Le 26 septembre 2023, Mme [B] [O] commande à la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat (I.S.H.) l’installation d’un kit photovoltaïque, d’un ballon thermodynamique et d’une passerelle de communication pour un montant de 22 000,00 euros, sous réserve de faisabilité technique. Les travaux sont réalisés le 1er décembre 2023. Mme [O] verse un acompte de 6 600,00 euros mais refuse de payer le reste, invoquant des problèmes de sécurité liés à la fixation du carport et le fait que les travaux ont été effectués avant l’obtention de son prêt. En mai 2024, I.S.H. cite Mme [O] en justice pour obtenir le paiement du solde, des dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que des frais de justice. Lors de l’audience, I.S.H. modifie sa demande, ne réclamant plus que 15 400,00 euros. Mme [O] conteste les demandes, soulignant que l’installation n’est pas conforme et demande une expertise judiciaire, tout en offrant de consigner la somme due et en réclamant des indemnités.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 07 OCTOBRE 2024
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N° du dossier : N° RG 24/00260 – N° Portalis DB3F-W-B7I-JXPT
Minute : n° 24/454
PRÉSIDENT : Hervé LEMOINE
GREFFIER : Béatrice OGIER
DEMANDEUR
S.A.S. INGENIERIE SOLUTION HABITAT (ISH), prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège social
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Christelle MARQUIS, avocat au barreau d’AVIGNON, Me Dalil OUAHMED, avocat au barreau de MONTPELLIER
DÉFENDEUR
Madame [B] [X] [H] [O]
née le 27 Février 1959 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Anne-Marie LE CHARLES, avocat au barreau d’AVIGNON, Me Nathalie DACLIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
DÉBATS :
Après avoir entendu à l’audience du 15 Juillet 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, le président les a informés que l’affaire était mise en délibéré au 9 septembre 2024 prorogé au 7 octobre 2024 et que l’ordonnance serait rendue ce jour, par mise à disposition au greffe.
Le :07/10/2024
exécutoire & expédition
à :Me MARQUIS
expédition à :Me LE CHARLES-2 CC EXPERTISES-REGIE
Le 26 septembre 2023, Mme [B] [O] a passé commande à la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat (I.S.H.) pour l’installation à son domicile, situé à [Localité 6] (84), d’un kit photovoltaïque, d’un ballon thermodynamique et d’une passerelle de communication pour un coût de 22 000,00 euros T.T.C., cette commande étant passée sous réserve de la faisabilité technique de l’installation et de l’acceptation du dossier par la société I.S.H.
La faisabilité technique ayant été confirmée, les travaux ont été réalisés le 1er décembre 2023.
Une facture, non datée sur la copie produite, vraisemblablement “coupée” en haut de page, a été émise par la S.A.S. I.S.H. pour un montant de 22 000,00 euros.
Mme [O], qui a versé un acompte de 6 600,00 euros, ayant refusé de régler le reliquat du coût de cette installation aux motifs d’une part que les travaux réalisés présentent des problèmes de sécurité, le carport (ou abri) sur lequel ont été installés les panneaux photovoltaïques étant mal fixé, d’autre part que les travaux ont été réalisés avant qu’elle n’obtienne le prêt destiné à financer l’achat de ce matériel, et ce malgré ses interventions en février et mars 2024, la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat, à défaut de résoudre amiablement ce litige, a fait citer, par acte du 6 mai 2024, Mme [O] devant la présente juridiction, à laquelle elle demande de :
– condamner Mme [B] [O] à payer à la société Ingénierie Solution Habitat la somme de 22 000,00 euros en règlement du prix fixé dans le bon de commande du 26 septembre 2023,
– condamner Mme [B] [O] à payer à la société Ingénierie Solution Habitat la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive,
– condamner Mme [B] [O] au paiement de la somme de 2 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance,
– débouter Mme [B] [O] de l’ensemble de ses autres demandes plus amples ou contraires.
A l’audience, la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat, qui est représentée, modifie ses demandes initiales, indiquant avoir reçu de Mme [O] un acompte de 6 600,00 euros, de sorte qu’il ne lui est dû que la somme de 15 400,00 euros, pour laquelle elle forme une demande de condamnation à titre provisionnel, précision omise dans l’acte introductif d’instance. Elle maintient ses autres demandes financières au titre des dommages intérêts pour résistance abusive et au titre des frais irrépétibles exposés.
Mme [B] [O], qui est représentée, conclut au rejet des demandes de provision formées par la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat, sérieusement contestables puisque que le carport implanté sur son terrain, sur lequel ont été installés les panneaux photovoltaïques, est mal fixé, et que l’installation n’est pas opérationnelle puisque non reliée à E.D.F. et n’ayant pas fait l’objet d’une attestation de conformité par le Consuel. Elle ajoute qu’elle avait informé la société I.S.H. qu’elle entendait souscrire un prêt pour financer cette acquisition et qu’elle n’a pu exercer son droit de rétractation puisque le matériel a été posé avant la souscription de ce prêt. Elle sollicite reconventionnellement une expertise judiciaire et offre de consigner la somme de 15 400,00 euros. Enfin, elle réclame une indemnité de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de provision formée par la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat :
Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, “dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier”. Il appartient au demandeur à une provision d’établir l’existence de la créance qu’il invoque et au défendeur de démontrer que cette créance est sérieusement contestable.
En l’espèce, par bon de commande ISH-2023/9-0103 du 26 septembre 2023, Mme [O] a acquis et fait installer à son domicile un kit photovoltaïque, un ballon thermodynamique et une passerelle de communication pour un coût total de 22 000,00 euros T.T.C. La demanderesse soutient qu’elle a informé le vendeur de la société I.S.H. qu’elle allait souscrire un prêt pour financer cette acquisition et fait reproche à cette société de l’avoir privée du droit de rétractation attaché à ce prêt, puisqu’il n’existe aucun droit de rétractation pour un achat sur une foire, comme le rappelle l’article L. 224-59 du code de la consommation, mais n’en justifie nullement, ayant au contraire signé le bon de commande qui précise en gros caractères, quelques lignes au dessus de sa signature, les modalités de financement de cette installation, à savoir un paiement comptant. Il ya lieu de préciser par ailleurs que le carport sur lequel le matériel photovoltaïque a été installé ne figure pas dans le bon de commande signé et a été fourni gracieusement par la S.A.S. I.S.H.
Au regard des pièces produites, à savoir des photographies prises par ses soins et dépourvues de toute valeur probatoire et un devis de la société CJS Les rénovateurs de Provence relatif uniquement à la reprise de la structure du carport, Mme [O] ne justifie nullement des désordres qui affecteraient le matériel installé sur sa propriété, à savoir, principalement, un défaut d’ancrage satisfaisant du carport, dont les structures seraient rouillées, et un défaut de fonctionnement de l’installation photovoltaïque en l’absence de certaines démarches (auprès d’EDF et du Consuel), ne versant pas aux débats de constat établi par un commissaire de justice ou par un technicien compétent en cette matière, et n’ayant effectué aucune déclaration de sinistre auprès de son assureur pour obtenir la mise en place d’une expertise amiable.
Dès lors, la qualité du matériel électrique installé n’étant pas remise en cause, mais seulement les modalités de son installation, et même si une mesure d’expertise va être ordonnée, comme il va être vu ci-après, il y a lieu de faire droit partiellement à la demande de provision formée par la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat et de condamner Mme [B] [O] à verser à cette société, à titre provisionnel, la somme de 11 400,00 euros, correspondant au coût du kit photovoltaïque, passerelle de communication comprise (14 000,00 euros), et à celui du ballon thermodynamique (4 000,00 euros), après déduction de l’acompte déjà versé (6 600,00 euros). Cette somme portera intérêts au taux légal à compte du prononcé de la présente ordonnance.
Sur la demande d’expertise formée par Mme [B] [O] :
Selon les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, “s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.
Il résulte de ce texte que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. Aussi, pour faire droit à une demande sur ce fondement, le juge des référés doit caractériser l’existence d’un litige potentiel susceptible d’opposer les parties dont la solution pourrait dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, litige qui, bien qu’éventuel et futur, doit avoir un objet et un fondement juridique suffisamment déterminés. Le juge des référés ne peut refuser d’ordonner une mesure d’instruction au motif que le demandeur ne rapporte pas la preuve de faits que cette mesure a pour objet d’établir (2ème Civ. 13.06.2024).
Par ailleurs, ordonnée avant tout procès sur le fondement de cette disposition, la mesure d’instruction ne préjuge pas des responsabilités recherchées et vise seulement, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, à conserver les éléments de preuve et à rechercher, aux frais avancés de celui qui la réclame, les faits nécessaires à la solution d’un litige.
En l’espèce, même si les quelques pièces produites par Mme [O] pour justifier des désordres qui affecteraient les travaux réalisés par la S.A.S. I.S.H. à son domicile (photographies, courriers et devis de la société CJS Les rénovateurs de Provence) sont d’une valeur probatoire très faible, celle-ci rapporte toutefois la preuve d’éléments suffisants, au regard de la jurisprudence citée ci-dessus, pour rendre crédibles ses allégations et démontre que la mesure d’expertise sollicitée est de nature à améliorer sa situation probatoire dans la perspective d’un éventuel procès au fond. En effet, cette mesure d’instruction permettra de dire si les travaux réalisés par la S.A.S. I.S.H. sont conformes aux règles de l’art ou non et si l’installation fonctionne. Dès lors, le motif légitime, au sens des dispositions de l’article 145 ci-avant rappelées, est caractérisé.
En conséquence, il sera fait droit à la mesure d’instruction sollicitée dans les conditions ci-après précisées. Les frais de consignation seront avancés par Mme [O], cette mesure étant ordonnée à sa demande et dans son seul intérêt, pour lui permettre ultérieurement d’engager éventuellement une instance judiciaire.
Sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive formée par la S.A.S. I.S.H. :
Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, à défaut de démonstration par la S.A.S. Ingénierie Solution Habitat de la mauvaise foi de Mme [O] dans le défaut de paiement du reliquat de la facture des travaux réalisés à son domicile.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La partie défenderesse dans le cadre d’une mesure d’instruction ordonnée in futurum ne pouvant être considérée comme partie perdante, Mme [O], qui par ailleurs succombe principalement dans la demande en paiement d’une provision, supportera la charge des dépens de la présente instance.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre partie.