Le 14 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vienne a suspendu pendant 24 mois les obligations de [R] [H] envers la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes concernant plusieurs prêts immobiliers, stipulant que les paiements ne reprendraient qu’à l’issue de cette période et que les sommes dues ne produiraient pas d’intérêts. Le 27 mars 2023, la banque a cité [R] [H] en référé pour rétracter cette ordonnance. Le 23 décembre 2023, le juge a rétracté l’ordonnance du 14 octobre 2022, rejeté la demande de suspension des obligations de [R] [H], et l’a condamnée à verser 500 euros à la banque. [R] [H] a interjeté appel le 26 janvier 2024, demandant la suspension des obligations et le report des paiements. Elle a évoqué des difficultés financières dues à des problèmes de santé. La banque a soutenu que la déchéance du terme empêchait toute suspension des paiements, précisant que [R] [H] avait été défaillante depuis mars 2021 et que des mises en demeure avaient été adressées. La cour a confirmé l’ordonnance initiale, condamnant [R] [H] à verser 1.500 euros supplémentaires à la banque.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C4
Minute :
délivrée le :
la SELARL CABINET GRABARCZYK
la SELARL LX GRENOBLE-
CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 10 OCTOBRE 2024
Appel d’une décision (N° RG 23/00292)
rendue par le Juge des contentieux de la protection de VIENNE
en date du 22 décembre 2023
suivant déclaration d’appel du 26 janvier 2024
APPELANTE :
Mme [R] [H]
Chez M. [H] – [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Cédric TEIXEIRA de la SELARL CABINET GRABARCZYK, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉE :
CAISSE REGIONALE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE ALPES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 juin 2024, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
1. Par ordonnance rendue sur requête en date du 14 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vienne a notamment suspendu pendant 24 mois les obligations de [R] [H] à l’égard de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes, au titre du prêt immobilier PTH Lisseur n°00001683351, du prêt immobilier Tout Habitât Facilimmo n°00001583352 et au titre du prêt immobilier Tout Habitât Facilimmo n°00001683353, dit que la débitrice ne reprendra le paiement des échéances de ces prêts qu’au terme du délai de suspension et dit que pendant le délai de suspension, les sommes dues par la débitrice ne produiront pas intérêt.
2. Par exploit de commissaire de justice du 27 mars 2023, la banque a fait citer en référé [R] [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire aux ‘ns de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 14 octobre 2022.
3. Par ordonnance du 23 décembre 2023, le juge des contentieux de la protection de Vienne, statuant en référé, a :
– dit que l’ordonnance rendue sur requête le 14 octobre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vienne n°RG 22/00634 fait l’objet d’une rétractation et se trouve en conséquence privée d’effet ;
– rejeté la demande en suspension de ses obligations au titre des prêts immobiliers n°00001683351, n°00001683352 et n°000016883353 formée par [R] [H] ;
– condamné [R] [H] à payer à la société coopérative à capital variable de crédit agricole Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté les demandes plus amples ou contraires au présent dispositif et notamment la demande de [R] [H] faite au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné [R] [H] aux dépens.
4. [R] [H] a interjeté appel de cette décision le 26 janvier 2024, en toutes ses dispositions reprises dans sa déclaration d’appel, sauf celle ayant dit que l’ordonnance rendue sur requête le 14 octobre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vienne n° RG 22/00634 fait l’objet d’une rétractation et se trouve en conséquence privée d’effet.
L’instruction de cette procédure a été clôturée le 6 juin 2024.
Prétentions et moyens de [R] [H] :
5. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 24 mai 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1343-5 et suivants du code civil, de l’article L.314-20 du code de la consommation :
– à titre principal, d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de suspension des obligations formée par la concluante au titre des prêts immobiliers, condamné la concluante à payer à la banque la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes plus amples ou contraires et condamné la concluante aux entiers dépens ;
– statuant à nouveau, d’ordonner la suspension pendant un délai de deux ans des échéances des crédits immobiliers n°00001683351, n°00001683352, n°00001683353 souscrits par la concluante ;
– d’ordonner le report pendant un délai de deux ans des sommes dues par la concluante au titre des échéances impayées des crédits immobiliers n°00001683351, n°00001683352, n°00001683353 ;
– de juger que ces sommes ne porteront pas intérêts pendant la suspension ;
– de condamner l’intimée à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
6. L’appelante expose que selon l’arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 1997, le juge peut suspendre le remboursement des échéances de crédit malgré la déchéance du terme, dont les effets alors sont suspendus.
7. Sur le fond, elle précise qu’à compter du mois de juillet 2021, elle a rencontré des difficultés pour régler les prêts en raison de problèmes de santé, en raison d’un accident vasculaire cérébrale occasionnant une hémiplégie partielle, et qu’elle est désormais reconnue handicapée. Elle indique qu’elle a demandé la prise en charge des mensualités par les assureurs des prêts. Elle déclare percevoir des revenus mensuels de 2.570 euros, dont 1.010 euros au titre de revenus locatifs, alors que ses charges fixes sont de 2.353,51 euros (hors dépenses de la vie courante) de sorte qu’il ne lui reste que 216,49 euros pour vivre, alors qu’elle a trois enfants à charge.
