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Monsieur [G] [E] a mis en demeure Madame [I] [R] [J] [N] de lui régler 360000 euros par courrier du 19 janvier 2021. Le 28 janvier 2022, il l’a assignée devant le tribunal judiciaire de Nancy pour obtenir ce paiement, se basant sur une reconnaissance de dette signée le 30 juin 2020. Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal a débouté Monsieur [E] de ses demandes, considérant que les courriers présentés n’étaient pas suffisants pour prouver l’existence de l’obligation. Monsieur [E] a interjeté appel le 5 mai 2023. Dans ses conclusions du 11 mars 2024, il demande l’accueil de son appel, une expertise graphologique, et le paiement de la somme due, ainsi que des frais. Madame [J] [N] a également déposé des conclusions le 29 décembre 2023, contestant l’appel et demandant des dommages et intérêts. L’instruction a été clôturée le 12 mars 2024, et une audience de plaidoirie est prévue pour le 8 avril 2024. La cour a ordonné une expertise graphologique pour examiner la reconnaissance de dette et a fixé une provision de 1500 euros à verser par Monsieur [E]. Les opérations d’expertise seront surveillées par un magistrat, et un sursis à statuer a été prononcé en attendant la réalisation de cette mesure.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2024 DU 16 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01005 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FFNQ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 22/00325, en date du 24 mars 2023,
APPELANT :
Monsieur [G] [E]
né le 7 novembre 1967 à [Localité 7] (62)
domicilié [Adresse 1]
Représenté par Me Alexandra CHAMPY, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant
Plaidant par Me Marie-Cécile FELICI, avocat au barreau de THIONVILLE
INTIMÉE :
Madame [I] [R] [J] [N]
née le 11 novembre 1971 à [Localité 5] (54)
domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Sabine WILLAUME, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Avril 2024, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 16 Septembre 2024.
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 16 Septembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant courrier en date du 19 janvier 2021, Monsieur [G] [E] a mis en demeure Madame [I] [R] [J] [N] de lui régler la somme de 360000 euros.
Suivant acte d’huissier en date du 28 janvier 2022, Monsieur [E] a assigné Madame [J] [N] devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins, au visa de l’article 1376 du code civil, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 360000 euros résultant de la reconnaissance de dette signée le 30 juin 2020 par Madame [J] [N], outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Par jugement réputé contradictoire du 24 mars 2023, le tribunal judiciaire de Nancy a :
– débouté Monsieur [E] de l’intégralité de ses demandes,
– condamné Monsieur [E].
Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que, conformément aux dispositions des articles 1353 et 1376 du code civil, Monsieur [E] justifiait sa demande en paiement de la somme de 360000 euros en produisant deux courriers recommandés dont l’un avait pour titre « reconnaissance de dette ». Toutefois, au regard du montant réclamé, il a considéré que ces courriers n’étaient pas suffisants bien qu’ils étaient adressés et signés par Madame [J] [N]. Sans autre élément de preuve, il a donc retenu que Monsieur [E] échouait à apporter la preuve de l’existence de l’obligation dont il réclamait l’exécution.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 5 mai 2023, Monsieur [E] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 11 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [E] demande à la cour, sur le fondement de l’article 1376 du code civil, de :
– accueillir son appel,
– ordonner une expertise graphologique des écritures,
– débouter Madame [J] [N] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Madame [J] [N] à lui payer la somme de 360000 euros résultant de la reconnaissance de dettes signée le 30 juin 2020 par Madame [J] [N], outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure versée aux débats,
– condamner Madame [J] [N] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous frais et dépens,
– rappeler le caractère exécutoire de la décision à venir.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 29 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [J] [N] demande à la cour, sur le fondement des articles 1128, 1130, 1131, 1140, 1143 et 1240 du code civil, de :
– dire et juger l’appel de Monsieur [E] mal fondé,
– débouter Monsieur [E] de l’ensemble de ses demandes,
– lui donner acte de ce qu’elle n’est pas opposée à l’instauration d’une mesure de vérification des écritures sous seing privé, sollicitée incidemment par Monsieur [E],
– dire et juger que les frais de vérification des écritures sous seing privé seront à la charge de l’appelant Monsieur [E],
– confirmer le jugement rendu le 24 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Nancy en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Reconventionnellement,
– condamner Monsieur [E] à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi,
– condamner Monsieur [E] à lui payer la somme de 2070 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [E] aux entiers frais et dépens de la présente procédure.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 12 mars 2024.
L’audience de plaidoirie a été fixée le 8 avril 2024 et le délibéré au 17 juin 2024 prorogé au 16 septembre 2024.
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [E] le 11 mars 2024 et par Madame [J] [N] le 29 décembre 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 12 mars 2024 ;
Pour justifier sa demande, Monsieur [E] indique qu’il a complété les courriers recommandés produits en première instance par les documents bancaires mentionnant les versements qu’il a fait à Madame [J] [N].
Il souligne l’incohérence de Madame [J] [N] concernant le courrier du 30 juin 2020 intitulé « reconnaissance de dette » dès lors qu’elle explique à la fois ne pas en être l’auteur et l’avoir signé sous la contrainte ; il demande donc que soit ordonnée une expertise graphologique sur le fondement des articles 285 et 286 du code de procédure civile.
Monsieur [E] conteste avoir vicié le consentement de Madame [J] [N] pour qu’elle signe le courrier du 30 juin 2020 et indique que les fautes de frappe et les erreurs contenues dans la reconnaissance de dette ne suffisent pas à l’invalider ; il fait remarquer que les fractures dont elle se prévaut datent du 5 août 2019, soit d’un an avant l’émission de la reconnaissance de dette ; il ajoute que l’existence de violence, d’un dol ou d’un abus d’état de faiblesse ne peut résulter de la prise d’anxiolytiques par sa signataire ; en outre il conteste l’attestation rédigée par Monsieur [S] n’est pas valable dès lors qu’elle se fonde uniquement sur les dires de Madame [J] [N] ; la preuve de ce vice n’est pas rapportée par l’intimé ce qui implique le rejet de sa demande de nullité ;
Il relève enfin que Madame [J] [N] ne démontre pas que les versements qu’il a réalisés étaient relatifs au frais de leur vie commune ;
Madame [J] [N] fait valoir qu’elle a signé le courrier du 30 juin 2020 sous la contrainte, ce sur le fondement; se prévaut d’un vice du consentement ; elle explique qu’elle a été sous emprise de Monsieur [E] ; les fractures de ses phalanges, son état dépressif l’obligeant à prendre des anxiolytiques ainsi que l’attestation de Monsieur [S] sont autant de preuve des violences commises par Monsieur [E].
Madame [J] [N] soutient donc avoir été forcée à signer la reconnaissance de dette qu’elle n’a pas rédigée ; elle ne s’oppose pas à la demande d’expertise graphologique formulée par l’appelant, mais demande que l’écriture de Monsieur [E] en fasse aussi l’objet et qu’il en supporte les frais, puisqu’il en est le demandeur et qu’elle n’a pas la capacité financière nécessaire à ce paiement.
Par ailleurs, Madame [J] [N] conteste être débitrice d’une obligation unilatérale auprès de Monsieur [E]. D’une part, elle fait remarquer que si le courrier du 30 juin 2020 mentionne un montant de 260000 euros, le montant total des chèques que lui a versés ce dernier est de 175718 euros. D’autre part, elle explique que ces chèques sont en réalité le remboursement de frais de couple ainsi que de l’achat d’un véhicule automobile et d’une motocyclette, frais qu’elle aurait avancés.
Enfin, Madame [J] [N] se prévaut d’un préjudice moral en raison d’abord des man’uvres déloyales de Monsieur [E] qui l’a assignée alors qu’elle était dans un état de santé fragile et ne lui a pas signifié le jugement de première instance ; ensuite, en raison des violences morales qu’il lui a fait subir.
Aux termes de l’article 267 du code de procédure civile ‘Si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres’ ;
‘L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné’ ;
‘Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat’ énoncent les articles 1130 et 1131 du code civil ;
L’article 1140 du même code ajoute que ‘Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable ;’
‘Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif’ ajoute l’article 1143 du même code ;
En l’espèce Madame [J] [N] reconnaît avoir signé le document établi le 20 juin 2020 (pièce 1 appelant) qualifié de reconnaissance de dette ; elle conteste en être la rédactrice, en indiquant qu’elle émane de la main de Monsieur [G] [E] lequel a exercé une contrainte envers elle pour obtenir sa signature ; l’appelant ne confirme pas puisqu’il réclame une expertise graphologique ;
Pour démontrer l’existence d’une contrainte, Madame [J] [N] produit des éléments antérieurs à ce document, concernant des blessures physiques qu’elle attribue à son compagnon (pièce 3 intimée), Monsieur [G] [E] ainsi qu’une attestation émanant de Monsieur [S], un collègue de travail, qui certes fait état de certains propos qui lui ont été rapportés par l’intimée mais qui indique cependant ‘avoir constaté une dégradation de l’état psychologique de Madame [J] au cours des années 2020 et 2021″ avançant même sa croyance en un lien avec le diagnostic du cancer du sein effectué le 10 décembre 2021 et opéré le 13 janvier 2022 (pièce 5 intimée);
Enfin il ya lieu de constater que l’appelant se fonde sur la reconnaissance de dette en litige portant sur une somme de 360000 euros, tout en produisant des copies de chèques et des extraits de son compte bancaire, au vu desquels il affirme avoir versé une somme totale de 175712 euros à Madame [J] [N] sur la période du 5 juillet 2012 au 24 mars 2015 afin qu’elle la place sur un produit financier ‘[Localité 6]’ dont il n’est pas établi de son existence et de son montant ;
Par conséquent, concomitamment à l’expertise graphologique qu’il y a lieu d’ordonner afin de connaître l’identité tant du signataire que du rédacteur du document au dossier figurant en pièce 1 de l’appelant intitulé ‘reconnaissance de dette’, les parties seront invitées à produire tous éléments permettant de connaître l’existence et le montant du produit financier [Localité 6] au nom de [L] [J], mentionné dans la reconnaissance de dette ; il sera tiré toutes conséquences de leur éventuelle abstention ;
Le sursis à statuer sera ordonné dans l’attente de la réalisation de la mesure d’instruction et de la production des documents sollicités ;
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et avant dire droit, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Ordonne une expertise graphologique et commet pour y procéder
[F] [D], épouse [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
avec pour mission de :
– se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission et notamment des documents écrits émanant de [I] [J] [N] et [G] [E] contemporains de la reconnaissance de dettes du 20 juin 2020 ou tous échantillons d’écriture utiles ;
– prendre connaissance des pièces produites en procédure, contenant des échantillons d’écritures ;
– donner son avis sur le support du document du 20 juin 2020, son aspect général, son écriture,
– comparer ce document avec l’écriture des deux parties sur les documents produits en original,
– donner son avis sur le rédacteur de ce document et son signataire ;
– faire toutes constatations, investigations et observations utiles à l’accomplissement de la mission ;
Dit que l’expert pourra se faire communiquer tous documents nécessaires à sa mission, même détenus par des tiers et s’adjoindre le cas échéant, un sapiteur ;
Dit que l’expert devra accomplir sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;
Dit que l’expert déposera un pré-rapport qu’il communiquera aux parties en leur impartissant un délai pour présenter leurs observations sur lesquelles il apportera des réponses ;
Dit que l’expert devra déposer son rapport dans un délai de quatre mois à compter de l’avis de consignation de la provision qui lui sera adressé par le greffe ;
Fixe à 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui devra être consignée par Monsieur [G] [E] entre les mains du Régisseur d’Avances et de Recettes de la cour d’appel de Nancy dans un délai de trois semaines à compter de la présente décision, à peine de caducité de la désignation de l’expert, sans autre avis ;
Dit que les opérations d’expertise se dérouleront sous la surveillance du magistrat chargé du contrôle des expertises de la première chambre civile de la cour d’appel de Nancy ;
Ordonne la production par les parties de tous documents en relation avec l’existence et le montant d’un placement ‘[Localité 6]’ au nom de [L] [J] ;
Ordonne le sursis à statuer dans l’attente de la réalisation de la mesure d’instruction ;
Réserve les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en six pages.