La SARL SEIA Invest a mandaté la société Dix Heures Dix pour la construction de deux bâtiments d’activité. Le lot « Menuiseries extérieures » a été attribué à la société Talo Energy pour un montant de 71.528,11 euros TTC. SEIA Invest a pris possession des locaux à l’été 2020, mais a constaté des malfaçons et non-conformités. Après une mise en demeure, un expert a été désigné par le juge des référés. En juillet 2021, SEIA Invest a assigné Talo Energy et Dix Heures Dix en justice pour obtenir réparation. L’expert a rendu son rapport en octobre 2021. En novembre 2022, Talo Energy a émis deux factures. En avril 2024, SEIA Invest a demandé la reconnaissance d’une réception tacite des travaux et des indemnités pour les désordres et préjudices. Dix Heures Dix a contesté la réception et a demandé à être déboutée, tandis que Talo Energy a également contesté les demandes de SEIA Invest et a demandé le paiement du solde de son marché. Le tribunal a rendu son jugement le 16 septembre 2024, condamnant in solidum Talo Energy et Dix Heures Dix à indemniser SEIA Invest pour les travaux de reprise et le préjudice de jouissance, tout en établissant un partage de responsabilité entre les deux sociétés. Talo Energy a également été condamnée à garantir Dix Heures Dix pour 80% des condamnations.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU : 16 Septembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 21/01937 – N° Portalis DBZE-W-B7F-H323
AFFAIRE : S.A.R.L. SEIA INVEST C/ S.A.R.L. TALO ENERGY, S.A.S. DIX HEURES DIX
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANCY
POLE CIVIL section 6
JUGEMENT
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRESIDENT : Madame Sandrine ERHARDT, Vice-Présidente
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER : Madame Emilie MARC
PARTIES :
DEMANDERESSE :
S.A.R.L. SEIA INVEST immatriculée au RCS de NANCY sous le numéro 847 960 861 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Bertrand GASSE de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocats au barreau de NANCY, avocats postulant, vestiaire : 11, Maître Aurélie HOUI de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocats au barreau d’ANGERS, avocats plaidant
DEFENDERESSES :
S.A.R.L. TALO ENERGY, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 829 863 760 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Violaine LAGARRIGUE de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocats au barreau de NANCY, avocats postulant, vestiaire : 165, Me Jean-Michel GASTON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
S.A.S. DIX HEURES DIX immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 810 938 399 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Stéphane ZINE, avocat au barreau de THIONVILLE, avocat plaidant, vestiaire : Me Valentine GUISE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant, vestiaire : 165
Clôture prononcée le : 14 mai 2024
Débats tenus à l’audience du : 05 Juin 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 16 Septembre 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 16 Septembre 2024
le
Copie+grosse+retour dossier : Maître Bertrand GASSE, Maître Violaine LAGARRIGUE et MaîtreValentine GUISE
La SARL SEIA Invest a confié à la société Dix Heures Dix la maîtrise d’oeuvre pour la construction de deux bâtiments d’activité sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 4].
Le lot n° 7 « Menuiseries extérieurs » a été attribué à la société Talo Energy suivant devis en date du 21 octobre 2019 pour un montant de 71.528,11 euros TTC.
La société SEIA INVEST a pris possession des locaux courant de l’été 2020.
Déplorant des malfaçons et non conformités au contrat, après une mise en demeure de procéder au parfait achèvement de l’ouvrage par le maître d’oeuvre, la société SEIA INVEST a saisi le juge des référés qui a ordonné une mesure d’expertise confiée à Monsieur [Y] par décision du 06 avril 2021.
Par actes d’huissier de justice délivrés le 06 juillet 2021, la SARL SEIA Invest a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nancy la SARL Talo Energy et la SAS Dix Heures Dix, aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum à l’indemniser de ses préjudices.
L’expert a déposé son rapport le 03 octobre 2021.
