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En matière de risque de confusion entre marques de parfums, le niveau d’attention du public est plus élevé.
A ce titre, le risque de confusion entre les marques “Colognes Imaginaires” de Courrège et la marque Parfums imaginaires, a été écarté. Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient donc de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause. Au cas d’espèce (marque “Colognes Imaginaires” de Courrège c/ la marque Parfums imaginaires), même si les produits concernés (savons, parfums, cosmétiques pour les marques opposées et parfums pour les produits exploités sous le signe contesté) ne constituent plus systématiquement des produits de luxe, la cour considère que leur achat fait cependant l’objet d’une attention particulière, compte tenu de l’importance désormais accordée par le consommateur à leur composition s’agissant de produits destinés à être en contact direct avec la peau, achat guidé également par des considérations très personnelles et subjectives tenant à leurs fragrance, packaging et marque, outre l’image qu’ils évoquent notamment au travers du storytelling et de leur univers publicitaire, comme le démontre notamment l’étude QualiQuanti de février 2020 versée par les sociétés Courrèges. Ainsi, si les deux signes en cause sont conceptuellement proches, comme il a été vu, cette proximité ne peut être considérée comme particulièrement significative pour le public pertinent à l’attention un peu plus élevée, qui sera naturellement porté à associer l’univers du parfum à l’imaginaire au sens large, et, en présence de deux signes proches, sera porté à davantage s’attarder sur les différences existant pour mieux les distinguer, soit au cas présent le terme d’attaque nettement distinct, et ce d’autant que sur l’ensemble des usages incriminés, les termes « COLOGNES IMAGINAIRES » ne sont jamais présentés seuls mais toujours et systématiquement associés à la marque ombrelle « COURREGES » nettement visible et mise en valeur par une présentation spécifique. Ainsi, le consommateur moyen de ces produits, soit le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif, même s’il doit se fier à l’image imparfaite des marques qu’il garde en mémoire et même s’il est habitué à voir figurer une double référence sur ce type de produits, sait, sans nul doute possible, que quand il achète le produit « COLOGNES IMAGINAIRES », il s’agit d’un parfum de la marque Courrèges commercialisé par la Maison éponyme et non un produit d’une gamme d’eaux de Cologne de la marque « LIQUIDES IMAGINAIRES » ou de la société du même nom. Cet usage ne prive pas davantage la société Liquides Imaginaires d’exploiter le cas échéant une eau de Cologne sous ses propres marques. Même si les produits concernés (savons, parfums, cosmétiques’) ne constituent plus nécessairement des produits de luxe, la cour considère que leur achat fait cependant l’objet d’une attention particulière, compte tenu de l’importance désormais accordée par le consommateur soit à leur composition, s’agissant de produits destinés à être en contact direct avec la peau, soit à des considérations personnelles et subjectives tenant à leurs packaging, fragrance et marque. Ainsi, le consommateur moyen des produits en cause, soit le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, fera preuve d’un niveau d’attention un peu plus élevé lors de leur achat. Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, le risque étant d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. Par ailleurs, la CJUE a rappelé que constitue un risque de confusion au sens de ces dispositions le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Elle a, par plusieurs arrêts, précisé que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. La jurisprudence européenne a, par ailleurs, précisé que dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque verbale et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque verbale puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ainsi, si deux marques ont en commun un composant, il faut rechercher si ce composant est susceptible de dominer, à lui, seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, ou s’il occupe une place distinctive autonome, sans pour autant être dominante. Ce n’est donc que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant, la Cour de justice ajoutant, que « le fait qu’un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu’il soit dominant, de même que le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’implique nullement qu’il soit négligeable ». Aux termes de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable, « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) A une marque antérieure enregistrée (…) b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public (‘) ». L’article L. 713-3 du même code dispose, quant à lui, que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public [‘.] b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ». |
Résumé de l’affaire : La société Liquides Imaginaires, fondée en 2012 et spécialisée dans les parfums haut de gamme, détient plusieurs marques enregistrées, dont « LIQUIDES IMAGINAIRES ». En 2019, la société Courrèges Parfums a déposé la marque « COURRÈGES COLOGNES IMAGINAIRES » pour des produits similaires. Liquides Imaginaires a alors contesté cette marque, arguant qu’elle portait atteinte à ses droits de propriété intellectuelle. Après une mise en demeure restée sans réponse, Liquides Imaginaires a assigné Courrèges Parfums et Courrèges Distribution en justice pour contrefaçon de marques et concurrence déloyale. Le tribunal judiciaire de Paris a débouté Liquides Imaginaires de ses demandes et a condamné cette dernière à verser des frais aux sociétés Courrèges. Liquides Imaginaires a interjeté appel, demandant l’invalidation de la marque « COURRÈGES COLOGNES IMAGINAIRES » et des dommages-intérêts. En réponse, Courrèges a demandé la confirmation du jugement initial et des sanctions pour appel abusif. La cour d’appel a finalement confirmé le jugement de première instance, tout en déboutant Courrèges de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif et en condamnant Liquides Imaginaires aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n°106/2024 , 18 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/11173 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF643
Décision déférée à la Cour : jugement du 22 avril 2022 du tribunal judiciaire de PARIS RG n° 20/12008
APPELANTE
S.A.S. LIQUIDES IMAGINAIRES
Agissant en la personne de son président domicilié au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée de Me Alain CLERY de la SELARL CLERY DEVERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0070
INTIMÉES
S.A.S. COURREGES PARFUMS
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 712 028 638, prise en la personne de son président domicilié au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
S.A.S. COURREGES DISTRIBUTION
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 790 116 768, prise en la personne de son président domicilié au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentées et assistées de Me Matthieu BERGUIG de la SELEURL MATTHIEU BERGUIG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0596
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 juin 2024 , en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
– Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
– Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
– Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TRÉJAUT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Créée en 2012, la société Liquides Imaginaires est spécialisée dans la création de parfums haut-de-gamme qu’elle commercialise en France et dans le monde entier, en points de vente physique et sur internet, à travers notamment le nom de domaine dont elle est réservataire depuis 2013.
Elle est titulaire de :
la marque verbale française « LIQUIDES IMAGINAIRES », enregistrée sous le numéro 3841038 et déposée le 23 juin 2011 en classes 3, 14 et 42 pour désigner les produits et services suivants: « Savons, produits de parfumerie, parfums, eaux de toilette, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, gels et lotions parfumés pour le visage et le corps, déodorants, gels pour le bain, baumes avant-rasage et lotions après-rasage. Joaillerie ; bijouterie, métaux précieux et leur alliage. Objets d’art en métaux précieux. Boîtiers, bracelets, chaînes de montre, médailles. Conception et développement de produits. Graphisme, dessin industriel. Stylisme (esthétique industrielle). Décoration intérieure de bâtiments, restaurants, hôtels, bars, boîtes de nuit. »
la marque verbale française « LIQUIDES IMAGINAIRES », enregistrée sous le numéro 4062663 et déposée le 23 janvier 2014, en classes 3, 4 et 35 pour désigner les produits et services suivants : « Savons, produits de parfumerie, parfums, eaux de toilette, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, gels et lotions parfumés pour le visage et le corps, déodorants, gels pour le bain, baumes avant-rasages et lotions après-rasage. Bougies parfumées. Bougies (éclairage). Services de vente au détail proposant des produits de soins personnels, cosmétiques, produits de toilette, produits pour le corps, produits de soin pour la peau, fragrances à usage personnel et produits pour traitement de beauté ; services de magasins de vente au détail en ligne proposant des produits de soins personnels, cosmétiques, produits de toilette, produits pour le corps, produits de soin pour la peau, fragrances à usage personnel et produits pour traitement de beauté. »
la marque verbale de l’Union européenne « LIQUIDES IMAGINAIRES », enregistrée sous le numéro 17994178 et déposée le 29 novembre 2018, en classes 3, 4 et 35 pour désigner les produits et services ci-dessous : « Savons ; produits de parfumerie ; parfums; eaux de toilette; huiles essentielles; cosmétiques; lotions pour les cheveux; gels et lotions parfumés pour le visage et le corps; déodorants; gels pour le bain; baumes avant-rasage et lotions après-rasage. Bougies parfumées ; bougies éclairage. Services de vente au détail et service de vente au détail en ligne proposant des produits de soins personnels, cosmétiques, parfums, produits de toilette, produits pour le corps, produits de soin pour la peau, fragrances à usage personnel et produits pour traitement de beauté; Services de vente au détail et services de vente au détail en ligne liés à la vente de bougies et bougies parfumées; services de vente au détail et services de vente au détail en ligne liés à la vente de métaux précieux et leurs alliages, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques, montres, et accessoires pour tous les produits précités; Services de vente au détail et services de vente au détail en ligne liés à la vente de vêtements, chaussures, chapellerie; Services de vente au détail et services de vente au détail en ligne liés à la vente de bières, eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool; Services de vente au détail et services de vente au détail en ligne liés à la vente de boissons alcoolisées. »
Les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution sont toutes deux filiales de la Maison de couture éponyme créée en 1961 par le couturier André Courrèges, la seconde distribuant les parfums créés par la première.
Le 30 juillet 2019, la société Courrèges Parfums a déposé la marque verbale française «COURRÈGES COLOGNES IMAGINAIRES» n° 4571784 en classe 3 pour désigner en particulier les « Savons; produits de parfumerie; parfums; huiles essentielles; cosmétiques; lotions pour les cheveux; désodorisant à usage personnel (parfumerie); dépilatoires; produits de démaquillage; rouge à lèvres; masques de beauté », marque qui n’a pas l’objet d’opposition, avant de lancer une gamme d’eaux de Cologne.
Estimant que l’utilisation de la dénomination « COLOGNES IMAGINAIRES » pour des parfums porte atteinte à ses marques françaises et européenne, la société Liquides Imaginaires, par courrier du 23 juin 2020, a mis en demeure la société Courrèges Parfums d’en cesser l’usage et de retirer la marque litigieuse.
Faute de réponse satisfaisante, elle a, par acte du 25 novembre 2020, fait assigner les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques, nullité de la marque adverse et concurrence déloyale et parasitaire.
Par jugement rendu le 22 avril 2022 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :
dit n’y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°7 des sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution ;
débouté la société Liquides Imaginaires de sa demande en nullité de la marque française n°4571784 dont est titulaire la société Courrèges Parfums ;
débouté la société Liquides Imaginaires de sa demande en contrefaçon de marques;
débouté la société Liquides Imaginaires de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire ;
débouté les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ;
condamné la société Liquides Imaginaires à payer aux sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution ensemble la somme globale de 8 000 (huit mille) euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Liquides Imaginaires aux dépens de la présente instance ;
rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
La société Liquides Imaginaires a interjeté appel de ce jugement le 9 juin 2022.
Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 23 décembre 2023, la société Liquides Imaginaires, appelante, demande à la cour de :
Vu les articles L.713-2, L.714-3, L.716-4, L.717-1 et L.711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle,
Vu l’article 9.1 b) du règlement sur la marque de l’Union européenne,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Confirmer le jugement en ce qu’il dispose « déboute les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution de leur demande reconventionnelle en procédure abusive », et par voie de conséquence débouter les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums de leur appel incident de ce chef comme de toutes leurs demandes, fins & conclusions ;
Infirmer le jugement du tribunal judiciaire du 22 avril 2022 en ce qu’il a :
débouté la société Liquides Imaginaires de sa demande en nullité de la marque française n° 4571784 dont est titulaire la société Courrèges Parfums ;
débouté la société Liquides Imaginaires de sa demande en contrefaçon de marques ;
débouté la société Liquides Imaginaires de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire ;
condamné la société Liquides Imaginaires à payer aux sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution ensemble la somme globale de 8 000 (huit mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau :
Dire que les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums en reproduisant les marques de la société Liquides Imaginaires (n°17994178, n° 3841038, et n° 4062663), ont commis des actes de contrefaçon par l’usage du signe COLOGNES IMAGINAIRES ;
Dire que les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums ont commis des actes de concurrence déloyale par l’usage qu’elles font de la dénomination COLOGNES IMAGINAIRES créant un risque de confusion avec la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine LIQUIDES IMAGINAIRES ;
Dire que les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitisme par l’usage qu’elles font de la dénomination COLOGNES IMAGINAIRES qui s’inscrit dans le sillage des droits antérieurs de la société Liquides Imaginaires sur son nom et celui de ses produits ;
En conséquence :
Faire interdiction aux sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums de reproduire, utiliser et/ou apposer la dénomination COLOGNES IMAGINAIRES, à quelque titre que ce soit, sur l’intégralité du territoire de l’Union européenne ; sous astreinte de 1 000 euros par infraction commise dans les quinze jours de la signification de l’arrêt à intervenir ;
Ordonner le retrait des circuits commerciaux, des parfums COLOGNES IMAGINAIRES, de tout le territoire de l’Union européenne, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir ;
Ordonner la destruction des parfums COLOGNES IMAGINAIRES exploités par les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums, sur le territoire de l’Union européenne, sous contrôle d’huissier, à leurs frais et d’en justifier dans un délai de huit jours à compter du trentième jour de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;
Annuler la marque française COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES n°4571784 de la société Courrèges Parfums en ce qu’elle porte atteinte aux droits antérieurs sur les marques LIQUIDES IMAGINAIRES n°17994178 n° 3841038 et n° 4062663, la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine LIQUIDESIMAGINAIRES.COM ;
Ordonner la transmission de l’arrêt à l’INPI, une fois celui-ci définitif, aux fins de transcription de la nullité de la marque à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente ;
Ordonner aux sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums de communiquer, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard :
une attestation comptable d’un tiers indépendant indiquant le chiffre d’affaires des sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums pour les années 2020, 2021 et 2022 réalisé avec la marque « COLOGNES IMAGINAIRES »,
une attestation comptable d’un tiers indépendant indiquant le bénéfice des sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums pour les années 2020, 2021 et 2022, réalisé avec la marque « COLOGNES IMAGINAIRES »,
une attestation comptable d’un tiers indépendant indiquant le nombre de produits revêtu de la dénomination litigieuse « COLOGNES IMAGINAIRES » vendu par les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums, en 2020, 2021 et 2022,
Condamner in solidum les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums à payer à la société Liquides Imaginaires la somme de 100 000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial résultant des actes de contrefaçon, à titre de provision, à parfaire aux vues de la communication des informations chiffrées dont la production sous astreinte est sollicitée ;
Condamner in solidum les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums à verser à la société Liquides Imaginaires la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant des actes de contrefaçon ;
Condamner in solidum les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums à verser à la société Liquides Imaginaires la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice commercial résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, à titre de provision, à parfaire aux vues de la communication des informations chiffrées dont la production sous astreinte est sollicitée ;
Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, si besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires, et au moins par extraits, dans cinq journaux, français ou étrangers, au choix de la société Liquides Imaginaires et aux frais des sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums dans la limite de la somme de 8.000 euros hors taxe par insertion ;
Ordonner de même sur la moitié de la page d’accueil du site Internet « courreges.com», la publication d’un bandeau de couleur rouge énonçant le texte suivant en lettres blanches de taille égale de caractère Arial taille 12, dans la totalité de l’espace dudit bandeau : «Par décision de la Cour d’appel de Paris du ——-, et à la demande de la société Liquides imaginaires, il a été ordonné aux sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums de cesser la fabrication et la commercialisation des parfums dénommés COLOGNES IMAGINAIRES », pendant une durée ininterrompue de 30 jours ouvrables, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir ;
Condamner in solidum les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums à la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamner in solidum les sociétés Courrèges Distribution et Courrèges Parfums aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit du cabinet GRV, en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 12 octobre 2023, les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution, intimées, demandent à la cour de :
Confirmer le jugement rendu en première instance par le Tribunal judiciaire de Paris ;
Débouter la société Liquides Imaginaires de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner la société Liquides Imaginaires à une amende civile pour appel abusif ;
Condamner la société Liquides Imaginaires à payer à la société Courrèges Parfums et à la société Courrèges Distribution une indemnité de 100 000 (cent mille) euros pour appel abusif ;
Condamner la société Liquides Imaginaires aux entiers dépens ;
Condamner la société Liquides Imaginaires à payer à la société Courrèges Parfums et à la société Courrèges Distribution une somme de 25 000 (vingt- cinq mille) euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non contesté
Le jugement n’est pas contesté et est donc définitif en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à écarter des débats la pièce n°7 communiquée par les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution.
Sur la validité de la marque « COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES »
La société Liquides Imaginaires sollicite l’annulation de la marque n° 4571784 déposée par la société Courrèges Parfums pour des parfums, au motif qu’elle porte atteinte à ses droits antérieurs que sont ses marques « LIQUIDES IMAGINAIRES », sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine en raison du risque de confusion qu’elle crée avec eux, au regard de l’identité des produits en cause ainsi que des grandes ressemblances visuelles, phonétiques et conceptuels entre les signes.
Elle retient, en ce qui concerne le risque de confusion, que doit être pris en compte le public ayant le niveau d’attention le moins élevé, soit le consommateur moyen avec un niveau d’attention moyen, les parfums constituant des produits de grande consommation qui ne peuvent être considérés comme des produits de luxe.
Elle soutient en outre que dans la marque déposée « COURRÈGES COLOGNES IMAGINAIRES », l’élément « COURREGES » n’est pas dominant et n’identifie pas le parfum et donc le produit et que c’est le terme « IMAGINAIRES », qui est distinctif et qui retient l’attention comme identifiant le nom du parfum soit « COLOGNES IMAGINAIRES » et ne se rapporte donc pas à la marque ombrelle « COURRE’GES », le consommateur de parfum étant habitué à voir coexister un nom de parfum avec une marque ombrelle. Elle en déduit que le signe contesté reprend l’élément dominant de sa propre marque, l’ajout de la marque ombrelle « COURREGES » n’étant pas de nature à supprimer le risque de confusion, dès lors que l’élément « IMAGINAIRE » conserve une position distinctive autonome dans chacun des signes en cause. Elle estime que le risque de confusion est accru par le caractère distinctif de sa propre marque.
Compte tenu de cet ensemble d’éléments, la société Liquides Imaginaires soutient que le risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public est constitué, ce dernier pouvant penser que la marque « COLOGNES IMAGINAIRES » constitue une déclinaison de sa marque, la privant, en outre, de la possibilité de décliner sa propre marque.
Les sociétés Courrèges, rappelant que la comparaison doit s’effectuer entre les signes tels qu’enregistrés, contestent l’existence du moindre risque de confusion, le public disposant selon elles d’un niveau élevé d’attention et l’élément distinctif et dominant de la marque litigieuse étant à l’évidence le terme « COURRÈGES » à la notoriété incontestée, placé en position d’attaque, tandis que les marques opposées sont elles-mêmes faiblement distinctives et que le terme « IMAGINAIRE » est utilisé fréquemment pour des parfums.
Elles soulignent que l’analyse des signes en litige par la société appelante pour fonder son action en nullité est biaisée puisqu’elle n’appréhende pas la marque de la société Courrèges Parfums telle qu’elle a été déposée puis enregistrée, qu’elle n’apporte pas la preuve d’un risque de confusion entre les signes ni de leurs prétendues ressemblances et soulignent que la gamme litigieuse n’est plus commercialisée depuis la fin de l’année 2021.
Elles soutiennent également que la marque opposée présente une distinctivité très faible au regard des produits concernés et de l’usage de ces termes dans le monde de la parfumerie, qu’ainsi le seul élément commun entre les signes « Imaginaires » n’est pas dominant.
À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’au regard de la date de dépôt de la demande de la marque, le présent litige est soumis aux textes antérieurs à ceux issus de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, entrée en vigueur le 15 décembre 2019.
Aux termes de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors applicable, « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) A une marque antérieure enregistrée (…)
b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public,
c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public (‘) ».
L’article L. 713-3 du même code dispose, quant à lui, que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public [‘.]
b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ».
Sur la comparaison des produits
En l’espèce, la marque litigieuse est une marque verbale française « COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES ». La société Liquides Imaginaires lui oppose à titre de droits antérieurs ses marques « LIQUIDES IMAGINAIRES » dont il n’est pas contesté que les produits couverts et, en particulier, les « savons, produits de parfumerie, parfums, eaux de toilette, huiles essentielles, cosmétiques », sont identiques à ceux de la marque seconde, ainsi qu’à sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine identiques.
Sur le public pertinent
Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause.
Au cas d’espèce, même si les produits concernés (savons, parfums, cosmétiques’) ne constituent plus nécessairement des produits de luxe, la cour considère que leur achat fait cependant l’objet d’une attention particulière, compte tenu de l’importance désormais accordée par le consommateur soit à leur composition, s’agissant de produits destinés à être en contact direct avec la peau, soit à des considérations personnelles et subjectives tenant à leurs packaging, fragrance et marque.
Ainsi, le consommateur moyen des produits en cause, soit le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, fera preuve d’un niveau d’attention un peu plus élevé lors de leur achat.
Sur la comparaison des signes
Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l’identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, le risque étant d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.
Par ailleurs, la CJUE a rappelé que constitue un risque de confusion au sens de ces dispositions le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Elle a, par plusieurs arrêts, précisé que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.
La jurisprudence européenne a, par ailleurs, précisé que dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque verbale et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque verbale puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.
Ainsi, si deux marques ont en commun un composant, il faut rechercher si ce composant est susceptible de dominer, à lui, seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, ou s’il occupe une place distinctive autonome, sans pour autant être dominante.
Ce n’est donc que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant, la Cour de justice ajoutant, que « le fait qu’un élément ne soit pas négligeable ne signifie pas qu’il soit dominant, de même que le fait qu’un élément ne soit pas dominant n’implique nullement qu’il soit négligeable ».
Il convient donc de comparer les signes en litige avant de procéder à l’appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.
Contrairement à l’analyse opérée par la société Liquides Imaginaires, s’agissant d’une demande en nullité de marque, il convient de procéder à la comparaison entre les marques telles que déposées et non la limiter aux deux termes « LIQUIDES IMAGINAIRES » et « COLOGNES IMAGINAIRES», et par conséquent de comparer les marques opposées «LIQUIDES IMAGINAIRES» et la marque contestée «COURRÈGES COLOGNES IMAGINAIRES».
Sur ce, visuellement, les signes en présence ont en commun le terme « IMAGINAIRES » placé en position finale. Ils se distinguent cependant en ce que la marque contestée est composée de deux autres éléments verbaux « COURREGES COLOGNES » placés en position d’attaque, contre un seul autre terme « LIQUIDES » pour la marque opposée et se différencient donc par leur longueur et par leur structure, de sorte que la similitude est moyenne.
Phonétiquement, la marque seconde composée de trois termes de plusieurs syllabes est d’une prononciation plus longue que les marques antérieures, composées de deux termes, avec des rythmes et sonorités nettement distincts (COURREGES COLOGNE vs/ LIQUIDES), nonobstant la présence en finale du même mot « IMAGINAIRES », de sorte que la similitude est plutôt faible.
D’un point de vue conceptuel, l’emploi de l’adjectif commun « IMAGINAIRES » fait référence à l’aspect imaginé, inventé des produits, les situant dans une approche créative mais se fond cependant dans un ensemble plus vaste dans la marque querellée. En effet, en raison de la présence du signe « COURREGES » en position d’attaque dans la marque litigieuse, la marque « COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES » renvoie immédiatement à des eaux de Cologne de la Maison Courrèges, le consommateur considérant la marque dans son ensemble, tandis que la marque « LIQUIDES IMAGINIAIRES » évoque des éléments fluides créés en faisant appel à l’imagination et, contrairement à ce que soutient la société Liquides Imaginaires, se rapporte évidemment au nom « LIQUIDES » qui le précèdent avec lequel il s’accorde au demeurant au pluriel et ne peut être analysé seul, le consommateur la percevant également comme un tout. La cour retient que la similitude conceptuelle est plutôt faible.
Il résulte de cette comparaison que ces signes, pris dans leur ensemble, malgré la présence du même mot « IMAGINIAIRES » présentent des différences tant sur les plans visuel que phonétique et intellectuel.
Cette analyse est encore renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes en cause.
En effet, dans la marque opposée, le terme « LIQUIDES » est d’évidence peu distinctif, voire descriptif pour une partie des produits visés, soit les parfums, qui sont le plus souvent présentés sous une forme liquide à vaporiser, tandis que l’adjectif « IMAGINAIRES » est souvent utilisé dans le domaine de la parfumerie, soit à titre de marque, soit pour faire référence à l’univers de la création notamment en terme de communication, de sorte que cet adjectif ne peut être considéré comme particulièrement distinctif pour des produits de la classe 3 et notamment des parfums, ni plus dominant dans la mesure où il se rapporte directement au nom qui le précède et qu’il qualifie. La société appelante n’est donc pas fondée à revendiquer son caractère particulièrement distinctif, unique et spécifique aux marques qu’elle a déposées.
Au contraire, dans le signe contesté, si les termes « COLOGNES IMAGINAIRES » sont peu distinctifs, voire descriptifs pour la référence à l’eau de Cologne, le terme « COURREGES », placé en position d’attaque est lui distinctif et dominant comme faisant immédiatement référence à la Maison de couture éponyme existant depuis plus de 60 ans à l’initiative du créateur André Courrèges en 1961, la notoriété de celle-ci n’étant pas contestée par l’appelante, et nonobstant le fait que le nom « COURREGES » seul soit également déposé à titre de marque.
Ainsi, le consommateur moyen de ces produits, soit le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif, même s’il doit se fier à l’image imparfaite des marques qu’il garde en mémoire, sait, sans doute possible, quand il achète un produit revêtu de la marque «COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES », qu’il s’agit d’un parfum de la marque Courrèges commercialisé par la Maison éponyme et non d’un produit d’une gamme d’eaux de Cologne de la marque «LIQUIDES IMAGINAIRES » ou de la société du même nom.
En outre, la cour constate que, dans le signe contesté, seul le terme « IMAGINAIRES » est repris et non la marque première ou la dénomination de l’appelante dans son entier, de sorte qu’il ne peut être soutenu que celle-ci occuperait une position distinctive autonome au sein de la marque seconde. Ainsi, si les deux marques ont en commun le terme « IMAGINAIRES », ce composant n’est pas susceptible de dominer à lui seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, les autres composants de la marque n’étant nullement négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, au regard des constatations déjà opérées, s’agissant de la marque « COURREGES LIQUIDES IMAGINAIRES ». La société Liquides Imaginaires ne peut donc être suivie lorsqu’elle soutient que le terme « IMAGINAIRES » conserverait une position distinctive autonome dans la marque contestée.
Enfin, si l’INPI ou certaines juridictions, dans le cadre d’autres contentieux, ont pu retenir un risque de confusion entre certains signes reprenant des séquences verbales en partie communes, ces décisions ne sauraient être transposables, dès lors que chaque litige diffère au regard tant de la comparaison des signes que des produits et services visés, à la lumière de tous les facteurs pertinents et propres à chaque cas d’espèce.
Il résulte, en conséquence, de la comparaison globale des signes en présence, qui implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, au vu de l’ensemble des critères pertinents au cas d’espèce, en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par les signes, de leurs éléments distinctifs et dominants et, nonobsant l’identité des produits visés, qu’il n’existe pas de risque de confusion ente la marque contestée « COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES » et les marques antérieures « LIQUIDES IMAGINAIRES », le public ne pouvant être amené à penser que les produits en cause proivennent de la même enreprise ou d’entreprises liées économiquement.
La même analyse doit être faite pour les autres droits antérieurs invoqués dès lors que ceux-ci sont strictement identiques aux marques antérieures opposées.
C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté la demande en nullité de la marque française « COURREGES LIQUIDES IMAGINAIRES » n°4571784, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Sur la contrefaçon de la marque « LIQUIDES IMAGINAIRES »
La société Liquides Imaginaires soutient que l’usage que font les défenderesses du signe «COLOGNES IMAGINAIRES » sur l’emballage des quatre parfums litigieux est constitutif de contrefaçon de ses trois marques verbales antérieures, au regard des ressemblances visuelles, phonétiques et conceptuelles établies entre les signes, au sein desquels l’élément verbal «IMAGINAIRES », employé au pluriel sans justification, est distinctif et dominant. Selon elle, le public pertinent, ici le grand public d’attention moyenne, sera amené à croire à une origine commune des produits en cause.
En réponse à ses adversaires, elle considère que la marque «COURRÈGES» ne sert pas à désigner les parfums et n’est pas associée au signe «COLOGNES IMAGINAIRES», duquel elle est au contraire nettement distincte, n’agissant que comme marque ombrelle pour se référer à l’univers de la Maison de couture éponyme, de sorte qu’elle doit être écartée dans la comparaison des signes. Elle souligne que les termes « LIQUIDES » et « COLOGNES » servent tous deux à décrire le contenu du produit et qu’ils revêtent le même sens en raison de leur association à l’adjectif « IMAGINAIRES ». Elle considère que, dans les signes en litige, les termes « LIQUIDES » et « COLOGNES » ne sont pas dominants, à la différence du terme « IMAGINAIRES » , distinctif, et que ce dernier terme ferait apparaître les signes litigieux, aux yeux des consommateurs ayant le niveau d’attention le moins élevé (et non celui qui a un « niveau relativement élevé d’attention » ou encore une « attention nettement supérieure à la moyenne » comme retenu par le tribunal), comme désignant une seule et même gamme de produits. De plus, la société soutient que la présence de la marque ombrelle « COURREGES » ne saurait différencier les signes en cause, ni écarter le risque de confusion et donc le grief de contrefaçon, dès lors que le terme « IMAGINAIRES » conserve une position distinctive autonome dans la marque contestée. Enfin, en raison de la structure identique de ces marques (déclinées de la même façon au pluriel, dans le même ordre, avec la même construction, prises dans le même sens) et de leur renvoi à un même type de produit, elle souligne le risque de confusion ou d’association entre elles ou leurs produits.
Les sociétés Courrèges soutiennent avoir toujours pris soin d’exploiter le signe «COLOGNES IMAGINAIRES » en association avec la marque ombrelle « COURRÈGES », et qu’elles ne peuvent être tenues responsables d’usages différents faits par des tiers. Au regard de la faible distinctivité de la marque opposée, elles considèrent que le consommateur dont le niveau d’attention est plus élevé en raison de la nature des produits en cause, ne peut être conduit à croire que les produits en litige auraient une même origine ou qu’il existerait un quelconque accord commercial entre les parties au litige.
Elles contestent les ressemblances entre les signes invoqués par la société appelante, la présence du terme « COURREGES », nettement distinctif au sein de la marque contestée, dominant puisque placé en attaque du signe contesté, excluant selon elles toutes ressemblances visuelles, phonétiques, conceptuelles entre les signes.
Les sociétés intimées font également valoir que le terme « IMAGINAIRE », au singulier comme au pluriel, est commun voire banal dans le domaine de la parfumerie, qu’il n’est pas distinctif en tant que tel et qu’il peut être librement exploité par quiconque.
Elles soutiennent que ce terme, commun aux deux signes, ne possède aucune position distinctive autonome. Dès lors, elles considèrent que la marque « LIQUIDES IMAGINAIRES » ne bénéficie que d’une distinctivité faible, alors qu’a contrario la présence du terme « COURREGES » confère à la marque « COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES » un caractère distinctif fort, et qu’ainsi le risque de confusion n’est nullement établi. Elles réfutent toute hypothétique croyance du public quant à une même origine des produits ou à un quelconque accord commercial entre les parties au litige, en raison notamment de l’affichage apparent du nom des créateurs des parfums COURREGES, outre la grande notoriété de la Maison de couture éponyme ou encore en raison de la présence de différences notables entre les emballages et les flacons des produits.
Au surplus, les sociétés intimées soutiennent que les parfums de la société Liquides Imaginaires ne sont pas destinés au grand public mais, au contraire, à une clientèle restreinte, « de niche », ce dont se prévaut notamment l’appelante dans ses communications au public, et donc à des consommateurs qui achètent un parfum après s’être renseignés sur la composition du parfum, sur la marque dudit parfum et sur la société qui l’a produit.
Sur ce, l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version postérieure au 13 novembre 2019, applicable au présent litige eu égard à la date des faits incriminés, dispose que : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. »
Selon l’article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle : « L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4. »
Aux termes de l’article 9 ‘Droit conféré par la marque de l’Union européenne’ du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne :
‘1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ; (…) »
La cour rappelle que, pour retenir qu’un signe constitue la contrefaçon par imitation d’une marque antérieure, il faut qu’il existe une similarité entre les signes en cause et une identité ou une similarité entre les produits ou services et qu’il en résulte un risque de confusion pour le consommateur de référence, les critères ci-dessus mentionnés dans le cadre de l’examen de la nullité de marque ayant vocation à s’appliquer de manière identique pour l’examen des faits de contrefaçon.
Sur les signes en cause
La contrefaçon s’apprécie en comparant les marques invoquées telles qu’enregistrées et le signe litigieux tel qu’exploité en pratique.
Les marques invoquées sont les marques verbales « LIQUIDES IMAGINAIRES » françaises n°3841038 et n°4062663 et de l’Union Européenne n°17994178.
Les parties s’opposent sur le signe dont il est fait usage pour la comparaison à effectuer.
Les visuels litigieux, soit les affiches, emballages et étiquettes apposées sur les produits commercialisés par les sociétés Courrèges sont les suivants :
Comme l’a relevé le tribunal, au regard de ces visuels, il apparaît que la marque n° 4571784 n’est pas utilisée telle que déposée par les sociétés Courrèges, dès lors que les éléments « COLOGNES IMAGINAIRES » sont isolés sur les affiches, emballages et étiquettes et mis en avant par une police de taille plus importante sur les flacons d’eaux de Cologne, l’ordre des termes étant en outre inversé sur ces derniers, l’élément « COURREGES » étant placé en position finale.
La cour constate également, comme le tribunal, que la marque ombrelle « COURREGES » est toujours présente, les termes « COLOGNES IMAGINAIRES » n’étant jamais employés seuls.
Comme l’a analysé le tribunal, le fait que certains opérateurs tiers puissent faire usage des seuls termes « COLOGNES IMAGINAIRES», sans la marque ombrelle « COURREGES », n’est pas imputable aux sociétés intimées et ne peut donc leur être reproché dans la présente instance en contrefaçon.
Par ailleurs, il doit être relevé que les éléments « COLOGNES IMAGINAIRES » revêtent un rôle central dans la présentation des produits et leur désignation auprès du public pertinent et remplissent, en ce sens, la fonction de garantie d’origine attribuée à la marque en permettant au consommateur de les distinguer parmi une gamme plus large de parfums de la même collection. En effet, le signe « COURREGES » ainsi présenté sur ces visuels ne fait figure que de marque ombrelle, le public pertinent de ce type de produits, soit les parfums, étant habitué à ce qu’ils portent une double référence, dont une marque ombrelle et son attention est spécifiquement portée sur le signe identifiant un parfum particulier.
C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle devait s’opérer sur les seuls termes « COLOGNES IMAGINAIRES », la marque ombrelle ayant vocation à être prise en compte au stade de l’appréciation d’un éventuel risque de confusion.
Sur la comparaison des produits
Il n’est pas contesté que les produits concernés par les visuels litigieux, soit les parfums, sont identiques à ceux visés par les marques opposées.
Sur le public pertinent
Au cas d’espèce, même si les produits concernés (savons, parfums, cosmétiques pour les marques opposées et parfums pour les produits exploités sous le signe contesté) ne constituent plus systématiquement des produits de luxe, la cour considère, comme il a été vu, que leur achat fait cependant l’objet d’une attention particulière, compte tenu de l’importance désormais accordée par le consommateur à leur composition s’agissant de produits destinés à être en contact direct avec la peau, achat guidé également par des considérations très personnelles et subjectives tenant à leurs fragrance, packaging et marque, outre l’image qu’ils évoquent notamment au travers du storytelling et de leur univers publicitaire, comme le démontre notamment l’étude QualiQuanti de février 2020 versée par les sociétés Courrèges.
Ainsi, le consommateur moyen de ces produits, soit le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé fera preuve d’un niveau d’attention un peu plus élevé lors de son achat.
Sur la comparaison des signes
Visuellement, les signes en présence sont tous deux composés de deux éléments verbaux accolés « LIQUIDES IMAGINAIRES » et « COLOGNES IMAGINIAIRES » avec un terme final commun, le terme d’attaque de chaque signe étant cependant nettement différent.
Phonétiquement, les deux signes sont composés du même nombre de syllabes et présentent le même rythme, avec le même mot placé en position finale prononcé de manière identique, même si le signe placé en position d’attaque offre une prononciation et une sonorité totalement distinctes.
Les signes en cause sont donc moyennement similaires sur les plans visuel et auditif.
Conceptuellement, l’emploi du terme « IMAGINAIRES » au pluriel, fait référence dans les deux cas au côté imaginé, inventé, poétique et créatif des produits concernés, mais il n’est pas utilisé comme un substantif mais comme un adjectif se rapportant, soit à des liquides pour les marques premières, soit à une eau de Cologne pour le signe contesté, de sorte que la similitude conceptuelle est moyenne.
Il résulte de cette comparaison que ces signes, pris dans leur ensemble, malgré la présence du même mot « IMAGINAIRES », présentent certaines différences sur les plans visuel et phonétique.
Cette analyse est renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes en cause.
À cet égard, les sociétés Courrèges démontrent que, dans le domaine des parfums, l’adjectif « IMAGINAIRE » était déjà utilisé seul, ou sous une forme déclinée ou en association avec un ou plusieurs autres termes, au singulier ou au pluriel, pour désigner de tels produits, et notamment s’agissant de la marque francaise « IMAGINAIRE » déposée par la société L’Oréal le 20 octobre 1982 pour désigner des produits en classe 3, la marque verbale française « L’EAU IMAGINAIRE » n°3833037 déposée par la société Roger & Gallet le 20 mai 2011, la marque « ROSE IMAGINAIRE » déposée par la même société le 19 mars 2012, toujours exploitée pour commercialiser un parfum, ou encore la marque de l’UE « JARDIN IMAGINAIRE » n° 12761177 déposée le 4 avril 2014 par la société Weleda, outre plusieurs dépôts postérieurs, toujours pour des marques de parfum, tels « VOYAGES IMAGINAIRES » ou « BALLADE IMAGINAIRE ». Ce même terme est largement utilisé dans la communication autour de ces produits pour lesquels le recours aux thèmes de l’imagination, de la créativité ou du rêve est fréquent et usuel, de sorte que cet adjectif ne peut être considéré comme particulièrement distinctif pour des produits de la classe 3 et notamment des parfums, ni dominant dans la mesure où il se rapporte directement au nom qui le précède et qu’il qualifie.
En outre, si le terme « COLOGNES » est largement descriptif des eaux de Cologne qu’il désigne conférant au signe « COLOGNES IMAGINIAIRES » une distinctivité assez faible, la même analyse doit être faite pour la marque opposée dès lors que, comme le mentionne la société appelante dans ses écritures, le terme « LIQUIDES » est pareillement évocateur si ce n’est descriptif du contenu d’une partie des produits, le parfum notamment étant en grande majorité présenté sous forme liquide à pulvériser ou à appliquer par petites touches, comme l’a justement analysé le tribunal.
Ainsi, si les deux signes en cause sont conceptuellement proches, comme il a été vu, cette proximité ne peut être considérée comme particulièrement significative pour le public pertinent à l’attention un peu plus élevée, qui sera naturellement porté à associer l’univers du parfum à l’imaginaire au sens large, et, en présence de deux signes proches, sera porté à davantage s’attarder sur les différences existant pour mieux les distinguer, soit au cas présent le terme d’attaque nettement distinct, et ce d’autant que sur l’ensemble des usages incriminés, les termes « COLOGNES IMAGINAIRES » ne sont jamais présentés seuls mais toujours et systématiquement associés à la marque ombrelle « COURREGES » nettement visible et mise en valeur par une présentation spécifique.
Ainsi, le consommateur moyen de ces produits, soit le grand public, normalement informé et raisonnablement attentif, même s’il doit se fier à l’image imparfaite des marques qu’il garde en mémoire et même s’il est habitué à voir figurer une double référence sur ce type de produits, sait, sans nul doute possible, que quand il achète le produit « COLOGNES IMAGINAIRES », il s’agit d’un parfum de la marque Courrèges commercialisé par la Maison éponyme et non un produit d’une gamme d’eaux de Cologne de la marque « LIQUIDES IMAGINAIRES » ou de la société du même nom. Cet usage ne prive pas davantage la société Liquides Imaginaires d’exploiter le cas échéant une eau de Cologne sous ses propres marques.
En outre, la cour constate, comme il a déjà été vu, que dans le signe contesté, seul le terme « IMAGINAIRES » est repris et non la marque première ou la dénomination de l’appelante dans son entier, de sorte qu’il ne peut être soutenu que celle-ci occuperait une position distinctive autonome au sein du signe contesté. Ainsi, si les deux signes ont en commun le terme « IMAGINAIRES », ce composant n’est pas susceptible de dominer à lui seul l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire, les autres composants n’étant nullement négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, outre que cet adjectif se réfère directement au nom commun qui le précède et qu’il qualifie. La société Liquides Imaginaires ne peut donc être suivie lorsqu’elle soutient que le terme « IMAGINAIRES » conserverait une position distinctive autonome au sein du signe contesté tel qu’exploité.
Il résulte, ainsi, de la comparaison globale des signes en présence, qui implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, au vu de l’ensemble des critères pertinents au cas d’espèce, en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par les signes, de la faiblesse de leurs éléments distinctifs et dominants et, nonobsant l’identité des produits visés, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre le signe contesté et la marque antérieure « LIQUIDES IMAGINAIRES », le public ne pouvant être amené à penser que les produits en cause proviennent de la même enreprise ou d’entreprises liées économiquement, l’omniprésnce de la marque ombrelle « COURREGES » venant encore davantage écarter tout risque de confusion.
C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes en contrefaçon présentées par la société Liquides Imaginaires, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.
Sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme
La société LIQUIDES IMAGINAIRES soutient que les similitudes entre les signes entraînent un risque de confusion fautif avec sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine, lui ouvrant droit à réparation au titre de la concurrence déloyale. Ainsi, selon elle, la faute est caractérisée par l’emploi, pour désigner une gamme de parfums, d’un nom très proche (« COLOGNES IMAGINAIRES ») d’un nom déjà existant (« LIQUIDES IMAGINAIRES »), qui peut laisser croire à l’existence d’un lien économique ou d’un partenariat entre les sociétés Liquides Imaginaires et Courrèges, risque accru puisque les sociétés partagent la même clientèle, les mêmes points de vente, une communication web similaire, laquelle repose sur la recherche du même mot clé « IMAGINAIRES » pour désigner les produits.
Elle considère par ailleurs que les sociétés COURRÈGES se sont mises incontestablement dans son sillage, tirant profit de ses investissements, sa réputation et son succès commercial pour le lancement de leur nouvelle gamme de parfums.
Les intimées concluent en premier lieu à l’absence de faits matériels distincts de ceux invoqués au titre des demandes en nullité de la marque et en contrefaçon. Au-delà, selon elles, aucune faute n’est démontrée, la Maison COURRÈGES, à la réputation bien établie, n’ayant en aucun cas cherché à se présenter auprès du public sous la dénomination sociale ou le nom commercial de l’appelante. Elles ajoutent que l’opposition radicale entre l’univers des gammes de parfums en litige ‘ légèreté, couleurs vives pour les eaux Cologne COURRÈGES, contre une ambiance gothique, sombre, voire inquiétante pour les parfums LIQUIDES IMAGINAIRES ‘ exclut davantage encore tout risque de confusion dans l’esprit du public.
Elles soutiennent que la Maison Courrèges n’a jamais eu l’intention de se placer dans le sillage de l’appelante et qu’en lançant cette gamme de nouveaux parfums, elles se sont positionnées dans la continuité de leurs précédentes créations, adoptant une stratégie de communication spécifique et personnelle. Au surplus, elles rappellent que la gamme « COURREGES COLOGNES IMAGINAIRES » n’est plus exploitée et commercialisée par COURREGES depuis 2021 .
La cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d’investissements.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.
La charge de la preuve incombe au cas présent à l’appelante.
À titre liminaire, dans la mesure où la société Liquides Imaginaires a été déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon de ses marques et où en tout état de cause, elle invoquait des signes non couverts par un droit privatif, soit sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine, il ne peut lui être opposé l’absence de faits distincts.
Sur les faits de concurrence déloyale
Dans la mesure où tout risque de confusion a été écarté entre les signes en cause, il en est nécessairement de même au regard de la dénomination sociale, du nom commercial et du nom de domaine de la société Liquides Imaginaires, comme l’a justement retenu le tribunal, tous strictement identiques, en l’absence de tout autre élément susceptible d’être qualifié de fautif, et alors que l’exploitation que font les parties de leurs propres signes et produits tend au contraire à nettement les différencier, chacune revendiquant un univers et une communication distinctes, quand bien même ces produits sont destinés à la même clientèle ou peuvent être commercialisés dans les mêmes points de vente.
Sur les faits de parasitisme
Si la société Liquides Imaginaires verse aux débats plusieurs extraits d’articles de presse en France et en Europe promouvant ses parfums, relatant leur présence dans certains grands magasins ou faisant état d’interviews de certains créateurs, il n’en demeure pas moins qu’elle ne verse aucune pièce certifiée par un professionnel du chiffre tendant à démontrer les efforts financiers et promotionnels qu’elle dit consentir et ainsi que ses signes représentent une valeur économique individualisée, le seul dépôt des marques et la justification du paiement du renouvellement du nom de domaine ou encore l’existence de papier à entête à son nom étant insuffisants à ce titre.
Elle n’établit nullement par ailleurs en quoi les sociétés Courrèges, dont elle ne conteste pas qu’elles sont largement connues par le grand public, la Maison Courrèges étant reconnue depuis plus de 60 ans, auraient cherché à s’inscrire dans son sillage ou tiré indûment avantage de cette valeur et détourné sa clientèle, et ce alors que la société Courrèges Distribution a cessé la commercialisation des produits en cause au début de l’année 2022 et que l’univers revendiqué pour ces deux collections de parfum est très différent.
C’est, en conséquence, à juste titre que le tribunal a débouté la société Liquides Imaginaires de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive
Les sociétés Courrèges s’estiment bien fondées à réclamer des dommages et intérêts pour procédure abusive, la société Liquides Imaginaires proférant à leur encontre selon elles des accusations infondées qu’elle a injustement maintenues en cause d’appel alors qu’elles-mêmes commercialisent depuis 1971 des parfums et que le produit en cause a cessé d’être commercialisé au début de l’année 2022.
La société Liquides Imaginaires conteste cette demande reconventionnelle, soutenant que l’appel interjeté par elle est recevable et ses demandes bien fondées. Elle ajoute que c’est faussement que les sociétés intimées prétendent qu’elle aurait interjeté appel en connaissance de cause de l’arrêt d’exploitation de la gamme litigieuse, ce dont elles ne rapportent d’ailleurs pas la preuve; qu’aucune intention de nuire ne peut être déduite de l’exercice de la défense de ses produits et qui ne saurait donc constituer un abus ; qu’en l’absence de faute du demandeur et de préjudice du défendeur, aucune réparation ne peut être obtenue à ce titre.
La cour rappelle que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, les sociétés Courrèges ne démontrent pas la faute commise par la société Liquides Imaginaires qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice et de faire appel du jugement de première instance, l’intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits.
Elles ne justifient pas en outre de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a débouté les sociétés Courrèges de leurs demandes pour procédure abusive, le jugement étant confirmé de ce chef.
Pour ces motifs, les demandes présentées pour procédure abusive au titre de l’appel seront par ailleurs rejetées.
Sur les autres demandes
La société Liquides Imaginaires, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société Liquides Imaginaires à verser aux sociétés Courrèges, une somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme complétant celle allouée en première instance.
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif,
Condamne la société Liquides Imaginaires aux dépens d’appel,
Condamne la société Liquides Imaginaires à verser aux sociétés Courrèges Parfums et Courrèges Distribution une somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE