Intervention d’un Fonds Commun de Titrisation : Analyse des obligations de mise en garde et de prescription dans le cadre d’un cautionnement immobilier

·

·

Intervention d’un Fonds Commun de Titrisation : Analyse des obligations de mise en garde et de prescription dans le cadre d’un cautionnement immobilier

La Caisse d’Epargne et de Prévoyance Provence-Alpes-Corse a accordé un prêt de 270.000 euros à la SCI Loulou Caraïbes, garantissant le remboursement par M. [F] [M] et Mme [K] [T] en tant que cautions solidaires. Après des impayés, la banque a mis en demeure la SCI et a prononcé la déchéance du terme du prêt. Le bien a été vendu lors d’une saisie immobilière pour 150.500 euros. En 2016, la banque a demandé le paiement du solde de sa créance aux cautions, qui ont été assignées en justice. Le tribunal a condamné M. [F] [M] et Mme [K] [T] à payer 177.053,85 euros, décision qu’ils ont contestée en appel. En 2024, la cour a confirmé en partie le jugement initial, condamnant les cautions à payer 89.205,90 euros au Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation, tout en mettant hors de cause la Caisse d’Epargne.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
20/07177
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2024

N° 2024/113

Rôle N° RG 20/07177 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGDB2

[F] [M]

[K] [T] épouse [M]

C/

S.A. COMPARTIMENT CREDINVEST 2 DU FONDS COMMUN DE TITRISATION FCT CREDINVEST

S.A. CAISSE D’EPARGNE CEPAC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Renata JARRE

Me Karine DABOT RAMBOURG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Juin 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 16/05348.

APPELANTS

Monsieur [F] [M]

né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 7] (TUNISIE),

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Renata JARRE de la SELARL CABINET LAMBALLAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Gaëlle BAPTISTE, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Madame [K] [T] épouse [M]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Renata JARRE de la SELARL CABINET LAMBALLAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Gaëlle BAPTISTE, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

S.A. CAISSE D’EPARGNE CEPAC, poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Bastien MARCHAL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

S.A. COMPARTIMENT CREDINVEST 2 DU FONDS COMMUN DE TITRISATION FCT CREDINVEST, intervenante volontairement, ayant donné mandat spécial à la société EOS FRANCE, représentée par son Président,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Karine DABOT RAMBOURG de la SELARL SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Bastien MARCHAL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024

Signé par Madame Françoise PETEL, Conseillère en l’absence du président empêché, et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Aux termes d’un acte notarié du 5 mars 2007, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Provence-Alpes-Corse a consenti à la SCI Loulou Caraïbes, représentée par M. [F] [M] et Mme [K] [T], un prêt, destiné à financer l’acquisition d’un terrain et une partie de la construction à y édifier à Saint-Martin, d’un montant de 270.000 euros, au taux fixe de 4,11 %, remboursable en 240 mensualités.

Au titre des garanties de ce prêt, selon actes sous seing privé du 7 février 2007, M. [F] [M] et Mme [K] [T] se sont portés cautions solidaires des engagements de la SCI Loulou Caraïbes envers la banque, chacun dans la limite de la somme de 351.000 euros et pour la durée de 288 mois.

Des échéances étant impayées, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Provence-Alpes-Corse a, par courrier du 8 mars 2010, mis en demeure la société emprunteuse de régulariser la situation, puis, selon lettre recommandée du 21 juin 2010, prononcé la déchéance du terme du prêt.

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Basse-Terre, le bien acquis par la SCI Loulou Caraïbes a été vendu le 1er juillet 2014 au prix de 150.500 euros.

Par courriers recommandés du 7 juin 2016, la banque a sollicité des cautions le règlement du solde de sa créance.

Selon exploits du 22 juillet 2016, la Caisse d’Epargne CEPAC a fait assigner M. [F] [M] et Mme [K] [T] en paiement devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence.

Par jugement du 22 juin 2020, ce tribunal a :

‘ déclaré recevable l’action en paiement engagée par la Caisse d’Epargne CEPAC contre M. [F] [M] et Mme [K] [T] épouse [M],

‘ condamné M. [F] [M] et Mme [K] [T] épouse [M] à payer à la Caisse d’Epargne CEPAC la somme de 177.053,85 euros, avec intérêts au taux de 7,11 % à compter du 22 juillet 2016, date de l’assignation,

‘ dit n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

‘ rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [F] [M] et Mme [K] [T] épouse [M] pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

‘ ordonné l’exécution provisoire,

‘ condamné M. [F] [M] et Mme [K] [T] épouse [M] à payer à la Caisse d’Epargne CEPAC la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné M. [F] [M] et Mme [K] [T] épouse [M] aux dépens.

