Responsabilité contractuelle et indemnisation : enjeux d’une installation défaillante de chauffage à granulés

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Responsabilité contractuelle et indemnisation : enjeux d’une installation défaillante de chauffage à granulés

Madame [J] [G], propriétaire d’une maison à [Localité 3], a engagé la société GRANULES ET POELES en 2019 pour l’installation d’une chaudière à granulés. Les travaux, réalisés entre mai et septembre 2020, ont été facturés le 22 juillet 2020, sans réception formelle. Face à des pannes de chauffage, Madame [G] a fait constater la situation par un commissaire de justice en février 2022 et a demandé une expertise judiciaire, qui a été ordonnée en juin 2022. Le rapport d’expertise a été déposé en juillet 2023. En octobre 2023, Madame [G] a assigné la société en justice pour obtenir réparation de divers préjudices. Elle a réclamé des indemnités pour préjudice de jouissance, surcoût d’électricité, dépenses engagées pour le chauffage, différence de prix de la chaudière, et dommages pour sous-dimensionnement du silo, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société a contesté certaines demandes et a demandé un partage des responsabilités. Le tribunal a rendu son jugement, condamnant la société à verser plusieurs sommes à Madame [G] et à supporter les frais d’expertise, tout en déboutant les parties de leurs demandes supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand
RG
23/03831
AS/CT

Jugement N°
du 10 OCTOBRE 2024

AFFAIRE N° :
N° RG 23/03831 – N° Portalis DBZ5-W-B7H-JHTK / Ch1c1
DU RÔLE GÉNÉRAL

[J] [G]

Contre :

S.A.R.L. GRANULES ET POELES

Grosse : le

la SELARL JURIDOME
la SELARL TOURNAIRE – MEUNIER

Copies électroniques :

la SELARL JURIDOME
la SELARL TOURNAIRE – MEUNIER

Copie dossier

la SELARL JURIDOME
la SELARL TOURNAIRE – MEUNIER

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

LE DIX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE,

dans le litige opposant :

Madame [J] [G]
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Patrick ROESCH de la SELARL JURIDOME, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEMANDERESSE

ET :

S.A.R.L. GRANULES ET POELES
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par la SELARL TOURNAIRE – MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

DEFENDERESSE

LE TRIBUNAL,
composé de :

Madame Amandine SCHUBERT, Juge,

assistée lors de l’appel des causes et du délibéré de Madame Charlotte TRIBOUT, Greffier.

Après avoir entendu, en audience publique du 20 Juin 2024 les avocats en leurs plaidoiries et les avoir avisés que le jugement sera rendu le 12 septembre 2024 puis prorogé à ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :

Faits et procédure

Madame [J] [G], propriétaire d’une maison à [Localité 3] (63), a sollicité en 2019 la société GRANULES ET POELES pour l’installation d’une chaudière à granulés.

Selon un devis du 9 mars 2020, la société GRANULES ET POELES a procédé à l’installation, entre le mois de mai 2020 et le mois de septembre 2020, d’un dispositif de chauffage, installation qui a fait l’objet d’une facture émise le 22 juillet 2020.

Aucune réception n’est intervenue à l’issue des travaux.

Le 2 février 2022, madame [G] a fait dresser un procès-verbal de constat par commissaire de justice, après avoir sollicité plusieurs fois l’installateur, en vain, pour trouver une solution à la panne de chauffage.

Par acte de commissaire de justice du 18 mars 2022, madame [G] a saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 21 juin 2022, le juge des référés a fait droit à sa demande et commettait madame [I] [F] pour y procéder.

Le rapport d’expertise définitif était déposé le 8 juillet 2023.

*

Par acte du 12 octobre 2023, madame [J] [G] a assigné la SARL GRANULES ET POELES devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand pour être indemnisée des divers préjudices subis.

Par ses dernières conclusions signifiées le 17 avril 2024, madame [G] demande, au visa des articles 1792 et 1231-1 du code civil, de condamner la SARL GRANULES ET POELES à lui payer les sommes suivantes :

– Préjudice de jouissance entre septembre 2020 et septembre 2022, ainsi qu’entre septembre 2022 et mars 2023 _______________________ 9.000,00 €

– Remboursement du surcoût de l’électricité _________________ 1.307,09 €

– Factures complémentaires correspondant aux dépenses engagées pour tenter de chauffer un minimum _____________________________________ 383,99 €

– Différence du prix d’achat entre la chaudière installée et celle commandée_____ ________________________________________________________703,00 €

– Sous-dimensionnement du silo : dommages intérêts ____________2.000,00 €

Elle demande en outre de condamner la même à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

*

Par ses dernières conclusions signifiées le 5 avril 2024, la SARL GRANULES ET POELES demande, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :
– limiter la demande indemnitaire de madame [G] au titre de la surconsommation d’énergie à la somme de 781,67 euros TTC,
– condamner madame [G] à supporter à concurrence de 50 % les conséquences dommageables évoquées,
– partager par moitié entre les parties les frais d’expertise,
– débouter madame [G] de ses plus amples demandes.

*

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2024.

L’affaire, plaidée à l’audience du 20 juin 2024, a été mise en délibéré au 12 septembre 2024, délibéré prorogé au 10 octobre 2024.

MOTIFS

I- Sur l’origine et la nature des désordres

La SARL GRANULES ET POELES a procédé à l’installation d’un système de chauffage de type « combustion à pellets » au sein du domicile de madame [G], incluant la pose d’une chaudière à granulés, d’un ballon thermodynamique, d’un silo et d’un conduit de cheminé.

Dans son rapport, madame [F], expert judiciaire, a relevé deux types de désordres affectant l’installation, à savoir l’existence de condensats en pied de conduit de fumées et un défaut de pressostat combustion chaudière, qui met la chaudière à l’arrêt. Elle a également pointé l’existence de malfaçons et de non conformités au niveau du conduit de fumées intérieur et en ce qui concerne l’entretien du ballon thermodynamique (page 25 du rapport).

S’agissant des condensats, elle précise toutefois que l’isolation du conduit a été réalisé le 6 avril 2023 par la société GRANULES ET POELES pour stopper le phénomène et que depuis, il n’y avait plus aucun désordre. Quant au défaut pressostat chaudière, ce défaut a été solutionné par le revendeur lors de la deuxième réunion d’expertise le 21 mars 2023, de sorte que la chaudière ne se met plus en défaut. Il n’existe ainsi plus de désordre selon l’expert.

S’agissant enfin des malfaçons et des non conformités, elles ont également été traitées par l’entreprise, en ce que des travaux ont été entrepris sur le conduit rigide intérieur et que le ballon thermodynamique a été déplacé afin de permettre son entretien. L’expert souligne que la SARL a donc mis un terme aux malfaçons et non conformités.

S’agissant plus spécifiquement du dimensionnement du silo et du défaut de conseil, l’expert note que ces points ont seulement été évoqués lors de la troisième réunion d’expertise, sans jamais figurer ni dans l’assignation, ni dans les pièces versées au débat (absence de référence dans le constat d’huissier notamment), de sorte qu’elle les considère comme hors du champ de l’expertise (page 26 du rapport).

Madame [F] précise enfin, pour les désordres et non conformités retenus dans le cadre de son expertise, que « les travaux de reprise ont été réalisés le 6 avril 2023 par la société GRANULES et POELES. Il n’y a donc pas de travaux de reprise à prévoir » (page 30 du rapport).

II- Sur les responsabilités et les demandes indemnitaires

L’article 1231-1 du code civil dispose que : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

En application de ces dispositions, l’installateur est tenu à l’égard du maître de l’ouvrage, outre d’une obligation de conseil, d’une obligation de résultat s’agissant tant de la conception que de la réalisation des travaux.

En matière d’ouvrage, il sera rappelé que la responsabilité contractuelle est subordonnée à la démonstration que le résultat promis par le constructeur/l’installateur n’est pas conforme à la prestation qu’il s’est engagée à accomplir.

En l’espèce, madame [F] est formelle. Elle indique que « les désordres et non conformités [affectant l’installation] mentionnés précédemment relèvent de la responsabilité de la société GRANULES ET POELES. En effet, face aux dysfonctionnements de la chaudière, l’entreprise a manqué de diligence quant à la résolution des défauts, dont notamment le défaut pressostat d’air qui était connu du fabricant (mais pas de l’installateur GRANULE ET POELES). Il est utile de rappeler que la chaudière de type RTB PHOENIX 16 était la première chaudière bois de cette marque installée par la SARL GRANULES ET POELES. Dans ce contexte, il aurait été judicieux que la mise en service soit sous traitée à la société GF Services, qui possède l’expertise de ce type de chaudière. Enfin, la société GRANULES ET POELES aurait dû se rapprocher de la société GF Services dès l’apparition des premiers dysfonctionnements. » (page 30 du rapport).

La SARL a donc commis des manquements à ses obligations contractuelles et les désordres et non conformités relevés par l’expert sont de nature à engager sa responsabilité civile contractuelle. Elle sera donc tenue d’indemniser madame [G] pour les divers préjudices subis

En défense, la SARL GRANULES ET POELES soutient néanmoins que les difficultés rencontrées par la demanderesse trouveraient leur origine la mauvaise communication entre les parties, ce qui aurait empêché de trouver des solutions rapides et efficaces – cette défaillance de communication étant à attribuer, selon ses dires, à madame [G], de sorte qu’il y aurait lieu de retenir à l’encontre de celle-ci une part de responsabilité, à hauteur de 50 %, dans le préjudice qu’elle affirme avoir subi.

Il ne ressort toutefois pas des conclusions de l’expert que cette communication difficile soit imputable à madame [G], l’expert se contentant de souligner que certaines difficultés auraient pu être évitées si la demanderesse n’avait pas annulé une réunion, à l’initiative de son précédent conseil, sans toutefois que les raisons exactes de cette annulation ne soient spécifiées. En tout état de cause, les non-conformités relevées par l’expert n’ont aucun lien avec un éventuel défaut de communication imputable à madame [G], qui n’est, au demeurant, aucunement démontré par la défenderesse.

Il n’y a donc pas lieu de déclarer madame [G] partiellement responsable des conséquences dommageables subies.

*

S’agissant des demandes indemnitaires, madame [G] sollicite :

– 9000 euros au titre du préjudice de jouissance entre septembre 2020 et septembre 2022, ainsi qu’entre septembre 2022 et mars 2023, soit la somme forfaitaire de 300 euros pendant 30 mois.
L’expert judiciaire note que madame [G] a effectivement subi un préjudice de jouissance entre septembre 2020 et septembre 2022, et entre septembre 2022 et mars 2023, ce préjudice découlant, pour ces deux périodes, des dysfonctionnements de la chaudière, étant toutefois relevé que les dysfonctionnements de la deuxième période auraient pu, selon l’expert, être évités si la réunion technique du 25 octobre 2022 n’avait pas été annulée par madame [G], à la demande de son conseil.
Le tribunal dispose en l’espèce des éléments d’appréciation nécessaires pour fixer l’indemnisation de ce préjudice à la somme de 2000 euros.

– 1307,09 euros au titre du remboursement du surcoût de l’électricité, en ce que le dysfonctionnement de la chaudière a nécessité la mise en place d’un chauffage électrique permanent.
L’expert judiciaire précise que ce préjudice financier s’élève à la somme de 781,67 euros TTC avant septembre 2022 et à la somme de 525,42 euros TTC après septembre 2022, alors que la surconsommation électrique après septembre 2022 aurait pu être évitée.
Le tribunal dispose des éléments d’appréciation nécessaires pour fixer l’indemnisation de ce préjudice financier à 1307,09 euros.

– 383,99 euros au titre des factures complémentaires correspondant aux dépenses engagées pour tenter de chauffer un minimum.
L’expert a constaté les dépenses engagées par madame [G] à hauteur du montant sollicité, tout en soulignant que ces achats auraient pu être évités si la réunion du 25 octobre 2022 avait été maintenue.
Le tribunal dispose des éléments d’appréciation nécessaires pour fixer l’indemnisation de ce préjudice financier à 383,99 euros.

– 703 euros au titre de la différence du prix d’achat entre la chaudière installée et celle commandée.
Madame [F] a retenu la somme de 703 euros de ce chef. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande.

– 2000 euros au titre du sous-dimensionnement du silo.
Madame [F], tel que précisé dans les développements ci-dessus, a tout d’abord exclu la question du dimensionnement du silo hors du champ de l’expertise.
En effet, la demanderesse n’a fait état de cette non-conformité qu’au moment de la troisième réunion d’expertise – aucune mention n’est faite dans l’assignation ou dans le procès-verbal d’huissier de justice.
L’expert a néanmoins effectué une analyse sur cette question et a conclu au fait « qu’il aurait été judicieux d’installer un silo d’environ 3 tonnes comme il est préconisé dans les règles RAGE, nécessitant alors seulement deux remplissages annuels. Un silo de cette contenance nécessitait d’être installé dans la réserve ».
Or, aux termes du rapport d’expertise, la SARL avait parfaitement conseillé madame [G] sur ce point, en lui proposant d’installer le silo dans la réserve jouxtant le volume où était installée la chaudière. Il sera toutefois relevé que c’est la demanderesse elle-même qui a refusé puisqu’elle souhaitait conserver ladite réserve comme lieu de rangement.
Madame [G] est donc entièrement responsable du préjudice lié à ce sous-dimensionnement de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande indemnitaire.

III- Sur les demandes accessoires

La SARL GRANULES et POELES, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et à payer à madame [J] [G] une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Condamne la SARL GRANULES ET POELES à payer à madame [J] [G] les sommes suivantes :

– 2 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,

– 1 307,09 euros au titre de la surconsommation d’électricité,

– 383,99 euros au titre des dépenses complémentaires,

– 703 euros au titre de la différence de prix d’achat entre la chaudière installée et celle commandée,

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL GRANULES ET POELES aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier Le Président


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