Le 30 novembre 2022, la SARL Talo Energy a émis deux factures, l’une pour un montant de 71.528,11 euros TTC mentionnant un net à payer de 7.152,61 euros, l’autre pour un montant de 1.399,31 euros TTC mentionnant un net à payer de 139,93 euros.
Par dernières conclusions récapitulatives n°4 transmises par voie électronique le 18 avril 2024, la SARL SEIA Invest sollicite, sur le fondement de l’article 1792-6 du code civil, subsidiairement des articles 1792 et suivants du code civil, et encore plus subsidiairement des articles 1103 et 1231-1 du Code civil, de dire que le lot Menuiseries extérieures a fait l’objet d’une réception tacite, et de condamner in solidum la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy à lui payer les sommes suivantes :
– 13.716,80 euros au titre de la réparation des désordres affectant les menuiseries extérieures,
– 13.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
– 12.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
outre aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Elle fait valoir avoir réglé le coût des travaux de menuiserie et avoir pris possession des lieux, de sorte que le tribunal pourra constater une réception tacite du lot menuiserie avec réserves.
Elle soutient que tant la SAS Dix Heures Dix que la SARL Talo Energy sont responsables au titre de la garantie de parfait achèvement ou subsidiairement sur le fondement de la garantie décennale compte tenu de la nature décennale des désordres et enfin, plus subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour un défaut de suivi du chantier concernant la SAS Dix Heures Dix et pour des fautes d’exécution et de non conformité au contrat concernant la SARL Talo Energy.
Par conclusions récapitulatives n° 4 transmises par voie électronique le 09 janvier 2024, la SAS Dix Heures Dix sollicite de débouter la SARL SEIA Invest de ses demandes, subsidiairement, de la débouter de sa demande au titre du préjudice de jouissance, d’ordonner un partage de responsabilité en retenant une responsabilité de la SARL Talo Energy à hauteur de 90% et en tout état de cause, de rejeter l’appel en garantie de la SARL Talo Energy à son encontre, de réduire à plus juste proportion l’article 700 sollicité par la SARL SEIA Invest et de condamner in solidum la SARL SEIA Invest et la SARL Talo Energy à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens de cette instance et de celle de référé RG n° 21/00024.
Elle fait valoir que les travaux litigieux n’ont pas fait l’objet d’une réception et que tenue d’une obligation de moyen, elle n’a commis aucune faute à l’origine des désordres qui proviennent d’une faute d’exécution de l’entreprise, de sorte que sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée.
Elle expose que s’il était retenu une réception tacite, elle sera alors assortie de réserves et que seul l’entrepreneur est tenu à une garantie de parfait achèvement de son ouvrage.
Elle soutient enfin que la garantie décennale ne pourrait s’appliquer qu’aux désordres tenant aux réglages des portes que l’entreprise devait reprendre dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.
Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juin 2023, la SARL Talo Energy sollicite de débouter la SARL SEIA Invest de ses demandes, de dire qu’elle est fondée à reprendre les désordres n°1,3,4,5,6,8,9,10,11, à titre subsidiaire, de condamner la SAS Dix Heures Dix à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, de condamner la SARL SEIA Invest à lui payer le solde de son marché à hauteur de 7.292,54 euros TTC, outre la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise, dont distraction au profit de Me Lagarrigue.
Elle conteste que ses travaux ont été réceptionnés tacitement, le solde de son marché n’étant pas réglé, de sorte que seule sa responsabilité contractuelle serait susceptible d’être engagée. Elle ajoute qu’il en serait de même en présence d’une réception tacite dès lors que tous les désordres étaient apparents et qu’ils auraient été réservés.
Elle soutient qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle en mesure d’achever ses travaux et d’intervenir pour la reprise des désordres n°1,3,4,5,6,8,9,10,11.
Elle fait observer que l’absence de vitrage anti-effraction au 1er étage du bâtiment a été décidé en cours d’exécution du contrat par la SAS Dix Heures Dix.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2014. L’affaire a été appelée à l’audience du 05 juin 2024. Après dépôt des dossiers, la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 16 septembre 2023.
Sur la réception de l’ouvrage
Suivant l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement ; elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La réception peut également intervenir de manière tacite par la manifestation de volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter l’ouvrage.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la SARL SEIA Invest a pris possession de l’ouvrage à l’été 2020.
Cependant, il ressort du procès-verbal de réception en date du 1er juillet 2020 signé par la SARL SEIA Invest et la SARL Talo Energy que la réception a été différée au 06 juillet 2020 en raison du non achèvement des ouvrages.
A cet égard, la SAS Dix Heures Dix déclare que la réception de l’ensemble du chantier a été effectuée avec réserves à la date du 1er juillet 2020, à l’exception du lot menuiserie.
Contrairement à ce que la SARL SEIA Invest prétend, la SARL Talo Energy n’a pas été réglée de l’intégralité de son marché.
Dans ces conditions, il n’est pas établi une volonté non équivoque de la SARL SEIA Invest de réceptionner le lot menuiserie, de sorte que seule la responsabilité contractuelle de droit commun tant du maître d’œuvre que de l’entreprise est susceptible d’être engagée.
Sur la responsabilité de la SAS Dix Heures Dix et de la SARL Talo Energy
En application de l’article 1231-1 du code civil (ancien article 1147 du code civil), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
La SARL Talo Energy était tenue à l’égard de la SARL SEIA Invest d’une obligation de résultat de fournir une prestation exempt de vice.
Elle devait en outre se conformer aux termes du marché conclu avec la SARL SEIA Invest.
Or l’expert a relevé 13 désordres affectant les menuiseries extérieures posées par la SARL Talo Energy provenant de défauts d’exécution et de non conformités contractuelles, selon la liste suivante :
Désordre n°1. Porte d’entrée
Le balai-joint frotte contre le sol
L’électro-aimant de fermeture n’est pas fixé
Nature du désordre : Défaut d’exécution
Désordre n°2. Fenêtre F3 (bâtiment A au rez-de-chaussée)
Le vitrage n’est pas antieffraction (DRUTEX – 4-16-4 Float)
Nature du désordre : non-conformité contractuelle
Désordre n°3. Fenêtre F2
grille de ventilation à l’extérieur
Nature du désordre : Défaut d’exécution
Désordre n°4. Fenêtre BF1 et FS2
grille de ventilation à l’extérieur
Nature du désordre : Défaut d’exécution
Désordre n°5. baie coulissante BC2
Inversion : verre antivol à l’intérieur
Nature du désordre : Défaut d’exécution
Désordre n°6. fenêtre BC3
Inversion : verre antivol à l’intérieur
Nature du désordre : Défaut d’exécution
Désordre n°7. Fenêtre FC3 (bâtiment A au rez-de-chaussée)
verre non antieffraction
Nature du désordre : non-conformité contractuelle
Désordre n°8. Porte « P »
Un point d’ancrage au lieu de 3 points
Absence de seuil
Ouvertures dans le châssis non étanches
Nature du désordre : non-conformité contractuelle et défaut d’exécution
Désordre n°9. Porte « local TGBT »
n’ouvre pas complètement
Un point d’ancrage au lieu de 3 points
Nature du désordre : non-conformité contractuelle et défaut d’exécution
Désordre n°10. Porte « P2 »
Groom non fixé
Non étanche en partie basse
Nature du désordre : défaut d’exécution
Désordre n°11. porte de secours
Défaut d’étanchéité
Nature du désordre : défaut d’exécution
Désordre n°12. Les 3 fenêtres en mezzanine dans le bâtiment B
verre non antieffraction
Nature du désordre : non-conformité contractuelle
Désordre n° 13. Fenêtre FS1 et FC1 ( étage dans le bâtiment A)
Verre non antieffectation
Nature du désordre : non-conformité contractuelle
La SARL Talo Energy ne conteste pas son obligation de reprendre les désordres n° 1,3,4,5,6,8,9,10 et 11.
Il est dès lors suffisamment caractérisé par l’existence même de ces désordres que la SARL Talo Energy a manqué à son obligation de résultat, aucun élément extérieur constitutif d’une force majeure n’étant à l’œuvre dans l’apparition de ceux-ci.
En revanche, la SARL Talo Energy conteste l’imputation des non-conformités relative au vitrage anti-effraction qui devait être posé au 1er étage du bâtiment (désordre n° 2, 7, 12).
Il convient cependant de noter que les désordres n° 2 et 7 concernent des fenêtres situées au rez-de-chaussée du bâtiment A et que la SARL Talo Energy ne s’est pas positionnée sur le défaut de verre antieffraction sur les trois fenêtres en mezzanine dans le bâtiment B également retenu par l’expert (désordre n°13).
La SARL Talo Energy soutient que si effectivement un verre antieffraction était prévu dans la commande passée par la SARL SEIA Invest pour les fenêtres au 1er étage, la maîtrise d’œuvre a pris la décision, en cours de chantier, de supprimer cette caractéristique du vitrage.
A cet égard, l’expert indiquait en réponse à un dire de la SARL Talo Energy en date du 30 juillet 2021 qu’il n’avait pas connaissance de pièces matérielles permettant de retrouver la démarche d’optimisation budgétaire qui a amené la SARL SEIA Invest à annuler le vitrage antieffraction sur les étages, ne disposant uniquement que du devis du 21 octobre 2019 le prévoyant.
La SARL Talo Energy produit au débat un mail en date du 25 janvier 2020 adressé par la SAS Dix Heures Dix qui indique que dans le croisement des fichiers avec le charpentier, trois lignes concernant trois fenêtres coulissantes à l’étage (FC1, FC2 et FC3) ont été masquées, de sorte qu’il faut les intégrer à la commande de K-Kline.
La SAS Dix Heures Dix précise que les caractéristiques sont identiques au rez-de-chaussée dont il n’est pas contesté par la SARL Talo Energy qu’elles comprenaient l’option antieffraction.
Alors que le vitrage des trois fenêtres devait initialement présenter les caractéristiques 44.2/16/4 trempé 4 avec argon (offre du 21 octobre 2019), soit un vitrage antieffraction, le vitrage demandé par la SAS Dix Heures Dix dans ce mail doit présenter les caractéristiques 4/16/4 qui n’est pas un verre antieffraction, comme l’a relevé l’expert en page 13 de son rapport.
Or ce mail n’indique pas que la commande est modifiée, mais que trois lignes, qui auraient été masquées doivent être réintégrées au reste de la commande.
Il n’est nullement fait état d’une modification de l’option antieffraction et donc d’une baisse de prix devant correspondre à la suppression de cette caractéristique.
Dès lors, la SARL Talo Energy, qui ne démontre pas que la SAS Dix Heures Dix a intentionnellement voulu modifier le vitrage, aurait dû alerter cette dernière sur le fait que les caractéristiques du vitrage contenues dans son mail ne correspondait pas à la commande initiale et aurait dû s’assurer que l’option antieffraction était bien supprimée.
La SAS Dix Heures Dix aurait, quant à elle, dû être vigilante sur cette option dont il n’est pas démontré sa suppression par le maître de l’ouvrage profitant de l’incident de croisement de fichiers pour modifier la commande.
La responsabilité contractuelle de la SAS Dix Heures Dix peut encore être retenue en raison d’un manquement de cette dernière, dont il n’est pas contesté qu’elle avait une mission de maîtrise d’œuvre complète, dans le suivi des travaux, dès lors qu’elle n’a pas vérifié la conformité des menuiseries à la commande (les points d’ancrage et l’option anti effraction) et la bonne exécution de la pose de celles-ci (inversion du vitrage).
En outre, la SAS Dix Heures Dix a failli dans son assistance du maître de l’ouvrage à la réception, en l’absence d’établissement d’un procès verbal avec réserves pourtant demandé par la SARL Talo Energy par mail du 17 juillet 2020, auquel la SAS Dix Heures Dix n’a pas donné suite.
L’analyse du mail du 14 août 2020 de la SARL SEIA Invest adressé à la SAS Dix Heures Dix permet de constater que le maître de l’ouvrage s’interrogeait sur les démarches devant être réalisées par la SAS Dix Heures Dix sur la fin de chantier (levée des réserves, réception, procès-verbaux non signés) et lui demandait d’intervenir.
Il en résulte que la responsabilité contractuelle tant de la SAS Dix Heures Dix que de la SARL SEIA Invest est engagée.
Sur les modalités de reprise des désordres
La SARL Talo Energy propose d’intervenir pour reprendre les désordres n° 1,3,4,5,6,8,9,10 et 11.
La SARL SEIA Invest indique s’en rapporter à cette demande, tout en précisant que l’intervention doit concerner l’ensemble des désordres.
En raison du désaccord entre la SARL SEIA Invest et la SARL Talo Energy sur l’étendue des reprises et du maintien de la demande d’indemnisation à titre principal de la SARL SEIA Invest dans le dispositif de ses conclusions sans référence à une éventuelle réparation en nature par la SARL Talo Energy, la demande de cette dernière doit être rejetée.
L’expert judiciaire a chiffré les désordres comme suit :
• Désordre n°1 : réglage de la porte : 100 euros
• Désordre n°2 : pose d’un vitrage antieffraction : 900 euros
• Désordre n°3 : dépose et repose des grilles de ventilation : 100 euros
• Désordre n°4 : dépose et repose des grilles de ventilation : 100 euros
• Désordre n°5 : dépose et repose des vitrages inversés : 200 euros
• Désordre n°6 : dépose et repose des vitrages inversés : 200 euros
• Désordre n°7 : pose d’un vitrage antieffraction : 900 euros
• Désordre n°8 : pose d’une porte à trois points d’ancrage : 2.000 euros
• Désordre n°9 : pose d’une porte à trois points d’ancrage : 2.000 euros
• Désordre n°10 : réglage de la porte : 100 euros
• Désordre n°11 : réglage de la porte : 100 euros
• Désordre n°12 : pose de 3 vitrages antieffraction (900€ x 3) : 2.700 euros
• Désordre n°13 : : pose de 2 vitrages antieffraction (900€ x 2) : 1.800 euros
Soit au total 11.200 euros.
L’expert a dû estimer de façon forfaitaire le coût des reprises, faute de présentation de devis par la SARL SEIA Invest et par la SARL Talo Energy malgré ses demandes.
La SARL SEIA Invest ne produit pas davantage de devis dans le cadre de la présente instance.
Toutefois, il convient d’observer que l’expert a évalué, en 2021, le coût de la reprise a minima.
Pour cette raison et compte tenu de l’évolution des prix, il sera fait droit à la demande de la SARL SEIA Invest, qui a appliqué l’indice BT45 et BT 43 à chaque poste de reprise, de paiement de la somme de 13.716,80 euros TTC.
Ainsi, la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy qui ont contribué à l’entier dommage de la SARL SEIA Invest doivent être condamnées in solidum à lui payer la somme de 13.716,80 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise.
Sur la demande de réparation du préjudice de jouissance
L’expert judiciaire a relevé que les désordres affectant l’étanchéité des menuiseries causaient un inconfort pour les occupants, notamment en hiver et que les défauts d’étanchéité atteignaient l’ouvrage dans sa destination dû à l’inconfort en période hivernale, outre la vulnérabilité de l’ouvrage en l’absence de vitrages antieffraction.
L’analyse du rapport de mesure de perméabilité à l’air établi le 03 octobre 2020 permet de constater l’existence de fuites importantes à très importantes par les portes.