Suivant déclaration du 30 juillet 2020, M. [F] [M] et Mme [K] [T] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs conclusions notifiées et déposées le 7 septembre 2020, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

‘ réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

à titre principal,

‘ dire et juger que la Caisse d’Epargne CEPAC est prescrite à agir à leur encontre et la débouter de l’intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

‘ constater la disproportion entre l’engagement de caution de Mme [M] et son patrimoine,

‘ constater la disproportion entre l’engagement de caution de M. [M] et son patrimoine,

‘ constater les conditions déloyales dans lesquelles la banque a recueilli leur engagement de caution,

‘ constater qu’ils rapportent la preuve d’un événement de force entraîne l’exonération totale du débiteur,

‘ constater que la Caisse d’Epargne CEPAC n’a pas satisfait à son obligation de mise en garde, en conséquence,

‘ dire que la Caisse d’Epargne CEPAC avoir commis des fautes en recueillant leur engagement de caution,

‘ condamner la Caisse d’Epargne CEPAC à leur verser une somme équivalente à celle réclamée par la Caisse d’Epargne CEPAC, et ce, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par ce dernier,

‘ ordonner la compensation entre les créances et dettes réciproques,

‘ débouter la Caisse d’Epargne CEPAC de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

en tout état de cause,

‘ ordonner la déchéance des intérêts,

‘ condamner la Caisse d’Epargne CEPAC à verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la Caisse d’Epargne CEPAC aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées et déposées le 21 février 2024, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest, représenté par la SA Eurotitrisation, ayant donné mandat spécial à la SAS Éos France, et la Caisse d’Epargne CEPAC demandent à la cour de :

‘ déclarer recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la société Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest, représentée par Eurotitrisation, ayant donné mandat spécial à la société Éos France,

‘ mettre hors de cause la Caisse d’Epargne CEPAC,

‘ débouter, en conséquence, M. [F] [M] et Mme [K] [M] de l’ensemble de leurs demandes, moyens et conclusions,

‘ confirmer le jugement du 22 juin 2020 rendu par le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions,

‘ condamner, conjointement et solidairement, M. [F] [M] et Mme [K] [M] au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Me Karine Dabot, avocat associé de la Selarl Mathieu Dabot & Associés, qui affirme y avoir pourvu.

MOTIFS

A titre liminaire, il est constaté que, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté, la Caisse d’Epargne CEPAC, a, en vertu d’un acte de cession de créances du 26 novembre 2020, cédé au Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest, représenté par la SA Eurotitrisation, un portefeuille de créances parmi lesquelles celle objet du présent litige, notamment identifiée par la référence du contrat et le numéro de dossier, la SAS Éos France ayant par ailleurs, selon mandat spécial du 27 juillet 2023, reçu, en sa qualité de recouvreur du Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest, tous pouvoirs à l’effet de représenter ce dernier dans la présente instance.

Dans ces conditions, il convient, comme par eux sollicité, de recevoir le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest en son intervention volontaire et de mettre hors de cause la Caisse d’Epargne CEPAC.

Sur la prescription de l’action :

Les appelants exposent que le délai de prescription, qui est de cinq ans, court à compter de la date d’exigibilité de la dette, la banque ayant alors indubitablement connaissance du droit d’exercer son action dans la mesure où c’est elle-même qui notifie l’exigibilité de sa créance au débiteur.

Ils font valoir qu’en l’espèce, la Caisse d’Epargne CEPAC a, le 21 juin 2010, adressé à la SCI Loulou Caraibes une lettre recommandée lui notifiant la déchéance du terme, ce qui a eu pour effet de rendre exigible sa créance pour un montant de 278.175,29 euros, que la dette était exigible à compter du même jour pour les cautions ainsi que le prévoit expressément l’acte de cautionnement par elles régularisé, qu’il est constant que le premier acte interruptif de prescription à leur égard est l’assignation du 22 juillet 2016, que, cependant, il s’était alors écoulé plus de cinq années depuis le 21 juin 2010.

