Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] a engagé des travaux de réhabilitation de plusieurs bâtiments, confiés à la société CBA pour des travaux de plomberie. Un litige a surgi pendant l’exécution des travaux, conduisant le syndicat à envisager la résiliation du contrat. Après des échanges de lettres, la société CBA a demandé le paiement du solde du marché, tandis que le syndicat contestait la qualité des travaux réalisés. La société CBA a assigné le syndicat en paiement, et le tribunal a déclaré le syndicat compétent pour le litige. Le syndicat a ensuite demandé une expertise en raison de désordres constatés. Plusieurs procédures ont suivi, incluant des demandes de nullité d’assignation et des questions de prescription. Le tribunal a finalement rejeté les demandes de la société CBA et a condamné celle-ci aux dépens, tandis que le syndicat a été condamné à verser des sommes à d’autres parties. La société CBA a interjeté appel, et les autres parties ont également formulé des demandes en réponse. La cour a confirmé le jugement initial et a statué sur les demandes des parties.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 6
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2024
(n° /2024, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00585 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE62P
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2021 -Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 14/18646
APPELANTE
S.A.R.L. CBA prise en la personne de son gérant, M. [D] [H], domicilié audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Aurélie VOISIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2004
INTIMEES
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 3] pris en la personne de son syndic la SA GESTION ET TRANSACTIONS DE FRANCE GTF agissant elle même en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Ayant pour avocat plaidant Me François DANEMANS, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. PICHET IMMOBILIER SERVICES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège et venant aux droits de la société LONSDALE IMMOBILIER SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Camille MESNIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0754
Ayant pour avocat plaidant Me Charlotte MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A.R.L. SURIA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Victor EDOU de la SELARL EDOU – DE BUHREN ‘ HONORE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0021
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 2 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame Laura TARDY, conseillère
Madame Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Viviane Szlamovicz dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Céline RICHARD
ARRET :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 5 juillet 2024, prorogé au 13 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Laura Tardy, conseillère, pour la conseillère faisant fonction de présidente empêchée et par Alexandre Darj, greffier présent lors de la mise à disposition.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 10] (le syndicat) a entrepris, en qualité de maître d’ouvrage, des travaux de réhabilitation des bâtiments A, B, C et D de son ensemble immobilier, sous la maîtrise d »uvre d’exécution de la société d’architecture Suria.
Aux termes d’un marché de travaux privés du 22 décembre 2009, il a confié à la société CBA la réalisation des travaux de plomberie intérieure des bâtiments A, B et D pour un prix de 153 934,40 euros HT, soit 162 400,79 euros TTC.
Ont également été signés par les parties le 5 janvier 2010, 4 bons de commande détaillant ces travaux concernant les parties communes, le bâtiment A, le bâtiment B et le bâtiment D.
Le chantier a débuté en janvier 2010 et la société CBA a commencé ses travaux en avril 2010.
En cours d’exécution des travaux, un litige est né entre le syndicat et la société CBA.
Lors d’une réunion le 3 septembre 2010, le syndicat a informé la société CBA de son intention de résilier le marché.
Par lettre du 6 septembre 2010, la société CBA a proposé au syndicat la résiliation amiable du marché moyennant le paiement par le syndicat d’une indemnité de résiliation, ce que le syndicat a refusé par lettre du 22 septembre 2010.
Par lettre en date du 29 septembre 2010, la société CBA a indiqué prendre acte de la rupture du marché à l’initiative du syndicat et a demandé le paiement du solde du marché pour un montant de 113 680,55 euros TTC.
Par lettre du 5 octobre 2010 la société CBA a mis en demeure le syndicat de lui régler la somme en principal de 23 867,64 euros au titre de ses factures pour les travaux effectués.
Arguant que l’entreprise CBA n’avait pas terminé ses travaux et n’était plus intervenue sur le chantier depuis fin juillet 2010, le syndicat a fait établir un procès-verbal de constat d’huissier le 29 octobre 2010.
Le même jour, un procès-verbal de réception avec réserves a été signé par le syndicat et la société Suria.
Par acte d’huissier en date du 17 novembre 2010, la société CBA a fait assigner le syndicat en paiement devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par arrêt en date du 23 mai 2012, la cour d’appel de Versailles a dit le tribunal de grande instance de Paris territorialement compétent pour connaître du litige opposant la société CBA au syndicat des copropriétaires et a renvoyé l’affaire à ce tribunal.
