Responsabilité et conséquences d’une construction inappropriée : analyse des obligations et préjudices liés à un mur de soutènement mal conçu.

·

·

Responsabilité et conséquences d’une construction inappropriée : analyse des obligations et préjudices liés à un mur de soutènement mal conçu.

Monsieur [E] [G] est propriétaire d’une parcelle voisine de celle de Monsieur [W] [N]. En 2007, les deux propriétaires ont construit un mur mitoyen, chacun prenant en charge la moitié des coûts. En 2008-2009, Monsieur [G] a rehaussé ce mur, qui s’est ensuite effondré. En 2015, un tribunal a ordonné une expertise pour déterminer les causes de l’effondrement et les coûts de réparation, mais aucun accord amiable n’a été trouvé. En 2018, Monsieur [N] a assigné Monsieur [G] en justice. Le tribunal a jugé que le mur était mitoyen et a déclaré Monsieur [G] responsable de l’effondrement, l’obligeant à réaliser les travaux de réparation à ses frais. Monsieur [G] a fait appel de cette décision. Dans ses conclusions, il a demandé l’infirmation du jugement et a soutenu que Monsieur [N] avait également contribué à la situation. De son côté, Monsieur [N] a demandé la confirmation du jugement initial et des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance. La cour a confirmé la responsabilité de Monsieur [G], l’a condamné à réaliser les travaux selon un nouveau devis et à verser des dommages et intérêts à Monsieur [N].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/01054
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 10 OCTOBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/01054 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OQYE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 JANVIER 2020

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 18/02253

APPELANT :

Monsieur [E] [G]

né le 21 Juillet 1954 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Christelle MARINI de la SELARL BCA – BERNIER D’ALIMONTE MARINI AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Coline FRANDEMICHE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [W] [N]

né le 01 Octobre 1943 à [Localité 7] (77)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Andreia DA SILVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 03 Juin 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 juin 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller faisant fonction de président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [E] [G] est propriétaire d’une parcelle cadastrée BH[Cadastre 3], la parcelle mitoyenne cadastrée BH [Cadastre 2] appartenant à Monsieur [W] [N]. En 2007 les deux propriétaires ont érigé un mur en limite séparative des deux parcelles, chacune des parties participant pour moitié aux frais du mur.

En 2008-2009, Monsieur [G] a réalisé un rehaussement du mur qui par la suite s’ est effondré.

Le 17 avril 2015, le tribunal de grande instance de Béziers a ordonné une expertise judiciaire afin de déterminer les causes de l’effondrement ainsi que l’évaluation des coûts de réparations. Le rapport a été déposé le 23 novembre 2015.

Aucun accord amiable n’est intervenu.

Le 7 septembre 2018, Monsieur [N] a assigné Monsieur [G] devant le tribunal de grande instance de Béziers.

Par jugement contradictoire rendu en date du 6 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a :

– Jugé que le mur séparatif entre les deux parcelles était un mur mitoyen ;

– Jugé que Monsieur [G] a procédé à un exhaussement du mur sans s’assurer de la solidité de base du mur ;

– Déclaré Monsieur [G] responsable sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle des dommages causés par l’effondrement du mur ;

– Condamné Monsieur [G] à réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire à ses frais exclusifs dans les limites séparatives entre les deux parcelles et dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;

– Jugé qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette condamnation du prononcé d’une astreinte;

– Débouté Monsieur [N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

– Condamné Monsieur [G] à payer à Monsieur [N] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné Monsieur [G] aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire mais à l’exclusion des frais de recouvrement forcé de la créance ;

– Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration d’appel enregistrée au greffe en date du 19 février 2020, Monsieur [G] a régulièrement interjeté appel du jugement susvisé.

Par conclusions enregistrées au greffe le 21 juillet 2023, Monsieur [G] demande à la cour de :

– Accueillir favorablement l’appel formé par Monsieur [G] ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur [G] et confirmer les dispositions concernant Monsieur [N] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– Juger que les six photographies produites par Monsieur [G] sont expressément essentielles aux débats en ce qu’elles démontrent que les travaux entrepris par Monsieur [N] sur sa parcelle ont été réalisés postérieurement à l’acquisition de la parcelle par Monsieur [G] ;

– Juger que seul Monsieur [N] a procédé au décaissement de son terrain

– Juger qu’en procédant au décaissement de son terrain, Monsieur [N] a contraint Monsieur [G] à construire un mur de soutènement ;

– Juger que Monsieur [G] et Monsieur [N] ont concouru ensemble à la construction du mur de soutènement non conforme aux règles de l’art ;

– Juger que les conditions de mise en ‘uvre de la responsabilité civile délictuelle à l’encontre de Monsieur [G] ne sont pas réunies ;

– Débouter Monsieur [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires ;

– Juger recevable le devis établi par l’entreprise [J] ;

– Ordonner la prise en compte du devis établi par l’entreprise [J] et réactualisé en juillet 2023 en lieu et place du devis Khalys ;

– Ordonner le réajustement du devis établi par l’entreprise Khalys à de plus justes proportions notamment par la déduction a minima de la somme 6 400 euros puisqu’il comporte de frais facturés inutilement ;

– Condamner Monsieur [N] à payer Monsieur [G] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 2 000 euros en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire et d’appel.

Par conclusions enregistrées au greffe le 8 juillet 2021, Monsieur [N] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé Monsieur [G] responsable sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et l’a condamné à réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire à ses frais exclusifs dans les limites séparative entre les deux parcelles et dans un délai de quatre mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

– Débouter Monsieur [G] de l’intégralité de ses demandes ;

– Condamner Monsieur [G] au paiement de la somme 5 000 euros à Monsieur [N] au titre des dommages et intérêts en raison du préjudice de jouissance subi par lui ;

– Condamner Monsieur [G] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

Sur la responsabilité de Monsieur [E] [G] :

Monsieur [G] expose qu’il ressort du rapport d’expertise que l’ouvrage n’a pas été réalisé par les deux parties dans les règles de l’art, que le réhaussement du mur ne constituait pas la cause essentielle du sinistre et que dans ces conditions, sa responsabilité ne pouvait pas être engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil.

Si Monsieur [G] fait état du décaissement par les époux [N] du terrain ayant rendu nécessaire la réalisation d’un mur de soutènement, soutenant que ce mur a été érigé dans les intérêts exclusifs des époux [N] du fait du décaissement du talus soutenant ses terres, il ressort cependant du rapport d’expertise que la construction de ce mur par les deux parties a permis d’une part à Monsieur [N] de stabiliser le talus généré par la création d’une rampe d’accès à son garage et de réaliser un escalier d’accès extérieur à son logement, Monsieur [G] ayant utilisé d’autre part le mur séparatif des parcelles [B] comme mur de soutènement des terres amenées en remblais afin de lui permettre d’aplanir son terrain, Monsieur [G] ayant décidé, sans l’obtention d’un accord préalable de Monsieur [N], d’améliorer la planimétrie de son terrain en exhaussant de 5 rangées de parpaings, soit un mètre environ, le mur construit en 2007.

Monsieur [G] ne peut donc soutenir que la réalisation de ce mur n’avait aucun intérêt pour lui et ne lui a apporté aucune amélioration.

S’agissant par ailleurs des causes de l’effondrement du mur litigieux, si l’expert relève que les fissures et déformations observées avant l’effondrement témoignaient de la défaillance structurelle de l’ouvrage, il souligne que l’augmentation de la hauteur des terres retenues par l’ouvrage due au réhaussement de ce dernier en 2008 a constitué inévitablement un facteur aggravant ayant entraîné la rupture du mur en 2014, l’expert concluant que la causalité de rupture du mur reste principalement due à la poussée des remblais dont l’amplitude reste liée à la hauteur totale des terres retenues.

L’expert judiciaire constate que l’ouvrage ainsi construit ne répond à aucune des règles de calcul et de conception d’un ouvrage de soutènement, le procédé constructif retenu étant inadapté pour un tel ouvrage.

Or, comme l’a relevé le tribunal, il appartenait à Monsieur [G], et ce quelle que soit la nature juridique du mur, de s’assurer de la solidité structurelle de la base de ce dernier et, le cas échéant, de démolir le mur existant et de le reconstruire dans les normes requises pour pouvoir le réhausser et ce, afin de prévenir d’éventuels désordres causés à l’ouvrage ou des dommages matériels annexes causés à son voisin.

Il est donc établi que Monsieur [E] [G] a commis une faute directement à l’origine de l’effondrement du mur, l’escalier de Monsieur [N] étant actuellement recouvert des gravats et remblais du mur effondré, l’accès au logement de Monsieur [N] étant impossible par le côté Nord de sa parcelle.

Par conséquent, l’existence d’une faute (le réhaussement du mur sans précaution), d’un dommage (l’effondrement du mur sur l’escalier extérieur appartenant à Monsieur [N]) et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage (la poussée des remblais) sont donc démontrés, la responsabilité de Monsieur [G] étant en conséquence engagée sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

S’agissant du chiffrage des travaux de reprise, Monsieur [G] produit en cause d’appel un devis actualisé en date du 8 juillet 2023 de l’entreprise [J] chiffrant les travaux de reprise à la somme de 31 893,43 euros, étant rappelé que le devis de l’entreprise Khalys Béton et Construction du 12 octobre 2015 retenu par l’expert chiffrait ces travaux à 33 034,80 euros TTC.

Monsieur [N] ne s’oppose pas à la prise en compte du devis Gauthier, un extrait KBIS et une attestation d’assurance de l’entreprise ayant été versés aux débats par Monsieur [G].

Dans ces conditions, il convient de condamner Monsieur [G] à réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire à ses frais exclusifs dans les limites séparatives entre les deux parcelles, sur la base du devis établi par l’entreprise [J] en lieu et place du devis Khalys, et ce dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt ;

S’agissant enfin du préjudice de jouissance invoqué par Monsieur [N], il résulte du rapport d’expertise et des photographies versées aux débats que les nombreux gravats bloquant depuis 2014 la porte d’entrée du 1er étage de son logement correspondant à la porte d’entrée principale sont incontestablement de nature causer un préjudice de jouissance à Monsieur [N] qui est contraint de rentrer chez lui par le garage ou par une porte de service.

Monsieur [G] sera donc condamné à lui payer une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice de jouissance.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Monsieur [E] [G] à réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire à ses frais exclusifs dans les limites séparatives entre les deux parcelles, sur la base du devis établi par l’entreprise [J] en lieu et place du devis Khalys, et ce dans un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne Monsieur [E] [G] à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice de jouissance ;

Condamne Monsieur [E] [G] à payer à Monsieur [W] [N] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel ;

Condamne Monsieur [E] [G] aux entiers dépens d’appel.

le greffier le président


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x