Monsieur [A] [U] et Mme [T] [S] ont acheté une maison à M. et Mme [O] en mai 2016 pour 460.000 euros. M. [O], entrepreneur en maçonnerie, a réalisé les travaux de rénovation. Entre février 2019 et septembre 2023, les acquéreurs ont constaté des désordres dans leur habitation. Après une expertise amiable en décembre 2023, M. [O] a nié toute responsabilité, arguant que les acquéreurs étaient au courant des problèmes depuis plus de sept ans et que ceux-ci résultaient d’un défaut d’entretien. En avril 2024, M. [U] et Mme [S] ont assigné M. et Mme [O] en référé expertise. Lors de l’audience de mai 2024, la demande d’expertise a été maintenue, ainsi qu’une demande de condamnation des défendeurs au paiement de 2.000 euros. Les défendeurs ont contesté la demande d’expertise et ont demandé que la question de la responsabilité soit tranchée par le juge du fond. Ils ont également demandé une condamnation des demandeurs au paiement de 1.800 euros. Le tribunal a ordonné une expertise pour examiner les désordres, leur origine, et les responsabilités éventuelles, avec un rapport à déposer dans un délai de six mois. Les dépens seront à la charge des demandeurs.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
09 AOUT 2024
N° RG 24/00613 – N° Portalis DB22-W-B7I-R5V6
Code NAC : 50D
DEMANDEURS
Monsieur [A] [U]
né le 10 Juillet 1958 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 3] – [Localité 11]
Madame [T] [S]
née le 07 Janvier 1978 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 3] – [Localité 11]
Représentés par Me Jérôme NALET, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283
DEFENDEURS
Monsieur [H] [I] [O]
né le 22 Décembre 1969 à [Localité 7] (PORTUGAL),
demeurant [Adresse 2] – [Localité 11]
Madame [V] [B] [E] [D] épouse [O]
née le 02 Juillet 1968 à [Localité 8] (PORTUGAL),
demeurant [Adresse 2] – [Localité 11]
Représentés par Me Sandra BROUT- DELBART, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 321
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Débats tenus à l’audience du : 27 Juin 2024
Nous, Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 27 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 09 Août 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
Par acte authentique de vente du 4 mai 2016, Monsieur [A] [U] et Mme [T] [S] ont acquis de M. et Mme [O] une maison d’habitation située [Adresse 3] à [Localité 11] pour un prix de 460.000 euros.
M. [O], entrepreneur individuel en maçonnerie générale avait lui-même effectué l’intégralité des travaux de rénovation du bâti existant.
Entre le mois de février 2019 et le mois septembre 2023, M. [U] et Mme [S] ont déploré des désordres dans leur habitation.
Ils ont fait procéder à une expertise amiable le 4 décembre 2023 et écrit à M. [O] le 15 décembre 2023, lequel a réfuté toute responsabilité considérant que les acquéreurs avaient eu connaissance des désordres il y a plus de sept ans et que les désordres n’étaient dus qu’à un défaut d’entretien.
Par actes de commissaire de justice délivrés le 26 avril 2204, M. [U] et Mme [T] [S] ont fait assigner M [H] [I] [O] et Mme [V] [B] [O] en référé expertise devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles.
L’affaire a été appelée à l’audience du 23 mai 2024, date à laquelle elle a été renvoyée à celle du 27 juin 2024.
A cette date
M. [U] et Mme [S] ont maintenu leur demande d’expertise. Ils ont sollicité la condamnation des défendeurs au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En réponse aux moyens soulevés en défense ils ont fait valoir que la clause d’exonération de la garantie des vices cachés ne pouvait s’appliquer dès lors que M. [O] était un professionnel de la construction, que l’action en garantie décennale n’était pas exclusive de l’action en garantie des vices cachés, qu’en tout état de cause seul le juge du fond était compétent pour se prononcer sur le bien -fondé de l’action en garantie des vices cachés.
En défense, M. [H] [I] [O] et Mme [V] [B] [E] [D] épouse [O] ont demandé au juge des référés de rejeter la demande d’expertise et de juger que les conditions d’application de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés relèvent de la compétence du juge du fond.
A tire subsidiaire ils ont demandé qu’il leur soit donné acte de leurs protestations et réserves. Ils ont demandé que la mission de l’expert soit étendue à la question de savoir si les désordres peuvent s’expliquer ou non par un défaut d’entretien et la date exacte de leur survenance.
En tout état de cause, ils ont demandé la condamnation des demandeurs au paiement d’une somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
La décision a été mise en délibéré au 09 août 20é4.
Sur la demande d’expertise
L’article 143 du code de procédure civile dispose que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »
L’article 232 du code de procédure civile ajoute que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien. »
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».
Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ; elle doit être pertinente et utile.
Si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir l’existence des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
En l’espèce, l’acquéreur d’un bien justifie d’un motif légitime à solliciter une mesure d’expertise s’il justifie de désordres sur le bien acheté. Tant la question de savoir si M. [O] avait la qualité de professionnel de la construction que la question de savoir si les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés sont réunies relèvent de l’appréciation du juge du fond.
En l’état la mesure demandée est légalement admissible ;
Le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ;
La prétention du demandeur n’est pas manifestement vouée à l’échec ;
Les demandeurs, dont les allégations ne sont pas imaginaires et présentent un certain intérêt, justifie, par la production d’un rapport d’expertise amiable, du caractère légitime de leur demande ;
Il y a donc lieu d’y faire droit, dans les conditions détaillées dans le dispositif. Il sera fait droit à la demande légitime des défendeurs sur l’extension des chefs de mission de l’expert.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité et la situation économique des parties ne commandent pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront à la charge des demandeurs.
Nous, Charlotte Masquart, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Vu l’ article 145 du code de procédure civile,
ORDONNONS une expertise,
COMMETTONS pour y procéder
Mme [K] [W]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Tél : [XXXXXXXX01]
Mail : [Courriel 9]
expert, inscrit sur la liste de la Cour d’appel, avec mission de :
* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,
* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,
* se rendre sur les lieux, [Adresse 3] à [Localité 11],
*Examiner les désordres consignés dans le rapport d’expertise amiable de la Société LGEXPERTS DS EXPERTISE en date du 4 décembre 2023 ainsi que dans la présente assignation ;
*Les décrire en précisant leur nature, en rechercher l’origine et les causes,
*Préciser s’ils peuvent s’expliquer ou non par un défaut d’entretien et dater leur apparition,
*Indiquer les conséquences de ces désordres quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique ainsi que de la maison et plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité de leur destination ;
*Proposer les travaux de réfection nécessaires, en chiffrer le coût ainsi que la durée,
*Fournir les éléments techniques et de fait permettant d’apprécier les responsabilités éventuellement encourues, au regard notamment de la qualité de professionnel de la construction de Monsieur [O], ainsi que tous les préjudices subis, donner son avis motivé sur ce point,
*En cas d’urgence reconnue par l’Expert, autoriser Monsieur [U] et Madame [S] à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables, lesquels seront dirigés par le maître d’œuvre et l’entreprise qualifiée de son choix, sous le constat de bonne fin de l’Expert qui, dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance de ces travaux,
*Faire toutes constatations utiles,
* mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,
DISONS que l’expert pourra, si besoin est, se faire assister de tout sapiteur de son choix,
FIXONS à 3000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versé par le demandeur, au plus tard le 30 septembre 2024, entre les mains du régisseur d’avance de recettes de cette juridiction,
IMPARTISSONS à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 6 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,
DISONS qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise,
DISONS que les dépens seront à la charge des demandeurs.
Prononcé par mise à disposition au greffe le NEUF AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE par Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.
LA GREFFIÈRE LA VICE-PRÉSIDENTE
Elodie NINEL Charlotte MASQUART