Suspension des Obligations Financières en Cas de Contestation de Contrat de Construction

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Suspension des Obligations Financières en Cas de Contestation de Contrat de Construction

Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] ont contracté plusieurs prêts auprès de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST pour financer la construction d’une maison individuelle. En raison de retards dans la livraison de la maison, ils ont demandé la suspension de leurs échéances de prêts pour éviter de cumuler le paiement de leur loyer et des mensualités. La banque a accepté de leur accorder une période de franchise de 5 mois. Par la suite, un juge a suspendu l’exécution de leurs obligations de remboursement pour 24 mois. Un litige persistant avec la société de construction a conduit à une expertise judiciaire. En mai 2024, les emprunteurs ont assigné la banque en référé pour obtenir une nouvelle suspension de leurs obligations. Lors de l’audience, la banque n’a pas comparu, et le tribunal a décidé de suspendre à nouveau les obligations de remboursement pour 24 mois, tout en maintenant le paiement des primes d’assurance et en précisant que les échéances reportées ne produiraient pas d’intérêts de retard. Les emprunteurs ont été condamnés aux dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG
24/00383
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Service des contentieux de la protection
[Adresse 7]
[Localité 3]
ORDONNANCE DU 13 Septembre 2024

N° RG 24/00383 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K76L

Ordonnance du 13 Septembre 2024 N° 24/24

[F] [G]
[H] [B]

C/
S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

copie dossier
copie exécutoire délivrée
le
à Maître DUBOIS
Au nom du Peuple Français ;

Rendue par mise à disposition le 13 Septembre 2024 ;

Par Caroline ABIVEN, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assistée de Géraldine LE GARNEC, Greffier ;

Audience des débats : 21 Juin 2024.

Le juge à l’issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 13 Septembre 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

ENTRE :

DEMANDEUR :

Mme [F] [G]
Chez Mr [A] [C]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Eva DUBOIS, avocat au barreau de RENNES

M. [H] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Eva DUBOIS, avocat au barreau de RENNES

ET :

DEFENDEUR :

S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 5]
non comparante, ni représentée

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre du financement de leur projet immobilier de construction d’une maison individuelle au lieudit « [Localité 10] » à [Localité 8], Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] ont souscrit les prêts suivants auprès de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST :

– Un prêt immobilier standard n°09054190 de 114 612 € remboursable sur 180 mois, les échéances de remboursement étant fixées à la somme mensuelle de 126,07 € pendant 18 mois puis 772,78 € pendant 162 mois, somme remboursable à compter du 5 mars 2022,

– Un prêt « Boost Primo » n°09054191 de 15 000 € remboursable sur 240 mois, les échéances de remboursement étant fixées à la somme mensuelle de 62,50 € et étant remboursable à compter du 4 octobre 2021,

– Un prêt immobilier standard n°09054192 de 180 000 € remboursable sur 300 mois, les échéances de remboursement étant divisées en 4 périodes avec les échéances mensuelles suivantes :
o 18 échéances mensuelles de 255 € ;
o 162 échéances mensuelles de 471,79 € ;
o 60 échéances mensuelles de 1 244,57 € ;
o 60 échéances mensuelles de 1 307,07 €.

La maison n’ayant pas été livrée au terme prévu, soit le 31 juillet 2021, se prévalant de plusieurs désordres affectant les travaux réalisés par la société MAISONS DEMEURANCE, Madame [G] et Monsieur [B] ont sollicité la suspension de leurs échéances de prêts immobiliers, afin d’éviter de cumuler le paiement de leur loyer d’un montant de 750 € et celui des échéances de leurs prêts immobiliers.

La BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST a alors consenti aux emprunteurs trois avenants, régularisés le 7 septembre 2021, par lesquels elle a accordé une nouvelle période de franchise de 5 mois au titre des prêts immobiliers précités.

Par ordonnance du 20 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes a suspendu, à compter de la signification de sa décision et pour un délai de 24 mois, l’exécution des obligations de Monsieur [H] [B] et Madame [F] [G] à l’égard de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST concernant les prêts susvisés, en application des dispositions des articles 1343-5 du code civil et L.314-20 du code de la consommation.

Le litige se poursuivant entre les emprunteurs et la société MAISONS DEMEURANCE chargée de la construction de la maison, une ordonnance a été rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes le 24 juin 2022, ordonnant une expertise judiciaire, le rapport devant être déposé au greffe du tribunal dans un délai de six mois. Par lettre du 27 février 2024, l’expert judiciaire a sollicité du tribunal un report de la date de dépôt du rapport définitif au 29 novembre 2024.

Par acte de commissaire de justice du 17 mai 2024, Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] ont fait assigner en référé la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de voir, au visa des articles 834 du code de procédure civile, 1343-5 du code civil et L. 314-20 et L. 313-44 du code de la consommation :
– Ordonner, à compter de la signification de la décision et pour un délai de 24 mois, la suspension de l’exécution des obligations de Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] à l’égard de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST concernant les crédits suivants souscrits par Monsieur [B] et Madame [G] :
o Un prêt immobilier standard n°09054192 de 180 000 € ,
o Un prêt immobilier standard n°09054190 de 114612 €,
o Un prêt « Boost Primo » n°09054191 de 15 000 €,
– Ordonner qu’au terme de la période de suspension, la durée de ces contrats sera prolongée de 24 mois et que les échéances seront exigibles chaque mois avec un décalage de 48 mois par rapport à l’échéancier initial,
– Ordonner que les échéances ainsi reportées ne produiront pas intérêts de retard et resteront d’un montant identique aux mensualités prévues dans les contrats et les tableaux d’amortissement,
– Rappeler que les pénalités et majorations en raison du retard cessent d’être dues durant la période de délais conformément à l’article 1343-5 du code civil,
– Dépens comme de droit.

A l’audience du 21 juin 2024, les demandeurs, assistés de leur avocat, demandent à la présente juridiction de ne pas tenir compte des observations de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, communiquées par lettre recommandée avec accusé de réception, la procédure étant orale. Ils sollicitent, en outre, le bénéfice de leur acte introductif d’instance.

Pour un exposé des moyens invoqués par Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] au soutien de leurs prétentions, il convient de se reporter à leur assignation du 17 mai 2024.

Bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de justice délivré à étude, la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST n’a pas comparu et ne s’est pas faite représenter. Elle a simplement adressé ses observations par courrier recommandé avec accusé de réception reçu au greffe le 20 juin 2024.

En cet état, l’affaire a été mise en délibéré, la décision étant rendue par sa mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. »

• Sur l’oralité des débats et le rejet des observations écrites de la Banque populaire Grand Ouest

Les article 761 et 817 du code de procédure civile prévoient notamment que dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection, la procédure est orale.

Il en résulte qu’à l’exception des dispositions de l’article 832 du code de procédure civile relatives à la demande de délais de paiement, les parties doivent comparaitre pour présenter leurs demandes et observations oralement à l’audience et, qu’à défaut, leurs écrits ne peuvent qu’être rejetés.

Le courrier adressé par la Banque populaire de l’ouest avant l’audience et qui n’a pas été soutenu oralement à l’audience – la défenderesse n’ayant pas comparu – ne peut qu’être rejeté.

• Sur les demandes principales

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’article L.314-20 du code de la consommation prévoit que « L’exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil. L’ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.
En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension. »

L’alinéa premier de l’article 1343-5 du code civil dispose que « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

Il résulte d’une jurisprudence constante qu’il n’est pas possible de proroger les délais de grâce par décisions successives au-delà de la durée maximale prévue par l’article 1343-5 du code civil (Civ. 1ère, 6 juillet 1959).

Enfin, aux termes de l’article L.313-44 du code de la consommation, « Lorsqu’il est déclaré dans l’acte constatant le prêt que celui-ci est destiné à financer des ouvrages ou des travaux immobiliers au moyen d’un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d’œuvre ou d’entreprise, le tribunal peut, en cas de contestation ou d’accidents affectant l’exécution des contrats et jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de prêt sans préjudice du droit éventuel du prêteur à l’indemnisation. Ces dispositions ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par l’une des parties. »

En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, seuls les accidents ou la contestation affectant l’exécution du contrat principal déterminent la suspension du contrat de prêt destiné à le financer (Civ. 1re, 18 décembre 2014).

En l’espèce, en l’absence de contestation sérieuse et en présence d’une urgence résultant des difficultés financières des emprunteurs, le juge des référés est compétent pour connaitre de la demande de délais de grâce présentée par les demandeurs.

