Conditions de recevabilité et responsabilités dans la gestion des comptes d’un mineur

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Conditions de recevabilité et responsabilités dans la gestion des comptes d’un mineur

La société Le Crédit Lyonnais a ouvert plusieurs comptes au nom de la mineure [K] [I], dont un compte de dépôt et un livret A. En fin 2019, sa mère, Mme [M] [W], a déposé des chèques émis par M. [J] [F], qui se sont révélés impayés, entraînant des soldes débiteurs sur les comptes de [K] [I]. La banque a assigné Mme [W] et M. [E] [I], représentants légaux de [K], en paiement des sommes dues. Le tribunal a déclaré irrecevables les demandes contre [K] [I], a reconnu la responsabilité des parents pour le montant de 33 362,64 euros, et a ordonné une compensation des créances. La banque a interjeté appel, contestant la décision et demandant le paiement des sommes dues. Les parents ont également formulé des demandes en appel, soutenant que la banque avait manqué à son devoir de vigilance. La cour a finalement infirmé le jugement, condamnant Mme [W] à payer la somme due à la banque tout en reconnaissant la responsabilité de la banque envers [K] [I] pour le même montant.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/03461
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03461 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHE2D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 janvier 2023 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 22/01142

APPELANTE

Le CRÉDIT LYONNAIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son directeur général

N° SIRET : 954 509 741 00011

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

INTIMÉS

Monsieur [E] [I], pris en sa qualité de représentant légal de sa fille Madame [K] [I], née le [Date naissance 8] 2006 à [Localité 10] (BURKINA FASO)

Chez Madame [X] [G]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 11] (75)

[Adresse 6]

[Localité 7]

et Madame [K] [I]

née le [Date naissance 8] 2006 à [Localité 10] (BRUKINA FASO)

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentés et assistés de Me Gaspard BENILAN de l’AARPI EVEY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2572

Madame [M] [W], prise en sa qualité de représentant légal de sa fille Madame [K] [I], née le [Date naissance 8] 2006 à [Localité 10] (BURKINA FASO), de nationalité française

née le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 9] (COTE D’IVOIRE)

[Adresse 1]

[Localité 7]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme [M] COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Ont été ouverts dans les livres de la société Le Crédit Lyonnais au bénéfice de [K] [I], mineure comme étant née le [Date naissance 8] 2006, un compte de dépôt n° 9564/000003 et un livret Zébulon n° 9564/117500D le 24 septembre 2008 puis le 2 août 2013, un livret A n° 813/438906V.

A la fin de l’année 2019, Mme [M] [W], mère de [K] [I], a remis sur les comptes de sa fille différents chèques émis par M. [J] [F] et a ensuite retiré les sommes au moyen de virements vers des comptes dont elle était majoritairement titulaire ou en espèces.

Elle a ainsi opéré les opérations suivantes :

– sur le compte de dépôt n° 9564/3M entre le 22 novembre 2019 et le 28 novembre 2019, remise de 2 chèques de 5 000 euros chacun (soit un total de 10 000 euros), suivis de 4 virements d’un montant total de 9 300 euros,

– sur le livret A n° 813/438906V entre le 22 novembre 2019 et le 22 janvier 2020, remise de 4 chèques de 3 000 euros, 2 000 euros, 5 000 euros, 20 000 euros (soit un total de 30 000 euros) suivis de 6 virements d’un montant total de 19 100 euros et d’un retrait de 400 euros,

– sur le livret Zébulon n° 9564/117500D entre le 4 et le 16 décembre 2019, remise de 3 chèques de 5 000 euros chacun d’un montant total de 15 000 euros suivis d’un virement d’un montant de 4 500 euros.

Tous les chèques sont revenus impayés et les comptes de [K] [I] se sont retrouvés débiteurs.

Par acte d’huissier du 19 novembre 2021, la société Le Crédit Lyonnais a fait assigner Mme [M] [W] et M. [E] [I] en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure [K] [I], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en dénonciation des conventions et en paiement des sommes dues.

Par jugement contradictoire du 6 janvier 2023 (RG 22-01142) auquel il convient de se reporter, le juge a déclaré les demandes formées contre [K] [I] irrecevables, a dit que Mme [W] et M. [I] en tant que représentants légaux de [K] étaient redevables à la société Le Crédit Lyonnais de la somme de 33 362,64 euros, que la société Le Crédit Lyonnais leur était redevable de la même somme en réparation du préjudice de [K], a ordonné la compensation des sommes dues et a constaté l’extinction des créances réciproques, a condamné la société Le Crédit Lyonnais aux dépens et à verser à Mme [W] et à M. [I] une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a constaté que la banque demandait la condamnation personnelle de [K] [I] alors mineure qui n’était pas partie au litige, de sorte que les demandes à son encontre devaient être déclarées irrecevables.

Il a considéré que l’article L. 313-12 du code monétaire et financier n’était pas applicable au litige de sorte que la demande de dénonciation fondée sur cette disposition devait être rejetée.

Il a relevé que les comptes de la mineure présentaient un solde débiteur de 33 362,64 euros, que les parents de la mineure devaient ainsi être tenus au paiement mais sans solidarité.

Il a relevé qu’alors que les comptes étaient faiblement créditeurs ou débiteurs depuis plusieurs mois, neuf chèques de montants importants avaient été déposés en moins de deux mois alors que [K] [I] était mineure, que l’intégralité de ces chèques provenait du même tireur, interdit bancaire, tous rejetés alors qu’une partie des sommes avait déjà fait l’objet de virements ou de retraits dans les jours suivants les dépôts. Il a considéré que ces opérations constituaient des anomalies intellectuelles manifestes en ce qu’elles étaient sans rapport avec le fonctionnement habituel des comptes de [K] [I] et que cette situation aurait dû interpeller la banque et l’empêcher de créditer provisoirement les fonds. Il a estimé en outre que le fait que les chèques aient été déposés par la mère de l’enfant et que les virements et retraits avaient été autorisés n’était pas de nature à permettre de considérer comme habituelle l’activité des comptes. Il a retenu un manquement de la banque à son obligation de vigilance à l’origine d’un préjudice pour le titulaire des comptes qui s’était retrouvé avec des découverts non autorisés significatifs.

Suivant déclaration enregistrée électroniquement le 13 février 2023, la société Le Crédit Lyonnais a interjeté appel du jugement tant à l’encontre de [K] [I] qu’à l’encontre de Mme [M] [W] et de M. [E] [I] tous deux en qualité de représentants légaux de leur fille mineure.

Aux termes de ses dernières conclusions (n° 4) notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, dirigées uniquement à l’encontre de M. [I] et de Mme [W] chacun en qualité de représentant légal de leur fille [K], la banque demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de donner acte de ce qu’elle entendait dénoncer l’ensemble des conventions d’ouverture de compte consenties à [K] [I], ainsi que les éventuels crédits qui y sont attachés, en ce qu’il a dit qu’elle devait aux représentants légaux de [K] [I] la somme de 33 362,64 euros en réparation de son préjudice ainsi qu’une somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,

– statuant à nouveau,

– de condamner solidairement ès qualité d’administrateurs légaux de [K] [I], Mme [W] et M. [I] à lui payer la somme de 33 362,64 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2021 jusqu’à parfait paiement,

– de confirmer le jugement pour le surplus,

– de condamner solidairement en qualité d’administrateurs légaux de [K] [I], Mme [W] et M. [I] à lui payer une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code des procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Tardieu Confavreux.

Elle fait valoir qu’aux termes de son assignation délivrée le 19 novembre 2021, elle a dénoncé l’ensemble des conventions de comptes consenties à [K] [I] ainsi les éventuels crédits y étant attachés, que conformément aux articles L. 312-1-1 V alinéa 3 du code monétaire et financier et L. 312 91 du code de la consommation, ces concours ont donc pris fin et les compte et livret ont été clôturés à l’expiration d’un délai de 60 jours suivant l’assignation, soit le 18 janvier 2022, que dès lors les soldes débiteurs des comptes sont exigibles. Elle précise que cette assignation a interrompu le délai de forclusion.

Elle fait valoir que les intimés invoquaient en première instance l’obligation de surveillance qui résulte des dispositions de l’article L. 561-6 du code monétaire et financier qui imposent aux établissements bancaires de mettre en place un système de surveillance des opérations inhabituelles ou suspectes, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (dispositif dit « LCB/F »), qui ne peuvent en aucun cas fonder une action en responsabilité contre la banque. Elle fait état d’un de ce que la Cour de cassation a rappelé que le régime « LCB/F » n’a pour seule finalité que la détection portant sur des sommes en provenance du trafic des stupéfiants ou d’activités criminelles organisées et que les obligations de vigilance et de déclaration qu’il impose n’ont pas été édictées pour la satisfaction d’intérêts privés et ne relèvent que de la protection de l’intérêt général de sorte que la victime d’agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l’inobservation des obligations de vigilance et de déclaration pour réclamer des dommages-intérêts à l’organisme financier. Elle note en outre que la banque ne peut révéler ni à ses clients, ni à des tiers, les diligences entreprises dans le cadre de ce dispositif et qu’instaurer un devoir de surveillance à la charge de la banque dépositaire irait directement à l’encontre de son devoir de non-ingérence.

Elle rappelle le devoir de non-ingérence des établissements bancaires qui ne doivent pas surveiller les agissements de leurs clients sur leurs comptes, et souligne que l’obligation de vigilance est issue de la jurisprudence relative aux chèques falsifiés, conçue comme le devoir pour la banque, en présence d’une anomalie apparente, de s’assurer du consentement de son client afin d’éviter la réalisation d’une opération non-autorisée. Elle ajoute que la banque ne peut se voir reprocher un manquement à son devoir de vigilance lorsque les opérations ayant mouvementé le compte ont été demandées, autorisées et consenties par le titulaire du compte puisque dans ce cas, elle est tenue de les exécuter d’autant que les articles L. 133-6 et suivants du code monétaire et financier imposent à la banque d’exécuter les ordres de son client à bref délai (48 heures), sous peine d’engager sa responsabilité en cas de refus ou de retard d’exécution. Elle soutient que le titulaire d’un compte qui ne conteste pas le caractère autorisé d’un paiement, mais uniquement l’opportunité de l’opération sous-jacente, ne peut se prévaloir d’un manquement de la banque à son devoir général de vigilance comme cela résulte de la jurisprudence.

En conclusion, elle estime que c’est à tort que le jugement a retenu qu’en cas d’anomalie apparente, la banque dépositaire pouvait refuser d’exécuter l’opération et à défaut, engageait sa responsabilité alors qu’en cas d’anomalie apparente, la banque n’engage sa responsabilité que si elle exécute un faux ordre sans avoir vérifié le consentement de son client.

Elle expose qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que toutes les opérations, que ce soit au crédit (remise de chèques) ou au débit (ordres de virement et retraits) ont été ordonnées par Mme [W], représentante légale de [K] [I] et que celles-ci étaient donc régulières. Elle souligne que Mme [W] a écrit à M. [E] [I] « c’est moi qui ai déposé ces chèques revenus impayés que m’a remis quelqu’un de confiance » et considère que le fait que les ordres permettaient de mouvementer le compte de sa fille mineure est sans incidence. Sur ce dernier point, elle rappelle les nombreuses décisions de justice qui retiennent que les parents bénéficient du devoir de non-ingérence dans le fonctionnement du compte de leur enfant mineur et que la banque n’a pas à les questionner davantage sur les ordres qu’ils passent régulièrement et que celle-ci n’est de ce fait pas tenue de « protéger » la mineure de ses parents qui sont ses administrateurs légaux et dont elle doit exécuter les ordres, comme s’il s’agissait de ceux du titulaire lui-même. Elle fait observer que les intimés semblent vouloir soutenir que les ordres seraient faux et que le Crédit Lyonnais aurait dû prendre ses instructions directement auprès de la mineure [K] [I] ou encore vérifier auprès d’elle celles de Mme [W] alors que cette dernière, administratrice légale de sa fille [K], avait seule pouvoir pour faire fonctionner le compte. Elle note en outre que les chèques remis à l’encaissement n’étaient affectés d’aucune anomalie et que les virements débiteurs et les retraits ont quant à eux été ordonnés au guichet de l’agence de sorte qu’il n’existait aucun doute sur leur auteur. Elle ajoute que contrairement à ce que retient incidemment le jugement, la banque ne peut pas être jugée fautive de ne pas avoir vérifié que le tireur des chèques n’était pas interdit, et encore moins que les chèques étaient provisionnés, ce qui ne constitue pas et n’a jamais constitué une obligation à la charge de la banque du bénéficiaire.

Elle conteste tout lien de causalité entre les manquements allégués et le préjudice invoqué en faisant remarquer qu’en disposant immédiatement de la provision des chèques, qui plus est majoritairement à son profit, Mme [W] a manifestement manqué de prudence, cette imprudence confinant au dol et provoquant le solde débiteur affiché par le compte de sa fille. Elle estime qu’un tel contexte exclut la responsabilité de la banque qui se trouve en réalité victime de son client à raison du fait qu’elle subit le solde débiteur.

Elle estime sa créance fondée à hauteur de 9 403,62 euros pour le compte de dépôt n° 9564/3M, de 19 466,62 euros pour le livret A n° 813/438906V et de 4 492,40 euros pour le compte Zébulon n° 9564/117500D et demande la condamnation solidaire des représentants légaux. Elle rappelle n’avoir consenti aucun crédit et ne pas solliciter de condamnation à payer des intérêts au taux conventionnel mais au taux légal.

Elle fait valoir que les parents de [K] exercent en commun l’autorité parentale, que par application combinée des articles 382, 386 et 504 du code civil, chacun des parents accomplit seul les actes d’administration mais qu’ils en sont responsables solidairement vis-à-vis des tiers. Elle affirme que les encaissements et les retraits sont des actes d’administration. Elle en déduit que M. [I] ne peut demander à être déchargé de tout paiement.

Aux termes de leurs dernières conclusions (n° 2) déposées le 2 mai 2024 valant appel incident contre Mme [W], M. [I] en qualité de représentant légal de sa fille [K] et [K] [I] demandent à la cour :

– de recevoir M. [I] en qualité de représentant légal de sa fille [K] en son appel incident et de le dire bien fondé en ses demandes,

– de débouter la société Le Crédit Lyonnais de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu’il déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de [K] [I], débouté la banque de sa demande de donner acte de ce qu’elle entendait dénoncer l’ensemble des conventions d’ouverture de compte consenties ainsi que les éventuels crédits attachés, dit que la banque doit à M. [I] et à Mme [W] en leur qualité de représentants légaux de [K] la somme de 33 362,64 euros en réparation de son préjudice, dit n’y avoir lieu à une condamnation solidaire de M. [I] et de Mme [W], ordonné la compensation entre les créances réciproques, condamné la banque au paiement de la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il dit que M. [I] et Mme [W] leur qualité de représentants légaux de [K] doivent à la banque la somme de 33 362,64 euros,

– de condamner Mme [M] [W] au paiement des sommes réclamées en tant que seule civilement responsable,

– à titre subsidiaire, de condamner Mme [W] à garantir M. [I] de toute condamnation au titre des demandes formulées par la société Le Crédit Lyonnais, dans le cadre de la présente procédure,

– à titre plus subsidiaire, d’accorder à M. [I] les plus larges délais de paiement soit 24 mois,

– en tout état de cause, de condamner solidairement la banque et Mme [W] à verser à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner l’appelante aux entiers dépens de l’instance.

Ils font valoir qu’en cause d’appel, la banque fonde désormais sa demande sur les articles L. 312-1-1 V alinéa 3 du code monétaire et financier ainsi que sur l’article L. 312-91 du code de la consommation et qu’elle prétend avoir dénoncé et clôturé les comptes à l’expiration d’un délai de 60 jours suivant assignation soit le 18 janvier 2022 alors que la dénonciation opérée par l’appelante par l’assignation s’appuie sur des dispositions légales non applicables à savoir l’article L. 313-12 du code monétaire et financier de sorte que celle-ci est irrégulière et n’a, de plus fort, pas pu faire courir le délai de deux mois prévu par les textes.

Ils invoquent les dispositions des articles 1231-1 et 1231-2 du code civil pour rappeler que la banque se doit de respecter un devoir général de vigilance ou un devoir général de prudence qui désigne l’obligation pour le banquier de déceler, parmi les opérations qu’on lui demande de traiter, celles qui présentent une anomalie apparente et qu’il a ainsi été consacré que celui-ci prime sur le principe de non-ingérence par un arrêt de la Cour de cassation du 6 février 2007.

Il observent que 4 chèques ont été déposés sur le livret A de [K] pour un montant total de 30 000 euros, 3 chèques pour un montant total de 15 000 euros sur le compte Zébulon, 2 chèques pour un montant total de 10 000 euros sur le compte bancaire, que tous se sont révélés non provisionnés et émis par la même personne, à savoir M. [J] [F], dont il appert des attestations de rejet que celui-ci est inscrit au fichier des interdits bancaires depuis le 20 novembre 2018, que ces chèques ont été déposés dans un intervalle très court de quelques semaines et pour des sommes exorbitantes compte tenu de la minorité de [K]. Ils soulignent que tant les montants, que le nombre ainsi que la fréquence des chèques en question auraient dû alerter la banque et l’entraîner à ne pas créditer les chèques en question sur le compte ouvert au nom de [K] [I] et que les retraits importants effectués concomitamment aux dépôts de chèque auraient dû l’éclairer sur un fonctionnement inhabituel et atypique du compte et ce, d’autant plus que sa cliente était mineure et ne disposait d’aucune source de revenus.

Ils reprennent la motivation du premier juge en soulignant qu’il n’est pas démontré que la banque a cherché à s’enquérir du consentement de [K] [I] quant aux opérations réalisées sur ses comptes, qu’il s’agisse des remises de chèques, des retraits ou des virements, que le fait que Mme [W] soit la mère de la titulaire des comptes ne saurait dédouaner la banque de son obligation de vigilance et que bien au contraire, la minorité de sa cliente aurait dû la conduire à une vigilance accrue.

Ils demandent à la cour, si elle devait considérer que la banque n’a pas manqué à son devoir de vigilance, de dire que celle-ci engage sa responsabilité en ce qu’elle a failli à son devoir d’information puisqu’à aucun moment elle ne fait état, au soutien de son assignation, des éventuels courriers d’information adressés à [K] ou à M. [I] quant au rejet des chèques non provisionnés. M. [I] indique qu’en tant qu’administrateur légal de [K], il n’a jamais été informé de l’intégralité des opérations s’étant déroulées sur les comptes de sa fille.

Ils demandent l’infirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. [I] à payer à la banque la somme de 33 362,64 euros compte tenu de la responsabilité de Mme [W], en rappelant que les comptes ont fait l’objet de nombreux mouvements de sommes d’argent que ce soit en termes de crédit que de débit et soutiennent que ces différents mouvements doivent être regardés comme des actes de disposition par celui qui les a conduits compte tenu de leur impact sur le patrimoine de [K] [I] car les soldes des trois comptes litigieux se trouvent être débiteurs pour d’importantes sommes soit un total de 33 362,64 euros ayant conduit la banque à dénoncer les conventions. Ils visent les dispositions du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 pour dire que tant les actes de dépôts de chèques non provisionnés que les virements effectués peu de temps après constituent des actes de disposition et n’auraient dû être conduites qu’après l’autorisation des deux parents, ce qui n’a pas été le cas de sorte qu’il ne saurait être considéré que les deux parents, représentants légaux sont responsables solidairement des actes de disposition conduits par seulement l’un d’entre eux. Ils en déduisent que seul le représentant légal à l’origine des mouvements de sommes d’argent peut être considéré comme civilement responsable et partant, débiteur des sommes réclamées au cours de la présente instance. Ils rappellent que par un courriel produit, Mme [W] a reconnu son entière responsabilité et que sa responsabilité est pleinement engagée au titre des articles 385 et 386 du code civil. Si la cour ne devait pas faire droit à cet argument, ils demandent à titre subsidiaire la garantie de Mme [W] au titre des sommes que M. [I] pourrait être condamné à payer.

Ils indiquent que M. [I] ne dispose pas d’une épargne et d’un revenu suffisants pour satisfaire les demandes de la banque et ils sollicitent des délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Mme [W] en qualité de représentante légale de sa fille [K] a reçu signification de la déclaration d’appel suivant acte du 27 avril 2023 délivré selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile et des conclusions de l’appelante suivant acte du 23 mai 2023 délivré selon les mêmes modalités.

L’appel incident et les conclusions de M. [I] en qualités de représentant légal de sa fille mineure [K] et de [K] [I] ne lui ont pas été signifiées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate que [K] [I] n’est pas majeure comme étant née le [Date naissance 8] 2006, de sorte qu’elle n’est pas recevable à conclure ni à présenter des demandes.

Dès lors, les écritures déposées le 2 mai 2024 ne peuvent être prises en compte qu’en tant qu’elles ont été prises par M. [E] [I] qui n’agit qu’en qualité de représentant légal de sa fille et n’a d’ailleurs été assigné qu’en cette qualité.

Le jugement doit par ailleurs être confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de [K] [I] alors mineure, sans qu’aucune contestation ne soit d’ailleurs émise à ce titre.

Enfin les demandes formées par M. [I] contre Mme [W] ne sont pas recevables les conclusions d’appel incident ne lui ayant pas été dénoncées.

Sur la recevabilité de l’action en paiement de la banque

Il résulte de l’article R. 312-35 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En application de l’article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d’une demande en paiement de vérifier d’office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l’action du prêteur s’inscrit bien dans ce délai. Le respect de ce délai n’a pas été vérifié par le premier juge.

En matière de solde débiteur d’un compte courant, cet événement est caractérisé par le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai de 3 mois prévu à l’article L. 312-93.

Le « dépassement » est le « découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l’autorisation de découvert convenue ». Il est toutefois admis que le retour du compte à une position créditrice avant l’expiration du délai biennal interrompt ce délai.

Il n’est pas contesté que :

– s’agissant du compte bancaire n° 9564/3M détenu par [K] [I], deux chèques ont été déposés et crédités entre le 22 novembre 2019 et le 28 novembre 2019 d’un montant total de 10 000 euros suivis de quatre virements d’un montant total de 9 300 euros opérés par Mme [W] depuis ce compte,

– s’agissant du livret A n° 813/438906V détenu par [K] [I], quatre chèques ont été déposés et crédités entre le 22 novembre 2019 et le 22 janvier 2020, d’un montant total de 30 000 euros suivis de six virements d’un montant total de 19 100 euros opérés par Mme [W] depuis ce compte et d’un retrait de 400 euros,

– s’agissant du livret Zébulon n° 9564/117500D détenu par [K] [I], trois chèques ont été déposés et crédités entre le 4 et le 16 décembre 2019 d’un montant total de 15 000 euros suivis d’un virement d’un montant de 4 500 euros.

Les chèques étant non provisionnés, ils ont été portés au débit des comptes et livrets, de sorte que les comptes ont présenté un solde débiteur constant :

– à compter du 2 décembre 2019 en ce qui concerne le compte bancaire n° 9564/3M qui a finalement atteint un débit de 9 403,62 euros le 7 février 2020,

– à compter du 22 janvier 2020 en ce qui concerne le livret A n° 813/438906V qui a finalement atteint un débit de 19 466,62 euros le 7 février 2020,

– à compter du 19 décembre 2019 en ce qui concerne le livret Zébulon ° 9564/117500D qui a finalement atteint un débit de 4 492,40 euros le 7 février 2020.

Ces soldes n’ont jamais été régularisés et la banque a assigné les représentants légaux par acte du 19 novembre 2021 valant dénonciation des conventions, soit dans un délai de deux années de sorte que l’action est recevable.

Sur la dénonciation des conventions

La société Le Crédit Lyonnais a entendu dénoncer les conventions la liant à [K] [I] par délivrance de l’assignation du 19 novembre 2021 à ses représentants légaux.

Aux termes de l’article L. 312-1-1 V alinéa 3 du code monétaire et financier, l’établissement de crédit résilie une convention de compte de dépôt conclue pour une durée indéterminée moyennant un préavis d’au moins deux mois, fourni sur support papier ou sur un autre support durable.

En l’espèce, il n’est pas contesté suivant décomptes produits aux débats, que le 7 février 2020, le compte bancaire n° 9564/3M ouvert au nom de [K] [I] présentait un débit de 9 403,62 euros, son livret A n° 813/438906V un débit de 19 466,62 euros et son livret Zébulon n° 9564/117500D un débit de 4 492,40 euros non régularisés. Dès lors, la banque était fondée à mettre fin aux différents concours en respectant le préavis prévu au texte susvisé, ce qu’elle a fait en clôturant les comptes à l’issue du délai de 60 jours, soit le 18 janvier 2022 à défaut de régularisation. Le fait que l’article L. 313-2 du code monétaire et financier ait été visé par erreur dans l’acte est indifférent.

Partant, le jugement est infirmé en ce qu’il a rejeté la demande et il convient de constater que la société Le Crédit Lyonnais a dénoncé les conventions, à défaut de toute demande formée à ce titre à hauteur d’appel.

Sur la demande en paiement au titre des soldes débiteurs

Les relevés de comptes produits aux débats attestent suffisamment des soldes débiteurs d’un montant total cumulé de 33 362,64 euros, jamais régularisé.

M. [I] demande l’infirmation du jugement l’ayant condamné aux côtés de Mme [W] au paiement de cette somme, sauf à confirmer l’absence de solidarité.

Il fait état de ce que les actes conduits par Mme [W] sur les comptes de sa fille ont été d’une importance telle, que ce soit en volume d’argent manipulé ou en termes de conséquence pour le patrimoine de celle-ci, qu’ils ne peuvent être considérés que comme des actes de disposition qui ne peuvent être entrepris qu’avec l’aval des deux parents et qu’en outre, ces mouvements d’argent n’ont été motivés que par le seul intérêt personnel de Mme [W] qui a tenu son ex-mari à l’écart desdites opérations litigieuses.

Il n’est pas contesté que M. [I] et Mme [W] exerçaient en commun l’autorité parentale sur [K], et que chacun d’entre eux était donc administrateur légal des biens de leur fille au sens de l’article 382-1 du code civil qui prévoit que lorsque l’administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun est réputé à l’égard des tiers, avoir reçu de l’autre le pouvoir de faire seul les actes d’administration portant sur les biens du mineur.

Il résulte des pièces produites que Mme [W] apparaissait comme donneur d’ordre pour le Livret A et il n’est pas contesté qu’elle était seule destinataire des relevés de comptes. Pour autant la banque disposait du livret de famille faisant apparaître les deux parents.

Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 définit les actes d’administration comme les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal. Il vise en particulier l’ouverture d’un premier compte ou livret au nom ou pour le compte de la personne protégée, l’emploi et le remploi de sommes d’argent qui ne sont ni des capitaux ni des excédents de revenus, l’emploi et le remploi des sommes d’argent non judiciairement prescrits par le juge des tutelles ou le conseil de famille, la perception des revenus, des capitaux, la quittance d’un paiement, la demande de délivrance d’une carte bancaire de retrait.

Les actes de disposition sont définis comme étant des actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire. Il est visé s’agissant des sommes d’argent la modification de tout compte ou livrets ouverts au nom de la personne protégée, l’ouverture de tout nouveau compte ou livret au nom ou pour le compte de la personne protégée, l’ouverture de tout compte, y compris d’un compte de gestion du patrimoine, auprès de la Caisse des dépôts et consignations, lorsque la personne protégée a fait l’objet d’une interdiction d’émettre des chèques, le fonctionnement de ses comptes sous la signature de la personne chargée de la mesure de protection et disposition par celle-ci de tous les moyens de paiement habituels, l’emploi et le remploi des capitaux et des excédents de revenus, à compter du 1er février 2009, le contrat de fiducie par une personne sous curatelle, la clôture d’un compte bancaire, l’ouverture d’un compte de gestion de patrimoine, la demande de délivrance d’une carte bancaire de crédit.

Le décret qualifie aussi d’actes de disposition les prélèvements sur le capital à l’exclusion du paiement des dettes, l’emprunt de sommes d’argent, le prêt consenti par la personne protégée, à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au « tuteur » de considérer qu’ils répondent aux critères de l’alinéa 1er en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie.

Mme [W] a reconnu sa responsabilité dans les nombreux mouvements intervenus à son seul profit sur les comptes de sa fille et les opérations qu’elle a effectuées ont été d’un volume tel (55 000 euros déposés et 29 400 euros retirés) qu’elles ont engagé le patrimoine de la mineure qui se retrouve titulaire d’une dette de 33 362,64 euros hors intérêts. Le fait de déposer des chèques que l’on sait non provisionnés sur le compte de sa fille mineure pour en retirer ensuite la provision avant que la banque ne décèle l’absence de provision est nécessairement contraire aux intérêts du mineur que l’administrateur légal est chargé de protéger, étant rappelé que celui-ci est tenu d’apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur et qu’il répond des fautes qu’il commet dans la gestion des biens de celui-ci.

Partant, ces différentes opérations et notamment celles de retrait d’argent affectant significativement le patrimoine de l’enfant doivent être regardées comme des actes de disposition et n’auraient dû être conduites qu’après l’autorisation des deux parents et seul le représentant légal à l’origine des mouvements de sommes d’argent peut être considéré comme débiteur des sommes réclamées par la banque au titre du solde débiteur.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de condamner Mme [W] seule à payer à la société Le Crédit Lyonnais la somme de 33 362,64 euros.

Comme le demande la banque, la somme porte intérêts au taux légal, non à compter du 1er février 2021 mais de l’assignation du 19 novembre 2021.

Sur la responsabilité de la société Le Crédit Lyonnais

Si en première instance Mme [W], alors représentée, a entendu mettre en cause la responsabilité la banque sur le fondement notamment de l’article L. 561-6 du code monétaire et financier, lui reprochant d’avoir commis une faute en créditant les chèques malgré des anomalies apparentes de fonctionnement des comptes, ce fondement textuel n’est pas invoqué à hauteur d’appel par M. [I] et n’a pas été spécialement repris par le premier juge.

Comme le fait justement remarquer l’appelante, ces dispositions instaurant une obligation de surveillance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les obligations de vigilance et de déclaration imposées dans ce cadre aux établissements bancaires, ne peuvent servir de fondement à action en responsabilité.

M. [I] entend mettre en cause la responsabilité de la banque pour un manquement à son devoir général de vigilance en invoquant les dispositions des articles 1231-1 et 1231-2 du code civil en ce que l’établissement de crédit aurait dû être alerté par les mouvements inhabituels sur des comptes détenus par un mineur et aurait dû notamment refuser d’encaisser les chèques.

L’article L. 133-6 du code monétaire et financier dispose qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.

Aux termes de l’article L. 131-38 du code monétaire et financier, celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré. Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs.

Il résulte de ces dispositions que lors de la réception et de la présentation d’un chèque à l’encaissement, la banque présentatrice est tenue de porter le chèque à l’encaissement le jour de sa présentation et doit procéder à un contrôle de la régularité formelle du titre portant notamment sur les mentions nécessaires et les inscriptions y figurant. Sa responsabilité peut être engagée en cas d’anomalies apparentes.

Il est aussi de principe jurisprudentiel que le banquier est tenu sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, d’une obligation de surveillance dans le fonctionnement des comptes de ses clients, et que cette responsabilité est limitée par un principe de non-ingérence défini comme l’interdiction faite au banquier de s’immiscer dans les affaires de son client. Le banquier ne saurait ainsi effectuer des recherches ou réclamer des justifications pour s’assurer que les opérations de son client, dont il n’a pas à rechercher la cause, sont opportunes et exemptes de danger. Il n’est tenu lors d’opérations, de détecter les seules anomalies apparentes matérielles, lorsqu’elles apparaissent à la lecture des documents communiqués par le client, ou, intellectuelles, lorsqu’elles portent sur des éléments extrinsèques, notamment la nature des opérations effectuées ou leur contexte.

En l’espèce, il est acquis que l’ensemble des opérations de remise de chèques au crédit des comptes et livrets de [K] [I] et les ordres de virement et retraits ont été ordonnés par Mme [W], représentante légale de [K] [I] et que toutes les opérations étaient régulières et pour la plupart effectuées au guichet de l’agence bancaire de sorte qu’il n’existe aucun doute sur leur auteur, Mme [W] ayant reconnu sa responsabilité notamment au travers d’un courriel adressé à M. [I] tout comme le fait d’avoir utilisé à son seul profit l’argent retiré de ces opérations.

Comme l’a justement fait observer le premier juge, au 7 octobre 2019, le compte de dépôt de la mineure était créditeur de la somme de 6,30 euros.

Après plusieurs mois d’inactivité, un chèque de 5 000 euros a été déposé le 26 novembre 2019, un virement de 3 300 euros et un virement de 1 500 euros ont été réalisés dès le 27 novembre 2019, un chèque de 5 000 euros a été déposé le 27 novembre 2019, un virement de 3 500 euros et un virement de 1 000 euros ont été réalisés dès le 28 novembre 2019.

Au 7 février 2019, le livret A de la mineure était créditeur à hauteur de 7,38 euros.

Après plusieurs mois d’inactivité, deux chèques de 3 000 euros et 2 000 euros ont été remis le 22 novembre 2019, un virement de 4 500 euros a été réalisé dès le 23 novembre 2019, la somme de 400 euros a été retirée le 25 novembre 2019, un chèque de 5 000 euros a été déposé le 25 novembre 2019, deux virements de 4 000 euros et de 1 100 euros ont été effectués les 27 et 29 novembre 2019, un chèque de 20 000 euros a été déposé le 21 janvier 2020, des virements de 2 500 euros, 3 000 euros et 4 000 euros ont été effectués dès le 22 janvier.

Au 2 février 2019, le livret Zébulon de la mineure était créditeur de la somme de 12,40 euros.

Après plusieurs mois d’inactivité, un chèque de 5 000 euros a été remis le 4 décembre 2019, un virement de 4 500 euros a été réalisé dès le 6 décembre 2019, deux chèques de 5 000 euros ont été déposés les 12 et 16 décembre 2019.

Il en résulte qu’alors que les trois comptes et livrets dont était titulaire la mineure étaient faiblement créditeurs au mois de février 2019, 9 chèques ont été déposés sur ces comptes en l’espace de seulement deux mois pour des montants très élevés de 55 000 euros et des sommes également très importantes ont été virées de ces comptes par Mme [W] vers ses comptes ou au profit de tiers ou des sommes retirées de ces comptes en espèces pour un montant de 33 300 euros.

Ce fonctionnement inhabituel des comptes d’une mineure constituait une anomalie apparente qui aurait dû alerter la banque indépendamment de l’authenticité des ordres de paiement donnés par l’un des parents du mineur. S’il est en effet d’usage bancaire de porter immédiatement au crédit d’un compte la provision d’un chèque, il est difficilement concevable que l’attention de la banque n’ait pas été attirée par le dépôt simultané de chèques d’un montant inhabituel sur plusieurs des comptes de l’enfant suivis de retraits immédiats sur un très court laps de temps.

Bien plus, dès le 29 novembre 2019, la banque a passé au débit du compte courant un premier chèque de 5 000 euros revenu impayé, alors qu’à cette date d’autres chèques avaient déjà été immédiatement crédités sur les autres comptes et ont ensuite permis des virements dans la foulée, que le 21 janvier 2020, elle a accepté, émanant toujours du même tiré, le crédit immédiat d’un chèque de 20 000 euros alors que d’autres chèques avaient aussi été rejetés le 2 décembre 2019 et permis de nouveaux virements que seul le crédit de ce chèque permettait. Le dépôt de chèques douteux s’est donc poursuivi après le rejet de plusieurs chèques avec des virements concomitants pour des sommes très importantes.

Dès lors, dès le 29 novembre 2019, et au regard du fonctionnement habituel des comptes appartenant à une mineure dépourvue de ressources, la banque aurait dû faire preuve de prudence avant de porter provisoirement les nouveaux chèques au crédit des comptes au regard des premières anomalies constatées liées à l’endossement d’un premier chèque revenu impayé émis par une personne interdite bancaire depuis 2018. Rien ne démontre en effet que la société Le Crédit Lyonnais ait pris soin d’alerter l’autre représentant légal de la mineure du rejet des chèques non provisionnés et des risques encourus au regard des virements effectués, laissant ainsi le solde débiteur s’aggraver, tout en ne provoquant la dénonciation des conventions que par la délivrance de l’assignation en paiement le 19 novembre 2021, soit près de deux années après les premières opérations litigieuses.

C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu une responsabilité de la banque à ce titre, à l’origine du préjudice subi par le titulaire des comptes devant être indemnisé à hauteur de la somme de 33 362,64 euros, sauf à préciser que la somme est seulement due à Mme [W] en tant que représentante légale de sa fille mineure.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point et en ce qu’il a ordonné la compensation des créances connexes.

La demande de délais de paiement est sans objet.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées. Mme [W] est tenue aux dépens de première instance et d’appel avec pour ces derniers distraction au profit de Maître Tardieu Confavreux. La société Le Crédit Lyonnais qui succombe est en revanche déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Il convient de rejeter les demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées contre [K] [I], dit que la société Le Crédit Lyonnais était tenue de réparer le préjudice de [K] [I] à hauteur de la somme de 33 362,64 euros, et en ce qu’il a ordonné la compensation des sommes dues et a constaté l’extinction des créances réciproques ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare l’action en paiement de la société Le Crédit Lyonnais recevable ;

Déclare les demandes de [K] [I] irrecevables ;

Déclare les demandes de M. [E] [I] en qualité de représentant légal de [K] [I] à l’encontre de Mme [M] [W] ès qualités de représentante légale de [K] [I] irrecevables ;

Constate que la société Le Crédit Lyonnais a régulièrement dénoncé les conventions d’ouverture de compte et de livrets consenties à [K] [I] ;

Condamne Mme [M] [W] en tant que représentante légale de [K] [I] à payer à la société Le Crédit Lyonnais de la somme de 33 362,64 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2021 au titre des soldes débiteurs du compte de dépôt n° 9564/3M, du livret A n°813/438906V et du livret Zébulon n° 9564/117500D ouverts au nom de [K] [I] ;

Dit que la société Le Crédit Lyonnais est redevable à Mme [M] [W] en tant que représentante légale de [K] [I] de la somme de 33 362,64 euros en réparation du préjudice subi par [K] [I] ;

Condamne Mme [M] [W] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec pour ces derniers avec distraction au profit de Maître Tardieu Confavreux en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


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