Statut dérogatoire des archives audiovisuelles

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Statut dérogatoire des archives audiovisuelles

Affaire Kenny Clarke

Victoire juridique importante pour l’INA : les héritiers du batteur de Jazz Kenny Clarke (surnommé « Klook »)  n’ont pas obtenu gain de cause au titre de l’exploitation sur la boutique de l’INA de vidéogrammes et phonogrammes reproduisant des prestations de leur père.

Principe de l’autorisation de l’artiste

L’article L 212-3 du Code de la propriété intellectuelle pose que « sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image ». Une présomption d’autorisation bénéfice toutefois au producteur : « la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète. Ce contrat fixe une rémunération distincte pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre » (L 212-4 du CPI).

Régime dérogatoire

L’INA bénéficie toutefois du régime dérogatoire de l’article 49 II de la loi du 1er août 2006. En tant qu’établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial, il est chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national. Ainsi parmi ses missions :

i) L’INA assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et contribue à leur exploitation. La nature, les tarifs, les conditions financières des prestations documentaires et les modalités d’exploitation de ces archives sont fixés par convention entre l’institut et chacune des sociétés concernées. Ces conventions sont approuvées par arrêté des ministres chargés du budget et de la communication ; ii) L’INA exploite les extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme dans les conditions prévues par les cahiers des charges. A ce titre, il bénéficie des droits d’exploitation de ces extraits à l’expiration d’un délai d’un an à compter de leur première diffusion.

L’INA est aussi propriétaire, par transfert législatif, des supports et matériels techniques et détenteur des droits d’exploitation des archives audiovisuelles des anciennes sociétés nationales de programme et de l’ORTF.

L’INA exerce ses droits d’exploitation sous réserve du respect du droit moral des auteurs et par dérogation, les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes (rémunération comprise) sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes eux-mêmes ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes et l’INA.

La loi a donc explicitement affranchi l’exploitation par l’INA de ses archives de la preuve de l’autorisation écrite donnée, ou présumée donnée selon l’article L 212-4, par l’artiste interprète pour la fixation et la première destination de son interprétation figurant sur les supports  de ces archives. L’applicabilité du régime dérogatoire institué au profit de l’INA n’est pas subordonnée à la preuve de l’autorisation par l’artiste interprète de la première exploitation de sa prestation.

L’accord du 16 juin 2005

En l’espèce, l’accord du 16 juin 2005 entre l’INA et les principaux syndicats représentatifs engagés pour des émissions de télévision instaure un système de rémunération régissant les nouvelles utilisations des interprétations archivées « quelles que soient les informations dont l’INA dispose à leur sujet ». Cet accord fait partie des accords requis pour l’application du régime dérogatoire.

Conformité de l’exception au droit européen

Les juges ont confirmé la conformité de l’article 49 II à la législation européenne. La directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur la protection juridique du droit d’auteur et des droits voisins. Le régime dérogatoire mis en place en faveur de l’INA n’a pas été considéré comme une exception aux droits voisins mais une modalité d’expression du consentement de l’artiste interprète. A ce titre, la directive exige un consentement de l’artiste interprète  mais ne prescrit pas qu’il soit donné sous forme écrite. Même si elle constitue une protection minimale, la directive ne peut être utilement opposée à un régime qui déroge à une obligation requise par la seule loi nationale.

En exonérant l’INA de prouver par un écrit l’autorisation donnée par l’artiste interprète, l’article 49 II ne supprime pas l’exigence de ce consentement mais instaure une présomption dont la mise en oeuvre est elle-même soumise à des accords collectifs (la présomption n’est pas  irréfragable). L’artiste-interprète- avec lequel des accords peuvent être conclus- peut donc invoquer son absence de consentement ou des stipulations particulières contenues dans son contrat initial.

Intérêt général des archives

De surcroît, la directive du 22 mai 2001 énonce que «l’harmonisation envisagée contribuera à l’application des quatre libertés du marché intérieur et porte sur le respect des principes fondamentaux du droit et, notamment de la propriété, dont la propriété intellectuelle, et de la liberté d’expression et de l’intérêt général ».

L’INA a une mission particulière donnée par les lois successives de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national ; nonobstant la part des recettes commerciales engendrées par cette exploitation, il a une mission d’intérêt général distincte de celle d’autres organismes ou sociétés concourant à l’archivage des œuvres. Compte tenu de l’ancienneté de certaines oeuvres, les contrats conclus par les artistes-interprètes ne lui ont pas été transmis et il est dès lors nécessaire à l’exécution de sa mission de le dispenser de fournir la preuve de l’autorisation écrite donnée par les artistes-interprètes. Cette dérogation limitée est donc justifiée afin que la plus large diffusion soit assurée aux prestations audiovisuelles des artistes-interprètes relevant du fond d’archives de l’INA.  En conclusion, le régime en place instaure donc un équilibre entre l’intérêt général, la liberté d’expression et le droit de propriété intellectuelle des artistes-interprètes.

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