La société Paris Pierre, promoteur immobilier, a engagé la société Cadence architectes associés pour la maîtrise d’œuvre d’un projet de construction à [Localité 10], avec un contrat signé le 30 septembre 2013. Le permis de construire initial, délivré le 27 juin 2014, prévoyait 58 logements, mais a été modifié pour en inclure 62. Les travaux ont commencé fin octobre 2015, mais des tensions sont rapidement apparues entre les deux parties, entraînant de nombreux échanges de courriers. En octobre 2017, Cadence a proposé une résiliation amiable, mais Paris Pierre a mis en avant des manquements. La réception des travaux a eu lieu en janvier 2018, suivie de la livraison entre janvier et mars 2018. Cadence a ensuite réclamé des honoraires, mais Paris Pierre a contesté ces demandes. Le 25 juin 2018, Paris Pierre a résilié le contrat. Cadence a alors assigné Paris Pierre en paiement, mais le tribunal a débouté Cadence de ses demandes et a condamné Cadence à payer Paris Pierre. Ce jugement a été contesté par Cadence en appel, qui a demandé l’infirmation de la décision et la reconnaissance de ses créances. Paris Pierre a également formé un appel incident pour contester certaines décisions du tribunal. La cour a finalement infirmé le jugement en partie, condamnant Paris Pierre à verser une somme à Cadence et déboutant Paris Pierre de ses demandes reconventionnelles.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 54Z
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/00301
N° Portalis DBV3-V-B7F-UINC
AFFAIRE :
S.A.R.L. CADENCE ARCHITECTES ASSOCIÉS
C/
S.N.C. PARIS PIERRE OZOIR LA FERRIERE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2020 par le tribunal judiciaire de NANTERRE
N° RG : 18/06488
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Sabrina GOZLAN-JANEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
S.A.R.L. CADENCE ARCHITECTES ASSOCIÉS
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me Carole FROSTIN, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉE
S.N.C. PARIS PIERRE OZOIR-LA-FERRIERE
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Sabrina GOZLAN-JANEL de la SELARL GOZLAN-JANEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 480
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Mai 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
La société Paris Pierre [Localité 10] (ci-après « la société Paris Pierre »), promoteur immobilier, a entrepris une opération de construction consistant en l’édification d’un ensemble immobilier à [Localité 10] (77).
Elle a confié à la société Cadence architectes associés (ci-après « la société Cadence ») la maîtrise d »uvre complète de l’opération, moyennant des honoraires de 310 000 euros HT, suivant contrat de maîtrise d »uvre de conception et d’exécution du 30 septembre 2013.
Le permis de construire initial délivré le 27 juin 2014 portait sur 58 logements en accession R + 2 + combles et parkings sur deux niveaux de sous-sol.
Trois permis modificatifs ont été accordés les 12 février et 23 mars 2015 puis le 30 juin 2016 portant le nombre de logements à 62.
Les travaux ont débuté fin octobre 2015.
Les relations entre les parties se sont progressivement dégradées, générant un échange de quatre-vingt-dix courriers recommandés.
Le 12 octobre 2017, la société Cadence a proposé la résiliation amiable du contrat et le changement de l’équipe de maîtrise d »uvre.
Par courriers des 16 et 25 octobre 2017, le maître d’ouvrage a souligné l’ensemble des manquements qu’il reprochait à la société Cadence tout en s’étonnant de la proposition de résiliation amiable.
La réception des travaux a eu lieu le 16 janvier 2018 et la livraison tant des parties communes que des parties privatives a eu lieu du 22 janvier au 5 mars 2018.
L’architecte a adressé au maître de l’ouvrage plusieurs demandes de règlement d’honoraires auxquelles il n’a pas été donné suite.
La société Cadence estimant disposer d’une créance fondée en son principe à hauteur de 60 104,40 euros TTC, avec intérêts, à l’encontre de la société Paris Pierre, a obtenu devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre l’autorisation d’inscrire une hypothèque provisoire sur les biens encore détenus par cette dernière, à concurrence de 36 847,54 euros, dénoncée le 20 juin 2018.
Invoquant différents griefs, le maître de l’ouvrage a résilié le contrat de maîtrise d »uvre le 25 juin 2018.
Par exploit du 2 juillet 2018, la société Cadence a fait assigner la société Paris Pierre en paiement devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Par un jugement contradictoire du 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– débouté la société Cadence de toutes ses demandes,
– condamné la société Cadence à payer à la société Paris Pierre la somme de 469 049,42 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2019,
– ordonné la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire publiée le 12 juin 2018 au service de publicité foncière de Melun (références de publication 2018V3717) sur les lots de copropriété 14, 15 et 57 situés à [Adresse 11], cadastrés BH [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7], [Cadastre 8],
– débouté la société Paris Pierre de ses demandes relatives au trop-perçu de la société Iper à hauteur de 33 501,06 euros TTC, aux pénalités de retard contractuelles à hauteur de 7 440 euros, au préjudice financier et moral à hauteur de 50 000 euros et au préjudice financier résultant de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire à hauteur de 50 000 euros,
– condamné la société Cadence à payer à la société Paris Pierre la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Cadence aux dépens, dont distraction au profit de Me Gozlan-Janel,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Le tribunal n’a pas retenu la demande principale en paiement la somme de 60 104,40 euros, estimant que la société Cadence avait été négligente dans le suivi des travaux et dans la surveillance du chantier, qu’elle avait commis une faute dans l’exécution de sa mission et qu’elle ne fournissait pas les factures et les éléments nécessaires pour justifier sa créance. Le tribunal a ainsi retenu l’exception d’inexécution opposée par la société Paris Pierre au vu des nombreux manquements.
Il a jugé que la société Cadence n’avait pas effectué les opérations de livraison, qu’elle n’avait pas assisté le maître d’ouvrage pendant les opérations de livraison, que les décomptes généraux définitifs (DGD) n’avaient pas été transmis au maître d’ouvrage avant la résiliation du 25 juin 2018 ce qui avait empêché ce dernier de les notifier aux entreprises et qu’elle ne démontrait pas avoir accompli sa mission au titre des travaux modificatifs acquéreur (TMA).
Il a retenu que les demandes au titre des missions prévues mais non facturées et celles consécutives à la modification du programme et non facturées, n’avaient jamais été formées avant l’instance et qu’elles n’étaient pas justifiées.
Il a rappelé que le contrat ne prévoyait pas d’honoraires supplémentaires pour les modifications émanant du maître d’ouvrage, en dehors de celles demandées par les acquéreurs.
Il a néanmoins rejeté les demandes d’indemnité de résiliation non prévue au contrat, de pénalités de retard non imputables au maître d »uvre et du trop-payé non justifié.
Il a estimé que le trop-payé à la société Enocil était démontré et qu’il résultait d’un manquement de la société Cadence qui n’avait pas établi les situations de travaux.
Il a rejeté les demandes de dommages-intérêts supplémentaires et de mainlevée d’hypothèque.
Par déclaration du 15 janvier 2021, la société Cadence a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions n°7, remises au greffe le 24 mai 2024, la société Cadence demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes,
– de juger qu’elle justifie du bien-fondé de ses demandes au titre des prestations réalisées et au titre de son préjudice moral,
– en conséquence, de condamner la société Paris Pierre à lui payer la somme de 59 713,35 euros TTC au titre des prestations réalisées, avec intérêts légaux à compter de l’assignation au fond et anatocisme,
– de condamner la société Paris Pierre à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral,
– d’infirmer la décision en ce qu’elle l’a condamnée à payer à la société Paris Pierre la somme de 469 049,42 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2019, ordonné la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire publiée le 12 juin 2018 au service de publicité foncière de Melun (références de publication 2018V3717) sur les lots de copropriété 14, 15 et 57 situés à [Adresse 11], cadastrés BH [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et en ce qu’elle l’a condamnée aux frais irrépétibles et aux dépens,
– de juger que la société Paris Pierre ne justifie ni de la recevabilité ni du bien-fondé de sa réclamation,
– en conséquence, de débouter la société Paris Pierre de sa demande formée à hauteur de 469 049,42 euros TTC avec intérêts légaux,
– de juger qu’il n’y a pas lieu à ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire publiée le 12 juin 2018 au service de publicité foncière de Melun,
– de rejeter l’intégralité des demandes de la société Paris Pierre,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Paris Pierre relatives aux pénalités de retard contractuelles à hauteur de 7 440 euros, au trop-perçu de la société Iper à hauteur de 33 501,06 euros TTC, au préjudice financier et moral de 50 000 euros et au préjudice financier résultant de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire à hauteur de 50 000 euros,
– en conséquence, de rejeter la demande de la société Paris Pierre relative aux prétendues pénalités de retard contractuelles à hauteur de 7 440 euros,
– de rejeter la demande de la société Paris Pierre relative au prétendu trop-perçu de la société Iper à hauteur de 33 501,06 euros,
– de rejeter la demande de la société Paris Pierre relative au prétendu préjudice financier et moral de 50 000 euros et de la débouter de l’ensemble de ses prétentions,
– de rejeter la demande de la société Paris Pierre relative au prétendu préjudice financier résultant de l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire à hauteur de 50 000 euros,
– de condamner la société Paris Pierre à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Me Debray.
Aux termes de ses conclusions n°4, remises au greffe le 23 mai 2024, la société Paris Pierre forme appel incident et demande à la cour :
– de débouter la société Cadence de son appel comme étant non fondé,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes relatives au trop-perçu de la société Iper à hauteur de 33 501,06 euros, aux pénalités de retard contractuelles à hauteur de 7 440 euros, au préjudice financier et moral à hauteur de 50 000 euros et au préjudice financier résultant de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire à hauteur de 50 000 euros,
– de condamner la société Cadence à lui régler la somme de 7 440 euros au titre des pénalités de retard contractuelles,
– de condamner la société Cadence à lui régler la somme de 50 000 à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier et moral,
– de condamner la société Cadence à lui régler la somme de 33 501,06 euros TTC euros TTC à titre de dommages-intérêts au titre du trop-versé à la société Iper, outre intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2018, date de réception du courrier de mise en demeure,
– de condamner la société Cadence à lui régler la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice financier consécutif à l’inscription abusive de l’hypothèque judiciaire provisoire,
– de confirmer le jugement en ses autres dispositions,
– de condamner la société Cadence à lui régler la somme de 30 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société Cadence aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Gozlan-Janel, avocat postulant.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue à l’audience du 27 mai 2024. L’affaire avait été initialement fixée à l’audience de plaidoirie du 21 novembre 2022 et renvoyée à l’audience du 26 juin 2023 puis à l’audience du 27 mai 2024 en raison de l’indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 16 septembre 2024.
Les parties s’entendent sur l’application des principes de la responsabilité contractuelle des articles 1134, 1147 et 1184, dans leur version applicable au litige et de la responsabilité délictuelle de l’article 1382 du code civil.
Il incombe à celui qui s’en prévaut, de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre le manquement contractuel ou délictuel invoqué à l’encontre d’une partie et le dommage en résultant.
Il est également rappelé, à titre préliminaire, que l’architecte est tenu, de façon générale, à un devoir de conseil et à une obligation de moyens qui varie selon le contrat qui le missionne.
Il n’est pas contesté que les parties ont signé le 30 septembre 2013 un contrat de maîtrise d »uvre conception exécution en mission complète pour une opération de construction de 58 logements en accession, commerce et parking et qu’un cahier des missions de maîtrise d »uvre y était annexé.
Pendant l’exécution des travaux, le maître d »uvre coordonne les travaux, vérifie le respect des règles de sécurité, l’évolution des coûts, les situations de travaux. Il doit apprécier la nécessité de faire certains travaux supplémentaires. L’architecte est responsable du retard et de la surveillance des travaux, sans être tenu à une présence quotidienne sur le chantier.
Au moment de la réception de l’ouvrage, en fin de travaux, il assiste à la réception qui marque la fin de la mission des locateurs d’ouvrage.
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
L’article 9 du code de procédure civile rappelle qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Sur le bien-fondé de la demande en paiement de la somme de 59 713,35 euros TTC au titre des honoraires
La société Cadence réclame le paiement des factures suivantes, d’un montant total de 33 276,33 euros TTC, émises dans le cadre du contrat initial de base :
Facture 11/5.764 – suivi de chantier nov. 2017 : 5 904,76 euros HT / 7 085,71 euros TTC
Facture 12/5.793 – suivi de chantier déc. 2017 : 5 904,76 euros HT / 7 085,71 euros TTC
Facture 01/5.810 – livraison à 74 % : 4 588 euros HT / 5 505,60 euros TTC
Facture 01/5.811- visite après cloisons solde : 806 euros HT / 967,20 euros TTC
Facture 03/5.827- livraison solde : 1 612 euros HT / 1 934,40 euros TTC
Facture 03/5.828 – levée des réserves : 4 650 euros HT / 5 580 euros TTC
Facture 03/5.829 – gestion des TMA : 4 264,75 euros HT / 5 117,70 euros TTC.
Elle réclame par ailleurs une somme de 13 503,60 euros répartie comme suit :
– 5 580 euros TTC au titre du DGD
– 5 580 euros TTC au titre de l’obtention de la conformité
– 2 343,60 euros TTC au titre de 42 % de l’année de parfait achèvement
Elle réclame enfin le paiement des factures liées à la modification de programme, soit une somme totale de 10 777,85 euros HT / 12 933,42 euros TTC :
Facture 10/5.757 – suivi de chantier (19 mois) : 7 064,39 euros HT / 8 477,27 euros TTC
Facture 11/5.765 – suivi de chantier (1 mois) : 88,18 euros HT / 105,82 euros TTC
Facture 12/5.794 – suivi de chantier (1 mois) 88,18 euros HT / 105,82 euros TTC
Solde opération 4 logements : 3 537,10 euros HT / 4 244,52 euros TTC.
Elle produit à l’appui de sa demande le contrat de maîtrise d »uvre, le cahier des missions, le permis de construire modificatif, les dix notes d’honoraires et les mises en demeure.
Pour s’opposer au paiement l’intimée conteste le montant correspondant au « solde opération 4 logements » qui ne correspond à aucune facture, la présence de TVA pour les missions non facturées. Elle soutient que les prestations, facturées ou non, n’ont pas été exécutées et invoque l’exception d’inexécution et l’incohérence des quantums du fait de leur évolution.
Il est exact que les montants réclamés ont été réduits à la baisse. Ce seul constat à lui seul ne constitue pas un manquement. À l’exception de la somme réclamée au titre du solde opération, les quantums ne sont pas contestés.
Aux termes de l’article 1219 du code civil : « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
Il incombe au juge d’apprécier si l’inexécution invoquée est suffisamment grave.
Il convient par conséquent de reprendre les griefs invoqués par l’intimée afin d’apprécier s’ils sont de nature à justifier une inexécution de paiement.
Sur les notes d’honoraires 11/5.764 et 12/5.793 d’un montant total de 14 171,42 euros TTC
Sur la présence d’un sous-traitant non déclaré sur le chantier
Il ressort de pièces produites que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) annexé à chaque marché rappelle les règles relatives à la sous-traitance, de même que les comptes-rendus de chantier et que sur les vingt-deux entreprises intervenues, seule la société MDC n’a pas respecté l’obligation de déclaration.
Néanmoins, le maître d »uvre n’ayant qu’une obligation de moyen, le délai de quatre semaines pour découvrir cette situation ne caractérise pas un manquement grave, d’autant qu’il a immédiatement informé le maître d’ouvrage de cette situation (pièce 17) puis adressé une mise en demeure à l’entreprise concernée (pièce 18), mis en ‘uvre les sanctions contractuelles (pièce 19) et vérifié la régularisation (pièce 20).
Sur les reproches relatifs aux certificats de paiement
Il ressort des pièces que si le maître d »uvre a établi au profit de la société Dufay Mandre un certificat de paiement d’un montant de 470 euros supérieur au cautionnement, le même certificat mentionne une retenue de garantie de 300 euros (pièce 70) et que ce point a été abordé dans le courrier du 12 octobre adressé au maître d’ouvrage (pièce 18). Aucun manquement grave n’est démontré.
Concernant la société SPCC, si la délégation de paiement accordée à l’entreprise Couvetanch n’a pas été prise en compte dans les certificats de paiement n°5 et 6, c’est parce que la sous-traitance prévue a été annulée le 1er juin 2017, ce dont le maître d’ouvrage avait été informé (pièces 71, 104 et 114). Le reproche n’est pas fondé.
Sur la non-vérification et la transmission tardive des fiches de choix
Il ressort du dossier que les 62 acquéreurs devaient émettre des choix concernant les revêtements muraux des salles de bains et des revêtements de sols dans les appartements et qu’il incombait au maître d’ouvrage d’établir ces fiches de choix.
La société Cadence soutient avoir transmis sans délai ces fiches aux entreprises, en fonction de leur réception et produit les courriels en attestant (pièces 21 à 26). Elle précise que les deux dernières ont été adressées directement par le maître d’ouvrage aux entreprises concernées (pièces 27 à 31).
Il apparaît que seul le maître d’ouvrage était en relation avec les acquéreurs et qu’il ne peut donc être demandé au maître d »uvre de solliciter des précisions ou des compléments. La vérification ne pouvait donc porter que sur l’existence des choix et non sur leur exactitude.
Dans ces conditions, aucun manquement ni ralentissement imputable à l’architecte n’est avéré sur cette gestion.
Sur le carnet de décoration
L’intimée reproche à la société Cadence de ne pas avoir établi le « carnet de décoration » mentionné au compte-rendu de chantier du 7 novembre 2017 (pièce 33) alors qu’il apparaît que le carnet dit de détail de marché concerne le logement témoin technique et correspond à la fiche de choix établie entre l’acquéreur et le maître d’ouvrage et non au plan de décoration qui concerne les parties communes.
Il ressort des courriels que la fiche de choix relative au logement témoin n’a été communiquée par le maître d’ouvrage au maître d »uvre que le 28 août 2017 (pièce 34) et modifiée le 21 septembre (pièce 38 et 39). En outre, la société Cadence justifie avoir établi et fourni, conformément au cahier de mission, les plans et carnets de détail des parties communes (pièces 115 à 124).
Ce reproche n’est pas caractérisé.
Sur le logement témoin technique
L’intimée reproche à la société Cadence d’avoir produit avec retard, en décembre 2017, le logement témoin technique (lot A107) qui devait être livré le 15 septembre 2017. Elle affirme que les tests n’ont pas pu être réalisés.
Il est admis que ce type de logement doit être achevé lors de la réalisation des tests techniques. Le tribunal a relevé que la fiche de choix de ce logement n’avait été transmise que le 28 août 2017 (pièce 34).
La société Cadence invoque plusieurs causes de retard : le choix tardif de la porte palière le 19 juillet (pièce 35), sa livraison le 12 septembre, l’intervention de l’entreprise RSD à partir du 14 septembre après signature de l’ordre de service par le maître d’ouvrage le 6 septembre (pièces 36 et 37), une demande de travaux modificatifs acquéreurs transmise le 21 septembre par le maître d’ouvrage (pièces 38, 39 et 40) et l’accord du maître d’ouvrage sur le devis plomberie le 17 octobre 2017 (pièce 41).
Il ressort de cette chronologie, non contestée par l’intimée, que le retard n’est pas imputable à la société Cadence, que la réalisation de ce logement témoin a permis l’obtention, en mars 2018 de la certification NF habitat (pièce 43, 105 et 125) et que cette obtention nécessitait des mesures en fin de chantier.
La preuve d’un manquement imputable au maître d »uvre n’est pas rapportée.
Sur les chapes dans les commerces
L’intimée reproche à la société Cadence d’avoir ignoré la nécessité de faire réaliser les chapes des commerces et de ne pas avoir suivi l’avis du bureau Qualiconsult.
Il ressort néanmoins de la notice de sécurité annexée à la demande de permis de construire (pièce 44), du CCTP marché du lot 10 « chapes » (pièce 106), du devis (pièces 107 et 108) que les commerces devaient être livrés en tant que volume vide, à charge pour le futur acquéreur de faire réaliser l’aménagement intérieur. La production de l’étude thermique (pièce 126) confirme que l’isolation sur la dalle par chape thermique avec isolant est localisée dans les logements. La pièce graphique produite par l’intimée (n°102) a été annotée par celle-ci et ne peut rapporter la preuve d’un engagement contractuel. Il faut aussi relever l’absence de signalement des entreprises en charge du lot chapes qui n’en ont chiffré aucune pour les commerces.
Il est également établi que le contrôleur technique Qualiconsult a levé sa réserve au sujet des chapes après avoir reçu les justificatifs contractuels (pièce 45). Le contrôleur technique a également validé l’isolation acoustique entre les commerces et les logements concernant la dalle haute du rez-de-chaussée.
Enfin, l’intimée produit une pièce n°103 qui comporte une anomalie de date sur laquelle il n’a pas été répondu. Elle n’est par conséquent pas probante.
Le manquement n’est pas démontré.
Sur l’absence de levée des réserves par le contrôleur technique
L’intimée reproche à la société Cadence de ne pas avoir pris en compte les réserves du bureau de contrôle notamment sur le lot « menuiseries extérieures » et « serrureries » et fait valoir que le pré-rapport de contrôle technique établi le 6 février 2018, soit après la réception, comporte trois pages d’avis suspendus non levés dont les garde-corps, jugés non prioritaires par la société Cadence.
La société Cadence relève de son côté que le 22 juin 2018, le contrôleur technique a levé l’ensemble des réserves (pièce 45) et que le rapport final du 12 juillet 2018 confirme l’absence de réserve (pièce 46). Elle souligne que ce rapport final, postérieur à la résiliation de son contrat, ne lui avait pas été transmis et qu’à compter du 25 juin 2018, elle a été tenue à l’écart des échanges entre la société Qualiconsult et le maître d’ouvrage.
À cet égard, l’ordre de levée des réserves et leur priorisation par le maître d »uvre relève de sa propre responsabilité et ne saurait constituer, en soi, un manquement justifiant un refus de paiement, d’autant plus lorsque toutes les réserves ont été levées. Elle justifie avoir mis en demeure les entreprises d’avoir à lever les réserves (pièces 74 à 80) et avoir fait diligence conformément à ses obligations.
Enfin, rien ne permet d’invalider la nécessité de procéder aux tests acoustiques à l’achèvement des logements, lorsque sont en places toutes les installations générant des nuisances sonores. En l’espèce, elles ont été effectuées le 19 janvier 2018 (pièce 72), sans qu’on puisse en faire le grief au maître d »uvre qui a relayé les demandes du contrôleur technique pour la production des rapports d’essai, des avis techniques et des certificats (pièce 73).
L’intimée ne rapporte pas la preuve de ce grief.
Sur l’intervention des concessionnaires
L’intimée reproche à la société Cadence de n’avoir pas programmé l’intervention des concessionnaires et souligne que plus de trois mois après la livraison, l’immeuble n’était toujours pas raccordé.
Néanmoins, il ressort expressément de la page 12 du cahier des missions imparties à la société Cadence, que les branchements mentionnés concernaient ceux nécessaires à la conduite du chantier.
Le grief est inexistant puisque le raccordement des appartements relevait de la responsabilité du maître de l’ouvrage à qui il incombait de contacter les concessionnaires, la société Cadence ne devant que vérifier les branchements et les mises en service.
Les pièces 109, 66 Paris pierre et 68 Paris pierre établissent que la longueur des délais de raccordement était imputable à la société Orange.
Au final, la cour constate que l’exception d’inexécution au titre des factures n°11/5.764 et 12/5.793 émises au titre du suivi de chantier sur les mois de novembre et décembre 2017 (d’un montant de 14 171,42 euros) n’est pas justifiée.
Partant, le jugement est infirmé.
Sur les notes d’honoraires n° 810, 811, 827, 828 d’un montant total de 13 987,20 euros TTC
Concernant ces notes d’honoraires visées supra qui concernent les visites après cloison, la livraison et la levée des réserves et quitus, les pièces produites attestent, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, que tous les appartements ont été livrés avec les emplacements de parking associés et que les quatre commerces ont été livrés bruts, comme convenu entre les parties.
L’intimée reproche à la société Cadence de ne pas l’avoir assistée durant les opérations de livraison en dépit de trois courriers établissant le contraire pour les parties communes (pièces 49 et 50) et pour les parties privatives (pièces 51 et 52). Elle soutient que la société Cadence aurait refusé de procéder aux opérations de livraison, qu’elle n’est pas en mesure de produire les feuillets roses de procès-verbaux de livraison, que les vingt feuillets transmis sont des copies et qu’elle n’a pas rédigé le procès-verbal de livraison des parties communes.
Le maître d’ouvrage ne peut cependant lui reprocher de ne plus être intervenue après la résiliation de son contrat le 25 juin 2018 et d’avoir dû conclure, le 1er août 2018, un contrat avec un tiers pour assurer le suivi des réserves à lever.
Par ailleurs, comme le souligne à juste titre l’appelante, le nombre de réserve à lever ne saurait démontrer une carence de la maîtrise d »uvre dans l’accomplissement de sa mission.
Il est communiqué 46 états des lieux établis entre le 22 et le 25 janvier 2018. La société Cadence produit 21 feuillets roses de livraison (pièce 81).
La société Cadence a exécuté sa mission d’assistance aux opérations de livraison et produit de très nombreuses pièces attestant qu’elle était bien présente le jour de la livraison des parties communes (pièces 49 et 50) et des logements (pièces 51 et 52), qu’elle a convoqué des entreprises pour la levée des réserves (pièces 82 à 85), qu’elle les a relancées ((pièces 86 à 91), qu’elle a obtenu quitus des levées (pièces 92 à 96), que 44 réserves ont été signalées après son départ et que sur les 314 réserves signalées au moment de son départ, seules 73 restaient à lever, soit 76 % de réserves levées.
Il y a lieu de relever que la quasi-totalité des quitus de fin de travaux produits a été signée par les entreprises et le maître d »uvre en date du 2 février 2018.
L’intimée ne justifie pas de ses allégations concernant les parties communes et les visites après cloisons. Le climat fortement dégradé des relations entre les parties a rendu ces opérations particulièrement tendues.
Aucun honoraire n’est réclamé au titre du DGD, de la conformité ni du parfait achèvement.
Enfin, les défaillances au stade des DGD ne sont pas démontrées, ni la volonté de nuire alléguée sans preuve par le maître d’ouvrage.
L’exécution de la mission d’assistance aux opérations de livraison est par conséquent largement démontrée et les factures sont dues.
Néanmoins, concernant la note d’honoraires relative à la levée des réserves, si la société Cadence indique dans ses conclusions (p.36) qu’elle demande le règlement de 74 % des honoraires convenues, la facture 828 vise un montant de 4 650 euros HT correspondant à une exécution de 100 %. Au regard des pièces partiellement produites son montant est par conséquent ramené à la somme de 3 348 euros TTC (60 % de la prestation).
L’exception d’inexécution n’était donc pas opposable pour le paiement des honoraires de visites après cloison, de livraison et de levée des réserves et quitus, soit d’une somme totale de 11 755,20 euros TTC.
Le jugement est infirmé.
Sur la note d’honoraires n°03/5.829 du 5 mars 2018 d’un montant de 5 117,70 euros TTC
Aux termes de l’article 9 du contrat de maîtrise d »uvre, «Il est convenu que le montant des honoraires (‘) n’intègre pas le coût des missions de maîtrise d »uvre pour les travaux modificatifs que le maître d’ouvrage serait amené à supporter dans le cadre de négociations commerciales éventuelles avec les acquéreurs. (‘) Il est précisé toutefois que les demandes des remplacements de la moquette par du carrelage seront traitées gracieusement par le maître d »uvre. »
Le tribunal a reproché à la société Cadence de ne pas avoir produit tous les ordres de service justifiant de la réalité de ces travaux modificatifs acquéreurs (TMA).
À hauteur d’appel, les ordres de service sont produits et récapitulés dans un tableau (pièce 53). La réalité de ces travaux ressort des fiches de choix des acquéreurs, de leur transmission aux entreprises et des ordres de service signés.
L’exception d’inexécution n’est par conséquent pas opposable. Le jugement est également infirmé sur ce point.
Sur les prestations effectuées mais non facturées d’un montant total de 13 503,60 euros TTC
L’appelante réclame les sommes de 5 580 euros TTC au titre du DGD, 5 580 euros TTC au titre de l’obtention de la conformité et 2 343,60 euros TTC au titre de 42 % de l’année de parfait achèvement.
Il ressort des articles 6 et 7 du contrat de maîtrise d »uvre que le détail des honoraires est précisé. Ils prévoient notamment, en phase d’exécution 4 650 euros HT pour chaque poste suivant : DGD, Conformité et Fin d’année de parfait achèvement.
La société Cadence réclame l’intégralité des deux premiers postes mais ne réclame à hauteur d’appel que 42 % du dernier, au regard de la résiliation de son contrat.
Elle soutient avoir réalisé sa mission sans manquement puisque le maître d’ouvrage a obtenu sa conformité (pièce 54) et que les DGD ont tous été établis par elle, avant la résiliation de son contrat, sur la base des éléments remis par les entreprises et des situations et adressés au maître d’ouvrage (pièce 55).
Selon elle, il importe peu que les factures n’aient pas été établies puisque les prestations ont été réalisées et que le prix avait été convenu.
Pour s’y opposer, l’intimée soutient que la société Cadence n’a pas exécuté ces prestations et qu’elle a établi les décomptes après la résiliation de son marché.
Il ressort du courrier adressé le 6 juillet 2018 que les décomptes ont été établis antérieurement à la résiliation, sur la base des éléments remis par les entreprises et les situations établies en cours de chantier (pièces intimée 77 à 79).
Les pièces susvisées établissent que sa créance est suffisamment justifiée, y compris la TVA.
Concernant le poste conformité, il n’est pas contesté que le maître d’ouvrage a obtenu la conformité et que le certificat de conformité a été établi par la commune le 1er juin 2018, soit avant la résiliation du contrat.
Néanmoins, en l’état des pièces produites et au regard de la résiliation intervenue le 25 juin, il ne peut être fait droit à la demande au titre « Fin d’année de parfait achèvement» qu’au prorata de la durée effectuée, soit à hauteur de 42 %.
Le jugement est infirmé et il est fait droit à sa demande à hauteur de 13 503,60 euros TTC.
Sur les notes d’honoraires n°10/5.757, n°11/5.765 et n°12/5.794 liées à la modification du programme d’un montant total de 12 933,42 euros TTC
Pour s’opposer à ces demandes, l’intimée soutient qu’elles sont incohérentes et que les trois factures ont été tardivement émises, plus de 17 mois après la délivrance du permis modificatif n°3, afin d’opérer une compensation avec les préjudices réclamés.
Elle explique que quatre grands logements ont fait l’objet d’une division en huit petits logements sans création de surface et soutient que le contrat initial incluait les travaux modificatifs dans la mission de base et que l’appelante ne peut le dénaturer ni réclamer des honoraires supplémentaires.
Il n’est pas contesté que ce sont finalement 62 logements qui ont été réalisés alors que le contrat initial portait sur 58 logements.
Ces créations ont entraîné une augmentation de surface habitable de 99 m² et la réalisation de travaux supplémentaires de plomberie, chauffage, VMC, électricité et menuiseries d’un montant total de 153 968 euros HT.
L’appelante produit les ordres de services afférents et le courrier recommandé adressé au maître d’ouvrage (pièce 56).
Une fois encore, l’exception d’inexécution n’est pas justifiée.
L’intimée oppose l’article 10 du contrat de maîtrise d »uvre signé le 30 septembre 2013 selon lequel : « La maîtrise d »uvre d’étude et exécution (des modifications demandées par le Maître d’ouvrage) fait partie de la mission de base ».
Pour autant, cette clause n’est applicable qu’aux travaux modificatifs inclus dans le programme initial alors que la demande porte sur les diligences accomplies dans le cadre de la création de quatre appartements supplémentaires, hors programme initial.
Il est justifié qu’un permis modificatif n°2 a été obtenu le 23 mars 2015 autorisant la création de 108,05 m² de surface plancher soit 99 m² habitables puis qu’un permis modificatif n°3 a été obtenu le 30 juin 2016 autorisant cette création.
Il n’est pas contestable que ces modifications ont entraîné des prestations de maîtrise d »uvre supplémentaires (pièces 56) et l’appelante justifie de sa créance à laquelle il est fait droit.
Sur la demande au titre du préjudice moral
À l’appui de sa demande, l’appelante réclame une somme de 15 000 euros et fait valoir que le maître d’ouvrage n’a eu de cesse de remettre en cause ses prestations et de dénigrer son travail dans une ambiance délétère mais qu’elle est allée au bout de sa mission jusqu’à la résiliation unilatérale en dépit de l’absence de tout règlement, sans fondement, depuis le mois de décembre 2017.
Si l’intimée n’a pas répondu à cette demande, la cour constate que si les termes utilisés dans les courriers du maître d’ouvrage étaient déplacés et malveillants, l’appelante ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de celui déjà réparé.
La demande est rejetée.
Sur la demande de mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire
Au regard de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire. Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle au titre du trop-versé d’un montant de 469 049,42 euros TTC
L’intimée soutient avoir réglé à la société Enocil, titulaire du lot gros ‘uvre, la somme de 778 881,40 euros TTC alors qu’elle ne devait qu’une somme de 309 831,98 euros et qu’elle a donc payé une somme de 469 049,42 euros TTC sans fondement, par la faute de son maître d »uvre dans l’établissement des certificats de paiement. Elle fait valoir que la société Cadence a manqué à son obligation de contrôle des situations de travaux mensuelles, pourtant contestées et qu’elle aurait dû être plus vigilante pour la société Enocil en redressement judiciaire.
Elle estime que la société Cadence a établi des certificats de paiement qui ne correspondaient pas à l’avancement des travaux, qu’elle a favorisé la société Enocil et qu’elle a payé des situations indues. Elle produit un constat d’huissier du 4 avril 2017 établissant selon elle les inachèvements et malfaçons et invoque une collusion entre le maître d »uvre et l’entreprise.
La société Cadence réfute tout manquement et soutient que les situations ont toutes été validées par le maître d’ouvrage et qu’elles correspondaient à l’état d’avancement du chantier. Elle estime qu’en tout état de cause, ce dernier ne justifie pas du lien de causalité entre l’établissement des certificats de paiement et le préjudice allégué, que le quantum n’est pas justifié, outre que cette créance est éteinte, la déclaration de créance étant tardive. Elle souligne que le projet de DGD n’a pas été accepté par la société Enocil ni par son liquidateur.
Il ressort des pièces 110, 111 et 112 que le second projet de DGD Enocil a été adressé le 27 septembre 2017 après plusieurs échanges avec le maître d’ouvrage à compter du 22 juin.
Il incombe à la société Paris Pierre de rapporter la preuve d’un manquement de la société Cadence dans l’exécution de ses missions en lien de causalité avec le dommage qu’elle invoque.
L’intimée reproche à la société Cadence d’avoir visé les situations alors que celles-ci ne correspondaient pas à l’avancement du chantier.
Il ressort de la pièce 57 que tous les certificats de paiement et les situations ont été vérifiés et acceptés par le maître d’ouvrage, y compris le certificat de paiement n°5 relevé par le tribunal.
Les courriers échangés entre les parties le 17 et le 27 mars 2017 (pièces 58 et 59) sur la situation n°11 établissent le désaccord des parties sur le solde à percevoir. La société Cadence a corrigé le taux d’achèvement des travaux du bâtiment A, le fixant à 100 % et celui du bâtiment B à 90 %. Le maître d’ouvrage n’a pas contesté cette analyse.
Il ressort du projet de DGD Enocil qu’une somme de 356 257,77 euros TTC y a été retenue alors qu’elle concerne le marché de la société RTE qui lui a succédé et qu’il a également été appliqué des pénalités (112 800 et 25 760 euros TTC) qui n’ont pas été entérinées par la société Cadence qui a toujours démenti l’existence de retards imputables à la société Enocil (pièce 59).
L’insertion du coût des reprises avait également été contestée par la société Enocil à son mandataire judiciaire (pièce 63), de même que les montants figurant au titre des délégations de paiement à ses sous-traitants.
Il ressort d’un courriel du 19 octobre 2017 (pièce 32) que la société Cadence a rappelé qu’elle ignorait les règlements effectués par le maître d’ouvrage et autres délégations de paiement, n’ayant reçu du maître d’ouvrage aucun justificatif de solde de règlement. Ces sommes devaient nécessairement impacter le montant final du DGD.
Dans ces conditions, la cour constate que la société Paris Pierre ne démontre pas les manquements qu’elle invoque, ne justifie pas du bien-fondé de sa créance et ne rapporte pas la preuve que la somme qu’elle a réglée ne correspondrait pas à l’avancement réel du chantier. Le trop-payé allégué n’est pas démontré.
Le constat d’huissier produit par l’intimée (pièce 94) ne suffit pas à prouver les inachèvement et malfaçons alléguées et ne rapporte pas la preuve d’une carence de la maîtrise d »uvre ni d’un lien de causalité avec le dommage invoqué.
Partant, le jugement est infirmé sur ce point et la société Paris Pierre est déboutée de sa demande.
Sur la demande reconventionnelle au titre des pénalités de retard
La société Paris Pierre réclame une somme de 7 440 euros en application de la pénalité contractuelle de retard plafonnée à 2 % du montant des honoraires. Elle souligne que la société Cadence a reconnu un retard cumulé de 31,5 semaines au 15 juin 2017 et que la livraison a finalement été reportée au 22 janvier 2018, soit un retard de 37,5 semaines, dû aux nombreuses carences et fautes contractuelles du maître d »uvre.
Pour rejeter cette demande le tribunal a retenu à juste titre que les défaillances des entreprises Fixbat, Enocil et Iper et les intempéries de 2016 et 2017 ne pouvaient être imputées à l’architecte maître d »uvre.
La réalité de ces causes légitimes de retard n’est pas sérieusement contestée mais l’intimée soutient désormais que le maître d »uvre aurait dû veiller au respect des préconisations du géotechnicien par les entreprises, sans préciser lesquelles.
Au regard des développements qui précèdent, il est jugé qu’il n’est rapporté la preuve d’aucun manquement imputable au maître d »uvre et le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de 50 000 euros pour la désorganisation du chantier et le préjudice moral
L’intimée fait valoir un préjudice d’anxiété, une charge de travail indue et un dénigrement auprès des acquéreurs. Elle ajoute qu’elle a dû pallier les carences d’un maître d »uvre déloyal qui a ‘uvré pour ralentir le chantier au profit d’un chantier voisin, notamment en empêchant la pose d’un échafaudage.
L’appelante fait valoir que le maître d’ouvrage est un professionnel rompu à ce type d’opérations, au stress et à la charge de travail générée, qu’aucun des griefs invoqués à son encontre n’a été démontré, encore moins celui relatif à l’épisode de l’échafaudage à l’appui d’un courrier comportant une erreur matérielle de date (pièce 99).
La lecture des nombreux courriers échangés entre les parties atteste de la dégradation de leurs relations et des tensions existantes.
Rien n’établit les manquements allégués ni que la société Cadence serait à l’origine des préjudices invoqués.
La demande non fondée est rejetée et le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle au titre du trop-versé à la société Iper
La société Paris Pierre réclame un trop-payé de 33 501,06 euros et produit le DGD de la société Iper et le certificat de paiement n°4. Elle fait valoir que le DGD non contesté de la société Iper ramène le marché à la somme de 16 167,50 euros TTC alors qu’elle indique lui avoir réglé une somme de 49 668,56 euros TTC et produit le DGD et le certificat de paiement n°4 (pièces 83 et 90). Elle estime que ce préjudice est la conséquence directe des fautes du maître d »uvre qui devait vérifier les situations.
En l’absence d’élément complémentaire, elle ne justifie toujours pas en appel des règlements prétendument effectués et ne démontre aucun manquement de la société Cadence dans la vérification des situations de la société Iper ni de lien de causalité avec le préjudice invoqué.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande faute de preuve.
Sur la demande reconventionnelle au titre d’une inscription d’hypothèque abusive
La société Paris Pierre réclame une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts, estimant que l’hypothèque provisoire a été obtenue pour une créance modique, de manière déloyale et abusive du juge de l’exécution, bloquant ainsi la vente de trois commerces.
Au regard de la solution apportée au litige, l’intimée ne démontre pas le caractère abusif de cette inscription au regard du montant de la créance revendiquée à juste titre par la société Cadence.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l’arrêt conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
La société Paris Pierre qui succombe, doit être condamnée aux dépens de première instance.
Elle est également condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du même code par Me Christophe Debray.
Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l’espèce justifient en appel de condamner la société Paris Pierre à payer à la société Cadence une indemnité de 10 000 euros au titre des frais exclus des dépens, exposés en première instance et en cause d’appel.
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société Paris Pierre [Localité 10] de ses demandes relatives au trop-perçu de la société Iper à hauteur de 33 501,06 euros TTC, aux pénalités de retard contractuelles à hauteur de 7 440 euros, au préjudice financier et moral à hauteur de 50 000 euros et au préjudice financier résultant de l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire à hauteur de 50 000 euros ;
Statuant de nouveau dans cette limite,
Condamne la société Paris Pierre [Localité 10] à payer à la société Cadence architectes associés la somme totale de 57 481,35 euros TTC, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2020 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
Déboute la société Cadence architectes associés de sa demande d’indemnisation d’un préjudice moral ;
Dit n’y avoir lieu d’ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire publiée le 12 juin 2018 au service de publicité foncière de Melun sur les lots de copropriété 14, 15 et 57 situés à [Localité 10] situés [Adresse 2] et cadastrés BH [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] ;
Déboute la société Paris Pierre [Localité 10] de sa demande reconventionnelle au titre du trop-versé d’un montant de 469 049,42 euros TTC ;
Condamne la société Paris Pierre [Localité 10] à payer à la société Cadence architectes associés une somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Paris Pierre [Localité 10] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Christophe Debray conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,