Se plaignant de l’apparition de nombreux désordres, non-façons et malfaçons, le syndicat a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris d’une demande d’expertise.
Par ordonnance en date du 29 septembre 2015, le juge des référés a fait droit à la demande et a désigné M. [K] [U] en qualité d’expert.
Suivant ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises du 26 octobre 2015, M. [R] [Y] a été désigné en remplacement de M. [K] [U].
Par actes d’huissier en date des 18 et 19 novembre 2015, le syndicat a fait assigner en garantie et en intervention forcée la société Lonsdale Immobilier services, son précédent syndic, et la société Suria devant le tribunal judiciaire de Paris.
Cette instance a été jointe à l’instance principale le 1er février 2016.
Suivant ordonnance en date du 7 février 2017, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer sur l’ensemble des demandes jusqu’au dépôt du rapport d’expertise de M. [R] [Y].
L’expert a déposé son rapport le 9 décembre 2019.
Par ordonnance en date du 24 novembre 2020, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande de nullité de l’assignation délivrée le 18 novembre 2015 à la société Lonsdale Immobilier Services, aux droits de laquelle vient la société Pichet Immobilier Services.
Par jugement en date du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Déclare irrecevables les sociétés Suria et Pichet Immobilier Services à soulever la nullité des assignations qui leur ont été délivrées,
Rejette les demandes de la société CBA comme étant non fondées ;
Condamne la société CBA aux dépens ;
Condamne la société CBA à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer à la société Suria la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à payer à la société Pichet Immobilier Services la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration en date du 31 décembre 2021, la société CBA a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
– le syndicat
– la société Pichet Immobilier Services
– la société Lonsdale Immobilier Services
– la société Suria
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, la société CBA demande à la cour de :
Déclarer l’appel de la société CBA recevable et bien fondé,
En conséquence :
Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 novembre 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la résiliation du marché et des ordres de service n°15, n°30, n°40, n°52 du 11 décembre 2009 est imputable et sous la responsabilité exclusive du syndicat ;
Dire et juger cette résiliation abusive ;
En conséquence,
Condamner le syndicat à payer à la société CBA la somme de cent treize mille six cent quatre-vingt euros et cinquante-cinq cents (113 680,55 euros) TTC en principal, soit le solde du marché forfaitaire, avec intérêts au taux légal à compter de la signification des présentes et à compter du 6 octobre 2010, sur la somme de 23 867,64 euros, montant de la mise en demeure,
Condamner le syndicat à payer à la société CBA une somme de trente mille euros (30 000 euros) à titre de dommages et intérêts pour le discrédit causé à la société CBA par l’attitude du syndicat par cette résiliation injustifiée ;
Le condamner au paiement d’une somme de cinq mille euros (5 000 euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
Condamner le syndicat aux entiers dépens dont le recouvrement direct sera effectué par Maître Aurélie Voisin, en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, la société Pichet Immobilier Services, venant aux droits de la société Lonsdale Immobilier Services, demande à la cour de :
A titre principal et in limine litis,
Infirmer le jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a déclaré irrecevable la société Pichet Immobilier Services à soulever la nullité des assignations,
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les parties de leurs autres demandes et notamment de la demande de la société Pichet Immobilier Services tendant à voir prononcer l’irrecevabilité pour cause de prescription des demandes du syndicat des copropriétaires.
Statuant à nouveau,
Constater l’absence d’habilitation du syndic gestion et transaction de France par le syndicat lors de l’engagement de la procédure à l’encontre de la société Lonsdale Immobilier Services aux droits de laquelle vient la société Pichet Immobilier Services.
Constater que l’habilitation du syndic obtenue le 7 septembre 2020 est tardive.
Prononcer la nullité de l’assignation délivrée le 18 novembre 2015 à la société Lonsdale Immobilier Services aux droits de laquelle vient la société Pichet Immobilier Services par le syndicat.
Prononcer l’irrecevabilité des demandes formées à l’encontre de la société Lonsdale Immobilier Services aux droits de laquelle vient la société Pichet Immobilier Services par le syndicat des copropriétaires pour cause de prescription.
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société CBA comme étant non fondées et condamné la société CBA aux dépens.
A titre très subsidiaire,
Débouter le syndicat de l’ensemble de ses demandes formées contre la société Pichet Immobilier Services.
Débouter la société Suria de l’ensemble de ses demandes formées contre la société Pichet Immobilier Services.
Si par impossible, une condamnation était prononcée à l’égard de la société Pichet Immobilier Services,
Condamner la société Suria à relever totalement indemne la société Pichet Immobilier Services de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre.
En tout état de cause,
Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société CBA à verser à la société Pichet Immobilier Services la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Condamner le syndicat ou tout succombant à verser à la société Pichet Immobilier Services une somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour compenser les frais exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
Condamner le syndicat ou tout succombant aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2022, le syndicat demande à la cour de :
A titre principal
Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Débouter la société CBA de toutes ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire
Pour le cas où la cour entrerait en voie de condamnation à l’encontre du syndicat au profit de la société CBA :
Juger que la société Pichet Immobilier Services et la société Suria devront garantir et relever indemne le syndicat, de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société CBA,
En tout état de cause
Rejeter toutes demandes contraires au présent dispositif,
Condamner in solidum la société CBA, la société Pichet Immobilier Services et la société Suria, à verser au syndicat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum la société CBA, la société Pichet Immobilier Services et la société Suria aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2022, la société Suria demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la société Suria irrecevable à soulever la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée,
Statuer sur l’exception de prescription de l’action soulevée par la société Suria,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société CBA de ses demandes,
En conséquence :
In limine litis :
Constater l’absence d’habilitation du syndic à engager la présente procédure donnée avant l’expiration du délai de prescription,
Déclarer nulle l’assignation délivrée le 19 novembre 2015 à la société Suria,
Dire et juger l’action du syndicat à l’encontre de la société Suria prescrite,
Déclarer le syndicat irrecevable en ses demandes formulées contre la société Suria.
A titre principal :
Débouter le syndicat, la société CBA et la société Londsdale Immobilier Services de leurs demandes formulées contre la société Suria
A titre subsidiaire :
Condamner la société Londsdale Immobilier Services à garantir la société Suria de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre
En toute hypothèse :
Condamner la société CBA et ou le syndicat des copropriétaires ou tout succombant au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Victor Edou.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 avril 2024.
Sur les demandes de nullité de l’assignation des sociétés Suria et Pichet immobilier services pour défaut d’habilitation du syndic
Moyens des parties
Le syndicat fait valoir que les sociétés Suria et Pichet immobilier services n’étaient plus recevables à soulever l’exception de nullité des assignations qui relevait de la compétence du juge de la mise en état, peu important que ce dernier ait considéré le contraire, dès lors que la société Suria n’a pas jugé utile d’interjeter appel de cette ordonnance.
Il soutient que la délibération du 7 septembre 2020 de l’assemblée générale des copropriétaires a permis de régulariser la procédure avant qu’une décision définitive ne soit rendue.
La société Suria soutient que seul le juge du fond était compétent pour statuer sur la demande de nullité qui impliquait qu’il soit statué au préalable sur la prescription de l’action et que par conséquent sa demande de nullité est recevable.
Elle expose que la régularisation de l’habilitation du syndic n’est possible qu’à condition qu’elle intervienne dans le délai de prescription de l’action et qu’en l’espèce l’action était prescrite le 16 novembre 2015, soit cinq ans après l’assignation du syndicat par la société CBA le 17 novembre 2010.
La société Pichet immobilier services soulève des moyens identiques à ceux de la société Suria et précise que l’article 12 du décret du 27 juin 2019 qui ne réserve qu’aux seuls copropriétaires la possibilité de soulever cette absence d’habilitation du syndic est entrée en vigueur le 29 juin 2019 et ne peut s’appliquer en l’espèce.
Réponse de la cour
Selon l’article 771 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état est exclusivement compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance et les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.
Selon l’article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ; une telle autorisation n’est pas nécessaire pour défendre aux actions intentées contre le syndicat.
En application de l’article 55, alinéa 2, précité, il a été jugé que le syndic pouvait, dans une instance dans laquelle il était défendeur, appeler en garantie un coresponsable pour dégager la responsabilité du syndicat des copropriétaires, sans être autorisé par une décision de l’assemblée générale des copropriétaires (3e Civ., 7 janvier 1981, pourvoi n° 79-12.508, Bull. n° 6 ; 3e Civ., 30 novembre 2004, pourvoi n° 00-20.453).
Au cas d’espèce, dès lors que le syndic agissait en garantie au nom du syndicat dans une instance où il était défendeur, le juge de la mise en état était compétent pour statuer sur la nullité de l’assignation, sans qu’il ne soit nécessaire qu’il soit statué auparavant sur la validité de l’autorisation donnée au syndic ni par conséquent sur la question de la prescription de l’action.
