Responsabilité des entreprises de construction : enjeux de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle dans le cadre de désordres affectant un ouvrage.

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Responsabilité des entreprises de construction : enjeux de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle dans le cadre de désordres affectant un ouvrage.

M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X], propriétaires d’un terrain, ont construit une maison entre 2017 et 2018. Ils ont engagé la SAS Technisol pour la chape et la SASU Faria Design pour le carrelage. En été 2018, ils ont remarqué des bruits provenant du carrelage, qui se sont étendus à d’autres zones. Après avoir mis en demeure Faria Design, une expertise a révélé un problème d’adhérence de la colle. Les époux ont alors sollicité des experts et ont assigné les deux sociétés en justice pour obtenir réparation. Plusieurs procédures ont eu lieu, avec des expertises judiciaires et des ordonnances de changement d’expert. En 2023, ils ont appelé en intervention la société Abeille Iard & Santé. Les époux ont formulé des demandes de réparation pour des préjudices matériels et immatériels, tandis que les sociétés impliquées ont contesté leur responsabilité et demandé le rejet des demandes. Le tribunal a finalement déclaré les demandes des époux recevables, a reconnu la responsabilité contractuelle des sociétés Faria Design et Technisol, et a condamné ces dernières à verser des indemnités aux époux, tout en rejetant les demandes dirigées contre les compagnies d’assurance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Draguignan
RG
22/05080
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 – CONSTRUCTION

************************

DU 09 Octobre 2024
Dossier N° RG 22/05080 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JRRF
Minute n° : 2024/270

AFFAIRE :

[V] [X], [O] [A] épouse [X] C/ S.A. ABEILLE IARD IARD & SANTE anciennement dénommé AVIVA ASSURANCES SA en qualité d’assureur de la société SASU FARIA DESIGN, Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ès-qualités d’assureur de la SASU FARIA DESIGN, S.A.S. TECHNISOL, S.A.S.U. FARIA DESIGN, Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ès-qualités d’assureur de la SAS TECHNISOL

JUGEMENT DU 09 Octobre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Hélène SOULON, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER : Madame Peggy DONET,

DÉBATS :

A l’audience publique du 4 juillet 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024, prorogé au 09 Octobre 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :
Me RABHI
Me BRUNET-DEBAINES
Me Georges GOMEZ
Me Caroline KUBIAK
Me MAROLLEAU

Délivrées le 09 Octobre 2024
Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDEURS :

Monsieur [V] [X], demeurant [Adresse 3]
Madame [O] [A] épouse [X], demeurant [Adresse 3]
représentés par Maître Jacqueline MAROLLEAU de l’AARPI MAROLLEAU & TAUPENAS, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSES :

S.A. ABEILLE IARD IARD & SANTE anciennement dénommé AVIVA ASSURANCES SA en qualité d’assureur de la société SASU FARIA DESIGN, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Firas RABHI de la SCP ASSUS-JUTTNER -MAGAUD- RABHI- JUTTNER, avocat au barreau de NICE

Société MMA IARD, ès-qualités d’assureur de FARIA DESIGN et de TECHNISOL, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ès-qualités d’assureur de TECHNISOL ET FARIA DESIGN, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentées par Maître Georges GOMEZ de la SELAS FAURE-HAMDI-GOMEZ & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

S.A.S. TECHNISOL, dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Caroline KUBIAK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.A.S.U. FARIA DESIGN, dont le siège social est sis [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Jérôme BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’AUTRE PART ;

******************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X], propriétaires d’un terrain sis [Adresse 3], cadastré parcelle section n° [Cadastre 5], ont fait construire, en 2017, 2018, une maison d’habitation.
Pour le plancher chauffant ils ont eu recours à la SAS Technisol qui a réalisé la chape et à la SASU Faria Design pour la pose du carrelage sur l’intégralité de l’habitation.
Les époux [X] ont constaté durant l’été 2018 qu’un carrelage situé dans le hall d’entrée faisait du bruit lorsque quelqu’un passait dessus et les mois suivants ce phénomène s’est étendu.
Ils ont mis en demeure la SASU Faria Design d’intervenir et celle-ci a constaté que la colle située sous le carrelage n’avait pas adhéré à la chape du plancher.
M. et Mme [X] ont alors saisi leur protection juridique qui a mandaté un expert d’assurance en la personne de M. [N] [B] du cabinet Euroxo et ils ont également requis M. [Z] [M] de la société Provence Expertise Bâtiment.
Le 8 février 2019, la société Provence Expertise Bâtiment a procédé à des opérations d’expertise amiable en la présence du carreleur et du technicien de la société Technisol. Le 15 février 2019, le Cabinet Euroxo a fait de même et a rendu son rapport le 18 février 2018.
Par actes d’huissier des 18 et 19 février 2019, M et Mme [X] ont fait assigner la SAS Faria Design et la SAS Technisol devant le juge des référés qui, par ordonnance du 3 avril 2019 a désigné M [T] [R] D&G Expertises en qualité d’expert.
Une ordonnance de changement d’expert a été rendue le 13 mai 2019 et par décision du 20 novembre 2019, l’ordonnance du 3 avril 2019 a été rendue commune et opposable à la compagnie MMA Iard.
Le rapport d’expertise judiciaire rédigé par M. [K] [Y] a été rendu le 18 mai 2021 ainsi qu’un avenant le 20 mai 2021.
Par actes d’huissier des 3 et 7 juin 2019, M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] ont fait assigner la SAS Faria Design et la SAS Technisol devant le tribunal de grande instance de Draguignan au titre de la garantie de parfait achèvement. (RG 19/4414)
Suivant actes délivrés les 14, 15 et 19 octobre 2021, M. [V] [F] et Mme [O] [A] épouse [X] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Draguignan la SASU Faria Design, la SAS Technisol et la MMA Iard Assurances Mutuelles en sa qualité d’assureur décennal et de responsabilité civile professionnelle de la SASU Faria Design et en sa qualité d’assureur décennal et responsabilité civile professionnelle de la SAS Technisol. (RG 21/7253)
Une ordonnance de jonction a été rendue par le juge de la mise en état le 10 janvier 2022.
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 11 janvier 2022, les époux [X] ont sollicité la disjonction et la péremption de l’instance RG 19/ 4414.
Par ordonnance du 26 juillet 2022, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction des instances RG 19/4414 et RG 21/7253 et a constaté la péremption de la première instance.
La cause et les parties de l’instance RG 21/7253 ont fait l’objet d’un réenrôlement sous le n° RG 22/5080.
Le 24 février 2023 les époux [J] ont appelé en intervention forcée la SA Abeille Iard & Santé anciennement dénommée Aviva Assurances.
Toutes les parties ont conclu.
L’affaire a été clôturée le 11 mars 2024 et fixée à l’audience de plaidoiries du 4 juillet 2024. A cette date le dossier a été mis en délibéré au 26 septembre 2024 prorogé au 9 octobre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par conclusions notifiées par RPVA le 6 décembre 2023, M. [V] [X] et Mme [O] [X], au visa des articles 1101, 1240 et suivants 1343-2, 1344-1, 1344-2 et 1792 et suivants du code civil, L 124-1 et suivants du code des assurances demandent au tribunal de :

