Madame [S] [T] a acquis un terrain à bâtir en août 2011 pour y construire une maison. En décembre 2012, elle a engagé la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE comme maître d’œuvre, et un marché de travaux a été signé en avril 2013 avec la SARLU [P] CONSTRUCTION, assurée par AXA France IARD. En 2018, des fissures importantes sont apparues, conduisant Madame [T] à déclarer un sinistre à AXA. Le tribunal judiciaire de Béziers a rendu un jugement en février 2024, condamnant in solidum la SARLU [P] CONSTRUCTION, AXA, la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et leur assureur à verser 327.987,40 euros à Madame [T] pour divers frais liés aux travaux de reprise et au relogement. AXA a interjeté appel de ce jugement en mars 2024. Les parties ont maintenu leurs demandes respectives lors de l’audience, et la cour a finalement débouté AXA de ses demandes, lui ordonnant de verser des sommes à Madame [T] et à la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
ORDONNANCE DE REFERE
DU 09 OCTOBRE 2024
REFERE N° RG 24/00118 – N° Portalis DBVK-V-B7I-QJHF
Enrôlement du 26 Juin 2024
assignation du 24 Juin 2024
Recours sur décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BÉZIERS du 19 Février 2024
DEMANDERESSE AU REFERE
S.A. AXA FRANCE IARD
société immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 722 057 460 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 6]
[Localité 14]
représentée par la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER
DEFENDEURS AU REFERE
Madame [S] [T]
née le 22 Avril 1952 à [Localité 17]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par la SCP PIJOT POMPIER MERCEY, avocat au barreau de BEZIERS
S.A.R.L. ATELIER CONCEPT
société immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 520 273 640 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son établissement secondaire sis
[Adresse 10]
[Localité 2]
MAF (MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS)
(en sa qualité d’assureur de la SARL ATELIER CONCEPT selon police 150688/B)
société d’assurance mutuelle inscrite au RCS de Paris sous le numéro 784 647 349 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 4]
[Localité 11]
ensemble représentées par Maître Julie ABEN, avocat au barreau de MONTPELLIER
SMABTP – SOCIETE MUTUELLE D’ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
(en qualité d’assureur de la SARL ATELIER CONCEPT à compter du 1er janvier 2017)
société d’assurance mutuelle prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 13]
[Localité 12]
représentée par la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
[P] [H] (ENTREPRISE [H])
entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne ENTREPRISE [H] non inscrit au RCS (numéro SIREN 489 609 529)
[Adresse 1]
[Localité 8]
non comparant, ni représenté
(assignation délivrée à domicile par acte de commissaire de justice du 24 juin 2024)
S.A.R.L. [P] CONSTRUCTION
société immatriculée au RCS de Béziers sous le numéro 750 322 059 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Adresse 15]
[Localité 9]
non comparant, ni représenté
(assignation délivrée à étude de commissaire de justice par acte du 24 juin 2024)
L’affaire a été débattue à l’audience publique des référés, tenue le 04 septembre 2024 devant M. Tristan GERVAIS de LAFOND, premier président, et mise en délibéré au 09 octobre 2024.
Greffier lors des débats : M. Jérôme ALLEGRE.
ORDONNANCE :
– réputé contradictoire.
– prononcée publiquement par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signée par M. Tristan GERVAIS de LAFOND, premier président, et par M. Jérôme ALLEGRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
1. Par acte authentique du 25 août 2011, Madame [S] [T] a acquis un terrain à bâtir sis à [Localité 18], lieudit [Adresse 16], aux fins d’y faire édifier une maison d’habitation.
Le 13 décembre 2012, la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE a établi une proposition d’honoraire en tant que maître d »uvre, proposition acceptée par Madame [T].
Le 8 avril 2013, la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE a rédigé un cahier des clauses administratives particulières valant marché de travaux.
Un marché de travaux avec décomposition du prix global et forfaitaire a été établi et signé le 13 avril 2013 entre Mme [S] [T] et la SARL [P] CONSTRUCTION représentée par M.[J] [P]. Cette dernière était assurée en responsabilité civile décennale auprès de la SA d’assurance AXA France IARD.
2. Au cours de l’année 2018, à la suite de l’apparition d’importantes fissures, Madame [T] a effectué une déclaration de sinistre auprès de la compagnie d’assurance AXA.
3. A la suite de quoi, par jugement rendu le 19 février 2024, le tribunal judiciaire de Béziers a statué comme suit :
– CONDAMNE in solidum la SARLU [P] CONSTRUCTION et son assureur, la SA d’assurance AXA FRANCE IARD, ainsi que la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et son assureur, la MAF, à payer à Madame [S] [T] 327.987,40 euros TTC au titre des travaux de reprise, des frais de déménagement, de garde-meubles, des honoraires de maîtrise d »uvre et de l’assurance dommage-ouvrage,
– DIT que la somme accordée au titre des travaux de reprise sera actualisée en fonction de l’évolution de l’indice BT01 entre le 11 août 2022, date du dépôt du rapport d’expertise, et le présent jugement,
– DEBOUTE Madame [S] [T] de sa demande au titre du préjudice moral,
– CONDAMNE in solidum la SARLU [P] CONSTRUCTION et son assureur, la SA d’assurance AXA FRANCE IARD, ainsi que la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et son assureur, la MAF, à verser 10.000 euros à Madame [S] [T] au titre des frais de relogement,
– CONDAMNE la SA d’assurance AXA FRANCE IARD à relever et garantir la SARLU [P] CONSTRUCTION de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
– DECLARE opposable la franchise contractuelle de la SA d’assurance AXA FRANCE IARD à hauteur de 1.500 euros au titre des préjudices immatériels ainsi que les plafonds de garantie concernant la garantie principale,
– CONDAMNE la SA d’assurance AXA FRANCE IARD à relever et garantir la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et son assureur, la MAF, à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à leur encontre,
– CONDAMNE in solidum la SARLU [P] CONSTRUCTION et son assureur, la SA d’assurance AXA FRANCE IARD, ainsi que la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et son assureur, la MAF, à supporter la charge des entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire,
– CONDAMNE in solidum la SARLU [P] CONSTRUCTION et son assureur la SA d’assurance AXA FRANCE IARD, ainsi que la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et son assureur la MAF, à verser 3.000 euros à Madame [S] [T] au titre des frais irrépétibles,
– RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire.
4. Par déclaration en date du 28 mars 2024, la SA AXA FRANCE IARD a relevé appel de ce jugement.
5. Par actes séparés en date des 24 et 25 juin 2024 et par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 juillet 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SA AXA FRANCE IARD a assigné Madame [S] [T], la SARLU [P] CONSTRUCTION, [F] [H], la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE, la MAF Assurance et la SMABTP devant le premier président de la cour d’appel de Montpellier, au visa de l’ article 514 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 19 février 2024 et à titre subsidiaire, l’autoriser à verser sur un compte CARPA de la SCP SVA la somme de 340.987 € dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel à intervenir, laisser à chacune des parties les frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
6. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique en date du 3 juillet 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, Madame [S] [T] demande de :
– débouter la SA AXA FRANCE IARD de ses demandes d’arrêt de l’exécution provisoire et de consignation de la somme de 340.987 € ;
– la condamner à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
7. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 juillet 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et MAF demandent de:
– débouter la SA AXA FRANCE IARD de ses demandes d’arrêt et d’aménagement de l’exécution provisoire ;
– la condamner à lui payer la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
8. La SMABTP s’en est rapportée.
9. A l’audience fixée pour l’examen de l’affaire, les avocats respectifs de ces parties ont maintenu leurs demandes telles qu’elles résultent de leurs dernières écritures.
[P] [H] et la SARLU [P] CONSTRUCTION n’ont pas comparu et n’étaient pas représentés.
Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire
10. Aux termes de l’article 514-3 du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
11. ll convient d’examiner en premier lieu l’existence de conséquences manifestement excessives.
12. Le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire ordonnée ne doit être apprécié qu’au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de paiement et des facultés de remboursement de la partie adverse et non au regard de la régularité ou du bien-fondé du jugement frappé d’appel.
13. Il convient de rappeler que la demanderesse a été condamnée à garantir le paiement au total de la somme de 340.987 € due par la SARLU [P] CONSTRUCTION au titre des travaux de reprise et non à l’exécution de ces travaux, ce qui rend son argumentation inopérante quant au caractère irréparable de l’exécution provisoire.
14. Aucun paiement n’est intervenu volontairement par la SA AXA FRANCE IARD alors que de son côté, la MAF s’est acquittée de sa quote-part, en sorte que la créance due à Madame [S] [T] est aujourd’hui de 297.647,67 €.
15. Force est de constater, que la demanderesse ne démontre nullement que le paiement de cette somme à Madame [T] serait susceptible de l’exposer à des conséquences manifestement excessives dès lors qu’elle ne produit aucun élément sur sa situation comptable et bancaire et n’allègue aucune difficulté économique pouvant caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives.
16. En outre, s’agissant du risque de non restitution des fonds versés, il sera rappelé qu’il lui appartient de démontrer la réalité de ce risque, lequel apparaît seulement hypothétique alors comme les défenderesses le font valoir justement, il lui sera loisible, en cas d’infirmation du jugement, de prendre une inscription d’hypothèque provisoire sur le bien immobilier concerné dont la valeur excède largement le montant de la créance litigieuse.
17. Au regard de ces différents éléments, il ne peut être considéré qu’il existe des conséquences manifestement excessives.
Il n’y a donc pas lieu d’examiner la condition tenant à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation puisque les deux conditions sont cumulatives.
18. Il convient dès lors de rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Sur la demande d’aménagement de l’exécution provisoire
19. L’article 521 du code de procédure civile dispose que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
20. Il convient de rappeler que la possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire prévue par cet article n’est pas subordonnée à la condition prévue par l’article 524 2°, à savoir que cette exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
21. La décision d’ordonner ou non la consignation des condamnations relève ainsi du pouvoir discrétionnaire du premier président.
22. Pour les mêmes motifs, ci-dessus énoncés, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande pour les sommes que la SA AXA FRANCE IARD doit au titre de l’exécution provisoire à Madame [T] alors que cette demande subsidiaire n’est fondée sur aucun autre moyen.
23. En conséquence de quoi, celle-ci sera déboutée de ses demandes.
24. L’équité commande en l’espèce de faire application au bénéfice de Madame [S] [T] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1200 € et de 800 € pour la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et MAF.
Statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire, non susceptible de recours rendue par mise à disposition au greffe;
Déboutons la SA d’assurance AXA FRANCE IARD de l’ensemble de ses demandes.
Condamnons la SA d’assurance AXA FRANCE IARD à payer à Madame [S] [T] la somme de 1200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la SA d’assurance AXA FRANCE IARD à payer à la SARL ATELIER CONCEPT NARBONNE et à MAF la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la SA d’assurance AXA FRANCE IARD aux dépens.
Le greffier Le premier président