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La direction régionale des douanes de [Localité 4] a notifié à la société Dalkia, le 16 février 2021, un avis de paiement de 497.768 euros pour la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019. Dalkia a contesté ce redressement le 15 octobre 2021, mais la contestation a été rejetée le 4 janvier 2022. En réponse, Dalkia a assigné l’administration des douanes en restitution des sommes versées. L’affaire a été clôturée le 8 novembre 2023 et fixée à l’audience de plaidoiries du 23 mai 2024.
Dalkia demande l’annulation de la décision de rejet et la restitution de sommes au titre de la TICFE, en soutenant qu’elle satisfait aux conditions d’éligibilité pour le taux réduit de la TICFE. Elle conteste également la motivation de la décision de rejet, arguant qu’elle ne respecte pas le principe du contradictoire et que les notes internes citées n’ont pas été communiquées au préalable. L’administration des douanes, de son côté, demande le déboutement de Dalkia et soutient que la décision de rejet est fondée sur une procédure contradictoire. Elle affirme que Dalkia n’est pas éligible au taux réduit de la TICFE, en raison de l’absence d’autonomie de ses installations et de la nature non industrielle de son activité. Le tribunal a annulé la décision de rejet de l’administration des douanes, mais a débouté Dalkia de ses demandes de paiement, la condamnant aux dépens et à verser 1.500 euros à l’administration des douanes pour les frais irrépétibles. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 01
N° RG 22/02102 – N° Portalis DBZS-W-B7G-WBND
JUGEMENT DU 13 SEPTEMBRE 2024
DEMANDERESSE :
S.A. DALKIA,
prise en la personne de la Présidente de son conseil d’administration, représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Stanislas LEROUX, avocat au barreau de LILLE, postulant et Maître Stéphane LE ROY, avocat au barreau de PARIS, plaidant
DÉFENDERESSES :
L’ADMINISTRATION DES DOUANES
prise en la personne du Directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 5],
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Laura MAHIEU, avocat au barreau de LILLE, postulant et Maître Jean DI FRANCESCO avocat au barreau de PARIS, plaidant
Monsieur le Directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Laura MAHIEU, avocat au barreau de LILLE, postulant et Maître Jean DI FRANCESCO avocat au barreau de PARIS, plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,
Greffier : Benjamin LAPLUME,
DÉBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Novembre 2023.
A l’audience publique devant la formation collégiale du 23 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 13 Septembre 2024.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 13 Septembre 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
Dans le cadre d’un contrôle de la société Dalkia, la direction régionale des douanes de [Localité 4] a notifié le 16 février 2021 un avis de paiement d’un montant de 497.768 euros au titre de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (ci-après, la TICFE) pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019.
Le 15 octobre 2021, la société Dalkia a déposé une contestation du redressement notifié le 16 février 2021, qui a été rejetée par décision du 4 janvier 2022.
Par acte d’huissier en date du 29 mars 2022, la société Dalkia a fait assigner l’administration des douanes et le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 5] en restitution des sommes versées au titre de l’avis de paiement du 16 février 2021.
Sur ce, les défendeurs ont constitué avocat.
La clôture est intervenue le 08 novembre 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 23 mai 2024.
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 2 juin 2023, la société Dalkia demande de :
Annuler la décision de rejet de l’administration des douanes du 4 janvier 2022 ;
Sur le fond
Annuler la décision de rejet de l’administration des douanes du 4 janvier 2022 pour la période du 1er janvier 2018 au 31 juin 2018 ;
Condamner les défendeurs à lui payer la somme de 110.945,74 euros au titre de la TICFE ainsi que la somme de 7160 euros au titre des intérêts de retard payés à tort ;
Annuler la décision de rejet de l’administration des douanes du 4 janvier 2022 pour la période du 1er juillet 2018 au 31 décembre 2019 ;
Condamner les défendeurs à lui payer la somme de 362.855,63 euros au titre de la TICFE ainsi que la somme de 16.357 euros au titre des intérêts de retard payés à tort ;
En toute hypothèse
Dire que les sommes principales porteront intérêts à compter du paiement initial le 4 mars 2021 sur la base et au taux prévu par l’article 440 bis du code des douanes, avec capitalisation par année entière sur le fondement de l’article 1342-2 du code civil ;
Dire que le jugement sera exécutoire ;
Condamner l’administration à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société Dalkia sollicite, sur le fondement de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration, la nullité de la décision du 4 janvier 2022 au motifs que :
Celle-ci n’est pas motivée en ce que l’administration se borne à viser deux notes internes de la direction générale des douanes et des droits indirects et du bureau politique des contrôles ; que ces notes n’ont pas été portées à sa connaissance dans le cadre du contrôle de redressement et ne sont pas jointes à la décision de rejet ; que la décision ne contient aucun énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;
Celle-ci est contraire au principe du contradictoire en ce que l’administration ne peut pas fonder sa position sur des éléments nouveaux dans les actes postérieurs à la procédure contradictoire ; que l’administration a fait état de notes internes qui n’avaient pas au préalable été communiquées ;
La société Dalkia estime satisfaire aux quatre principes fondateurs de la TICFE :
Le taux réduit bénéficie à la personne qui exploite une installation ; qu’en l’espèce, elle indique qu’elle exploite les installations du centre Nausicaa ;
L’entreprise bénéfice du taux réduit pour l’ensemble de ces consommations ;
La TICFE est acquittée par le consommateur final ; dans le cas présent elle expose que la société Dalkia est la consommatrice finale de l’électricité qui lui permet de fournir un service énergétique à son client Nausicaa ;
La notion industrielle visée dans le texte n’est pas synonyme de manufacturière et comprend la section D de la NAF « production et distribution d’électricité, d’eau, de gaz, de vapeur et d’air conditionné » ; qu’elle estime exercée une activité qui relève de la section D de la NAF puisqu’elle fournit à ses clients de la chaleur et du froid.
Sur le redressement au titre des consommations d’électricité antérieures au 1er juillet 2018 (application du texte dans sa version antérieure à celle issue de la loi n°2017-1775 du 28 décembre 2017) :
La société Dalkia prétend que la notion d’autonomie est une condition ajoutée à la loi par la douane ; qu’en tout état de cause, l’installation concernant le centre Nausicaa est autonome. Elle expose également que les entreprises relevant de la section D de la NAF peuvent bénéficier du taux réduit en ce qu’elles exploitent des installations industrielles. Elle s’oppose à l’interprétation du texte à la lumière de la directive européenne 2003/96/CE telle que réalisée par la Douane en ce que les directives européennes ne peuvent pas avoir d’effet direct vertical inversé ; qu’en tout état de cause, le principe d’interprétation conforme de la législation nationale aux directives non transposées est limité par le principe de sécurité juridique et de non-rétroactivité.
Sur le redressement au titre des consommations d’électricité postérieures au 1er juillet 2018:
La société Dalkia énonce que le critère nouveau géographique procède de l’interprétation erronée du terme « situé ». Elle prétend que l’usage de l’électricité est industriel (fourniture de chaleur et de froid) quand bien même le client exerce une activité touristique et de loisir. Elle allègue que les installations exploitées sont situées au sein de l’entreprise industrielle de la société Dalkia du fait de l’indépendance de la structure, la présence de son personnel et de sa responsabilité envers le client. Elle estime que le législateur a souhaité maintenir l’exonération fiscale aux personnes ayant une activité industrielle et exclure ceux qui disposent d’installations industrielles secondaires.
Or, elle énonce que la société Dalkia ne dispose que d’une activité industrielle (section D de la NAF, création de chaud et de froid). Elle rappelle qu’elle est la consommatrice finale de l’électricité, et que son client, la société Nausicaa, ne bénéficie que d’un service énergétique. Elle en déduit qu’il n’y a pas lieu de l’exclure de l’exonération en raison de l’hébergement de sa structure chez son client.
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 05 septembre 2023, l’administration des douanes et le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 5] demandent de :
Débouter la société Dalkia de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner la société Dalkia à payer à l’administration des douanes et droits indirects la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamner aux dépens.
L’administration des douanes expose que la décision de rejet en date du 4 janvier 2022 s’inscrit au terme d’une procédure contradictoire au cours de laquelle l’ensemble des motifs de droit et de fait ont été rappelés. Elle soutient également que la décision de rejet reprend deux notes internes à l’administrations qui ne font qu’exposer les arguments qu’elle a développés dans la procédure contradictoire.
L’administration des douanes prétend que la société Dalkia n’est pas éligible au taux réduit de la TICFE.
Sur le redressement au titre des consommations d’électricité antérieures au 1er juillet 2018 (application du texte dans sa version antérieure à celle issue de la loi n°2017-1775 du 28 décembre 2017) :
L’administration des douanes estime que l’article 266 quinquies C du code des douanes doit être interprété à la lumière de la directive européenne 2003/96/CE. Elle souligne que le taux réduit de la taxe litigieuse est applicable pour les personnes exploitant une installation industrielle électro-intensive. Une telle installation s’entend d’une unité technique fixe autonome au sein de laquelle sont effectuées ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D ou E de la nomenclature des activités française (NAF). L’administration des douanes soutient que l’installation industrielle de l’article 266 quinquies C précité doit s’entendre comme une entité autonome, c’est-à-dire capable de fonctionner par ses propres moyens, et qu’elle doit être consacrée à la réalisation d’activités principalement industrielles, excluant de fait le bénéfice du taux réduit à une entreprise non industrielle exerçant cette activité à titre secondaire. Elle soutient que les installations de la société Dalkia sont intégrées au sein du site exploité par Nausicaa et ne jouissent pas d’une autonomie fonctionnelle.
Sur le redressement au titre des consommations d’électricité postérieures au 1er juillet 2018:
L’administration prétend que la loi a restreint les conditions d’accès à la TICFE ; que peuvent bénéficier du taux réduit les personnes qui exploitent au moins une installation située au sein de sites industriels électro-intensifs ou d’entreprises industrielles électro-intensives. Elle expose qu’il convient de prendre en considération l’activité principale réellement exercée géographiquement sur pour déterminer l’activité industrielle du site. Elle soutient que l’activité de la société Dalkia se situe chez son client Nausicaa. Elle en déduit que l’activité à prendre en compte est celle du client de la société Dalkia, à savoir la société Nausicaa ; que celle-ci exerce une activité touristique. L’administration des douanes conclut que l’exploitation des installations techniques du site Nausicaa n’est pas éligible au taux réduit.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
L’affaire a été mise en délibéré au 13 septembre 2024.
Sur la demande en annulation de la décision du 04 janvier 2022
L’administration des douanes a notifié, le 16 février 2021, à la société Dalkia, un avis de paiement d’une somme de 473.801 euros au titre de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (ci-après TICFE).
Il n’est pas sollicité la nullité de l’avis de paiement du 16 février 2021.
La société Dalkia a acquitté cette somme outre les intérêts de retard, évalués à 23.967 euros, avant de solliciter une demande de remboursement par lettre recommandée en date du 15 octobre 2021.
Cette demande a fait l’objet d’une réponse en date du 04 janvier 2022 de l’administration des douanes en ces termes : « Je vous informe que votre demande de remboursement du 15 octobre 2021 (…) a dû être rejetée pour la raison suivante : suite à consultation de la direction générale des douanes sur les suites à donner à cette demande de remboursement, le bureau des affaires juridiques et contentieuses a répondu par la note en date du 20 décembre 2021. Le bureau considère que la présente demande de remboursement constitue une contestation des conclusions de l’enquête du service régional d’enquêtes de [Localité 4]. Le bureau considère également que la demande doit être rejetée conformément aux instructions de sa note du 16 juillet 2021 portant sur le contrôle des prestataires de services énergétiques au regard de la TICFE et au traitement des dossiers contentieux ».
La société Dalkia sollicite l’annulation de la décision en se fondant sur l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration aux termes duquel les administrés ont le droit d’être informées sans délais des motifs des décisions individuelles défavorables qui rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.
Dans le cas présent, l’administration des douanes ne conteste pas le caractère obligatoire de la demande de remboursement préalable à la saisine du juge judiciaire ; elle se borne à alléguer que la société Dalkia avait connaissance de la position définitive de l’administration qui avait été explicitée dans l’avis de paiement notifié le 16 février 2021.
Toutefois, le tribunal observe que la décision du 04 janvier 2022 renvoie exclusivement à des notes internes qui n’ont pas été communiquées à la société Dalkia. Ainsi, les considérations de droit de la décision du 4 janvier 2022 sont indigentes. De plus, la carence de motivation ne peut pas être palliée par l’avis de paiement notifié le 16 février 2021, soit antérieurement à la demande de remboursement du 15 octobre 2021, sauf à vider de sa substance l’intérêt du recours obligatoire préalable à la saisine du juge.
Ainsi, il y a lieu d’annuler la décision en date du 04 janvier 2022.
