée.

La possession de biens de valeur, notamment d’un bien immobilier, ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement dès lors qu’ils ne peuvent pas être réalisés à court terme, dans des conditions ordinaires, pour désintéresser les créanciers.

La bonne foi du débiteur, sa situation de surendettement et ses capacités de remboursement s’apprécient au jour où le juge statue.

Sur la situation de surendettement :

Les éléments recueillis par la commission et complétés par les débats à l’audience permettent de retenir que le passif de Monsieur [K] [L], principalement constitué de crédit à la consommation souscrits entre 2020 et 2022, s’élève à 52.752,76 euros, ainsi que cela ressort de l’état détaillé des dettes dressé par la commission.

Par ailleurs, les ressources mensuelles de Monsieur [K] [L] ont été appréciées à la somme de 1.469 euros pour un patrimoine ne se composant d’aucun actif réalisable à court terme.
Au regard de ces éléments financiers, Monsieur [K] [L] est manifestement dans l’impossibilité de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Sur la bonne foi :

La bonne foi du débiteur est présumée et il appartient au créancier qui excipe de sa mauvaise foi de le démontrer. La simple négligence ou imprévoyance du débiteur ne permet pas de caractériser sa mauvaise foi qui est constituée par la volonté systématique et irresponsable de recourir au crédit, pour réaliser des dépenses somptuaires ou mener un train de vie dispendieux.

La notion de bonne foi s’apprécie au travers de la personne de chacun des débiteurs. Ainsi, la mauvaise foi d’un membre du couple ne peut justifier l’irrecevabilité de la demande de son conjoint.

La bonne foi du débiteur s’apprécie au jour où le juge statue.

Enfin, les faits constitutifs de la mauvaise foi doivent être en lien direct avec la situation de surendettement.
Ainsi, le débiteur doit en premier lieu, avoir été de bonne foi pendant la phase d’endettement, seuls étant considérés comme de mauvaise foi, les débiteurs ayant conscience de créer ou d’aggraver leur endettement.

Le juge doit ainsi rechercher chez le débiteur l’élément intentionnel ressortissant à la connaissance qu’il ne pouvait manquer d’avoir du processus de surendettement et à sa volonté non de l’arrêter, mais au contraire de l’aggraver sachant pertinemment qu’à l’évidence, il ne pourrait faire face à ses engagements.

La bonne foi est par ailleurs requise dans le cadre de la phase d’ouverture de la procédure et tout au long du déroulement de celle-ci, l’existence de fausses déclarations ou la dissimulation par le débiteur de tout ou partie de ses biens, étant susceptibles de caractériser sa mauvaise foi.

La loi sur le surendettement des particuliers a été créée pour pallier les accidents de la vie et ne doit pas être utilisé comme mode de vie pour les personnes qui volontairement entendent s’abstenir de régler leurs charges courantes et obtenir par la suite l’annulation de leurs dettes, plutôt que d’apprendre et s’astreindre à gérer leur budget.

En l’espèce, il n’est pas contesté par Monsieur [K] [L], qui a fait l’objet en avril 2014 d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraînant un effacement de son passif d’un montant de 56.716,74 euros, que de nombreux prêts à la consommation ont été souscrits en à peine deux ans.

Monsieur [K] [L] ne conteste pas avoir signé des fiches de dialogue mentionnant l’absence de crédits en cours, expliquant cependant avoir fait confiance à sa compagne qui remplissait les demandes de crédits et qui utilisait les fonds à son bénéfice principal pour plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Les relevés bancaires de Monsieur [K] [L] font apparaître quelques virements de Madame [X] et des remises d’espèces qu’il lui attribue pour une somme dérisoire de 2.430 euros au cours des années 2021 et 2022, dates de souscription des principaux crédits.

Monsieur [K] [L] a manifestement continué à faire confiance aveuglement à sa compagne en signant les documents qu’elle lui présentait alors que ses remboursements étaient minimes et qu’elle faisait, selon les déclarations du débiteur, usage des sommes perçues à son propre profit. Aucun virement ne semble cependant avoir été fait au profit de Madame [X] mais Monsieur [K] [L] produit des relevés bancaires sur lesquels il identifie des paiements qu’il attribue à sa compagne notamment au titre de jeux en ligne et d’achats sur le site Cdiscount. Pour autant, si Monsieur [K] [L] explique que sa compagne s’occupait de ses papiers et notamment de ses relevés bancaires, il confirme disposer de l’application de sa banque sur son téléphone lui permettant de consulter le solde de son compte et les opérations réalisées en temps réel. Il pouvait donc constater que les fonds étaient versés sur son compte, que des paiements dont il indique ne pas être à l’origine étaient régulièrement effectués et que les versements faits par sa compagne étaient limités.

Par ailleurs, suite à la demande du juge, Monsieur [K] [L] a indiqué que le prêt du 13 juillet 2021 consenti par le demandeur, correspondait à l’achat d’un véhicule qui est rapidement tombé en panne et a été revendu rapidement, sans pour autant rembourser le crédit. Il explique avoir conservé les fonds dans l’attente d’acheter un nouveau véhicule mais avoir finalement acheté son véhicule suivant par un nouveau crédit.

Monsieur [K] [L] ne peut soutenir que cette demande de prêt a été complétée par Madame [X] pour ses besoins personnels alors qu’il a été souscrit dans le cadre d’un crédit affecté pour l’achat d’un véhicule.

Or, si Monsieur [K] [L] fait état d’une certaine vulnérabilité vis à vis de son ancienne compagne, il était parfaitement informé des prêts souscrits, quelques soient leur destination puisqu’il les a signés et qu’il était en capacité de lire et de comprendre les documents associés. Au moins deux crédits ont été souscrits au moyen de fausses déclarations dont un pour lequel Madame [X] n’est pas intervenue.

Monsieur [K] [L] avait bénéficié, six ans avant la souscription des premiers emprunts, d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette mesure de faveur aurait du le conduire à se montrer plus vigilant sur les dangers de l’accumulation de crédits à la consommation.

La désinvolture du débiteur qui a au fils des ans creusé son endettement par le recours à des crédits en omettant de déclarer la réalité de ses charges traduit le caractère délibéré de l’aggravation de l’endettement en sachant qu’il ne pourrait y faire face.

L’absence de bonne foi de Monsieur [K] [L] au sens du surendettement caractérisée et il y a lieu de le déclarer irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers.

PAR CES MOTIFS

Le juge, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire rendue en dernier ressort.

Déclare la société [19] recevable en son recours.

Dit que Monsieur [K] [L] n’est pas débiteur de bonne foi.

Déclare Monsieur [K] [L] irrecevable à la procédure de traitement du surendettement des particuliers.

Dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens.

Rappelle que la présente décision est immédiatement exécutoire.

La greffière La Présidente


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