Un compte de dépôt et un livret A ont été ouverts au nom de Mme [R] [B], mineure, en 2006. En juin 2020, sa mère, Mme [N] [O], a déposé plusieurs chèques et effectué des virements, entraînant un solde débiteur sur les deux comptes. Les chèques ont été rejetés pour « sans provision ». En novembre 2021, Le Crédit Lyonnais a assigné Mme [R] [B] pour dénonciation des conventions et paiement d’une somme de 117 216,47 euros. Le jugement du 6 janvier 2023 a reconnu la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de vigilance, ordonnant la compensation des créances. Le Crédit Lyonnais a interjeté appel, contestant la décision et demandant le paiement de la somme due. La cour a confirmé le jugement initial, constatant la dénonciation régulière des conventions de compte et rejetant les demandes supplémentaires de la banque.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03429 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEXW – Jonction avec le dossier RG N° 23/03752
Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 janvier 2023 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 22/01144
APPELANTE
Le CRÉDIT LYONNAIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son directeur général
N° SIRET : 954 509 741 00011
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté et assisté de Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010
INTIMÉE
Madame [R] [B]
née le [Date naissance 2] 2002 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 6]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Un compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX08] a été ouvert le 10 août 2006 dans les livres de la société Le Crédit Lyonnais au bénéfice de Mme [R] [B], mineure comme étant née le [Date naissance 2] 2002 puis le [Date naissance 4] 2013, un livret A n° [XXXXXXXXXX07].
Le compte de dépôt n’était assorti d’aucune autorisation de découvert.
Entre le 16 et le 22 juin 2020, huit chèques ont été remis par Mme [N] [O], mère et représentante légale de Mme [R] [B], pour un montant total de 141 500 euros sur le compte de dépôt.
Entre le 28 et le 30 juin 2020, trois chèques ont été remis par Mme [O] pour un montant total de 51 000 euros sur le livret A.
Entre le 17 et le 28 juin 2020, quatre virements d’un montant total de 43 900 euros ont été ordonnés par Mme [O] à partir du compte de dépôt.
Le 30 juin 2020, quatre virements d’un montant total de 32 000 euros ont été ordonnés par Mme [O] à partir du livret.
Les chèques sont revenus impayés au motif « sans provision ».
Le compte de dépôt et le livret A se sont trouvés débiteurs à la suite des virements effectués.
Par acte d’huissier en date du 19 novembre 2021, la société Le Crédit Lyonnais a fait assigner Mme [R] [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en dénonciation des conventions et en paiement de la somme de 117 216,47 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, outre sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Suivant jugement contradictoire rendu le 6 janvier 2023 auquel il convient de se reporter pour un exposé plus ample du litige, le juge a dit que Mme [R] [B] devait à la société Le Crédit Lyonnais la somme de 117 216,47 euros, que la société Le Crédit Lyonnais devait la même somme en réparation du préjudice de Mme [R] [B], a ordonné la compensation entre les deux créances réciproques et a constaté l’extinction des créances réciproques, a condamné la société Le Crédit Lyonnais aux dépens et à verser à Mme [R] [B] une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de sa décision, le premier juge a considéré que l’article L. 313-12 du code monétaire et financier n’était pas applicable au litige de sorte que la demande de dénonciation fondée sur cette disposition devait être rejetée.
Il a relevé que les comptes de [R] présentaient un solde débiteur de 117 216,47 euros dont elle était donc redevable.
Il a retenu la responsabilité de la banque constituée par le manquement à son obligation de vigilance en ce que huit chèques de montants importants avaient été déposés en sept jours sur le compte de dépôt de [R] [B], mineure à l’époque, et ce alors que son compte était faiblement créditeur ou débiteur depuis plusieurs mois et que l’intégralité de ces chèques provenait du même tireur, interdit bancaire, tous rejetés alors qu’une partie des sommes avait déjà fait l’objet de virements ou de retraits dans les jours suivants les dépôts.
Il a fait le même constat s’agissant de mouvements sur le livret A de Mme [R] [B] qui était créditeur au 7 février 2020 de la somme de 11,77 euros et qui, après plusieurs mois d’inactivité, a reçu en juin 2020, en trois jours, deux chèques de 19 000 et de 16 000 euros et trois virements d’un montant total de 25 000 euros, ces chèques provenant du même tireur interdit bancaire ayant été rejetés alors qu’une partie des sommes avait fait déjà l’objet de virements ou de retraits.
Il a considéré que ces opérations constituaient des anomalies intellectuelles manifestes en ce qu’elles étaient sans rapport avec le fonctionnement habituel des comptes de Mme [R] [B] et que cette situation aurait dû interpeller la banque et l’empêcher de créditer provisoirement les fonds.
Il a estimé en outre que le fait que les chèques aient été déposés par le représentant légal de [R], Mme [N] [O] et que les virements et retraits avaient été autorisés, n’était pas de nature à permettre de considérer comme habituelle l’activité des comptes.
Il a retenu un manquement de la banque à son obligation de vigilance à l’origine d’un préjudice pour la titulaire du compte qui s’était retrouvée avec un découvert non autorisé significatif.
Suivant déclaration enregistrée électroniquement le 13 février 2023, la société Le Crédit Lyonnais a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, l’appelante demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de donner acte de ce qu’elle entend dénoncer l’ensemble des conventions d’ouverture de compte consenties à Mme [R] [B], ainsi que les éventuels crédits qui y sont attachés, en ce qu’il a dit qu’elle devait à Mme [R] [B] la somme de 117 216,47 euros en réparation de son préjudice ainsi qu’une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,
– statuant à nouveau,
– de condamner Mme [R] [B] à lui payer la somme de 117 216,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2021 jusqu’à parfait paiement,
– de confirmer le jugement pour le surplus,
– de condamner Mme [R] [B] à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code des procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Tardieu Confavreux.
S’agissant de la dénonciation des comptes, la société Le Crédit Lyonnais fait valoir qu’aux termes de son assignation délivrée le 19 novembre 2021, elle a dénoncé l’ensemble des conventions de comptes consenties à Mme [R] [B] ainsi les éventuels crédits y étant attachés, que conformément aux articles L. 312-1-1 V alinéa 3 du code monétaire et financier et L. 312 91 du code de la consommation, ces concours ont donc pris fin et les compte et livret ont été clôturés à l’expiration d’un délai de 60 jours suivant l’assignation, soit le 18 janvier 2022, que dès lors les soldes débiteurs des comptes se sont trouvés à cette date exigibles.
Elle précise que cette assignation a interrompu le délai de forclusion.
S’agissant de la faute qui lui est reprochée, elle fait valoir que l’intimée invoquait en première instance l’obligation de surveillance à laquelle elle est astreinte, qui résulte des dispositions de l’article L. 561-6 du code monétaire et financier qui imposent aux établissements bancaires de mettre en place un système de surveillance des opérations inhabituelles ou suspectes, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (dispositif dit « LCB/F »), mais qui ne peuvent en aucun cas fonder une action en responsabilité contre la banque.
Elle fait état du rappel de la Cour de cassation dans son rapport annuel de 2004, selon lequel le régime LCB FT n’a pour seule finalité que la détection portant sur des sommes en provenance du trafic des stupéfiants ou d’activités criminelles organisées et que les obligations de vigilance et de déclaration qu’il impose n’ont pas été édictées pour la satisfaction d’intérêts privés et ne relèvent que de la protection de l’intérêt général de sorte que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier.
Elle note en outre que la banque ne peut révéler ni à ses clients, ni à des tiers, les diligences entreprises dans le cadre de ce dispositif et qu’instaurer un devoir de surveillance à la charge de la banque dépositaire irait directement à l’encontre de son devoir de non-ingérence.
Elle rappelle le devoir de non-ingérence des établissements bancaires qui ne doivent pas surveiller les agissements de leurs clients sur leurs comptes, et que l’obligation de vigilance est issue de la jurisprudence relative aux chèques falsifiés, conçue comme le devoir pour la banque, en présence d’une anomalie apparente, de s’assurer du consentement de son client afin d’éviter la réalisation d’une opération non autorisée.
Elle ajoute que la banque ne peut se voir reprocher un manquement à son devoir de vigilance lorsque les opérations ayant mouvementé le compte ont été demandées, autorisées, consenties par le titulaire du compte puisque dans ce cas, elle est tenue de les exécuter et alors que les articles L. 133-6 et suivants du code monétaire et financier imposent à la banque d’exécuter les ordres de son client à bref délai (48 heures), sous peine d’engager sa responsabilité en cas de refus ou de retard d’exécution.
Elle indique que le titulaire d’un compte qui ne conteste pas le caractère autorisé d’un paiement, mais uniquement l’opportunité de l’opération sous-jacente, ne peut se prévaloir d’un manquement de la banque à son devoir général de vigilance comme cela résulte de la jurisprudence.
En conclusion, elle estime que c’est à tort qu’en droit, le jugement a retenu qu’en cas d’anomalie apparente, la banque dépositaire pourrait refuser d’exécuter l’opération et à défaut, engager sa responsabilité alors qu’en cas d’anomalie apparente, la banque n’engage sa responsabilité que si elle exécute un faux ordre sans avoir vérifié le consentement de son client.
Elle expose qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que toutes les opérations, que ce soit au crédit (remise de chèques) ou au débit (ordres de virement et retraits) ont été ordonnées par Mme [O], représentante légale de [R] [B] et que celles-ci étaient donc régulières, que Mme [O] a écrit à M. [K] [B] « c’est moi qui ai déposé ces chèques revenus impayés que m’a remis quelqu’un de confiance » et le fait que les ordres permettaient de mouvementer le compte de sa fille mineure est sans incidence.
Elle estime que le titulaire d’un compte qui ne conteste pas le caractère autorisé d’un paiement mais uniquement l’opportunité de l’opération sous-jacente ne peut se prévaloir d’un manquement de la banque à son devoir général de vigilance.
Elle note en outre que les chèques remis à l’encaissement n’étaient affectés d’aucune anomalie et que les virements débiteurs et les retraits ont quant à eux été ordonnés au guichet de l’agence de sorte qu’il n’existait aucun doute sur leur auteur.
Elle estime que les anomalies de fonctionnement du compte ne peuvent avoir aucune conséquence et notamment pas celle d’engager la responsabilité de la banque à raison d’un manquement allégué au devoir de vigilance dès lors qu’elles ont été générées par des ordres réguliers et authentiques de Mme [O], représentante légale du titulaire du compte et que la banque n’a pas manqué à son devoir de vigilance et n’avait d’autre choix que d’exécuter les ordres régulièrement reçus de mouvementer le compte.
Elle soutient que Mme [O] a commis des fautes en procédant à des remises de chèques sur le compte de sa fille alors mineure alors qu’elle savait pertinemment que les chèques émis par le même tireur et remis sur les comptes de ses autres enfants étaient revenus impayés et alors qu’elle a disposé immédiatement de la provision des chèques majoritairement à son profit.
Elle considère que c’est le comportement de Mme [O], soit une imprudence confinant au dol, qui a provoqué le solde débiteur alors qu’elle, établissement bancaire, n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Elle estime sa créance fondée à hauteur de 76 208,64 euros pour le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX08], et de 41 007,83 euros pour le livret A n° [XXXXXXXXXX07].
En l’absence de constitution de l’intimée, elle a fait signifier sa déclaration d’appel à Mme [R] [B] suivant acte en date du 27 avril 2023 délivré selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile et ses conclusions par acte remis selon les mêmes modalités le 23 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 juin 2024.
En cours de délibéré il a été demandé à la société Crédit Lyonnais de bien vouloir produire les pièces 2 et 3 qu’elle avait communiquées, en intégralité, ce qu’elle a fait le 26 septembre 2024.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la dénonciation des conventions
La société Le Crédit Lyonnais a entendu dénoncer les conventions la liant à Mme [R] [B] par délivrance de l’assignation du 19 novembre 2021.
Aux termes de l’article L. 312-1-1 V alinéa 3 du code monétaire et financier, l’établissement de crédit résilie une convention de compte de dépôt conclue pour une durée indéterminée moyennant un préavis d’au moins deux mois, fourni sur support papier ou sur un autre support durable.
En l’espèce, il n’est pas contesté suivant décomptes complets produits aux débats que le 7 juillet 2020, le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX08] ouvert au nom de Mme [R] [B] présentait un solde débiteur de 76 208,64 euros et son livret A n° [XXXXXXXXXX07] un solde débiteur de 41 007,83 euros le 7 août 2020, soldes non régularisés.
Dès lors, la banque était fondée à mettre fin aux différents concours en respectant le préavis prévu au texte susvisé, ce qu’elle a fait en clôturant les comptes à l’issue du délai de 60 jours ayant débuté le 19 novembre 2021, jour de délivrance de l’assignation, soit le 18 janvier 2022 à défaut de régularisation. Le fait que l’article L. 313-12 du code monétaire et financier ait été visé par erreur dans l’acte, comme l’a relevé le premier juge, est indifférent.
Partant, le jugement est infirmé en ce qu’il a rejeté la demande et il convient de constater que la société Le Crédit Lyonnais a dénoncé les conventions, à défaut de toute demande formée à ce titre à hauteur d’appel.
Sur les soldes débiteurs
Les relevés de comptes du compte de dépôt et du livret A produits aux débats attestent suffisamment de soldes débiteurs de 117 216,47 euros jamais régularisés.
Mme [R] [B] doit donc être condamnée au paiement de ces sommes.
Sur la responsabilité de la société Le Crédit Lyonnais
Si en première instance Mme [B], alors représentée, a entendu mettre en cause la responsabilité la banque sur le fondement de l’article L. 561-6 du code monétaire et financier, lui reprochant une faute en créditant les chèques malgré des anomalies apparentes de fonctionnement des comptes, ce fondement textuel n’est plus invoqué, Mme [B] n’ayant pas constitué avocat à hauteur d’appel.
Au surplus, comme le fait justement remarquer l’appelante, ces dispositions instaurant une obligation de surveillance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les obligations de vigilance et de déclaration imposées dans ce cadre aux établissements bancaires, ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité.
Le Crédit Lyonnais entend contester l’analyse du juge de première instance qui a retenu la responsabilité de la banque pour un manquement à son devoir général de vigilance en invoquant la jurisprudence selon laquelle l’établissement de crédit aurait dû être alerté par les mouvements inhabituels sur des comptes détenus par une mineur et aurait dû notamment refuser d’encaisser les chèques.
L’article L. 133-6 du code monétaire et financier dispose qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.
Aux termes de l’article L. 131-38 du code monétaire et financier, celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré. Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs.
Il résulte de ces dispositions que lors de la réception et de la présentation d’un chèque à l’encaissement, la banque présentatrice est tenue de porter le chèque à l’encaissement le jour de sa présentation et doit procéder à un contrôle de la régularité formelle du titre portant notamment sur mentions nécessaires et les inscriptions y figurant. Sa responsabilité peut être engagée en cas d’anomalies apparentes.
Il est aussi de principe jurisprudentiel, que le banquier est tenu sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, d’une obligation de surveillance dans le fonctionnement des comptes de ses clients, et que cette responsabilité est limitée par un principe de non-ingérence défini comme l’interdiction faite au banquier de s’immiscer dans les affaires de son client. Le banquier ne saurait ainsi effectuer des recherches ou réclamer des justifications pour s’assurer que les opérations de son client, dont il n’a pas à rechercher la cause, sont opportunes et exemptes de danger. Il n’est tenu lors d’opérations, de détecter les seules anomalies apparentes matérielles, lorsqu’elles apparaissent à la lecture des documents communiqués par le client, ou, intellectuelles, lorsqu’elles portent sur des éléments extrinsèques, notamment la nature des opérations effectuées ou leur contexte.
En l’espèce, il est acquis que l’ensemble des opérations de remise de chèques au crédit des compte et livret de Mme [B] et les ordres de virement et retraits ont été ordonnés par Mme [O], représentante légale de [R] [B] et que toutes les opérations étaient régulières et pour certaines effectuées au guichet de l’agence bancaire de sorte qu’il n’existe aucun doute sur leur auteur, Mme [O] ayant reconnu sa responsabilité notamment au travers d’un courriel adressé au père de [R], M. [K] [B], le 20 novembre 2021 (« je voulais t’informer que tu n’es pas impliqué puisque c’est moi qui ai déposé ces chèques revenus impayés que m’a remis quelqu’un de confiance qui a eu beaucoup de difficultés, ce qui a entraîné le rejet de ces chèques. Tout est légal, c’est donc à moi de rembourser puisque je suis la seule à avoir utilisé cet argent, tu n’y as pas touché ») tout comme le fait d’avoir utilisé à son seul profit l’argent retiré de ces opérations.
Comme l’a justement fait observer le premier juge, au 5 juin 2020 le compte de dépôt de la mineure était créditeur de la somme de 206,69 euros.
Après quelques jours sans activité, le compte a connu plusieurs mouvements inhabituels à savoir :
– le dépôt d’un chèque de 13 500 euros le 16 juin 2020,
– le virement à Mme [O] [N] d’une somme de 10 200 euros le 17 juin 2020,
– le dépôt de trois chèques, l’un de 20 000 euros et deux de 18 000 euros le 19 juin 2020,
– trois virements d’un montant total de 33 700 euros le 20 juin 2020,
– le dépôt de quatre chèques de 18 000 euros chacun le 22 juin 2020.
Au 7 février 2020, le livret A de la mineure était créditeur à hauteur de 11,77 euros.
Après plusieurs mois d’inactivité, plusieurs mouvements interviennent et notamment :
– un chèque de 19 000 euros est déposé le 28 juin 2020,
– un chèque de 16 000 euros est déposé le 29 juin 2020,
– quatre virements sont réalisés le 30 juin 2020 : un au profit de [W] [Z] de 7 000 euros, un au profit de [L] [H] de 8 000 euros, un au profit de [T] [C] pour 9 000 euros et un au profit de [G] pour 8 000 euros,
– un chèque de 16 000 euros est déposé le 30 juin 2020.
Il en résulte qu’alors que les deux compte et livret dont était titulaire la mineure étaient faiblement créditeurs au mois de février et juin 2020, 12 chèques ont été déposés sur ces comptes en l’espace de quelques jours pour des montants très élevés de 106 500 euros pour le compte de dépôt et de 51 000 euros pour le livret A soit une somme totale de 157 500 euros et des sommes également très importantes ont été virées de ces comptes au profit de Mme [O] à hauteur de 51 900 euros ou des sommes retirées de ces comptes.
Ce fonctionnement inhabituel des comptes de la mineure constituait une anomalie apparente qui aurait dû alerter la banque indépendamment de l’authenticité des ordres de paiement donnés par l’un des parents de la mineure.
S’il est en effet d’usage bancaire de porter immédiatement au crédit d’un compte la provision d’un chèque et qu’il est concevable que la vigilance du Crédit Lyonnais n’ait pas été attirée par le dépôt sur les comptes des premiers chèques de 13 500 euros le 16 juin 2020 (compte) et de 19 000 euros le 28 juin 2020 (livret A), tel n’est pas le cas lorsque le premier chèque est revenu impayé et a été porté au débit du compte de dépôt le 19 juin 2020 et lorsque le chèque déposé sur le livret A a été mis en attente le 30 juin 2020, et qu’à ces dates, des sommes importantes avaient d’ores et déjà été virées sur un autre compte, provoquant l’apparition de soldes débiteurs.
Le dépôt de chèques douteux a continué jusqu’au 6 juillet 2020 avec des virements concomitants pour des sommes très importantes.
Dès lors, dès le 19 juin 2020, et au regard du fonctionnement habituel des comptes appartenant à une mineure dépourvue de ressources, la banque aurait dû faire preuve de prudence avant de porter provisoirement les nouveaux chèques au crédit des comptes au regard des premières anomalies constatées liées à l’endossement de deux chèques revenus impayés. Rien ne démontre en effet que le Crédit lyonnais ait pris soin d’alerter l’autre représentant légal du mineur du rejet des chèques non provisionnés et des risques encourus au regard des virements effectués, laissant ainsi le solde débiteur s’aggraver, tout en ne provoquant la dénonciation des conventions que par la délivrance de l’assignation en paiement le 19 novembre 2021, soit près de deux années après les premières opérations litigieuses.
C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu une responsabilité de la banque à ce titre, à l’origine du préjudice subi par la titulaire des comptes devant être indemnisée à hauteur de la somme de 117 216,47 euros.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point et en ce qu’il a ordonné la compensation des créances connexes.
Sur les autres demandes
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.
La société Le Crédit Lyonnais qui succombe, supportera les dépens d’appel et est déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
Il convient de rejeter les demandes plus amples ou contraires.
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que la société Le Crédit Lyonnais a régulièrement dénoncé les conventions d’ouverture de compte et de livret consenties à Mme [R] [B] ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Le Crédit Lyonnais aux dépens d’appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente