M. [M] [S] [E], de nationalité malgache, a été mis en examen pour viol sur une personne vulnérable et placé en détention provisoire le 20 mai 2021. Il a été libéré sous contrôle judiciaire le 14 décembre 2021. Le 19 mai 2023, un non-lieu a été prononcé en sa faveur, décision qui est devenue définitive. Le 19 octobre 2023, il a déposé une requête en référé provision auprès de la cour d’appel de Paris, demandant une provision de 35 000 euros pour préjudices subis, ainsi que 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il a également déposé une requête en indemnisation de sa détention provisoire. L’agent judiciaire de l’État a demandé le rejet de la demande ou, à titre subsidiaire, une réduction de la provision à 10 000 euros. Le procureur général a également conclu au rejet de la demande. La cour a déclaré la requête recevable, mais a rejeté la demande de provision et débouté M. [M] [S] [E] du surplus de ses demandes, laissant les dépens à la charge de l’État. La décision a été rendue le 7 octobre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 1-5DP
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 07 Octobre 2024
(n° , 4 pages)
N°de répertoire général : N° RG 23/16675 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CILUJ
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
non comparant
Représenté par Me Gaspard LINDON, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 17 Juin 2024 ;
Entendu Me Gaspard LINDON représentant M. [M] [S] [E],
Entendu Me Valentin DAGONAT, avocat au barreau de PARIS substituant Me Renaud LEGUNEHEC, avocat au barreau de PARIS, avocat représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,
Entendue Madame Chantal BERGER, magistrate honoraire,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [M] [S] [E], né le [Date naissance 1] 1998, de nationalité malgache, a été mis en examen du chef de viol commis sur une personne vulnérable, puis placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de [4], le 20 mai 2021,par un juges des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris.
Le 14 décembre 2021, le juge d’instruction a remis en liberté M. [S] et l’a placé sous contrôle judiciaire.
Par ordonnance du 19 mai 2023, le magistrat instructeur a prononcé un non-lieu au bénéfice de M. [S] [E]. Cette décision n’a pas été frappée d’appel comme en atteste le certificat de non appel du 12 septembre 2023 produit aux débats. C’est ainsi que cette décision a désormais un caractère définitif à l’ égard du requérant.
Le 19 octobre 2023, M. [S] [E] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en référé provision, en application des articles 149-1 et R36 du code de procédure pénale.
Il sollicite dans celle-ci, soutenue oralement,
– avant dire droit,
– Ordonner en référé l’octroi d’une provision au bénéfice de M. [S] d’une somme de 35 000 euros tout préjudices confondus
– Condamner l’agent judiciaire de l’Etat au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– le condamner aux entiers dépens.
Le requérant indique avoir par ailleurs déposé également le 19 octobre 2024 une requête au fond en indemnisation de sa détention provisoire, sur le fondement de l’article 149 du code de procédure pénale, afin d’être indemnisé de ses préjudices matériel et moral résultant de son placement en détention provisoire.,
Dans ses écritures, déposées le 27 mars 2024 et développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :
A titre principal
– Débouter le requérant de l’intégralité de ses demandes
A titre subsidiaire
– Ramener à de plus justes proportions le montant de la provision octroyée dans la limite de 10 000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive.
Le procureur général, reprenant oralement à l’audience les termes de ses conclusions déposées le 25 avril 2024, conclut au :
– Rejet de la demande de provision.
Le conseil du requérant a eu la parole en dernier.
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel.
Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1,149-2 et 149-3 du code précité.
M. [S] [E] a présenté sa requête aux fins d’indemnisation le 19 octobre 2023, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de non-lieu est devenue définitive, et justifie du caractère définitif de cette décision par la production du certificat de non appel de l’ordonnasse de non-lieu du magistrat instructeur en date du 12 septembre 2023
Sa requête est donc recevable pour une durée de détention indemnisable de 205 jours.
Sur la demande de provision
M. [S] expose qu’il a présenté par ailleurs une requête au fond sur son indemnisation en raison d’une détention provisoire injustifiée qui comporte une demande d’expertise médicale. Dans ces conditions, l’indemnisation effective du requérant risque d’être décalée fortement dans le temps et c’est pourquoi il sollicite avant dire droit une provision à valoir sur son indemnisation définitive des différents préjudices matériel, moral et corporel qui sont certains, actuels et découlent directement de la détention provisoire. Il demande à ce titre une indemnité provisionnelle d’un montant de 35 000 euros.
L’agent judiciaire de l’Etat et le Ministère Public concluent au rejet de la demande de provision aux motifs que le dossier est en état d’être jugé au fond car le requérant a déjà subi plusieurs expertises médicales psychiatriques et psychologiques et ne nécessite donc pas de nouvelle expertise médicale; Il est indiqué par ailleurs qu’il n’est pas démontré que M. [S] où l’aggravation de son état psychiatrique découle de son placement en détention provisoire.
Selon l’article R39 du code de procédure pénale, ‘le premier président de la cour d’appel peut à tout moment de la procédure accorder en référé une provision au demandeur. Cette décision est susceptible d’aucun recours.’
Il ressort des pièces produites aux débats que M. [S] a déjà présenté une requête en indemnisation de sa détention provisoire le 19 octobre 2023, en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure pénale.
C’est ainsi que le requérant considère donc que le dossier est en état d’être jugé au fond et cette deuxième requête a également été plaidée lors de l’audience du 17 juin 2024..
Figurent également dans le dossier plusieurs expertises médicale, psychiatrique et psychologique du requérant déjà ordonnées par le magistrat instructeur et l’agent judiciaire de l’Etat a indiqué s’opposer à la deande d’expertise sollicitée.
Il n’est donc pas démontré avec l’évidence requise en matière de référé que le juge du fond est susceptible d’ordonner une expertise médicale du requérant qui pourrait engendrer un report de l’indemnisation des préjudices de M. [S].
Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de provision présentée par le requérant.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [S] ses frais irrépétibles et aucune somme ne lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déclarons la requête de M. [M] [S] [E] recevable,
Rejetons la demande de provision présentée par M. [M] [S] [E];
Déboutons M. [M] [S] [E] du surplus de ses demandes.
Laissons les dépens à la charge de l’Etat.
Décision rendue le 07 Octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