Prétentions et moyens de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes :
8. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 28 mars 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1101, 1103 et 1229 du code civil, de L.314-20 du code de la consommation :
– à titre principal, de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la demande en suspension de ses obligations au titre des prêts immobiliers n°00001683351, n°00001683352 et n°000016883353 formée par l’appelante ; condamné l’appelante à payer à la concluante la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile; rejeté les demandes plus amples ou contraires au présent dispositif et notamment la demande de l’appelante faite au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; condamné l’appelante aux dépens ;
– de juger que la déchéance du terme empêche l’octroi de tout délai sur le fondement de l’article L.314-20 du code de la consommation ;
– par conséquent, de débouter l’appelante de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, de débouter l’appelante de ses demandes ;
– en tout état de cause, de débouter l’appelante de l’intégralité de ses demandes ;
– de condamner l’appelante au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance.
9. L’intimée soutient que les contrats ont stipulé une clause de déchéance du terme, en cas de défaillance de l’emprunteur, passé une mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours, et qu’il s’agit d’une clause résolutoire, puisqu’il a également été stipulé que le prêteur peut alors exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus non payés. Elle précise que selon l’article 1229 du code civil, la résolution met fin au contrat, et que l’article L.314-20 du code de la consommation ne permet pas de revenir sur le principe d’une déchéance du terme acquise.
10. L’intimée indique qu’en l’espèce, l’appelante a été défaillante dans le paiement des échéances dès le mois de mars 2021, de sorte que deux mises en demeure lui ont été adressées, et qu’en l’absence de réponse, elle a constaté la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de
réception du 24 février 2022 et ainsi que les prêts sont résolus alors que le capital et les intérêts sont exigibles. Elle ajoute qu’un commandement de payer valant saisie-vente et qu’un commandement valant saisie immobilière ont été délivrés pendant l’été 2022.
11. Subsidiairement, l’intimée indique que l’appelante n’a pris aucune initiative depuis mars 2021 alors qu’elle est redevable de la totalité des sommes depuis novembre 2021 et qu’elle a bénéficié de fait de délais pendant trois années. Elle ajoute qu’en 2022, le juge des contentieux de la protection lui a accordé 24 mois de délais afin que l’appelante puisse vendre l’un de ses biens immobiliers, puisque l’appelante est propriétaire de plusieurs appartements, ce qu’elle n’a pas effectué et la constitue de mauvaise foi, d’autant qu’elle ne justifie pas que ses enfants soient encore à sa charge.
12. L’intimée énonce que si l’appelante prétend être dans l’attente d’une prise en charge par l’assurance, elle n’a engagée aucune procédure à cet effet, alors qu’avant ses problèmes de santé, elle était avocate.
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13. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
14. Il résulte des termes de l’article L314-20 du code de la consommation que l’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil. L’ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt. En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension.
15. Selon l’ordonnance déférée, cette procédure vise notamment à permettre au débiteur de se prémunir contre le prononcé de la déchéance du terme des contrats dont la suspension est requise et qu’elle s’applique donc nécessairement aux contrats qui sont en cours d’exécution. Le juge a relevé qu’il est justifié en l’espèce qu’au jour où l’emprunteur a demandé la suspension des prêts, la déchéance du terme des trois prêts a été prononcée dans les formes exigées par la jurisprudence, de sorte qu’il n’y a plus lieu de suspendre les obligations de remboursement.
16. La cour ne peut que confirmer cette appréciation du premier juge. Au titre de sa qualité, l’emprunteur s’engage à rembourser les échéances du prêt selon les stipulations du contrat.
17. A ce titre, les trois prêts ont fait l’objet d’une offre globale, et d’un acte notarié unique. Selon les conditions générales annexées à l’acte notarié, il a été stipulé qu’en cas de défaillance de l’emprunteur notamment concernant le remboursement des sommes dues en exécution des financements, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit nécessaire d’aucune formalité judiciaire, après mise en demeure restée sans effet pendant 15 jours. Il en résulte qu’une fois cette mise en demeure restée ainsi infructueuse, et si le prêteur se prévaut
de l’exigibilité immédiate, le contrat de prêt, dont l’objet est la mise à disposition d’un capital à l’emprunteur en contrepartie du remboursement des échéances convenues, se trouve ainsi résolu, par l’effet des articles 1226 et 1229 alinéa 1 du code civil.
18. En la cause, il est constant qu’à partir du mois de mars 2021, l’appelante n’a plus exécuté son obligation de rembourser les mensualités des prêts, de sorte qu’elle a été mise en demeure le 8 novembre 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception, puis le 25 janvier 2022 dans les mêmes formes, cette dernière lettre précisant qu’à défaut de régularisation sous 15 jours, elle sera automatiquement déchue du terme et que les créances deviendront exigibles. Par courrier adressé selon les mêmes modalités le 24 février 2022, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts, et a mis en demeure l’appelante de régler les soldes de ces prêts (soit 261.875,55 euros). Il n’est pas contesté devant la cour que cette déchéance du terme est régulière.
19. Les prêts ayant été constatés par acte notarié, constituant un titre exécutoire, un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié le 12 juillet 2022, puis un commandement valant saisie immobilière le 19 septembre 2022. Ce n’est que suite au premier commandement que l’appelante a adressé sa requête afin de suspendre ses obligations de remboursement, le 7 septembre 2022. La cour ne peut que constater que cette requête a été adressée tardivement au juge des contentieux de la protection.
20. En conséquence, l’appelante n’étant plus astreinte au paiement des mensualités contractuelles, il en résulte qu’elle est mal fondée à solliciter des délais de paiement au visa de l’article L314-20 du code de la consommation, alors que les contrats de prêts n’existent plus en raison de leur résolution.
21. Il en résulte que l’ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions. Y ajoutant, l’appelante, succombant en son recours, sera condamnée au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L314-20 du code de la consommation, les articles 1226 et 1229 du code civil ;
Confirme l’ordonnance déférée en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Condamne [R] [H] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance ;
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente