Responsabilités et Garanties dans le Cadre des Travaux de Construction : Évaluation des Désordres et Imputabilité des Intervenants

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Responsabilités et Garanties dans le Cadre des Travaux de Construction : Évaluation des Désordres et Imputabilité des Intervenants

La société RHDA, propriétaire d’un hôtel sous l’enseigne Kyriad, a engagé des travaux de rénovation de 52 chambres et salles de bain, réalisés par la société Entreprise Gaudin, sous-traitée à Archi Renov, avec la Sarl Pelagie & Co comme maître d’œuvre. Les travaux, réceptionnés en juin 2012, ont conduit à des désordres d’étanchéité, rendant les chambres non-louables. En conséquence, RHDA et la société SHD, à qui l’hôtel a été cédé en 2017, ont demandé une expertise judiciaire, qui a été ordonnée par le tribunal de commerce de Lisieux.

Suite à l’expertise, les sociétés SHD et RHDA ont assigné plusieurs parties, dont Entreprise Gaudin et Archi Renov, pour obtenir des réparations financières. Le tribunal a rendu un jugement en juillet 2021, fixant le préjudice de SHD à 150 903,08 euros et condamnant certaines sociétés à supporter des pourcentages de cette somme. Pelagie & Co et Entreprise Gaudin ont interjeté appel, demandant la réformation du jugement.

Les procédures d’appel ont été jointes, et plusieurs parties ont formulé des demandes variées, incluant des demandes de garantie d’assurances. Le tribunal a confirmé le jugement initial dans ses grandes lignes, actualisant le montant du préjudice et condamnant certaines sociétés à payer des frais d’appel. Les demandes contraires ont été rejetées, et des condamnations aux dépens ont été prononcées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Caen
RG
21/02251
AFFAIRE : N° RG 21/02251 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-GZ2C

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX du 16 Juillet 2021 – RG n° 20192970

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2024

APPELANTES :

S.A.S. ENTREPRISE [P]

N° SIRET : 383 905 536

[Adresse 3]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jean rené DESMONTS, avocat au barreau de LISIEUX

assistée de Me Clotilde WAGNER avocat au barreau de VERSAILLES

La S.A.R.L. PELAGIE & CO

N° SIRET : 509 807 491

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Michel BARON, avocat au barreau d’EURE,

INTIMÉES :

La S.A.R.L. PELAGIE & CO

N° SIRET : 509 807 491

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémy VILLENAVE, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Michel BARON, avocat au barreau d’EURE,

SA MAAF ASSURANCES

N° SIRET : 542 073 580

[Adresse 11]

[Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

La S.A.S.U. SHD,

[Adresse 5]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Frédéric MORIN, avocat au barreau de LISIEUX,

assistée de Me Gaetan TREGUIER, avocat au barreau de ROUEN

La S.A.S. ENTREPRISE [P]

N° SIRET : 383 905 536

[Adresse 3]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jean René DESMONTS, avocat au barreau de LISIEUX,

assistée de Me Clotilde WAGNER, avocat au barreau de VERSAILLES

La S.A.R.L. ARCHI RENOV

[Adresse 4]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

INTERVENANTE FORCEE :

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 10]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Jean-Marie MALBESIN, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

DÉBATS : A l’audience publique du 07 mai 2024

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 10 Septembre 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société à responsabilité limitée (Sarl) RHDA, propriétaire d’un fonds de commerce d’un hôtel situé à [Localité 12] exploité sous l’enseigne Kyriad, a fait procéder à des travaux de rénovation des 52 chambres et salles de bain réalisés par la société par actions simplifiée (Sas) Entreprise Gaudin sous la direction de la Sarl Pelagie & Co, maître d’oeuvre, suivant marché de travaux du 25 novembre 2010.

La société entreprise Gaudin a missionné en sous-traitance la société Archi Renov selon contrat cadre du 3 janvier 2011.

Les travaux ont été réceptionnés le 26 juin 2012.

Le fonds de commerce a été cédé par la société RHDA à la Sas SHD le 30 décembre 2016 avec effet au 2 janvier 2017.

Déplorant des désordres d’étanchéité affectant les lots salles de bain conduisant à l’impossibilité de louer les chambres, les sociétés RHDA et SHD ont sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Lisieux, statuant en référé, une mesure d’expertise au contradictoire des sociétés Entreprise Gaudin, Pelagie & Co et Archi Renov ainsi que leurs assureurs respectifs, la Maaf Assurances, la société Allianz Iard, ainsi que la société Smabtp (ordonnance du 7 juillet 2017).

M. [T] [U], expert ainsi désigné, a rendu son rapport le 29 mars 2019.

Par actes des 26, 27 et 30 septembre, 4 et 18 octobre 2019, les sociétés SHD et RHDA ont assigné la société Entreprise Gaudin, la société Archi Renov, la société Pelagie & Co, la société Allianz et la société Maaf Assurances aux fins principalement de les voir condamner solidairement à leur payer la somme de 199 576,77 HT au titre des préjudices subis, ainsi que la société Smabtp pour obtenir sa condamnation en paiement de dommages et intérêts des sommes de 6 448,00 euros au titre des pertes locatives et de 10 000 euros pour préjudice commercial lié aux travaux et à la perte de réputation de l’hôtel depuis l’apparition du sinistre.

Par jugement du 16 juillet 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal de commerce de Lisieux a :

– ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2019/2970 et 2019/3072 ;

– déclaré la société RHDA irrecevable en raison du défaut de qualité à agir ;

– fixé à la somme de 150 903,08 euros hors taxes le montant du préjudice subi par la société SHD ;

– mis la société Maaf Assurances hors de cause et lui a accordé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– mis la société Smabtp hors de cause et lui a accordé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Pelagie & Co en sa demande exercée à l’encontre de la société Allianz Iard ;

– accordé à la société SHD la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Entreprise Gaudin, la société Archi Renov et la société Pelagie & Co aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise ;

– condamné la société Entreprise Gaudin et la société Archi Renov à supporter à hauteur de 40% chacune le paiement des sommes sus-visées ;

– condamné la société Pelagie & Co à supporter à hauteur de 20% le montant des sommes sus-visées ;

– condamné la société Allianz Iard à garantir la société Archi Renov sous déduction de la somme de 2 400 euros au titre de la franchise contractuelle.

Par déclaration du 29 juillet 2021, la société Pelagie & Co a relevé appel de ce jugement en intimant la société SHD, la société Entreprise Gaudin et la Sarl Archi Renov. L’affaire a été enrôlée sous le numéro RG 21/02251.

Par déclaration du 16 octobre 2021, la société Entreprise Gaudin a formé appel du même jugement, intimant les sociétés Pelagie & Co, SHD, Archi Renov et la société Maaf Assurances. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 21/ 02861.

Dans le cadre de ce dernier appel, par acte du 15 avril 2022, la Maaf Assurances a assigné aux fins d’appel provoqué la société Allianz Iard, en sa qualité d’assureur de la société Pelagie & Co et de la société Archi Renov pour la voir condamner, à titre subsidiaire, à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

Le 9 novembre 2022, la jonction des deux instances RG 21/02251 et RG 21/02861 a été ordonnée, la procédure se poursuivant sous le seul numéro RG 21/02251.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 avril 2022, la société Pelagie & Co demande à la cour de :

Sur son appel principal,

– déclarer recevable et bien fondé son appel ;

– réformer le jugement du tribunal de commerce de Lisieux du 16 juillet 2021 en ce qu’il l’a condamnée à supporter 20% des sommes allouées à la société SHD, soit :

* 150 903,08 euros au titre des travaux de remise en état,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Maaf,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Smabtp,

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société SHD ;

– et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens comprenant les frais d’expertise ;

En conséquence de cette réformation, statuant à nouveau,

– débouter la société SHD de toutes les fins et conclusions de ses demandes principales, en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ;

– condamner la société SHD au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile à son profit au titre des frais irrépétibles engagés à l’occasion des opérations d’expertise et en première instance ;

– condamner la société SHD au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile à son profit, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;

– condamner la société SHD, aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Sur l’appel incident de la société Entreprise Gaudin,

– débouter la société Entreprise Gaudin de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 janvier 2022, la société Entreprise Gaudin demande à la cour, au visa des articles 1147 devenu 1231-1, 1213 devenu 1317 et 1382 devenu 1240 du code civil, 334 du code de procédure civile, et des articles A 243-1, R243-3, R114-1, L243-9, L113-9, L121-5 du code des assurances, de :

– débouter la société Pelagie & Co de toutes ses demandes fins et conclusions et toutes les autres parties concluantes de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions et les dire non fondées, dont celle de la société SHD d’indexation des condamnations prononcées en première instance à l’indice BT01 du bâtiment jusqu’au jour de la décision définitive à intervenir ;

– l’accueillir en son appel incident ;

– déclarer son appel incident recevable et bien fondé ;

– prononcer la jonction des procédures enregistrées devant la 1ère chambre civile de la Cour de Céans sous les numéros 2019/003072 et 2019/002970 ;

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

* a fixé à la somme de 150 903,08 euros HT le montant du préjudice subi par la société SHD ;

* a mis la société Maaf Assurances hors de cause et lui a octroyé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* a accordé à la société SHD la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* l’a condamnée avec la société Pelagie & Co et la société Archi Renov aux entiers dépens en ce inclus les frais d’expertise ;

* l’a condamnée à supporter à hauteur de 40% le paiement des sommes susvisées ;

Statuant de nouveau,

A titre liminaire,

– prononcer la nullité des assignations délivrées les 26 octobre et 18 octobre 2019 ;

A titre principal,

– fixer à la somme de 109 225,88 euros HT le montant du préjudice subi par la société SHD ;

– la mettre hors de cause ;

– condamner solidairement les sociétés Archi Renov, Pelagie & Co et leurs assureurs ;

– statuer sur la contribution finale à la dette entre les codébiteurs et garants ;

A titre subsidiaire,

– dire que sa contribution à la dette est de 25%, pour la société Pelagie & Co 25% et la société Archi Renov 50% ;

– condamner solidairement la société Archi Renov et son assureur en responsabilité décennale la société Allianz Iard ainsi que la société Pelagie & Co à la relever et la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre en principal, frais et intérêts, frais irrépétibles et dépens ;

En tout état de cause,

– condamner la société Maaf Assurances à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre et, en conséquence, dire et juger que la clause refusant la garantie en fonction du montant du chantier lui sera réputée non écrite et non opposable ;

– subsidiairement sur ce point, condamner la société Maaf Assurances à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre, en appliquant la réduction proportionnelle à l’aggravation du risque ;

– débouter les sociétés SHD, Pelagie & Co, Archi Renov et Maaf Assurances de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner tout succombant aux entiers dépens de la procédure.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 20 avril 2022, la société SHD demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1194, 1792 et 1641 du code civil, de :

– confirmer le jugement rendu le tribunal de commerce de Lisieux en date du 16 juillet 2021 en ce qu’il a :

* fixé à la somme de 150 903,08 euros hors taxes le montant du préjudice subi par elle ;

* mis la société Maaf Assurances hors de cause et lui accordé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* mis la société Smabtp hors de cause et lui accordé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* débouté la société Pelagie & Co en sa demande exercée à l’encontre de la société Allianz Iard ;

* lui a accordé la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Entreprise Gaudin, la société Archi Renov et la société Pelagie & Co aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise ;

* condamné la société Entreprise Gaudin et la société Archi Renov à supporter à hauteur de 40% chacune le paiement des sommes sus-visées ;

* condamné la société Pelagie & Co à supporter à hauteur de 20% le montant des sommes sus-visées ;

* condamné la société Allianz Iard à garantir la société Archi Renov sous déduction de la somme de 2 400 euros au titre de la franchise contractuelle ;

– débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre et tendant à la réformation totale ou partielle du jugement entrepris ;

Faisant droit à ses demandes, fins et conclusions,

– entériner le rapport d’expertise de M. [U] et dire que les condamnations prononcées en première journée confirmées en cause d’appel seront à indexer à l’indice BT01 du bâtiment jusqu’au jour de la décision définitive à intervenir ;

– condamner tout succombant au paiement de la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Me Treguier, avocat au barreau de Rouen ;

– condamner tout succombant aux entiers dépens (frais de constat, délivrance et signification d’acte, frais d’expertise, timbre de plaidoirie de référé, au fond et pour la présente procédure) conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et des articles suivants du même code dont distraction au profit de Me Treguier et dire en pareille matière que les droit de recouvrement (DR8) et droit proportionnel de l’article 10 (DR10) prévus par le décret du 12.12.1996 portant tarif des huissier de Justice seront à la charge exclusive du débiteur, en conséquence de condamner le succombant aux entiers dépens qui comprendront également et par avance sur le décompte à établir par l’huissier instrumentaire le coût du commandement et de tous les actes interpellatifs et tentatives de recouvrement forcé soumis à tarification ou au droit de rédaction libre de l’huissier instrumentaire, pour information, à la date de rédaction des présentes, le montant des frais d’assignation au fond : pour mémoire, timbre de plaidoirie devant la cour : 13 euros, frais de régularisation de l’appel: 450 euros (225 euros par procédure), les autres frais pour mémoire).

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 22 novembre 2022, la société Maaf Assurances demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lisieux du 16 juillet 2021 en ce qu’il :

*lui a accordé la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile ;

*a condamné la société Entreprise Gaudin à supporter à hauteur de 40% les sommes fixées par le tribunal ;

– confirmer le jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause ;

En conséquence,

– rejeter toute demande formulée à son encontre;

A titre subsidiaire,

– condamner solidairement la société Archi Renov et la société Pelagie & Co à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires ;

en toute hypothèse,

– condamner les succombants solidairement à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

– condamner les succombants solidairement aux entiers dépens d’appel.

La déclaration et les conclusions d’appel ont été signifiées suivant procès-verbal de remise à étude à la société Archi Renov, laquelle n’a pas constitué avocat en cause d’appel.

L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 10 avril 2024.

Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Liminairement, la cour, qui statue dans les limites de l’appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions en application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, relève qu’elle n’est saisie d’aucune demande de réformation du jugement en ses dispositions ayant déclaré la société RHDA irrecevable en raison du défaut de qualité à agir, et en celles ayant mis la société Smabtp hors de cause.

Ensuite, il sera rappelé que le 9 novembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état de la première chambre civile de la présente cour a déjà prononcé la jonction des deux instances (RG 21/02251 et RG 21/02861) en indiquant que la procédure se poursuivait sous le seul numéro RG 21/02251. La demande de jonction de la société Entreprise Gaudin visant au surplus les numéros de rôle des instances ayant été engagées devant le tribunal de commerce et non devant la cour est sans objet.

– Sur la nullité des assignations délivrées les 26 octobre et 18 octobre 2019 :

La société Entreprise Gaudin invoque la nullité des assignations délivrées par la société SHD portant sur des demandes indemnitaires présentées sans fondement juridique ni précision quant à la société bénéficiaire des condamnations réclamées.

La société Maaf Assurances soulève également cette exception de procédure dans la partie discussion de ses conclusions.

La société SHD conclut au caractère inopérant de ce moyen au regard des nombreuses conclusions et moyens développés.

Sur ce,

Selon l’article 56 du code de procédure civile, l’assignation contient à peine de nullité un exposé des moyens de fait et de droit.

En application de l’article 114 du code de procédure civile, la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

En l’occurrence, la société Entreprise Gaudin ne communique pas les actes dont elle sollicite la nullité, étant observé que celle-ci a été assignée suivant actes d’huissier des 4 et 18 octobre 2019 et non des 26 et 19 octobre 2019 tel que repris au dispositif de ses conclusions.

Ensuite, contrairement à ce que soutient la société [P], le dispositif de l’assignation du 4 octobre 2019 qui lui a été signifiée par les sociétés RHDA et SHD, mentionne différents fondements juridiques tels que les articles 1792 et 1231-1 du code civil, alors que la partie discussion de l’acte fait état de l’impropriété à destination retenue par l’expert compte tenu de la structure en constante dégradation et altérée en permanence. La société SHD précise agir principalement, en présence d’un désordre immobilier de nature décennale, au visa de l’article 1792 du code civil engageant la responsabilité contractuelle des constructeurs et assureurs.

Surtout, les sociétés [P] et Maaf Assurances ne caractérisent aucunement un quelconque grief résultant des imprécisions alléguées.

En conséquence, la demande ‘tendant à voir prononcer la nullité des assignations délivrées les 26 octobre et 18 octobre 2019″ sera rejetée.

– Sur les désordres, leur imputabilité et les responsabilités :

La société Entreprise Gaudin dénie toute responsabilité dans la survenance des désordres considérant ces derniers imputables exclusivement à son sous-traitant d’une part, la société Archi Renov, tenue à son égard à une obligation de résultat en application de l’article 10 du contrat de sous-traitance et au maître d’oeuvre d’autre part, lequel a manqué à son obligation de surveillance et de coordination de l’activité de tous les intervenants du chantiers ce, sans prendre les mesures nécessaires pour palier les manquements des entrepreneurs.

Subsidiairement, elle demande à ce que sa contribution à la dette soit fixée à 25%, celle du maître d’oeuvre à 25% et celle du sous-traitant à 50%, outre la condamnation solidaire de la société Archi Renov et de son assureur (société Allianz Iard), et de la société Pelagie & Co, à la relever et la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Le maître d’oeuvre, la société Pelagie & Co, sollicite également sa mise hors de cause, considérant que le rapport d’expertise ne met en évidence aucun manquement de sa part mais explique au contraire, malgré son suivi de chantier, son impossibilité de déceler l’omission par la société Archi Renov de l’application d’une étanchéité dont elle avait validé le procédé technique choisi. Il ajoute qu’il n’avait pas l’obligation d’une présence permanente sur l’ensemble du chantier, que la mise en oeuvre du produit imposait un très grand nombre de contraintes matérielles dont le respect ne pouvait incomber qu’à l’entrepreneur en charge des travaux, et que lui-même avait mis en garde tant la société Entreprise Gaudin que son sous-traitant sur l’importance de l’étanchéité à l’occasion d’une visite de chantier (compte-rendu de visite du 8 novembre 2010).

La société SHD rappelle que l’expert a retenu que la structure, altérée en permanence, est en constante dégradation, que ni l’entrepreneur principal ni son sous-traitant n’ont réalisé l’étanchéité prévue contractuellement, lesquels sont responsables de l’exécution de travaux défectueux et non conformes aux règles de l’art. Elle souligne qu’il revenait à la société Entreprise Gaudin de spécifier au sous-traitant les contraintes du bâtiment et d’exercer le contrôle et la vérification du travail ainsi confié, que celle-ci a été défaillante dans ces obligations alors que la société Archi Renov n’avait pas respecté ses prescriptions, de sorte que sa responsabilité est pleine et entière.

Elle fait valoir en outre qu’il appartenait à la société Pelagie & Co, lors des visites de chantiers, de s’enquérir du respect des conditions de mise en oeuvre des devis et travaux validés par ses soins et estime que tant au niveau de l’étanchéité qu’au niveau de la pose, le décollage des faïences démontre un défaut de suivi du chantier généralisé, toutes les chambres étant impactées. Elle prétend que la responsabilité du maître d’oeuvre est engagée solidairement avec les entrepreneurs.

Sur ce,

Liminairement, il convient de relever que le jugement a uniquement fixé le montant du préjudice subi par la société SHD à 150 903,08 euros et condamné d’une part, la société Entreprise Gaudin et la société Archi Renov à supporter 40% chacune le paiement de cette somme et d’autre part, la société Pelagie & Co à en supporter 20%.

Il ne fait état d’aucune condamnation solidaire des intervenants au profit de la société SHD, laquelle sollicite la confirmation du dispositif sauf à voir la somme indexée sur l’indice BT01 du bâtiment.

Aux termes de l’article 1792 du code civil tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Selon l’article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur de l’ouvrage, notamment tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;

L’expert judiciaire a constaté :

– un phénomène de rupture des joints de carrelage dans 26 salles de bain qu’il énumère en page 7/10 de son rapport entraînant : des mouvements de sols, des risques ponctuels de coupure aux pieds avec les carrelages et la destruction du support de pose des dits carrelage.

Il estime que cette situation, ‘tend d’un point de vue technique, vers une impropriété à destination.’ Il explique qu’outre les risques de coupure aux pieds des clients par la présence de carrelages désaffleurants, les désordres ainsi constatés favorisent et amplifient les passages d’eau vers la structure porteuse à savoir le plancher bois, non protégé en l’absence de l’étanchéité liquide, support constitutif des pièces de chaque niveau de l’immeuble où se situent les chambres et leurs salles de bains. Il précise que ce plancher connaît une altération croissante de sa structure et que, même entretenus, les joints sont perméables à l’eau. Il observe que ces malfaçons ont généré des mouvements des supports par déstructuration superficielle des planchers en bois, indiquant que si l’ouvrage restait en état l’altération de planchers porteurs continuerait inexorablement.