Dire et juger M et Mme [X] recevables et bienfondés en leurs demandes

Dire et juger recevable et bien fondée la demande en intervention forcée formulée à l’encontre de la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances

Dire et juger que la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances devra intervenir dans l’instance pendante devant le tribunal de céans, inscrite au rôle sous le numéro RG 22/05080 entre M. [V] [X], Mme [O] [A] épouse [X], demandeur à l’action, Société MMA Iard Assurances Mutuelles,ès-qualités d’assureur de la SASU Faria Design , la SAS Technisol, la SASU Faria Design, la société MMA Iard Assurances Mutuelles , ès-qualités d’assureur de la SAS Technisol, pour y prendre telles conclusions qu’elle estimera nécessaires

Homologuer le rapport judiciaire du 18 mai 2021 et son avenant du 20 mai 2021

A titre principal,

Dire et juger que le désordre de décollement généralisé du revêtement de sol affecte un élément d’équipement indissociable de l’ouvrage et compromet la viabilité du plancher chauffant, un élément constitutif de l’ouvrage

Dire et juger que la SASU Faria Design et la SAS Technisol sont co responsables des désordres affectant le bâtiment, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil

Dire et juger que la SASU Faria Design et la SAS Technisol ont commis une faute dans l’exécution de leur contrat respectif

Condamner in solidum la SASU Faria Design et la SAS Technisol et leur compagnie d’assurance, à savoir la MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances à payer à M. et Mme [X] , à titre principal, sur le fondement de la garantie décennale et si le moyen n’était pas retenu, à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun au titre de leur préjudice matériel:

à titre principal 130.664,66 euros selon Ies pièces versées au débat somme indexée en fonction des variations de l’indice BT01 du coût de la construction, depuis la date de dépôt du rapport d’expertise
à titre subsidiaire 90.3916,69 euros selon les sommes retenues par le rapport d’expertise judiciaire somme indexée en fonction des variations de l’indice BT 01 du coût de la construction, depuis la date de dépôt du rapport d’expertise.
Condamner la compagnie MMA Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à relever et garantir la SASU Faria Design et la SAS Technisol de l’ensemble des condamnations qui seront prononcées contre chacune d’elle, au titre de leur garantie.

Condamner la compagnie la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances à relever et garantir la SASU Faria Design de l’ensemble des condamnations qi seront prononcées contre elle, au titre de sa garantie

En toute état de cause,

Condamner in solidum la SASU Faria Design et la SAS Technisol et leur compagnie d’assurance, à savoir la MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances à payer à M. et Mme [X] , au titre du préjudice immatériel :

10 000 € au titre de leur préjudice moral,
12 000 € au titre de leur préjudice de jouissance sur une durée de 4,5 mois

Condamner les sociétés MMA Iard et Mma Iard Assurances Mutuelles à relever et garantir la SASU Faria Design et la SAS Technisol de l’ensemble des condamnations qui seront prononcées contre chacune d’elle, au titre de leur garantie.

Condamner la compagnie la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances à relever et garantir la SASU Faria Design de l’ensemble des condamnations qi seront prononcées contre elle, au titre de sa garantie.

Débouter la SASU Faria Design et la SAS Technisol et leur compagnie d’assurance, à savoir la MMA Iard, MMA Iard Assurances Mutuelles et la société Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

Dire que toutes les sommes au titre des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 novembre 2018 et seront capitalisées.

Dire que la franchise invoquée par MMA Iard Assurances Mutuelles et Mma Iard inopposable à M. et Mme [X].

Condamner in solidum tous succombants à verser à M. et Mme [X] la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire d’un montant de 9797,85 euros

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

La société Technisol, par conclusions notifiées par RPVA le 14 juin 2023, demande au tribunal de : rejeter toutes conclusions contraires comme nulles et en tout cas mal fondées, de dire qu’elle n’a commis aucun manquement et ne peut être tenue pour responsable, contrairement à ce qu’affirme l’expert.
Très subsidiairement, dans l’hypothèse où le tribunal estimerait retenir une infime responsabilité, juger que les compagnies d’assurances MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard sont tenues de l’a relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être retenues à son encontre.

Elle sollicite également la condamnation des consorts [X] à lui payer la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

La société Faria Design par conclusions numéro 3, notifiées par RPVA le 5 mars 2024, demande au tribunal de débouter les époux [X] de l’ensemble de leurs demandes, en toute hypothèse de réduire leurs demandes à de plus justes proportions et en cas de condamnation de dire que la compagnie MMA, son assureur, devra l’a relever et garantir de toute condamnation. Elle sollicite également la condamnation des époux [X] aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 19 juin 2023, MMA Iard et MMa Iard Assurances Mutuelles, demandent au tribunal de :

Déclarer irrecevables les demandes des époux [X] au visa du principe de non-cumul des fondements juridiques, ces derniers visant indistinctement la responsabilité contractuelle et la responsabilité décennale,

Rejeter les demandes des époux [X] dirigées à l’endroit des MMA recherchées ès qualité d’assureur de la Société Technisol en l’état d’un dommage n’étant pas de nature à relever de la garantie décennale des Constructeurs en l’état de ce que :

– l’Expert judiciaire écarte toute impropriété destination,
– le caractère évolutif des décollement n’est pas avéré ni démontré à ce jour, pas plus que l’éventuelle impropriété à destination que ce dernier générerait,
– les travaux réalisés par la société Faria Design ne sont pas constitutifs d’un ouvrage susceptibles de relever de la garantie décennale des constructeurs,
– aucune imputabilité technique ne peut être reprochée à la Société Technisol dès lors que le titulaire du lot « carrelage» a accepté le support sur lequel il a mis en œuvre le carrelage et qu’aucun manquement à une obligation de conseil ou communication ne peut être retenu en l’état de relations entre professionnels,

Rejeter la demande de la Société Technisol tendant à être garantie par les MMA en l’état du caractère non mobilisable de la police d’assurance souscrite,

Rejeter le recours de la Société Faria Design et l’éventuelle demande de garantie de la Société Faria Design en l’état du caractère non mobilisable des garanties souscrites,

Rejeter les demandes présentées au titre des dommages immatériels dès lors qu’ils ne relèvent pas des catégories de dommages indemnisables au titre de la définition des dommages immatériels,

Rejeter les demandes dirigées à l’endroit des MMA ès qualité d’assureur de la Société Faria Design en l’état de l’absence de toute impropriété à destination et du caractère non mobilisable des garanties souscrites s’agissant de travaux ne relevant pas d’un ouvrage au sens des dispositions de l’article 1792 du Code Civil,

A titre subsidiaire,

Juger que seule la valorisation de l’Expert judiciaire au titre des travaux réparatoires pourra être retenue,

En cas de condamnation in solidum,

Limiter la part de responsabilité de la Société Technisol à une part maximale de 10 % pour un éventuel manquement à l’obligation de conseil,

Juger opposables les franchises souscrites tant au titre des garanties facultatives au maître d’ouvrage, laquelle s’élève 10 % du montant total des dommages avec un minimum de 1.486
€ et un maximum de 5.950 €,

Juger opposable à la Société Technisol sa franchise au titre de la garantie obligatoire à l’endroit de Technisol laquelle s’élève à 20 % du montant total des dommages avec un minimum de 9.110 € et un maximum de 51.300 €,

Juger opposable à la Société Faria Design la franchise due au titre de la garantie obligatoire laquelle s’élève à la somme de 800 €,

Juger opposable au maître d’ouvrage la franchise au titre des garanties facultatives laquelle s’élève à la somme de 1.600 €,

Condamner les époux [X] à verser aux MMA la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre entiers dépens,

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures.

Abeille Iard Iard & Santé, anciennement dénommée Aviva Assurances, SA, par conclusions notifiées par RPVA le 20 novembre 2023, demande au tribunal de :

A titre principal :

Juger que la société Faria Design avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de son assurance auprès d’Abeille Iard ;

Juger que la garantie d’Abeille Iard est déclenchée sur la base réclamation ;

Juger que dès lors que le fait générateur de responsabilité est connu de l’assuré au jour de la souscription du contrat, ainsi qu’au jour de la réclamation ;

Juger que Faria Design sollicite exclusivement la garantie de son assureur les MMA ;

Par conséquent,

Juger que la compagnie Abeille Iard ne doit aucune garantie ;

Mettre purement et simplement hors de cause Abeille Iard ;

A titre subsidiaire :

Vu les articles A 243-1 du Code des assurances ;

Juger qu’Abeille Iard n’est pas l’assureur de Faria Design à la date d’ouverture de chantier;

Juger que la Compagnie MMA est l’assureur en risque sur le volet garantie obligatoire ;

Juger que la police souscrite par la société Faria Design auprès de la Compagnie Abeille Iard ne couvre aucunement les dommages relevant de sa responsabilité contractuelle.

En tout état de cause

Juger que les désordres ne sont pas imputables à la société Faria Design ;

Juger que la société Technisol est responsable des désordres ;

Juger que le maître d’ouvrage a contribué à la réalisation de son propre dommage si bien que sa propre responsabilité doit être recherchée dans le partage des responsabilités ;

Par conséquent,

Mettre purement et simplement hors de cause la compagnie Abeille Iard ;

Débouter les demandeurs M. et Mme [X] de l’ensemble de leur demande.

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que les demandes financières au titre des travaux de reprise sont disproportionnées ;

Débouter les demandeurs de leur demande d’indemnisation à hauteur de 7.299,60 euros au titre de la désignation d’un maître d’œuvre

Débouter les demandeurs de leur demande d’indemnisation à hauteur de 7.800 euros de protection de chantier, ainsi que 9.010 euros au titre de la remise en état après travaux et de 480 euros au titre de « nettoyage », ces demandes étant excessives.

Débouter les demandeurs de leur demande d’indemnisation à hauteur de 8.571,50 euros au titre de démontage et remontage de la cuisine aménagée ou à défaut les ramener dans de plus justes proportions

Juger que les travaux de reprise ne peuvent s’élever qu’à hauteur de 35.888,48 euros.

Juger que les demandeurs sollicitent 10.000 euros au titre d’un préjudice moral et 12.000 euros au titre d’un préjudice de jouissance et ce sur le fondement contractuel

Juger que la Compagnie Abeille Iard ne garantit pas la société Faria Design au titre de sa responsabilité contractuelle.

Juger que les quantums sollicités sont excessifs et que les demandeurs ne rapportent pas la preuve des faits nécessaires au succès de leurs prétentions

Par conséquent :

Débouter M et Mme [X] de l’ensemble de leur demande.

En tout état de cause,

Si une condamnation in solidum devait être prononcée, condamner Technisol, les MMA ainsi que M et Mme [X] à relever et garantir la Compagnie Abeille Iard de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Juger opposables les franchises et plafonds de la Compagnie Abeille Iard à l’égard de Faria Design ainsi qu’aux tiers

Condamner in solidum tous succombants au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Les prétentions et moyens des parties sont résumées dans les motifs de la décision. Pour plus ample exposé, il convient de se référer aux dernières conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1.Sur l’irrecevabilité soulevée par les MMA :
1.1 Moyens des parties :
La SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles concluent à l’irrecevabilité des demandes des époux [X] en faisant valoir qu’ils sollicitent leur condamnation à la fois au visa des articles 1240 et suivants et 1792 et suivants du code civil alors que les responsabilités ne peuvent être cumulées.
M. et Mme [X] indiquent en réponse qu’ils évoquent dans leurs conclusions des moyens alternatifs et en aucun cas un cumul de responsabilité.
1.2 Réponse du tribunal :
La lecture des dernières conclusions des époux [X] permet d’indiquer que ces derniers ne formulent pas des demandes cumulatives sur le fondement à la fois de la responsabilité décennale et de la responsabilité contractuelle mais des demandes alternatives, à titre principal sur la garantie décennale et subsidiairement sur la responsabilité contractuelle, ce qui est tout à fait possible.
Aussi, les demandes de M. [V] [X] et Mme [O] [X] seront déclarées recevables.
2. Sur la responsabilité décennale :
2.1 Moyens des parties :
M. et Mme [X] exposent qu’ils ont manifesté une volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage correspondant aux chantiers de pose de la chape et du carrelage, qu’ils ont intégralement réglé les entreprises intervenantes et n’ont émis aucune réserve à la réception, de sorte qu’une réception tacite a eu lieu fin avril 2018.
Ils considèrent qu’au vu du rapport d’expertise judiciaire, les désordres généralisés sont de nature décennale et que la responsabilité décennale du poseur de carrelage et du chapiste doit être retenue au motif que le décollement généralisé du carrelage sur la chape compromet la bonne tenue du plancher chauffant qui est un élément constitutif et indissociable de l’ouvrage.
Ils soulignent que l’expert utilise le présent lorsqu’il indique que le décollement du carrelage compromet le plancher chauffant, ils précisent que le désordre de décollement concerne 80% du rez-de-chaussée, 45% de l’étage et 38% du garage aménagé en habitation.
Ils font valoir que les sociétés Technisol et Faria Design sont co-responsables des désordres au motif qu’elles ont failli à leur obligation de conseil et d’information. Que la SAS Technisol ne les a pas avisé de la nécessité d’un préchauffage de la chape alors que la SASU Faria Design a reçu le support sans procéder à un test d’humidité par la bombe à carbure.
Ils précisent que leur responsabilité ne peut pas être retenue, que les conditions générales annexées au devis de la société Technisol font état d’une ventilation du local jusqu’au séchage complet de la chape mais en aucun cas d’une mise en chauffe. Ils ajoutent que le chapiste ne justifie pas avoir informé quiconque sur cette obligation.
La Société Technisol France expose que l’expert se trompe quant au classement de la chape et elle détaille les différentes étapes de son intervention.
Elle souligne que la mise en chauffe d’une chape avec plancher chauffant est obligatoire avant la pose du carrelage comme indiqué dans le DTA 13/14-1250 texol-knauf qui renvoie dans le CTP 3578V2 chapes fluides base sulfate de calcium, qui lui-même indique le processus de chauffe dans le DTU 65-14.
Elle précise que la pose du carrelage ne pouvait débuter qu’en l’absence de pellicule de surface et d’une humidité qui ne doit pas dépasser 1% sauf pour les pièces dites humides où elle ne doit pas être supérieure à 0,5%, conformément aux documents précités.
Elle ajoute que s’agissant en l’espèce de carreaux céramiques de grand format et de format oblong les exigences prévues dans le CPT 3666-V2 n’ont pas été respectées. Elle souligne que le carreleur n’a pas non plus respecté le double encollage prévu dans son devis.
Elle indique avoir remis tous les documents pour informer les différents intervenants et elle considère que le carreleur qui connait en sa qualité de professionnel la nécessité d’un test à la bombe au carbure est entièrement responsable.
La société Faria Design fait valoir que selon le rapport d’expertise le désordre n’affecte pas aujourd’hui l’ouvrage dans sa destination, que l’expert n’a pas pu se prononcer sur la rapidité de l’évolution des désordres, proportionnels aux usages et que la garantie décennale ne peut concerner que des désordres existants qui se révèlent dans les délais d’épreuve.
Elle expose que le maître de l’ouvrage qui n’a pas eu recours à un maître d’œuvre n’a pas effectué le préchauffage de la chape et qu’elle n’a pas été informée par le chapiste de l’obligation de procéder à un test d’humidité.
Elle soutient qu’en raison d’un manque de coordination entre les entreprises, il a été indiqué que l’essai de préchauffage avait été réalisé et que l’essai à la bombe à carbure était satisfaisant.
Elle souligne que l’expert a exclu la défaillance règlementaire de l’encollage et l’incompatibilité du mortier de colle et du support.
La SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles indiquent que l’expert judiciaire retient la responsabilité du maître d’ouvrage qui ne justifie pas d’une préchauffe avant encollement du carrelage, du chapiste qui aurait dû s’assurer de la préchauffe ou en informer le maître de l’ouvrage et du carreleur qui devait s’assurer de l’absence d’humidité avant la pose. Elles ajoutent que l’expert évoque une obligation d’information du chapiste à l’endroit du carreleur.
Elles exposent que les désordres ne sont pas de nature décennale, que l’expert exclut tout impropriété à destination et qu’il ne retient qu’une évolution des décollements hypothétiques dans l’avenir.
Elles font valoir que les carrelages non scellés relèvent de la catégorie des éléments d’équipement dissociable et qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil puisque les carreaux peuvent être déposés sans altération du support.
Abeille Iard Iard & Santé, à titre infiniment subsidiaire, fait valoir que les désordres n’ont pas de caractère décennal, qu’ils ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination dans le délai de 10 ans.
2.2 Réponse du tribunal :
L’expert judiciaire a constaté un bruit sourd au rebond d’une balle sur plusieurs carreaux ce qui témoigne d’un décollement ainsi que des taux d’humidité ponctuels marqués dans les joints du carrelage. Les désordres sont étendus à tout l’immeuble hors chambre et salle de bains du rez-de-chaussée. Le décollement du carrelage affecte 80 % du rez-de-chaussée, 45% du plancher de l’étage et presque 38% du plancher dit du garage aménagé en habitation.
En réponse à un dire de Maître [D], l’expert reconnait que le carrelage ne présente pas de désaffleurement, ni fissure et qu’un seul délitement très ponctuel d’un joint a été observé. Il a également précisé en page 59 de son rapport qu’il n’a pas observé de carreaux qui bougeaient.

En page 81 de son rapport, M. [K] [Y] indique qu’en dehors du carrelage déposé dans le hall il n’a pas constaté de bruit du carrelage quand on marche dessus et il ajoute que personne hormis les époux [X] ne constate ce fait.
Selon l’article 1792 du code civil « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère »
En l’espèce, l’expert judiciaire indique que « le désordre de décollement de carrelage affecte un élément d’équipement indissociable de l’ouvrage. Le désordre de décollement généralisé du revêtement du sol compromet la viabilité du plancher chauffant, un élément constitutif de l’ouvrage et rendra impropre à destination. Aucuns des désordres n’affectent la solidité de l’ouvrage ».
Les carrelages qui sonnent creux n’affectent pas la maison d’habitation, n’affectent ni la solidité, ni un élément constitutif. « Les carrelages qui sonnent creux témoignent d’un autre désordre de décollement de carrelage du support chape fluide chauffante. Parce que la chape anhydrite n’est pas adaptée à un piétinement sans protection (carrelage décollé) parce que les eaux de lavages qui sont attendues régulièrement dans une maison d’habitation introduisent de l’eau dans les maçonneries non protégées, le désordre de décollement du carrelage compromet la bonne tenue du plancher chauffant qu’il protège »
A ce propos et en réponse à des dires, M. [Y] confirme qu’une grande quantité de carreaux qui présentent des malfaçons d’adhérence porte atteinte à la stabilité de l’ensemble et qu’une malfaçon d’adhérence peut organiser un vieillissement des joints prématuré. Que le défaut de joint associé au défaut d’adhérence occasionne des décollements. Il précise toutefois qu’il ne perçoit pas d’atteinte à destination de l’ouvrage et ajoute « Il est prétentieux d’affirmer connaitre une durée de stabilité du revêtement de sol inférieur à dix ans. Il n’est pas prétentieux d’affirmer que la durée de stabilité du revêtement du sol est affectée. Le vieillissement régulier et attendu d’un tel matériau de surface est compromis. Le vieillissement prématuré des joints a démarré mais ils appartiennent également au registre de l’entretien usuel. »
Ainsi, l’expert n’a constaté aucun désordre de nature décennale lors des opérations d’expertise et les époux [X] ne justifient pas d’une évolution des désordres depuis le dépôt du rapport en mai 2021. Il n’est pas établi que les désordres constatés auront un caractère décennal rendant l’ouvrage impropre à sa destination, en endommageant le plancher chauffant et en remettant en cause de mode de chauffage de l’habitation, de manière certaine dans le délai de 10 ans de la réception. Etant précisé qu’une réception tacite, qui n’est remise en cause par aucune des parties, est intervenue en avril 2018.
A ce jour, le système de chauffage et de refroidissement de la maison par le plancher fonctionne et les carreaux jouent leur office de protection du plancher chauffant.
Par conséquent, la nature décennale des désordres ne peut être retenue, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si les travaux réalisés par la société Faria Design constituaient ou non un ouvrage.
Les époux [X] seront alors déboutés de toutes leurs demandes fondées sur la responsabilité décennale.
3. Sur la responsabilité contractuelle :
3.1 Moyens des parties :
M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X], reprochent à la SAS Technisol les quatre fautes suivantes :
– de les avoir informés par le biais du devis uniquement d’un séchage avec ventilation des locaux sans mention du préchauffage de la chape avant encollage du carrelage
– de ne pas en avoir informé le carreleur ou tout autre intervenant à l’acte de bâtir et de ne pas avoir eu recours à un affichage informatif sur le chantier
– de ne pas avoir repéré par anticipation des points de test pour le séchage par le test de la bombe à carbure
– de ne pas avoir vérifié lors de réalisation de la chape qu’il existait une protection contre les remontées d’humidité.
Ils indiquent que la SASU Faria Design a réceptionné un support dont elle connait la consistance et l’obligation d’absence d’humidité sans le vérifier.
Ils ajoutent que celle-ci en ne procédant pas au contrôle du taux d’humidité a fait preuve d’une légèreté professionnelle.
La société Technisol France considère que les désordres sont dus au non-respect des réglementations et règles de l’art en vigueur par le carreleur, que la responsabilité des désordres incombe à celui-ci. Elle précise que le chauffagiste n’a pas réalisé la mise en chauffe et que la SASU Faria Design n’a pas effectué le test d’humidité et s’est affranchie du double encollage.
La société Faria Design fait valoir que le maître de l’ouvrage n’est pas en mesure d’indiquer précisément les zones de travaux qui lui ont été confiées et elle rappelle que le préchauffage du plancher qui ne lui incombait pas, n’a pas été réalisé avant la pose du carrelage, qu’elle n’a pas été informée par le chapiste de la nécessité du test d’humidité de la chape. Elle soutient avoir réalisé le test d’humidité qui s’est révélé concluant.
3.2 Réponse du tribunal :
En l’espèce, l’expert judiciaire indique que « le désordre de décollement a pour origine l’application d’un carrelage sur un support qui n’est pas sec. Le support est humide parce que la mise en œuvre est défaillante, non conforme aux règles techniques. Il n’a pas existé de préchauffage obligatoire. Il n’a pas existé d’information préalable satisfaisante du chapiste au maître d’ouvrage auto-constructeur ni au carreleur, qui concerne l’obligation de préchauffage et qui concerne l’obligation du test dit de la bombe à carbure. Le désordre de décollement est la cause de l’absence de contrôle de l’humidité du support, avant mise en œuvre du carrelage. Le contrôle de l’humidité par un test de la bombe à carbure n’a pas été rendu possible par la faute du chapiste. La règle du contrôle de l’humidité n’a pas été suggérée au carreleur (qui réceptionne en l’état le support indirectement) et ou le maître d’ouvrage (qui demande la mise en œuvre de son carrelage). Le désordre de décollement est augmenté quand le chapiste ou le maître de l’ouvrage auto constructeur ne protège pas réglementairement la chape anhydrite des remontées d’humidité du vide sanitaire. »
L’expert exclut de manière très explicite l’absence de double encollage ou l’incompatibilité du mortier colle comme cause des désordres. A ce titre, aucune responsabilité ne peut être retenue à l’encontre de la SASU Faria Design.
M. [K] [Y] a précisé que la chape n’avait pas été poncée tout en indiquant qu’il ne s’agissait pas d’une obligation technique et il a également écarté tout problème de laitance en soulignant qu’il n’en avait constaté aucun signe.
La chape a été carrelée alors qu’elle n’était pas sèche puisque le carrelage a commencé à être posé le 12 mars 2018 soit le 33ème jour après la pose de la chape mais sans préchauffe. Selon l’expert, pour le rez-de-chaussée il était indispensable, après avoir coulé la chape anhyrdite, d’attendre 3 à 7 jours, de réaliser 10 jours de préchauffe, 7 jours d’arrêt et à nouveau 10 jours de préchauffe, soit au total 34 jours.

Le maître de l’ouvrage a commis des fautes en recouvrant la chape de plaques d’isolants et de matériel de plomberie de chauffage avant le séchage complet, en omettant de poser des pare-vapeur ou du polyane pour protéger des remontées d’humidité et en se scotchant pas les plaques isolantes entre elles.
De plus, les époux [X] ont reconnu lors de l’expertise judiciaire avoir mis en route la pompe à chaleur en mode rafraichissement durant deux jours en août 2018, ce qui peut organiser un cycle de décollement des carreaux.
Il sera toutefois rappelé que la cause déterminante des désordres est l’absence de séchage complet de la chape. Si celle-ci avait été sèche, les pare-vapeurs n’auraient eu aucune utilité et l’expert indique avoir constaté qu’il n’existait pas de justificatif du démarrage de la pompe à chaleur durant l’été. De surcroît, il n’est aucunement établi que les désordres seraient apparus si la chape avait été correctement séchée avant la pose du carrelage. Il sera d’ailleurs rappelé que 20% du carrelage du rez-de-chaussée n’est pas décollé malgré le rafraichissement du sol, de très courte durée, dont font état les demandeurs et l’absence de pare-vapeurs.
Les demandeurs qui n’ont pas été informés par la société Technisol de la nécessité d’un préchauffage de la chape ont procédé à la ventilation de la maison comme indiqué au devis et M. [L] [H] atteste avoir ouvert les fenêtres durant l’absence des maîtres de l’ouvrage.
Aussi, aucune faute en lien direct avec les désordres ne sera retenue à l’encontre de Mme [X].
La société Technisol ne justifie pas avoir informé le maître de l’ouvrage, qui n’est pas un professionnel de construction, de la nécessité du préchauffage de la chape. Aucune information n’a été donnée en ce sens par le chapiste et le devis dont les époux [X] avaient connaissance ne faisait état que de la ventilation de la chape, étant précisé que la référence à des normes sans autre explication ne peut être considérée à l’égard d’un non professionnel comme une information suffisante de la part d’une entreprise spécialisée.
De plus, s’il n’appartient pas au chapiste de procéder ou d’assurer la préchauffe obligatoire de sa chape anhydrite il lui incombait d’en informer le maître de l’ouvrage et de procéder à la préparation du test à la bombe à carbure en identifiant les emplacements adaptés à ce test, ce qu’il n’a pas fait. En effet, le test précité nécessite un prélèvement d’échantillon qui entraine une démolition. Si le prélèvement n’est pas repéré préalablement par le chapiste il y a des risques d’endommager les nappes de chauffage dissimulées.
Le carreleur, la SASU Faria Design, qui est un professionnel, connaissait la nature de la chape, il a accepté le support sur lequel il a décidé de poser le carrelage. Malgré ses affirmations, il ne justifie pas avoir procédé aux tests permettant de vérifier l’humidité de la chape. Il n’a émis aucune réserve auprès du maître de l’ouvrage en raison notamment de l’absence de préparation aux tests par le chapiste.
Ces fautes commises tant par le chapiste que le carreleur ont contribué à la réalisation de l’entier préjudice subi par les époux [X] et la responsabilité contractuelle de la SAS Technisol et de la SASU Faria Design sera retenue.
4. Sur les réparations :
4.1 Moyens des parties :
Les époux [X] demandent au titre du préjudice matériel la somme de 130 664,66 € ou subsidiairement la somme de 90 3916,69 € au titre de la prise en main, installation du chantier, démontage et remontage de la cuisine aménagée, démolition des carrelages pour une surface de 195,50 m², démolition de la chape et reconstruction du plancher chauffant 160,54 m², coulage de l’enrobage anhydrite, procédure d’assèchement de la chape , fourniture et pose d’un nouveau carrelage, réception, remise en état de la peinture, nettoyage, déménagement et relogement provisoire ainsi que la maîtrise d’œuvre. Ils ajoutent qu’ils ont dû subir les tracasseries liées à la procédure de référé, à l’expertise, à la procédure de fond pour une durée totale de quatre années et vont devoir subir un préjudice de jouissance durant les travaux évalués à quatre mois et demi. Ils évaluent leur préjudice moral à la somme de 10 000 € et le préjudice de jouissance à la somme de 12 000 €.
La société Faria Design conteste la nécessité de reprendre le carrelage sur l’ensemble de la construction. Elle considère qu’il n’existe pas de préjudice de jouissance puisque les époux [X] vivent dans la maison.
MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent que les sommes retenues au titre des préjudices matériels soient celles valorisées par l’expert judiciaire après un débat technique contradictoire. Elles indiquent que le préjudice moral et de jouissance ne relèvent pas des garanties souscrites.
Abeille Iard Iard & Santé demande que soit écartée la maîtrise d’œuvre dont le maître de l’ouvrage avait fait l’impasse. Elle considère que les frais de démontage et de remontage de la cuisine sont excessifs et s’interroge sur les frais de protection du chantier auxquels s’ajoutent des frais de remise en état après travaux et de nettoyage.
4. 2 Réponse du tribunal :
Sur les préjudices matériels :
Les devis fournis par les demandeurs ne peuvent être retenus au motif que la prise en main et l’installation du chantier ne peut faire l’objet d’un poste de réparation distinct puisque les travaux comprennent implicitement les mouvements mobiliers et sanitaires indispensables ainsi que leurs remises en place, la protection des peintures et des menuiseries. De plus, il n’est pas nécessaire de protéger toutes les peintures lorsqu’il est également prévu une remise en état de ces dernières à l’issue des travaux. Pour la démolition du carrelage, au vu des deux devis fournis la valeur moyenne sera prise en compte. Pour la chape anhydrique du rez-de-chaussée, la surface ne dépasse pas 160,54 m² et la valeur moyenne est de 9302,90 € TTC. Il en est de même pour la fourniture et la pose du nouveau carrelage et des plinthes, la procédure d’assèchement de la chape avec les tests d’humidité du support sera évaluée à 900 € TTC pour trois sondages, conformément aux préconisations de l’expert judiciaire. Seront ajoutés notamment les frais de réception des ouvrages, les frais de déménagement et de relogement provisoire sans tenir compte pour l’évaluation de ces derniers des prix de la période estivale qui sont les plus élevés et ce, pour une durée de quatre mois et demi, qui correspond à la durée des travaux, le coût des travaux de remise en conformité et de maîtrise d’œuvre qui seront réduits à 3598,44 €.
Ainsi, en réparation du préjudice matériel subi par les époux [X] en raison de l’absence de pérennité régulièrement attendue du plancher chauffant, la somme de 87 318, 25 € sera retenue, somme à laquelle devront s’ajouter les frais de maîtrise d’œuvre, indispensables eu égard à la complexité des opérations à réaliser, d’un montant de 3598,44 € TTC, soit au total la somme de 90 916,69 €.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022, date de notification par RPVA des conclusions en sollicitant le paiement. Il sera précisé qu’aucune somme n’était réclamée à l’occasion de la lettre du 30 novembre 2018 qui peut être qualifiée de mise en demeure. Les intérêts seront capitalisés par année entière en application de l’article 1343-2 du code civil. De plus, la somme sera réévaluée en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 entre la date du dépôt du rapport d’expertise, soit le 18 mai 2021 et de la date de la présente décision.
Sur les préjudices immatériels :
La maison est habitable et habitée par les demandeurs qui n’ont pas à ce jour de gêne dans l’usage du bien. Le préjudice de jouissance sera alors évalué en fonction de la durée des travaux soit quatre mois et demi et de la gêne qu’ils entraineront, nécessitant notamment un déménagement. Les demandeurs ne produisent aucune pièce relative à la valeur locative de leur bien immobilier mais s’agissant d’une maison récente d’une surface d’environ 196 m² avec l’étage, située à [Localité 4], la somme de 8000 € leur sera allouée.
M. [V] [X] et Mme [O] [X] qui été contraints de subir une procédure judiciaire longue et couteuse avec les tracasseries occasionnées par l’expertise judiciaire percevront une somme de 1000 € en réparation de leur préjudice moral.
Ces deux sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022 et seront capitalisées par année entière.
5. Sur la garantie des assureurs :
5.1 Moyens des parties :
M. et Mme [X] sollicitent la condamnation in solidum des assureurs et exposent que la compagnie d’assurance MMA Iard doit être condamnée à relever et garantir la SASU Faria Design et la SAS Technisol de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre au titre de la garantie responsabilité civile qui figure aux contrats. Ils demandent également que la compagnie Abeille Iard Iard & Santé garantisse la SASU Faria Design.
La société Faria Design et la société Technisol considèrent également qu’elles doivent être garanties par MMA.
MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles font valoir que leurs garanties ne sont pas mobilisables s’agissant de désordres qui ne sont pas de nature décennale.
Abeille Iard Iard & Santé demande sa mise hors de cause au motif que la société Faria Design avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription du contrat auprès d’elle et à titre subsidiaire, elle ajoute que sa police ne couvre pas les dommages résultant de la responsabilité contractuelle de l’assuré.
5.2 Réponse du tribunal :
La responsabilité civile souscrite par la société Technisol et la SASU Faria Design auprès de la compagnie MMA, au vu des conventions spéciales versées aux débats par l’assureur, garantie l’assuré contre les conséquences financières de la responsabilité civile qui peut lui incomber en raison des dommages corporels, matériels ou immatériels consécutifs à des dommages subis par autrui, et imputables à son activité professionnelle. Mais selon l’article 21 des conventions spéciales applicables sont exclus les dommages subis, comme en l’espèce, par les ouvrages ou les travaux effectués par l’assuré et ses sous-traitants.
Aussi, toutes les demandes dirigées contre MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre de la responsabilité civile seront rejetées.
En ce qui concerne Abeille Iard Iard & Santé, la société Faria Design a souscrit une police d’assurance auprès de cet assureur le 1er janvier 2020 or elle avait connaissance à cette date du sinistre et ce, au moins depuis le 8 février 2019, date du compte rendu technique de Provence Expertise Bâtiment auquel elle a assisté.
Aussi, l’assureur ne peut être tenue à garantir et en tout état de cause la compagnie Abeille Iard ne couvre pas les dommages résultant de la responsabilité contractuelle de son assuré.
La SA Abeille Iard Iard & Santé sera alors mise hors de cause.
Au vu des éléments qui précèdent, étant précisé que l’examen des factures émises par la SASU Faria Design le 18 mars et le 30 avril 2018 permettent de considérer au vu du nombre de m² mentionné qu’elle a réalisé le carrelage de l’ensemble de la maison, cette société et la SAS Technisol seront condamnées in solidum à payer à M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] la somme de 90 916,69 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022 et capitalisation des intérêts par année entière. Cette somme sera réévaluée en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 entre la date le18 mai 2021 et de la date de la présente décision.
La SASU Faria Design et la SAS Technisol devront également verser in solidum aux époux [X] la somme de 8000 € en réparation de leur préjudice de jouissance et la somme de 1000 € en réparation de leur préjudice moral. Ces deux sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022 et seront capitalisées par année entière.
6. Sur les demandes accessoires :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SASU Faria Design et la SAS Technisol seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’expertise judiciaire.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] les frais irrépétibles exposés, aussi la SASU Faria Design et la SAS Technisol seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité ne justifie pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et/ou la SA Abeille Iard Iard & Santé.
L’exécution provisoire de droit à titre provisoire prévue par l’article 514 du code de procédure civile est compatible avec la nature de l’affaire et il n’y a pas lieu de l’écarter conformément à l’article 514-1 du même code.

PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DECLARE recevables les demandes de M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] ;

DIT que les désordres ne sont pas de nature décennale ;

REJETTE toutes les demandes fondées sur la garantie décennale ;

DECLARE la SASU Faria Design et la SAS Technisol responsables des désordres subis par les époux [X], sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

REJETTE toutes les demandes dirigées contre MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ;

MET hors de cause la SA Abeille Iard Iard & Santé ;

CONDAMNE in solidum La SASU Faria Design et la SAS Technisol à payer à M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] la somme de 90 916,69 € ;
DIT que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022, avec capitalisation des intérêts par année entière et qu’elle sera réévaluée en fonction de l’évolution de l’indice BT 01 entre la date le18 mai 2021 et de la date de la présente décision ;
CONDAMNE in solidum La SASU Faria Design et la SAS Technisol à payer à M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] la somme de 8000 € en réparation de leur préjudice de jouissance et la somme de 1000 € en réparation de leur préjudice moral. DIT que ces deux sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2022 et seront capitalisées par année entière.
CONDAMNE in solidum la SASU Faria Design et la SAS Technisol à payer à M. [V] [X] et Mme [O] [A] épouse [X] la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et la SA Abeille Iard Iard & Santé de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SASU Faria Design et la SAS Technisol aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’expertise judiciaire.

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT-QUATRE.

La greffière, La présidente,


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