Évaluation du préjudice de la victime d’une tentative de meurtre

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Évaluation du préjudice de la victime d’une tentative de meurtre

Le 26 janvier 2012, M. [M] [W] et son père, M. [P] [W], ont été victimes d’une fusillade, entraînant la mort de M. [P] [W] et des blessures graves pour M. [M] [W]. Les auteurs de la fusillade ont été condamnés à 15 ans de réclusion criminelle. En 2017, M. [M] [W] a reçu une indemnisation pour son préjudice corporel, confirmée par la Cour d’appel en 2018, à l’exception d’un préjudice d’agrément. En juin 2023, M. [W] a demandé une expertise pour évaluer une aggravation de ses préjudices et une provision de 2 000 euros, mais sa demande a été rejetée en août 2023. M. [W] a fait appel de cette décision. En décembre 2023, il a demandé à la cour d’infirmer l’ordonnance et d’ordonner une expertise. Le FONDS DE GARANTIE a demandé la confirmation de la décision initiale. Le Ministère public a également conclu à la confirmation, ne constatant pas d’aggravation des préjudices. La cour a finalement déclaré recevable l’appel de M. [M] [W] mais a confirmé la décision de la Commission d’indemnisation et a laissé les dépens à sa charge.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Limoges
RG
23/00695
ARRET N° 312.

N° RG 23/00695 – N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPWJ

AFFAIRE :

M. [M] [W]

C/

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS,

PROCUREUR GENERAL

MCS / BC

Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels

Grosse délivrée aux avocats

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRET DU 10 OCTOBRE 2024

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Le DIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition des parties au greffe :

ENTRE :

Monsieur [M] [W]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 5] (Russie)

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Michel MARTIN, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d’une décision rendue le 25 août 2023 par la COMMISSION D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE DOMMAGES RESULTANT D’UNE INFRACTION DE [Localité 4]

ET :

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LX LIMOGES, avocat au barreau de LIMOGES

INTIME

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 13 juin 2024. L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

La Cour étant composée de Madame Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Laetitia LUZIO, Greffier placé. A cette audience, en chambre du conseil, Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Madame Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 12 septembre 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 26 septembre 2024 puis au 10 octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 janvier 2012, M. [M] [W] et son père, M. [P] [W], ont été victimes d’une fusillade. M. [M] [W] a été grièvement blessé au niveau du bras. Son père a quant à lui été mortellement blessé au cours de cette fusillade.

Les auteurs de ces faits ont été condamnés par arrêt définitif de la Cour d’Assises de la Haute-Vienne du 19 décembre 2014 à 15 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire à l’égard de M. [P] [W] et tentative de meurtre à l’égard de M. [M] [W].

Par décision du 27 novembre 2017, la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions du Tribunal judiciaire de Limoges a alloué à M. [M] [W] en réparation de son préjudice corporel consécutif aux faits survenus le 26 janvier 2012, les sommes suivantes :

– 1400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

– 6000 euros au titre des souffrances endurées,

– 30400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

– 2000 euros au titre du préjudice esthétique,

– 500 euros au titre des dépenses de santé futures,

– 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour d’appel de Limoges du 13 novembre 2018, à l’exception du préjudice d’agrément qui a été indemnisé à la somme de 3000 euros.

Par requête reçue le 05 juin 2023, M. [W] a saisi la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions du Tribunal judiciaire de Limoges d’une demande d’expertise aux fins de décrire et chiffrer les éventuelles aggravations de ses préjudices corporels, d’une demande de provision à hauteur de 2 000 euros à valoir sur le montant de son indemnisation, outre une demande d’indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 25 août 2023, le président de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions a débouté M. [W] de l’intégralité de ses demandes considérant que 1’aggravation du préjudice affectant le bras gauche du requérant, de même que l’aggravation invoquée de ses séquelles psychologiques résultant des faits du 26 janvier 2012, étaient serieusement contestables, de sorte qu’il n’y avait pas pas lieu d’ordonner une expertise judiciaire ni d’allouer une provision au requérant.

Par déclaration du 08 septembre 2023 effectuée dans des conditions de forme et de délai non contestées, M. [W] a relevé appel de cette ordonnance.

L’affaire a été orientée à la mise en état.

*****

Par conclusions signifiées et déposées le 06 décembre 2023, M. [M] [W] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée, et statuant à nouveau, de :

-désigner tel expert qu’il plaira à la juridiction aux fins d’expertise médicale aux fins de voir décrire et chiffrer les éventuelles aggravations de ses préjudices corporels consécutifs à l’agression dont il a été victime le 26 janvier 2012 ;

-dire que le FONDS DE GARANTIE lui versera une somme de 2000 euros à titre de provision à valoir sur le montant de son indemnisation ;

-dire que le FONDS DE GARANTIE d’actes de terrorisme et autres infractions lui versera une somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-laisser les dépens à la charge du Trésor Public ;

-ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions signifiées et déposées le 20 février 2024, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS demande à la cour de confirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a débouté M. [W] de l’intégralité de ses demandes, et en conséquence de débouter ce dernier de l’ensemble de ses demandes et de le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées et déposées le 12 mars 2024, le Ministère public, considérant que l’appelant ne justifiait ni d’une aggravation de son préjudice corporel ni de son préjudice psychique, a conclu à la confirmation de l’ordonnance querellée.

****

La Cour pour un plus ample exposé des faits ,de la procédure ,des demandes et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

La clôture de la procédure a été prononcée le 15 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel de M. [M] [W] a été formé dans les conditions de délai et de forme prévues par la loi. Il est recevable.

Selon l’article 706-6 du code de procédure pénale, le président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions peut faire procéder à toutes investigations utiles et accorder une provision en tout état de la procédure dès lors que le droit à indemnisation du requérant n’est pas sérieusement contestable.

S’agissant d’une demande de provision et d’une demande d’expertise fondées sur l’aggravation de son préjudice précédemment indemnisé par décision du 27 novembre 2017 de la Commission d’indemnisation des victimes d’inractions et arrêt du 13 novembre 2018, il incombe à M. [M] [W] de démontrer l’existence d’une aggravation de son état de santé postérieure à l’évaluation initiale de son dommage.

L’évaluation du préjudice corporel initial de M. [W] a été établi sur la base du rapport d’expertise judiciaire du Docteur [K] du 31 août 2015 dont il ressort que M. [W] a présenté, en rapport direct et certain avec les faits du 26 janvier 2012, une plaie par arme à feu au niveau du membre supérieur gauche et abdominal à gauche ainsi qu’un stress post-traumatique (décès de son père).

Il lui a été notamment retenu un déficit fonctionnel permanent au plan somatique de 4 % et au plan psychiatrique de 12 %, ainsi que des frais futurs – au plan somatique : prise d’antalgique niveau un -, et au plan psychologique: traitement psychotrope et suivi psychiatrique spécialisé pendant un an.

M. [M] [W] a produit au soutien de sa requête :

– sur le plan physique, une IRM passée le 23 octobre 2020 ; or, les corps métalliques étrangers avaient déjà été pris en compte par le Docteur [K] qui a annexé à son rapport une imagerie du 14 octobre 2014, de sorte que l’imagerie du 23 octobre 2020 ne justifie pas une aggravation du taux fixé à 4% ; cette imagerie conclut par ailleurs à l’absence d’anomalie ostéo- articulaire et ne justifie pas d’une aggravation des troubles fonctionnels abdominaux retenus par l’expert et aucune pièce médicale n’établit l’aggravation de son handicap et l’impossibilité d’utiliser son bras gauche,

– sur le plan psychiatrique, les certificats des 31 mars 2022 et 29 mars 2023, établis par le Docteur [X] lesquels ne font mention d’aucune aggravation du stress post traumatique,

– enfin, M. [W] percevait déjà l’AAH depuis le mois de mars 2013, lorsque son préjudice a été indemnisé par Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions et la Cour d’appel de Limoges et il ne peut donc soutenir que l’ aggravation de son handicap du bras gauche a donné lieu à l’attribution d’une allocation AAH par décision du 28 janvier 2021.

Devant la cour, M. [M] [W] ne produit aucune pièce nouvelle.

C’est donc par des motifs exempts de critiques, que le premier juge, analysant sans dénaturation les pièces communiquées par le requérant, a débouté ce dernier de ses demandes, en considérant à bon droit que les pièces produites à l’appui de sa demande ne caractérisaient aucune aggravation de son état de santé.

M. [M] [W], succombant dans son recours, sa demande d’indemnité fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera également rejetée et M. [M] [W] sera condamné aux dépens.

—==oO§Oo==—

PAR CES MOTIFS

La Cour d’appel statuant en chambre du conseil, par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Déclare recevable l’appel de M. [M] [W],

Confirme la décision du président de la Commission d’indemnisation des infractions du tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde du 25 août 2023,

Laisse les dépens à la charge de M. [M] [W].

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.


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