Il affirme que la méthode de pose n’a pas respecté la règle de mise en oeuvre du DTU imposant l’interposition entre les carrelages et le support, plancher bois participant à la structure de l’ensemble, d’une sous-couche de désolidarisation et d’un dispositif d’étanchéité liquide à l’eau (SEL).

– un décollage de faïences dans la salle de bain au seuil de la douche dans la chambre 18.

L’expert expose que les règles de l’art imposaient que le support soit adapté à l’humidité et (ou) en soit protégé alors qu’en l’occurrence, la mise en oeuvre des faïences a été réalisée directement sur un mortier hydrophile dépourvu de système de protection à l’eau sous carrelages ou faïences (de type SPEC). Il est ajouté que l’ouvrage, non étanche, altère le second oeuvre, à savoir les murs intérieurs non porteurs de l’ouvrage, entraînant sa ruine et rendant l’usage de la douche impossible.

Compte tenu de ces constatations, en particulier de l’altération croissante de la structure des planchers porteurs en l’absence d’étanchéité et des risques de coupures en raison de carrelages désaffleurants d’une part, et d’un support non adapté à l’humidité dans la chambre 18 d’autre part, il y a lieu de dire que ces désordres sont bien de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination, de sorte qu’il sont couverts par la garantie décennale prévue à l’article 1792 du code civil, ce qui n’est contesté par aucune des parties.

Il est constant par ailleurs que la société Pelagie & Co est intervenue en qualité de maître d’oeuvre de conception et d’exécution, la société Entreprise Gaudin, entrepreneur général, en charge des travaux concernés par les désordres en sa qualité de titulaire du marché selon contrat du 13 octobre 2010, et la société Archi Renov en qualité de sous-traitante, étant observé que le devis établi par la société Entreprise Gaudin le 20 décembre 2010 au profit de la société RHDA pour ‘la rénovation et l’aménagement hôtel Kyriad Deauville’, avait prévu expressément pour 52 salles de bain ‘l’application d’une étanchéité liquide type Weber Protec’ au titre des travaux de maçonnerie, ce qui n’a pas été réalisé sur la totalité des chambres rénovées.

Sont donc présumées responsables à l’égard de la société SHD sur le fondement de l’article 1792 du code civil, les sociétés Pelagie & Co et Entreprise Gaudin, seules réputées constructeurs au sens de l’article 1792-1 du même code, en tant que personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage.

La société Archi Renov pour sa part, sous-traitante de la société Entreprise Gaudin, non liée contractuellement avec le maître d’ouvrage, est susceptible de voir engager sa responsabilité délictuelle pour faute à l’égard de la société SHD, et sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’entrepreneur principal. Elle était tenue contractuellement à l’égard de ce dernier d’exécuter des travaux exempts de tout vice, conformes à leurs engagements contractuels, aux réglementations en vigueur et aux règles de l’art, étant observé que l’article 10 du contrat cadre de sous-traitance stipulait expressément que la société Archi Renov était tenue à l’égard de l’entrepreneur principal d’une obligation de résultat.

L’expert judiciaire a relevé le défaut de respect des règles de l’art dans la méthode de pose qui exigeait l’interposition entre les carrelages et le support, plancher bois participant à la structure de l’ensemble, d’une sous-couche de désolidarisation et d’un dispositif d’étanchéité liquide à l’eau (SEL) alors que le devis Gaudin évoquait uniquement l’étanchéité liquide sans la sous-couche de solidarisation, devis validé sans critique par la société Pelagie &Co en charge de la maîtrise d’oeuvre de conception.

En outre, l’étanchéité liquide type Weber Protec prévue au devis de la société Entreprise Gaudin accepté par le maître d’ouvrage et dont l’exécution a été confiée à la société Archi Renov n’a pas été réalisée par l’un ou l’autre de ces intervenants. La société Archi Renov n’a donc pas respecté son obligation de résultat à l’égard de l’entrepreneur principal, ce manquement contractuel étant constitutif d’une faute délictuelle à l’égard du maître d’ouvrage.

L’entrepreneur principal, qui avait en charge les travaux et les a dirigés, se devait de veiller à leur bonne exécution au regard du devis objet de son engagement à l’égard du maître d’ouvrage.

Il est manifeste que la société Entreprise Gaudin a failli dans son obligation de contrôle de l’exécution, puisqu’elle ne s’est pas assurée en particulier de la réalisation effective de l’étanchéité liquide type Weber Protec à laquelle elle s’était engagée.

Enfin, aux termes de la mission de maître d’oeuvre confiée à la société Pelagie & Co, celle-ci devait aussi assurer la direction de l’exécution des travaux, la coordination et le suivi du chantier, veiller au bon déroulement des travaux, au ‘respect des prescriptions techniques’ , et notamment ‘vérifier l’avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché’.

Alors qu’il est acquis aux débats que l’étanchéité liquide type Weber Protec n’a pas été réalisée ni par la société [P] ni par son sous-traitant, il revenait à la société Pelagie & Co, au regard de sa mission, de s’assurer de la mise en oeuvre de l’étanchéité prévue au devis Gaudin et ce, conformément aux règles du DTU avec sous-couche de désolidarisation et dispositif d’étanchéité liquide à l’eau (SEL).

Le maître d’oeuvre ne saurait dégager sa responsabilité au seul motif que le procédé d’étanchéité liquide se traduit par un produit filmogène très fin recouvert de la colle des carrelages et difficile à percevoir lors des visites de chantiers en fonction de l’état d’avancement des carrelages mis en oeuvre et recouvrant l’ensemble tel qu’indiqué par l’expert. Si la société Pelagie & Co produit un compte-rendu de visite de chantier du 8 novembre 2010 mentionnant que ‘la validation de la qualité de la structure plus pose de l’étanchéité n’a pu être réalisée car le carrelage était déjà posé’ et en relevant que ‘la pose de l’étanchéité (pour ce qui reste visible) n’était pas posée dans les règles de l’art’, rappelant alors la nécessité des angles étanches et celle de poser l’étanchéité sur toutes les parois de la douche non hydrofuge, il est manifeste que le maître d’oeuvre ne s’est pas assuré de pouvoir être présent afin de contrôler en amont l’étanchéité avant la pose de carrelage, selon un planning prévoyant un tel contrôle, et ne justifie d’aucune préconisation pour procéder aux reprises des non-conformités constatées, se limitant à rappeler que ‘l’étanchéité devait être posée avant la pose du matériel sanitaire et de carrelage’.

Du tout, il doit être considéré que la société Pelagie & Co, la société Entreprise Gaudin et la société Archi Renov sont responsables des désordres subis par la société SHD, étant encore rappelé que celle-ci, qui a seule qualité à le demander, ne sollicite pas leur condamnation solidaire à réparer le préjudice subi.

Les intervenants ne sont tenus in fine dans le cadre de leur contribution à la dette, qu’à proportion de leur part de responsabilité à l’origine des désordres constatés.

La répartition des responsabilités décidée par le tribunal de commerce sur les bases du rapport d’expertise judiciaire sera confirmée en ce que les désordres seront considérés imputables à 40% à l’entreprise Archi Renov, sous-traitant qui a accompli ‘physiquement les travaux’ non conformes au devis et aux règles de l’art, 40% à la société Entreprise Gaudin entreprise générale qui les a dirigés en qualité d’entreprise titulaire du marché, et 20% à la société Pelagie & Co maître d’oeuvre qui a failli dans sa mission de contrôle du respect des prescriptions techniques et de la conformité des travaux aux pièces techniques du marché.

Compte tenu du dispositif du jugement dont la société SHD sollicite la confirmation, lequel fixe la répartition définitive des responsabilités entre les trois intervenants mis en cause, et de sa confirmation par la présente cour, les demandes de condamnation à garantie présentées par la société Entreprise Gaudin à l’encontre de la société Archi Renov et de son assureur, la société Allianz, et de la société Pelagie & Co seront rejetées.

– Sur la garantie des assureurs :

* la Maaf Assurances :

Le tribunal de commerce a mis hors de cause la société Maaf Assurances, assureur en responsabilité décennale de la société Entreprise Gaudin, en considérant celle-ci fondée à opposer l’absence de garantie compte-tenu du défaut de déclaration par l’assuré des travaux d’un montant exceptionnel.

La société Entreprise Gaudin demande au contraire la condamnation de la société Maaf Assurances à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, invoquant le caractère non-écrit et inopposable de la clause d’exclusion de garantie pour des chantiers dépassant 200 000 euros, laquelle ne respecte pas les dispositions du contrat-type, alors qu’elle n’a pas paraphé ou signé les conditions spéciales du contrat d’assurance.

Enfin, elle estime que l’assureur a manqué à son obligation d’information et de conseil dès lors qu’elle ne l’a pas interrogée sur ses besoins et sur le contrat qui serait adapté aux chantiers qu’elle prenait en charge.

Subsidiairement, elle demande qu’à tout le moins le sinistre soit pris en charge proportionnellement à l’aggravation du risque.

A titre confirmatif, la société Maaf Assurances fait valoir qu’elle n’a pas à garantir son assurée alors que celle-ci n’a pas déclaré ce chantier au montant particulièrement important ce, en violation des stipulations contractuelles dont la société Entreprise Gaudin avait une parfaite connaissance. En outre, elle précise que la clause de déclaration d’un marché d’un montant exceptionnel, laquelle constitue une condition des garanties consenties et non une clause d’exclusion de garantie, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 243-8 du code des assurances. Elle indique ainsi que si la société Entreprise Gaudin avait procédé à la dite déclaration, aucune limitation tenant au montant des travaux de réfection ne lui aurait été opposée.

Enfin, l’assureur fait valoir qu’il n’y a pas lieu à application de la réduction proportionnelle, laquelle n’a pas été prévue au contrat d’assurance.

Sur ce,

La proposition d’assurance émise par la société Maaf et acceptée le 17 octobre 2008 par la société [P] mentionne que le signataire ‘reconnai(t) avoir reçu les conventions spéciales ‘Assurances Construction’ 5B et les conditions générales Multipro et en avoir pris connaissance.’ Il est ajouté ‘tout particulièrement, je reconnais avoir pris connaissance des limites concernant le montant de mon marché qui figurent à la définition des travaux de construction d’un montant exceptionnel (article 1 des conventions spéciales Assurance Construction 5B)…Je reconnais avoir pris connaissance des 2 pages du présent document qui déterminent l’étendue et les limites de mes garanties et permet de fixer le montant de ma cotisation’. Ces mentions figurent au dessus de la signature du représentant de la société [P].

Il en résulte que les conventions spéciales n°5B régissant le contrat d’assurance de responsabilité décennale conclu entre la société Entreprise [P] et la société Maaf Assurances sont bien opposables à cette dernière alors que son attention a été au surplus particulièrement attirée en cas de travaux de construction d’un montant exceptionnel, peu important le défaut de mention ‘lu et approuvé’.

L’article 1 des conventions spéciales n°5B Assurance Construction produites définit les travaux de construction d’un montant exceptionnel comme ‘les travaux de construction concourant à la réalisation d’un ouvrage de fondation ou d’ossature pour lesquels le montant hors taxes de votre marché , dépasse 600 000 euros ou tous autres travaux de bâtiment pour lesquels le montant hors taxes de votre marché dépasse 200 000 euros.’

Il est ajouté en caractères gras : ‘Vous devez dans ces cas nous déclarer ces travaux dès la remise de votre devis, avant toute intervention sur le chantier, et souscrire une garantie spécifique.’

L’article 6 des mêmes conventions définit en page 9 dans un encadré coloré plus particulièrement ‘ce que nous ne garantissons pas’ :

‘6-1-4 Rappel: les garanties du présent contrat ne s’appliquent pas aux travaux de bâtiment d’un montant exceptionnel tels que définis à l’article 1. Vous devez respecter les prescriptions contenues dans cet article, à savoir nous déclarer ces travaux dès la remise de votre devis, avant toute intervention sur le chantier, et souscrire une garantie spécifique’.

Il en ressort que la clause litigieuse subordonne de manière claire la couverture du risque affectant les marchés dont le montant dépasse 200 000 euros à une déclaration du risque et à la souscription d’une garantie spécifique, étant observé que l’attestation d’assurance de responsabilité décennale éditée par la société Maaf Assurances pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 indiquait in fine ‘ces garanties sont accordées lorsque le marché du client (hors taxes) ne dépasse pas 600 000 euros pour la réalisation d’un ouvrage de fondation ou d’ossature, ou 200 000 euros pour tous autres travaux de construction.’

Il apparaît que la clause subordonnant comme en l’espèce la couverture du risque pour les marchés dépassant un certain montant à une déclaration du risque et la souscription d’une garantie spécifique, définit une condition précise de la garantie mais ne constitue pas une clause d’exclusion de sorte qu’elle n’a pas à être appréciée au regard des clauses-types applicables aux contrats d’assurance de responsabilité décennale (annexe I article A 243-1) du code des assurances et relatives aux cas d’exclusion.

En conséquence, il n’y a pas lieu de déclarer la clause litigieuse réputée non-écrite.

Par ailleurs, le devis établi par la société Entreprise Gaudin du 20 décembre 2010 accepté par la société RHDA s’élevait à un montant total de travaux de 300 000 euros HT, soit 358 800 euros TTC, le décompte général définitif du 12 septembre 2016 mentionnant des travaux complémentaires de 9500 euros HT, soit un marché compris travaux supplémentaires de 309 500 euros HT, dépassant en conséquence dès l’origine le seuil de 200 000 euros HT. S’agissant d’un unique devis portant sur un seul et même chantier, il n’y a pas lieu de prendre en compte exclusivement le montant des travaux devisés concernant la maçonnerie et la plomberie qui se rapporteraient aux salles de bain pour déterminer le dépassement ou non du seuil des 200 000 euros.

Il n’est pas davantage contesté que la société Entreprise Gaudin n’a pas procédé à la déclaration de travaux alors qu’ils étaient d’un montant exceptionnel, laquelle devait être faite dès la remise du devis avant toute intervention, ni souscrit de garantie spécifique avant toute intervention.

Enfin, la société Entreprise Gaudin ne peut davantage se prévaloir d’un manquement à l’obligation d’information et de conseil de la société Maaf Assurances alors que les conditions particulières révèlent que l’assurée a déclaré que ‘les réponses contenues dans le présent document constituant des éléments d’appréciation du risque dont il est tenu compte pour la fixation de la cotisation, sont à ma connaissance conformes à la vérité’ et que l’assureur a déterminé les conditions de garantie en fonction des éléments d’information communiqués par l’assurée.

En conséquence, faute de déclaration de risque et de souscription de garantie spécifique, la société Entreprise Gaudin n’était pas garantie au titre de sa responsabilité décennale pour ce marché d’un montant hors taxe supérieur à 200 00 euros nécessitant une déclaration et une garantie spécifiques dont il est constant qu’elles n’ont pas été souscrites, le contrat stipulant sans la moindre équivoque que ‘les garanties ne s’appliquent pas’.

Dans ces conditions, il ne saurait y avoir lieu à application de l’article L113-9 du code des assurances, qui dispose que dans le cas où la constatation d’une omission ou d’une déclaration inexacte de l’assuré a lieu après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés et ce, en l’absence de toute garantie spécifique souscrite. De même l’article L121-5 du même code prévoit que s’il résulte des estimations que la valeur de la chose assurée excède au jour du sinistre la somme garantie, l’assuré est considéré comme restant son propre assureur pour l’excédent, et supporte, en conséquence, une part proportionnelle du dommage, mais ce, ‘sauf convention contraire’. Or, au cas présent, il est manifeste que la police souscrite, en prévoyant pour seule sanction la non-application de la garantie, est contraire à ces dispositions de sorte qu’il n’y a pas lieu à condamner la société Maaf Assurances à garantir même partiellement la société Entreprise Gaudin des condamnations prononcées à son encontre.

Le jugement sera en conséquence confirmé et la société Entreprise Gaudin déboutée en ses demandes de garantie.

* la société Allianz Iard :

Le tribunal de commerce a débouté la société Pelagie & Co de sa demande formulée à l’encontre de la société Allianz Iard mais a condamné cette dernière à garantir la société Archi Renov sous déduction de la somme de 2400 euros au titre de la franchise contractuelle.

La société Allianz Iard, appelée en la cause par la société Maaf Assurances, ne sollicite pas la réformation de ces dispositions et aucune autre partie ne sollicite l’infirmation du jugement sur ces points.

Il a été jugé précédemment que la société Entreprise Gaudin était déboutée de sa demande de condamnation solidaire de la société Archi Renov et de son assureur, et de la société Pelagie & Co à la relever et la garantir de toutes condamnations, étant précisé que la société Entreprise Gaudin n’avait pas relevé appel à l’encontre de la société Allianz Iard.

Enfin, la société Maaf Assurances ayant été mise hors de cause, il n’y a pas lieu de statuer sur sa demande en garantie formulée à l’occasion de son appel provoqué dirigé à l’encontre de la société Allianz Iard.

– Sur le montant du préjudice subi par la société SHD :

Le tribunal de Commerce a fixé à 150 903,08 euros hors taxes le montant du préjudice subi par la société SHD sur la base du rapport d’expertise judiciaire ayant arrêté à 146 503,08 euros hors taxes le coût des travaux de reprise et à 4400 euros celui de la maîtrise d’oeuvre. Il a écarté les autres sommes réclamées par la société SHD, soit les sommes de 1500 euros au titre d’une étude de faisabilité non validée en son montant par M. [U], 6 648 euros au titre des pertes locatives et 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial.

Alors que la société SHD sollicite la confirmation de ces dispositions sauf à voir appliquer l’indexation à l’indice BT 01du bâtiment, la société Entreprise Gaudin demande à ce que ce préjudice soit fixé à la seule somme de 109 225,88 euros HT.

L’entrepreneur principal considère que le devis retenu par l’expert comportait plusieurs postes surévalués caractérisant un enrichissement sans cause, ainsi que l’a établi le Cabinet Etudes et Quantum, lequel a évalué à 104 825,88 euros HT le montant des seuls travaux de reprise.

Sur ce,

L’expert judiciaire a conclu que les ouvrages devaient être repris et ne pouvaient être conservés en l’état. Parmi les devis soumis à son appréciation, il a retenu ceux de l’entreprise Panotelli du 4 mai 2018 pour, après corrections, arrêter le montant des travaux de reprise nécessaires à la somme de 146 503,08 euros HT, outre la somme de 4400 euros HT au titre de la maîtrise d’oeuvre, y ajoutant les sommes de 3000 euros HT au titre du contrôle technique et 1000 euros HT au titre de la coordination obligatoire de sécurité en site occupé, ces deux derniers postes non retenus par le tribunal ne faisant pas l’objet de réclamation par la société SHD.

Il doit être ajouté que cette évaluation a été finalisée par l’expert en tenant déjà compte de la ‘note de vérification’ réalisée le 16 octobre 2018 par le Cabinet ‘Etudes & Quantum’, M. [U] précisant maintenir ses estimations au motif que ‘le chantier est à réaliser au cas par cas, en site occupé, sur de très petites surfaces (petites salles de bains), où les travaux en réparation n’ont aucune commune mesure avec des chantiers classiques’.

Dès lors, en l’absence de nouveaux éléments avancés par la société Entreprise Gaudin de nature à contredire utilement le chiffrage établi par l’expert judiciaire et retenu par le tribunal, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé à 150 903,08 euros hors taxes le montant du préjudice subi par la société SHD sauf à ajouter que cette somme sera actualisée selon l’évolution de l’indice BT 01 du coût de la construction entre la date du rapport d’expertise, soit le 29 mars 2019, et la date du présent arrêt.

– Sur les demandes accessoires :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel par la société SHD et de condamner la société Entreprise Gaudin et la société Pelagie & Co à lui payer la somme de 4 000 euros sur ce fondement.

L’équité commande de condamner la société Maaf Assurances à payer la somme de 2000 euros à la société Allianz Iard au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Les sociétés Entreprise Gaudin, Pelagie & Co et la Maaf Assurances, qui succombent, seront déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnées aux entiers dépens de la procédure d’appel avec autorisation pour Me Treguier, avocat de la société SHD, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Enfin, la cour rappelle qu’elle n’a pas à statuer sur les conditions et modalités du recours par le créancier au recouvrement forcé.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel, par arrêt rendu par défaut, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lisieux dans toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Rejette les exceptions de procédure tirées de la nullité des assignations ;

Dit que les sommes fixées au titre du préjudice subi par la société SHD, pour un montant de 150 903,08 euros hors taxes correspondant au montant des travaux de reprise sont actualisées selon l’évolution de l’indice BT 01 du coût de la construction entre le 29 mars 2019, date du rapport d’expertise, et la date du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes, fins et conclusions des parties contraires à la présente décision ;

Condamne la société Entreprise Gaudin et la société Pelagie & Co à payer à la société SHD la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel ;

Condamne la société Maaf Assurances à payer la somme de 2000 euros à la société Allianz Iard  sur le même fondement ;

Rejette les autres demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Entreprise Gaudin, la société Pelagie & Co et la société Maaf Assurances aux dépens de la procédure d’appel avec autorisation pour Me Treguier, avocat de la société SHD, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


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