L’ordonnance rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes le 20 mai 2022 ayant déjà suspendu pour un délai de 24 mois, soit pour deux années, l’exécution des obligations de Monsieur [H] [B] et Madame [F] [G] à l’égard de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST, aucun délai de grâce supplémentaire ne saurait être accordé sur le fondement des articles 1343-5 du code civil et L.314-20 du code de la consommation.

Suivant acte sous seing privé du 18 octobre 2019, Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B], en tant que maîtres de l’ouvrage, d’une part, et la société MAISONS DEMEURANCE, en tant que constructeur, d’autre part, ont conclu un contrat de construction d’une maison individuelle pour la somme de 247 887 € au lieudit « [Localité 10] » à [Localité 8].

En vertu de ce contrat, la maison aurait dû être livrée le 31 juillet 2021 ce qui ne fût pas le cas.

Aux termes de l’offre de crédit valant contrat, les prêts n°09054190, n°09054191 et n°09054192 sont destinés à financer l’achat d’un terrain ainsi que la construction d’une maison individuelle au lieudit « [Localité 10] » à [Localité 8].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2021, Monsieur [H] [B] et Madame [F] [G] ont fait état de désordres affectant les travaux auprès de la société MAISONS DEMEURANCE.

Par ordonnance du tribunal judiciaire de Rennes en date du 24 juin 2022, une expertise judiciaire a été ordonnée, à la demande de la société MAISONS DEMEURANCE, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, afin, notamment, de déterminer si les travaux réalisés l’ont été suivant les règles de l’art et conformément aux documents contractuels et dire si la maison est en état d’être réceptionnée. Les opérations d’expertise sont actuellement en cours.

Une contestation affecte donc l’exécution du contrat principal du 18 octobre 2019, relatif à la construction d’une maison individuelle, si bien qu’il convient de suspendre l’exécution des trois prêts destinés à financer cet ouvrage, et ce pour une durée supplémentaire de 24 mois courant à compter de la signification de la présente ordonnance, conformément à la demande présente par Monsieur [B] et Madame [G].

• Sur les demandes accessoires

Selon l’article 696 du code de procédure civile, « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

En l’espèce, Monsieur [H] [B] et Madame [F] [G] qui bénéficient de la présente ordonnance seront solidairement condamnés aux dépens de la présente instance en référé.

Il convient de rappeler que la présente ordonnance est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant en qualité de juge des référés par ordonnance réputée contradictoire, rendue en premier ressort après débats en audience publique,

REJETONS les observations écrites de la Banque Populaire Grand Ouest ;

SUSPENDONS, à compter de la signification de la présente décision, et pour une nouvelle durée de 24 mois, l’exécution des obligations de Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] à l’égard de la BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST concernant les prêts immobiliers suivants qu’ils ont souscrit :
o Le prêt immobilier standard n°09054192 de 180 000 €,
o Le prêt immobilier standard n°09054190 de 114612 €,
o Le prêt « Boost Primo » n°09054191 de 15 000 €,

DISONS que le paiement des primes d’assurance du prêt sera maintenu,

DISONS qu’au terme de la période de suspension, la durée de ces contrats sera prolongée de vingt-quatre mois supplémentaires et que les échéances seront exigibles chaque mois avec un décalage de vingt-quatre mois supplémentaires,

DISONS que les échéances ainsi reportées ne produiront pas intérêts de retard, et resteront d’un montant identique aux mensualités prévues dans les contrats et les tableaux d’amortissement,

RAPPELONS que les pénalités et majorations en raison du retard cessent d’être dues durant la période de délais conformément à l’article 1343-5 du code civil,

RAPPELONS que la présente décision entraîne suspension de toutes les procédures d’exécution engagées pour le recouvrement de la dette conformément à l’article 1343-5, quatrième alinéa, du code civil,

RAPPELONS que l’absence de paiement des échéances contractuelles en exécution de la présente ordonnance ne constitue pas un incident de paiement et ne peut donc entraîner la déchéance du terme ou une inscription du requérant au FICP,

CONDAMNONS solidairement Madame [F] [G] et Monsieur [H] [B] aux dépens de la présente instance,

RAPPELONS que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière, La Juge,


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