Sur la demande en restitution du paiement des sommes de 110.945,74 euros et de 7.610 euros au titre de la TICFE et des intérêts de retard pour la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018.
L’article 266 quinquies C du code des douanes, dans sa version applicable au présent litige, dispose en son point 8, C, a) que pour les personnes qui exploitent des installations industrielles électro-intensives au sens où, au niveau de l’entreprise ou de ses sites, le montant de la taxe qui aurait été due en application du B, sans application des exonérations et exemptions, est au moins égal à 0,5 % de la valeur ajoutée, le tarif de la taxe intérieure de consommation applicable aux consommations finales d’électricité effectuées pour leurs besoins est fixé à :
– 2 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l’entreprise est strictement supérieure à 3 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;
– 5 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l’entreprise est comprise entre 1,5 et 3 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;
– 7,5 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l’entreprise est strictement inférieure à 1,5 kilowattheure par euro de valeur ajoutée.
L’article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010 pris pour l’application de l’article 266 quinquies C du code des douanes, dans sa version issue du décret n° 2016-445 du 6 mai 2016, dispose que « Pour l’application du a du C du 8 de l’article 266 quinquies C du code des douanes, on entend par “installation industrielle” une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l’annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d’activités et de produits françaises ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement, exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités. »
En l’espèce, suivant contrat multi-techniques du 1er avril 2011, le centre national de la mer Nausicaa (ci-après Nausicaa) a confié à la société Dalkia la maintenance préventive, prédictive, curative et l’astreinte ainsi que la gestion par GMAO :
Des installations de chauffage et climatisation ;Des installations de courant fort et du groupe électrogène ;Des installations de courant faible ;Des ascenseurs, montes charge, portes automatiques et escalators des installations de plomberie et l’assistance technique pour « l’aquariologie » ;Des installations de gestion technique centralisée ;Des outils de GMAO
Il est prévu contractuellement que le personnel appelé à intervenir dans le cadre de la prestation de service appartient à la société Dalkia alors que l’ensemble des installations appartient à Nausicaa. Le tribunal en déduit que Nausicaa a souhaité externaliser cette prestation.
Il n’est pas contesté que la société Dalkia exerce, que ce soit à titre principal ou dans le cadre de la prestation de service avec Nausicaa, une activité de production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionnel ; soit une activité qui relève de la section D de l’annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d’activités et de produits française.
Les parties divergent en revanche sur l’éligibilité de la société Dalkia au taux réduit de la TICFE telle que prévue par l’article 266 quinquies C précité et notamment sur l’interprétation de la notion « d’unité technique fixe » qui ouvre droit à une taxation sur l’énergie réduite.
Le principe d’interprétation conforme (CJCE 9 mars 1978 aff. N°106/77) oblige le juge national à interpréter la loi à la lumière des dispositions européennes et de leurs finalités. Il est constant que la notion d’unité technique fixe n’a pas été définie par le législateur et celle-ci n’est pas suffisamment claire pour en permettre une application sans appréciation de la notion.
L’article 266 quinquies C doit donc être interprété à la lumière des articles 11 et 17 de la directive 2003/96/CE relative à la taxation de l’énergie dont il est la transposition en droit interne. La notion d’unité technique fixe n’est pas reprise par le législateur européen, lequel préfère en revanche préciser la notion d’entreprises susceptibles de bénéficier du taux réduit. Aux termes de l’article 11. 2 de la directive européenne, « aux fins de la présente directive, on ne peut entendre par « entreprise » une entité d’une taille inférieure à celle d’une division d’une entreprise ou d’une entité juridique qui, du point de vue de l’organisation, constitue une exploitation indépendante, c’est-à-dire une entité capable de fonctionner par ses propres moyens ».
Il ressort de ces éléments que l’article 266 quinquies C conditionne l’éligibilité au taux réduit de la TICFE à l’autonomie de l’unité technique fixe, précision faite que l’interprétation conforme du texte précité aux dispositions européennes ne se heurte pas à une interprétation antérieure contraire, de sorte que la société Dalkia n’est pas fondée à alléguer une violation des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité.
Or, dans le cas présent, l’activité litigieuse fait l’objet d’une exploitation dans un lieu situé chez son client et donc, par définition, physiquement séparée de l’entreprise Dalkia. Il est rappelé que les installations et équipements appartiennent à Nausicaa et pour les seuls besoins de celle-ci. L’activité litigieuse n’est donc pas susceptible de fonctionner ou d’être mise à l’arrêt indépendamment de l’activité de Nausicaa. Ainsi, elle ne constitue pas une unité technique fixe au sens de l’article 266 quinquies C.
Il y a lieu d’en déduire que la société Dalkia ne relève pas du taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité au sens de l’article 266 quinquies C du code des douanes pour la période du 1er janvier au 30 juin 2018.
Elle sera donc déboutée de ses demandes en paiement à ce titre.
Sur la demande en restitution du paiement des sommes de 362.855,62 euros et de 16.357 euros au titre de la TICFE et des intérêts de retard pour la période du 1er juillet 2018 au 31 décembre 2019.
L’article 266 quinquies C du code des douanes régit la contribution au service public de l’électricité et prévoit en son aliéna 8 C. a), dans sa version issue de la loi n° 2017-1775 du 18 décembre 2017, un taux réduit « pour les personnes qui exploitent des installations industrielles situées au sein de sites industriels électro-intensifs ou d’entreprises industrielles électro-intensives ».
L’alinéa suivant du texte précité définit « l’installation » comme la plus petite division de l’entreprise dont l’exploitation est autonome, compte tenu de l’organisation de cette entreprise.
Le terme « industriel » est quant à lui défini à l’article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010, dans sa version issue du décret n° 2018-802 du 21 septembre 2018, aux termes duquel présente un caractère industriel, l’entreprise, le site ou l’installation où sont effectuées à titre principal une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l’annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d’activités et de produits françaises.
Enfin, au sens de l’article 2 du décret précité on entend par « site » l’établissement où s’effectue la consommation d’électricité, identifié par son numéro d’identité au répertoire national des entreprises et des établissements.
Il résulte de la lettre de ces textes que l’éligibilité au tarif réduit est subordonnée à l’exploitation d’une installation électro-intensive et industrielle, cette deuxième condition s’appréciant au niveau de l’entreprise ou du site au sein duquel ladite installation est géographiquement implantée, en considération de la nature de l’activité qui y est développée à titre principal.
En l’espèce, il a été rappelé ci-dessus que la société Dalkia développe une activité de production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionnel ; soit une activité qui relève de la section D de l’annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d’activités et de produits française.
Cette activité est située au sein d’un immeuble exploité par Nausicaa, qui exerce une activité touristique.
Il n’est pas disputé que l’installation dont la société Dalkia se prévaut est électro-intensive.
En revanche, contrairement à ce que prétend la société Dalkia, il ne suffit pas que les équipements qu’elle exploite relèvent de la section D de la NAF. Il lui appartient de démontrer que les installations industrielles sont situées physiquement au sein de sites industriels électro-intensifs. Or, les installations, qui appartiennent d’ailleurs à Nausicaa, sont situées dans un ensemble plus vaste, à savoir un immeuble affecté à titre principal à une activité touristique relevant de la section R de la NAF.
De plus, l’installation litigieuse exploitée par la société Dalkia ne constitue pas, en tant que telle, une entité autonome distincte de celle où est exercée l’activité touristique, dans la mesure où la transformation d’énergie électrique est exclusivement affectée à l’activité de sa cliente, hors du champ des sections B, C, D et E de la NAF. Elle n’est donc pas susceptible de fonctionner ou d’être mise à l’arrêt indépendamment de l’activité de Nausicaa. Le tribunal observe par ailleurs que l’interprétation contraire entraînerait une différenciation d’imposition entre les entreprises hors champ des sections B, C, D et E de la NAF ayant externalisé l’exploitation de leurs installations industrielles et celles qui ont conservé l’exploitation en leur sein.
En conséquence, la société Dalkia ne relève pas du taux réduit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité au sens de l’article 266 quinquies C du code des douanes pour la période du 1er juillet 2018 au 30 décembre 2019.
Il y a lieu de débouter la société Dalkia de ses prétentions à ce titre.
Sur les autres demandes et les mesures accessoires.
La société Dalkia, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
Elle sera également condamnée au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros.
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, et par mise à disposition au greffe
ANNULE la décision de rejet de l’administration des douanes en date du 04 janvier 2022 ;
DEBOUTE la société Dalkia de l’ensemble de ses demandes en paiement ;
CONDAMNE la société Dalkia aux dépens ;
CONDAMNE la société Dalkia à payer à l’administration des douanes la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Benjamin LAPLUME Marie TERRIER