Il convient donc de confirmer le tribunal qui a déclaré irrecevable la demande de nullité de l’assignation.
Sur la demande en paiement de la société CBA au titre du solde du marché forfaitaire
Moyens des parties
La société CBA soutient que le syndicat a manifesté, depuis le 3 septembre 2010, la volonté de rompre le marché, que la résiliation ne repose sur aucun élément objectif et qu’elle n’a pas abandonné le chantier.
Elle fait valoir que la somme sollicitée de 113 680,55 euros comprend le paiement des travaux réalisés à hauteur de 23 857,64 euros outre les prestations qu’elle n’a pu mener à terme, s’agissant d’un marché forfaitaire. Elle expose qu’il n’y a pas lieu de limiter le paiement aux travaux réalisés, dès lors le forfait lui est dû en son entier, le marché ayant été rompu par le syndicat.
Le syndicat soutient que la résiliation du marché était justifiée par les nombreuses défaillances de la société CBA qui n’a pas respecté les règles de l’art et mis en péril la sécurité de l’immeuble et la sécurité et la santé de ses employés.
Il souligne que la société CBA n’a pas réalisé les travaux portant sur les bâtiments A et D et qu’elle n’est donc pas fondée à réclamer le solde de son marché.
Réponse de la cour
Selon l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’occurrence en raison de la date du marché, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Aux termes de l’article 1794 du code civil, le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise.
En application de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Au cas d’espèce, le syndicat a conclu un marché à forfait avec la société CBA. Il en résulte que l’allégation de la société CBA selon laquelle la résiliation du contrat ne lui serait pas imputable ne l’autorise pas à réclamer le paiement de sommes autres que celles prévues à l’article 1794 du code civil.
Or la société CBA ne sollicite pas uniquement le paiement du montant des travaux qu’elle estime avoir réalisés, soit 23 857,64 euros, mais de la totalité du prix initialement convenu.
Elle ne justifie cependant pas que cette somme correspondrait à la marge de bénéfice réalisée si le contrat n’avait pas été rompu ni l’existence d’un manque à gagner du fait de la rupture anticipée du contrat.
Concernant le paiement des travaux que la société CBA allègue avoir réalisés, cette dernière ne produit aucun état détaillé de ceux-ci, ni aucun élément susceptible d’établir la valeur desdits travaux. En outre dans sa lettre du 6 septembre 2020, elle reconnaît qu’il convient de déduire de cette somme de 23 857,64 euros, les sommes perçues au titre des acomptes sur les ordres de service concernant les bâtiments A et D, pour un montant total de 17 927,17 euros, de telle sorte que le solde en faveur de la société ne pourrait être supérieur à 5 940,47 euros.
Par conséquent à défaut pour la société CBA de prouver qu’elle aurait effectué des travaux pour un montant supérieur aux acomptes déjà versés, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société CBA
Moyens des parties
La société CBA fait valoir que la résiliation par le syndicat serait abusive car elle ne reposerait sur aucun élément objectif et qu’elle aurait causé un trouble particulier lié au discrédit causé à la société CBA.
Le syndicat expose que la société CBA est défaillante dans l’administration de la preuve, quant au prétendu discrédit.
Réponse de la cour
Selon l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il résulte des correspondances échangées entre le syndic, l’architecte et la société CBA que les parties ont envisagé ensemble la résiliation du contrat les liant lors d’un entretien le 3 septembre 2010 et que seules les conditions de résiliation, à savoir le solde des comptes entre les parties étaient discutées. Par la suite les parties se sont reprochées mutuellement d’être à l’initiative de cette rupture de contrat sans que ces griefs ne soient établis objectivement ni d’un côté ni de l’autre.
Par conséquent la société CBA n’apporte pas la preuve que la résiliation du contrat par le syndicat serait abusive.
Au surplus elle ne produit aux débats aucun élément probant de nature à établir l’existence du préjudice d’image qu’elle allègue.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société CBA de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais du procès
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, la société CBA, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros, à la société Suria la somme de 3 000 euros et à la société Pichet immobilier services la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne la société CBA aux dépens ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CBA et condamne la CBA à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 1 500 euros, à la société Suria la somme de 3 000 euros et à la société Pichet immobilier services la somme de 3 000 euros.
Le greffier, La conseillère pour la conseillère faisant fonction de présidente empêchée,