M. [P] [M] a contracté un prêt personnel de 58.815 euros auprès de BNP Paribas le 27 mars 2020, remboursable en 143 mensualités à un taux de 4,45 %. Suite à des impayés, la déchéance du terme a été prononcée. Le 1er mars 2024, la société MCS ET ASSOCIES, représentant BNP Paribas, a assigné M. [P] [M] en justice pour obtenir le paiement de 58.994,91 euros, incluant une indemnité de clause pénale et des intérêts. M. [P] [M] n’a pas comparu à l’audience. Le jugement du 16 septembre 2024 a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour MCS ET ASSOCIES, condamné M. [P] [M] à payer 47.629,77 euros sans intérêts, débouté MCS ET ASSOCIES de sa demande d’indemnité de clause pénale, rejeté la demande de capitalisation des intérêts, et condamné M. [P] [M] à payer 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Pôle de proximité
[Adresse 1]
[Localité 5]
N° minute : 1402
Références : R.G N° N° RG 24/00744 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-P6HR
JUGEMENT
DU : 16 Septembre 2024
S.A.S. MCS ET ASSOCIES
C/
M. [P] [M]
JUGEMENT
Audience publique de ce Tribunal judiciaire, tenue le 16 Septembre 2024.
DEMANDERESSE:
S.A.S. MCS ET ASSOCIES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Céline NETTHAVONGS, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEUR:
Monsieur [P] [M]
domicilié chez Chez [J] [M]
[Adresse 2]
[Localité 6]
non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Fabian BACHEM, Juge des Contentieux de la Protection
Greffier : Sophie LASNE, F.F. Greffier
DEBATS :
Audience publique du 13 Juin 2024
JUGEMENT :
Réputé contradictoire et en premier ressort, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, par Fabian BACHEM, Juge des Contentieux de la Protection, assisté de Sophie LASNE, F.F. Greffier
Copie exécutoire délivrée le :
À : + 1CCC à Me NETTHAVONGS
Par acte sous seing privé en date du 27/03/2020, M. [P] [M] a contracté auprès de la société BNP Paribas, un prêt personnel en regroupement de crédits d’un montant de 58.815 euros remboursable en 143 mensualités moyennant un taux débiteur annuel fixe de 4,45 %. A la suite d’impayés, la déchéance du terme a été prononcée.
Par acte d’huissier de justice en date du 1/03/2024, la société MCS ET ASSOCIES, venant aux droits de la société BNP Paribas, a fait assigner M. [P] [M] devant le juge des contentieux de la protection d’Evry aux fins de voir :
– condamner M. [P] [M] à lui payer la somme de 58.994,91 euros dont la somme de 4.038,85 euros d’indemnité de clause pénale outre les intérêts au taux contractuel et au taux légal sur l’indemnité légale, à compter de la mise en demeure,
– ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,
– condamner M. [P] [M] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cité par acte d’huissier délivré par remise à l’étude, M. [P] [M] n’a pas comparu à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 16/09/2024, date du prononcé du jugement par mise à disposition au greffe.
* *
SUR QUOI
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 01/07/2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur numérotation et rédaction en vigueur après le 01/05/2011.
L’article L.141-4 devenu l’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation; qu’au regard des pièces produites, il y a lieu de relever d’office le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L.311-48 devenu les articles L.341-1 et suivants du code de la consommation en raison de l’absence de contrat original rendant incertaine la vérification de la régularité formelle de l’offre de prêt.
La société MCS ET ASSOCIES a préalablement présenté ses observations sur ce point de sorte qu’il est inutile de procéder à une réouverture des débats, les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile ayant été respectées.
Sur les obligations du prêteur
Aux termes de l’article L.311-48 devenu les articles L.341-1 à L.341-9 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit en manquant aux obligations fixées par les articles L. 312-12 ou L. 312-85 pour l’information précontractuelle, L.312-14 et L. 312-16 pour le devoir d’explication et la vérification de la solvabilité, L. 312-7 pour la fiche de renseignements, L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92 pour la formation du contrat, L. 312-64, L. 312-65 et L. 312-66 pour la formation du contrat de crédit renouvelable, L. 312-31 ou L. 312-89 pour la modification du taux débiteur, L. 312-68, L. 312-69 et L. 312-70 pour les modalités d’utilisation du crédit renouvelable, est déchu du droit aux intérêts.
L’article 1353 du code civil dispose qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver ; qu’il appartient ainsi au prêteur, qui prétend obtenir paiement des intérêts au taux conventionnel, d’établir qu’il a satisfait aux formalités d’ordre public prescrites par le code de la consommation, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation relativement à plusieurs irrégularités sanctionnées de la déchéance du droit aux intérêts (Civ. 1ère, 10 avril 1996; Civ. 1ère, 28 septembre 2004).
Sur le contrat de crédit
Les articles L.311-18 et R.311-5 devenus les articles L.312-28 et R.312-10 du code de la consommation fixent les conditions de présentation des mentions obligatoires du contrat de crédit.
Aux termes de l’article R.311-5 devenu l’article R.312-14 du code de la consommation auquel renvoie l’article L.311-18 devenu l’article L.312-28, le contrat doit être rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure au corps huit.
Afin de s’assurer du respect de cette prescription réglementaire, il convient de diviser la hauteur en millimètres d’un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu’il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.
En l’espèce, cette vérification permet d’établir qu’une partie du contrat produit aux débats est rédigée en caractères d’une hauteur inférieure au corps huit, plusieurs paragraphes comportant des lignes d’une hauteur inférieure à trois millimètres (en l’espèce, 2,375 mm) .
Or, l’offre de crédit produite n’est pas l’original du contrat, et la copie d’un acte juridique ne constitue qu’un commencement de preuve par écrit.
Si la photocopie d’un contrat peut certes faire foi de son contenu, elle ne permet pas en effet de vérifier, s’agissant d’une offre préalable de prêt, que celle-ci a été faite dans le respect des exigences légales relatives à la présentation du document, notamment celles de l’article R. 311-5 I devenu R. 312-10 du code de la consommation.
Seule la production de l’original permet de faire le constat du respect de ces prescriptions, la taille des caractères des documents photocopiés ne correspondant jamais exactement à celle de l’original et pouvant être modifiée par l’opérateur.
Malgré la charge de la preuve qui pèse sur lui, le préteur ne produit aucun élément de preuve extérieur à sa personne susceptible d’établir le caractère réglementaire des caractères d’imprimerie utilisés.
Il en résulte que la copie de l’offre produite par le prêteur ne présente pas la régularité formelle imposée par les dispositions précitées.
En conséquence, le prêteur doit être intégralement déchu de son droit aux intérêts conventionnels.
Sur le montant de la créance
En vertu du contrat de prêt signé par les parties en date du 27/03/2020 et le décompte de la créance produit aux débats, la société MCS ET ASSOCIES sollicite la somme de 58.994,91 euros.
Les articles L.311-24 et D.311-6 devenus les articles L.312-39 et D.312-16 du code de la consommation disposent qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut lui demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance. En application de ces dispositions, la société MCS ET ASSOCIES demande à M. [P] [M] de lui verser cette indemnité dont le montant a été calculé en l’espèce à la somme de 4.038,85 euros.
L’article L.311-48 devenu l’article L.341-8 du code de la consommation prévoit qu’en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu restant dû. Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité prévue à l’article L.311-24 devenu l’article L.312-39 du code de la consommation. La demande de la société MCS ET ASSOCIES formulée à ce titre sera donc rejetée.
L’article L.311-24 devenu l’article L.312-39 du code de la consommation dispose qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
L’article L.311-48 devenu l’article L.341-8 du code de la consommation précise cependant qu’en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l’espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; que les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.
Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société MCS ET ASSOCIES à hauteur de la somme de 47.629,77 euros au titre du capital restant dû.
L’article L.311-23 devenu l’article L.312-38 du code de la consommation dispose qu’aucun coût autre que ceux prévus aux articles L.311-24 et L.311-25 devenus les articles L.312-39 et L.312-40 du code de la consommation et à l’exception des frais taxables occasionnés par la défaillance de l’emprunteur, ne peut être mis à la charge de celui-ci. Cette disposition conduit donc au rejet de la demande de capitalisation des intérêts, l’article L.311-23 devenu l’article L.312-38 du code de la consommation ne prévoyant pas la mise à la charge de l’emprunteur de ce coût supplémentaire.
Sur les intérêts légaux
Il a été jugé que bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 (ancien 1153) du code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance des intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48 de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.
Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, notamment de son article 23 ainsi qu’en référence à l’arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan), et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient donc de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier et disant que la somme restant due en capital ne portera pas intérêts au taux légal.
Sur les demandes accessoires
M. [P] [M] succombe à l’instance, il y a lieu de le condamner aux entiers dépens de l’instance.
Il y a lieu de condamner M. [P] [M] à payer à la société MCS ET ASSOCIES la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
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LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION,
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la société MCS ET ASSOCIES au titre du prêt souscrit par M. [P] [M] le 27/03/2020, à compter de cette date ;
CONDAMNE M. [P] [M] à payer à la société MCS ET ASSOCIES la somme de 47.629,77 euros au titre du contrat de crédit du 27/03/2020 ;
DIT que ce capital ne produira pas intérêts au taux légal ;
DÉBOUTE la société MCS ET ASSOCIES de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale ;
REJETTE la demande de capitalisation des intérêts ;
RAPPELLE que le présent jugement sera non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date ;
CONDAMNE M. [P] [M] à payer à la société MCS ET ASSOCIES la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [P] [M] aux entiers dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.
Le Greffier
Le Président