Toutefois, invoquant les dispositions des articles 2240, 2241 et 2244 du code civil, ainsi que l’article 2246 du même code, le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest fait valoir, à bon droit, que le commandement de payer valant saisie immobilière du 23 juillet 2013, le jugement d’orientation rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Basse-Terre le 25 mars 2014, puis le jugement d’adjudication du 1er juillet 2014 ont interrompu le délai de prescription de cinq ans à l’égard de la SCI Loulou Caraibes, débitrice principale, mais aussi, par voie de conséquence, des époux [W], cautions solidaires.

Ainsi, à la date de l’assignation qui leur a été délivrée à la requête de la Caisse d’Epargne CEPAC le 22 juillet 2016, la prescription de l’action en paiement de cette dernière n’était nullement acquise.

Le jugement est confirmé en ce que, rejetant la fin de non-recevoir soulevée par les appelants, il a déclaré l’intimée recevable en son action.

Sur le grief de disproportion :

Au visa des dispositions de l’article L.341-4 du code de la consommation, chacun des appelants soutient que, lors de son engagement de caution personnellement souscrit à hauteur de 351.000 euros, il ne disposait pas de revenus et d’un patrimoine proportionné à ce montant.

M. [F] [M] et Mme [K] [T] font valoir que la banque, qui en sa qualité de créancier professionnel était tenue de se renseigner sur leur situation financière, ne justifie pas s’être inquiétée de la consistance de leur patrimoine au moment de la souscription de leur engagement.

Mais, pour l’application du texte invoqué, aux termes duquel « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », c’est à la caution qu’il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue.

Or, les appelants, qui, ainsi que le fait à juste titre valoir le créancier, ne versent pas la moindre pièce aux débats, ne justifient aucunement de la situation financière et patrimoniale de l’un ou de l’autre au jour de son engagement de caution.

Dès lors, le moyen tiré de l’application de l’article L.341-4 précité est écarté en ce qui concerne les cautionnements respectivement souscrits le 7 février 2007 par M. [F] [M] et Mme [K] [T], et le jugement également confirmé de ce chef.

Sur le devoir de mise en garde :

Les appelants, exposant que le créancier professionnel est tenu à l’égard des cautions dites « non averties» d’un devoir de mise en garde du fait du risque encouru par la garantie des engagements d’un tiers à raison de leurs capacités financières et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt, font valoir qu’ils devaient, en leur qualité de consommateur et eu égard à leur inexpérience, en bénéficier.

Arguant de ce que le risque inhérent à la viabilité de l’opération était de toute évidence une donnée non négligeable à prendre en considération, M. [F] [M] et Mme [K] [T] reprochent à la Caisse d’Epargne CEPAC un manquement à son obligation de mise en garde, justifiant l’allocation de dommages et intérêts d’un montant équivalent à celui des sommes qui leur sont réclamées.

Indiquant à titre liminaire que l’opération financée n’était pas de nature risquée pour l’emprunteur et les cautions, s’agissant d’un prêt immobilier aux fins d’acquisition et d’aménagement d’un logement locatif, opération bancaire classique, le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest soutient que les appelants devaient, l’un et l’autre, être qualifiés, au regard de leur expérience à la date de conclusion du contrat, de cautions averties.

Précisant qu’il n’existait en tout état de cause aucun risque avéré d’endettement dans l’opération garantie, il conclut à ce qu’il soit constaté que la banque n’était pas débitrice d’une quelconque obligation de mise en garde à l’égard des époux [W], dont les demandes devront donc être rejetées.

L’obligation de mise en garde à laquelle est tenu le banquier dispensateur de crédit envers une caution est effectivement subordonnée à deux conditions, la qualité de caution non avertie, et l’existence, au regard des capacités financières de cette dernière ou de l’emprunteur, d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

Or, des pièces produites par le créancier, il résulte que, au jour de la conclusion du cautionnement litigieux, le 7 février 2007, Mme [K] [T] exerçait une activité d’agence immobilière, « [T] [K] » créée le 26 septembre 1982, qu’elle était également gérante d’une société « Ile de rêve » ayant pour activité la location de terrains et d’autres biens immobiliers.

Exerçant une activité commerciale dans le domaine de l’immobilier depuis près de vingt-cinq ans, l’appelante disposait d’une compétence et d’une expérience en matière économique lui permettant de mesurer les risques attachés à son engagement, l’opération garantie étant par ailleurs dépourvue de toute complexité.

Elle devait dès lors être considérée comme étant une caution avertie.

S’agissant de M. [F] [M], co-gérant avec son épouse de la société « Ile de rêve », il était alors également dirigeant depuis 2003 de la SCI Le Sable d’Or, ayant une activité commerciale de location de logements, ainsi que gérant de la SARL 2S Investissements, créée en 2004, qui avait une activité d’agence immobilière.

Compte tenu notamment de son expérience professionnelle dans ce domaine, l’appelant, lorsqu’il a souscrit le cautionnement litigieux, destiné à garantir un prêt immobilier consenti à la SCI Loulou Caraïbes, exerçant une activité commerciale de location de terrains et d’autres biens immobiliers, dont il était associé et gérant, disposait d’une compétence en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements.

En conséquence, il devait également être considéré comme une caution avertie.

Aussi, étant surabondamment constaté que n’est aucunement démontrée l’existence, au regard des capacités financières de la débitrice principale ou de l’une de ses cautions, d’un risque d’endettement né de l’octroi du crédit à la date des actes en cause, M. [F] [M] et Mme [K] [T], qui ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l’intimée au titre d’un devoir de mise en garde dont elle n’était pas débitrice à leur égard, sont déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur l’information annuelle de la caution :

Invoquant les dispositions de l’article L.313-22 du code monétaire et financier, les appelants soutiennent que la banque ne démontre pas avoir rempli ses obligations en matière d’information annuelle.

Ils exposent que le tribunal a d’ailleurs suivi en cela leur argumentation, que, pourtant, en contradiction avec sa propre motivation, il les a condamnés au paiement des intérêts.

Le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest répond que la Caisse d’Epargne a dûment délivré aux cautions une information annuelle, rappelant notamment les termes de l’engagement et le montant des sommes restant dues, comme en attestent les pièces versées aux débats.

Il fait valoir qu’il n’appartient pas à la banque d’apporter la preuve que les cautions ont effectivement reçu l’information envoyée, qu’elle peut parfaitement prouver qu’elle a respecté son obligation par tous moyens, que les époux [M], qui ne démontrent aucunement qu’ils n’ont jamais reçu les courriers d’information annuelle de la caution, doivent être déboutés de leur demande de déchéance des intérêts échus.

Cependant, étant en outre rappelé que ladite obligation demeure jusqu’à extinction de la dette, par les quelques éléments produits, en l’occurrence des photocopies de lettres, datées des seules années 2013, 2014, 2015, 2017 et 2018, dont il n’est pas même justifié de l’envoi, la banque ne démontre pas avoir respecté l’obligation d’information annuelle de la caution qui lui incombe en vertu du texte d’ordre public invoqué.

Ainsi, par application dudit article L.313-22, le manquement de l’établissement de crédit à cette obligation emporte, dans ses rapports avec la caution, déchéance des intérêts échus depuis le 31 mars 2008, date avant laquelle devait intervenir pour la première fois l’information annuelle, les paiements effectués par la débitrice principale, la SCI Loulou Caraïbes, étant réputés, dans les rapports entre la caution et le créancier, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Au vu des pièces versées aux débats, et notamment du contrat de prêt, du tableau d’amortissement, des lettres de mise en demeure, du jugement d’adjudication et, étant observé que n’est cependant pas communiqué le jugement du juge de l’exécution du 25 mars 2014, du seul décompte produit, effectué à son visa, arrêté au 26 mai 2016, il apparaît que la créance, expurgée conformément aux dispositions de l’article L.313-22 du code monétaire et financier, dont peut se prévaloir l’intervenant volontaire à l’encontre de M. [F] [M] et Mme [K] [T], s’élève en principal à la somme de 89.205,90 euros.

En conséquence, les appelants sont, en vertu des actes de cautionnement du 7 février 2007, condamnés à payer au Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest la somme précitée, laquelle porte intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016, date de la mise en demeure des cautions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit le Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest, représenté par la SA Eurotitrisation, en son intervention volontaire,

Met hors de cause la Caisse d’Epargne CEPAC,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné M. [F] [M] et Mme [K] [T] à payer à la Caisse d’Epargne CEPAC la somme de 177.053,85 euros, avec intérêts au taux de 7,11 % à compter du 22 juillet 2016,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M. [F] [M] et Mme [K] [T] à payer au Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest la somme de 89.205,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2016,

Condamne M. [F] [M] et Mme [K] [T] in solidum à payer au Compartiment Crédinvest 2 du Fonds Commun de Titrisation FCT Crédinvest la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens d’appel, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P°/LE PRESIDENT EMPECHE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x