Le préjudice de jouissance des lieux est ainsi caractérisé par l’inconfort d’entrée d’air surtout en période hivernale, et ce d’autant plus que l’immeuble est à usage de bureau et accueille des travailleurs.
Les photographies sans datation produites par la SARL SEIA Invest de flaques d’eau au sol près de portes ne sont pas probantes, dans la mesure où elles ne permettent pas d’établir avec certitude la localisation et la fréquence des désordres.
La SARL SEIA Invest ayant pris possession des lieux à l’été 2020, il convient d’indemniser son préjudice de jouissance sur une durée de quatre années.
Il lui sera alloué la somme de 2.000 euros, somme que devront supporter in solidum la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy.
Sur les appels en garantie
Eu égard aux fautes de chacun des intervenants précédemment établies et à leur sphère d’intervention respective, le partage de responsabilités doit être fixé comme suit :
– la SARL Talo Energy : 80%
– la SAS Dix Heures Dix : 20%.
En conséquence, il convient de condamner la SAS Dix Heures Dix à garantir la SARL Talo Energy des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice matériel et de jouissance de la SARL SEIA Invest à hauteur de 20%.
Il convient en outre de condamner la SARL Talo Energy à garantir la SAS Dix Heures Dix des condamnations prononcées à son encontre au titre du préjudice matériel et de jouissance de la SARL SEIA Invest à hauteur de 80%.
Sur la demande de paiement de la SARL Talo Energy du solde de son marché
La SARL Talo Energy produit deux factures en date du 30 novembre 2022 postérieures au dépôt du rapport d’expertise judiciaire et à l’engagement de la présente procédure.
La SARL Talo Energy expose que la SARL SEIA Invest ne les conteste pas, alors que cette dernière indique avoir réglé l’intégralité du marché de la SARL Talo Energy, sans pour autant le démontrer.
Les deux factures correspondent aux deux devis produits par la SARL SEIA Invest non contestés.
Dans ces conditions, la SARL SEIA Invest doit être condamnée à payer à la SARL Talo Energy la somme de 7.292,54 euros TTC au titre du solde de son marché.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, parties perdantes, la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy supporteront la charge des entiers dépens.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
Il est équitable que la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy soient condamnées à payer à la SARL SEIA Invest une indemnité de 5.000 euros en compensation des frais, non compris dans les dépens, qu’elle a du exposer pour sa défense.
Parties tenues aux dépens et parties perdantes, la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy ne peuvent prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles. Leurs demandes doivent être rejetées.
La charge finale des dépens et de cette indemnité sera répartie au prorata des responsabilité retenues ci-dessus.
L’article 514 du code de procédure civile applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il n’existe pas d’éléments de nature à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et susceptible d’appel :
Condamne in solidum la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy à payer à la SARL SEIA Invest la somme de 13.716,80 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise ;
Condamne in solidum la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy à payer à la SARL SEIA Invest la somme de 2.000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
Dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera de la manière suivante :
– la SARL Talo Energy : 80%
– la SAS Dix Heures Dix : 20%.
Condamne la SAS Dix Heures Dix à garantir la SARL Talo Energy des condamnations précitées à hauteur de 20% ;
Condamne la SARL Talo Energy à garantir la SAS Dix Heures Dix des condamnations précitées à hauteur de 80% ;
Condamne la SARL SEIA Invest à payer à la SARL Talo Energy la somme de 7.294,54 euros TTC au titre du solde de son marché ;
Condamne in solidum la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy à payer à la SARL SEIA Invest la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la SAS Dix Heures Dix et la SARL Talo Energy aux entiers dépens, comprenant ceux de l’instance en référé et les frais d’expertise ; judiciaire ;
Dit que la charge finale des dépens et de celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus ;
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit attachée à la présente décision.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2024, le présent jugement étant signé par la présidente et la greffière.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE