[D] [E], de nationalité algérienne, a été condamné le 29 janvier 2024 à une interdiction judiciaire définitive du territoire français pour des faits de détention de stupéfiants et rébellion en récidive. À sa libération le 8 août 2024, il a été placé dans un local non pénitentiaire par le préfet de la Gironde. Le juge de la liberté et de la détention a prolongé sa rétention à deux reprises, d’abord pour vingt-six jours puis pour trente jours. Le 19 septembre 2024, une audition par les autorités consulaires algériennes a été acceptée, mais [D] [E] a refusé d’y participer. Le 30 septembre 2024, il a été transféré vers un autre centre de rétention en raison de comportements violents et de menaces envers d’autres retenus. Le 1er octobre 2024, une demande de prolongation de sa rétention a été faite par la PAF. Le 6 octobre 2024, le préfet a demandé une troisième prolongation de quinze jours, soutenue par des arguments de menace pour l’ordre public. Le conseil de [D] [E] a contesté cette demande, arguant que les preuves de menace n’étaient pas suffisantes. La décision a été mise en délibéré.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
Cabinet du Juge des Libertés et de la Détention
ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(demande de 3ème prolongation)
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N° de MINUTE N° RG 24/02224 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TMAD
le 07 Octobre 2024
Nous, Marion STRICKER, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE, assistée de Marine GUILLOU, greffier ;
En présence de M. [H] [F], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté ;
Statuant en audience publique ;
Vu les articles L742-1, L742-4, L742-5, R743-1 à R743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu notre saisine par requête de M. PREFET DE LA GIRONDE reçue le 06 Octobre 2024 à 12 heures 56, concernant Monsieur [D] [E]né le 01 Mai 1993 à [Localité 3] de nationalité Algérienne
Vu la deuxième ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal judiciaire territorialement compétent en date du 07 septembre 2024 ordonnant la 2ème prolongation de la rétention administrative de l’intéressé confirmée par la décision de la cour d’appel de BORDEAUX en date du 09 septembre 2024;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Monsieur le Préfet sus-désigné ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;
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Ouï les observations du représentant de la Préfecture qui a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Ouï les observations de l’intéressé ;
Ouï les observations de Me François PERIE, avocat au barreau de TOULOUSE ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
[D] [E], né le 1er mai 1993 à [Localité 3] (Algérie), de nationalité algérienne, a fait l’objet d’une interdiction judiciaire définitive du territoire français le 29 janvier 2024 par arrêt de la cour d’appel de Rouen à titre de peine complémentaire, en répression à des faits de détention de stupéfiants et rébellion, en récidive.
A sa levée d’écrou, le 8 août 2024, il a fait l’objet d’un arrêté de placement dans un local ne relevant pas de l’administration pénitentiaire par le préfet de la Gironde.
Par ordonnance du 12 août 2024, confirmée par la cour d’appel de Bordeaux le 13 août 2024, le juge de la liberté et de la détention de Bordeaux a prolongé sa rétention pour une durée de vingt-six jours.
Par nouvelle ordonnance du 7 septembre 2024, confirmée par la cour d’appel de Bordeaux le 9 septembre 2024, le juge de la liberté et de la détention de Bordeaux a ordonné une deuxième prolongation de la rétention de l’intéressé pour une durée de trente jours.
Le 19 septembre 2024, une audition avait été acceptée par les autorités consulaires algériennes, mais [D] [E] y a fait obstacle.
Le 30 septembre 2024, il a été décidé de son transfert du centre de rétention de [Localité 1] vers le centre de rétention de [Localité 4] en raison de pressions, de menaces de crime (viol), d’extorsion et de violences de [D] [E] sur les autres personnes retenues dont certaines disent « qu’il aurait une lame ». Plusieurs mentions de service en font état datée du 29 septembre 2024 et il est indiqué par le préfet de la Gironde qu’une mesure de garde à vue aurait été diligentée pour ces faits avant le transfert.
Dès le 1er octobre 2024, une demande a été effectuée par la PAF auprès des autorités consulaires algériennes.
Par requête du 6 octobre 2024 reçue à 12h56, le préfet de la Gironde a demandé la prolongation de la rétention de [D] [E] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 15 jours (troisième prolongation).
A l’audience du 7 octobre 2024, le représentant de la préfecture soutient la demande de prolongation, en ce compris la menace pour l’ordre public.
Le conseil de [D] [E] sollicite au fond le rejet de la requête en prolongation, arguant que le critère de menace pour l’ordre public n’est pas caractérisé avec les pièces au dossier (pas de procès-verbal d’une garde à vue) et que l’argument tiré du fait que son client ait fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement est inopérant puisqu’en date du 19 septembre 2024, il y a plus de 15 jours.
La décision a été mise en délibéré au jour même.
Sur la prolongation de la rétention
Par application de l’artic1e L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du_5°’ de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ».
Sur le critère tiré de l’obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement par l’étranger :
Sur ce premier fondement, il n’est pas contesté que le refus de [D] [E] de se soumettre à son audition avec les autorités consulaires algérienne est datée du 19 septembre 2024, il y a plus de 15 jours avant l’audience, et même plus de 15 jours avant le dépôt de la requête de l’autorité administrative.
Les critères légaux ne sont donc pas remplis.
Sur le critère tiré de la menace à l’ordre public :
Sur ce second fondement, la menace à l’ordre public n’a pas à être caractérisée dans les 15 derniers jours s’agissant d’un alinéa bien distinct de l’article 742-5 précité.
Pour autant, il ressort de la procédure et notamment de plusieurs mentions émises par les fonctionnaires de la PAF que [D] [E] a été accusé par plusieurs personnes retenues avec lui au centre de rétention de [Localité 1] de faits de pressions, de menaces de crime (viol), d’extorsion et de violences de [D] [E] sur certaines disant « qu’il aurait une lame », notamment la mention de service du 29 septembre 2024 émise à 22h56 et celle de 23h05 dont il ressort l’intervention de police secours à 21h00 et le placement en garde à vue de [D] [E] des chefs de menaces de mort réitérées, menaces de crime (viol), violences.
Il ressort par ailleurs qu’il a été condamné à plusieurs reprises par les juridictions françaises, motifs émis et toujours valables de l’ordonnance de la cour d’appel de Bordeaux du 9 septembre 2024.
L’ensemble de ces faits réitérés permettent d’établir que l’intéressé présente une menace à l’ordre public justifiant une prolongation exceptionnelle de la rétention administrative d’une période de 15 jours.
Il sera en conséquence fait droit à la requête aux fins de prolongation de la rétention de l’intéressé.