La société Natixis Lease, devenue BPCE Lease, a conclu trois contrats de crédit-bail avec la société Atelier Réalité le 7 juin 2018, pour le financement d’une machine à coudre, d’une machine de filature et d’un véhicule fourgon. M. [B] et Mme [W]-[F], co-gérants de la société, se sont portés cautions solidaires. Suite à des impayés, BPCE Lease a résilié les contrats et a assigné Atelier Réalité en paiement. La société a été placée en liquidation judiciaire, et BPCE Lease a déclaré des créances. Les cautions ont été mises en demeure de payer et ont été assignées en paiement, ce qui a conduit à un jugement les condamnant à payer des sommes à BPCE Lease. Les cautions ont interjeté appel, contestant la validité de leurs engagements de caution et la disproportion de ceux-ci par rapport à leurs revenus. La cour a rejeté leurs arguments, confirmant le jugement de première instance et les condamnant à payer des frais supplémentaires.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
[B]
[W]
C/
S.A. BPCE LEASE
le 10 septembre 2024
à
Me Hécart
Me Bonin
FLR
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/03609 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IQQP
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS DU 16 JUIN 2022 (référence dossier N° RG )
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
Monsieur [M] [O] [U] [B]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Ayant pour avocat plaidant Me Charles HECART, avocat au barreau de SOISSONS
Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65
Madame [R], [V] [K] [W] épouse [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Charles HECART, avocat au barreau de SOISSONS
Représentée par Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65
ET :
INTIMEE
S.A. BPCE LEASE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 6]
Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me DEBBOUZA, de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS, susbtitué par Me Eric POILLY vestiaire : 101
***
DEBATS :
A l’audience publique du 21 Mai 2024 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024.
GREFFIER : Madame Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 10 Septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.
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DECISION
La société Natixis Lease devenue BPCE Lease a consenti le 7 juin 2018 à la société Atelier Réalité trois contrats de crédit-bail comme suit :
– un contrat n°944703 pour le financement d’une machine à coudre de marque Feddal, pour un montant de 57 318 € sur 60 mois, les mensualités s’élevant à 1 133,50 € ;
– un contrat n°974704 pour le financement d’une machine de filature, tissage, tricotage de marque Vetgraph, pour un montant de 14 640 € sur 60 mois, les mensualités s’élevant à 299,41 € ;
– un contrat n°944705 pour le financement d’un véhicule fourgon de marque Opel modèle Vivaro, pour un montant de 21 353,24 € sur 60 mois, les mensualités s’élevant à 430,78 €.
M. [B] et Mme [W]-[F], co-gérants de la société Atelier Réalité se sont portés cautions solidaires des engagements de la société.
Se prévalant d’impayés la SA BPCE Lease, après avoir mis en demeure la société Atelier Réalité de payer des mensualités, s’est prévalue de la clause résolutoire contenue dans les contrats, a informé les cautions de cette résiliation et les a mis en demeure de payer les sommes dues consécutivement.
Par acte du 13 février 2020 la SA BPCE Lease a assigné en paiement la société Atelier Réalité devant le tribunal de commerce de Paris.
La société Atelier Réalité a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Soissons du 5 mars 2020 et la procédure devant le tribunal de commerce de Paris interrompue.
La société BPCE Lease a déclaré des créances auprès du liquidateur judiciaire et a revendiqué le matériel, demande acceptée par maître [D] [I] ès qualités.
Après recommercialisation du matériel la SAS BPCE Lease a déclaré des créances actualisées.
Les cautions ont été mises en demeure le 31 mai 2021 de payer la somme de 62 232,09 € et ont été assignées en paiement par acte du 5 juillet 2021 devant le tribunal de commerce de Soissons qui par jugement contradictoire du 16 juin 2022 a :
– condamné solidairement M. [M] [B] et Mme [R] [W]-[F] à payer à la société BPCE Lease la somme de 54 852,69 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2019 ;
– ramené la clause pénale à 2% de la valeur HT des loyers à échoir ;
– condamné en conséquence solidairement M. [M] [B] et Mme [R] [W]-[F] à payer à la société BPCE Lease la somme de
1 396,45 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2019 ;
– ordonné la capitalisation des intérêts ;
– condamné solidairement M. [M] [B] et Mme [R] [W]-[F] à payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par déclaration en date du 25 juillet 2022, M. [B] et Mme [W]-[F] ont interjeté appel de ce jugement.
Par dernières conclusions remises par voie électronique le 27 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, les appelants demandent à la cour de réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau de :
– déclarer nuls les engagements de caution ;
– déclarer subsidiairement ces engagements inopposables pour cause de disproportion ;
– débouter plus subsidiairement la société BPCE Lease de ses demandes à défaut de rapporter la preuve du montant de son préjudice ;
– débouter en tout état de cause la société BPCE Lease de ses demandes et la condamner au paiement de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par conclusions remises par voie électronique le 6 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA BPCE Lease demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a minoré la clause pénale et en conséquence de condamner solidairement M. [B] et Mme [W] [F] au paiement d’une somme complémentaire de 5 585,81 €, de les débouter de leurs demandes et de les condamner au paiement de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
SUR CE :
Les appelants prétendent à la nullité de leurs engagements de caution au visa des articles L.331-1 et 2 du code de la consommation au motif que leurs engagements manuscrits ne précisent par le débiteur garanti de façon précise, la mention ‘ATELIER REALITE’ étant insuffisante selon eux.
L’intimée conteste cette prétention au motif que ces engagements litigieux sont conformes aux textes invoqués par les appelants.
Des engagements de caution produits par l’intimé, il ressort que M. [B] et Mme [W]-[F] se sont chacun, par une formule manuscrite, engagés à se porter caution solidaire de ‘ATELIER REALITE’ locataire des contrats dont les références ont été reprises.
Des contrats de location il est établi que ‘ATELIER REALITE’ est locataire dans le cadre de trois contrats comme rappelé entête d’arrêt.
Les appelants ne peuvent sérieusement soutenir qu’ils ignoraient qui était le débiteur garanti en leur qualité de co-gérants de la société ATELIER REALITE qu’ils ont engagé dans trois contrats de crédit bail.
Il importe peu que la forme de l’entité garantie ne soit pas indiquée.
Dans ces conditions les engagements étant conformes aux dispositions de l’article L.331-1 du code de la consommation relatives à la formule manuscrite et son contenu, M. [B] et Mme [W]-[F] sont déboutés de leur demande tendant à déclarer nuls les engagements litigieux.
Subsidiairement les appelants demandent à la cour de déclarer leurs engagements de caution inopposables au créancier au visa de l’article L.332-1 du code de la consommation anciennement L.341-4.
Aux termes de l’article L.332-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l’espèce s’agissant d’engagement en date du 7 juin 2018, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La charge de la preuve de la disproportion manifeste de l’engagement lors de sa souscription repose sur la caution et celle relative à la disparition de cette disproportion sur le créancier.
Lors de la souscription la disproportion de l’engagement de caution s’apprécie au regard des éléments fournis par la caution justifiant de sa situation financière et patrimoniale globale.
Ce texte s’applique à toute caution personne physique sans qu’il y ait lieu de rechercher si elle est avertie ou profane.
En l’espèce les cautions ne produisent aucune pièce au soutien de leur prétention de sorte qu’ils sont défaillants dans l’administration de la preuve de la disproportion dont ils ont la charge.
La cour observe que les cautions ont rempli une fiche de renseignements sur leur situation personnelle, que Mme [W] a déclaré percevoir 5 905 € de revenus annuels comme travailleur non salarié et son conjoint 72 459 € pour faire face à des charges annuelles de
34 500 €, être propriétaire avec son conjoint de biens immobiliers d’une valeur brute de 1 605 000 € et nette de 1 260 000 € soit pour moitié
630 148 €.
M. [B] a déclaré être artisan, percevoir 7 700 € de revenus et faire face à des charges annuelles de 9 792 €, être célibataire et disposer d’un patrimoine immobilier d’une valeur brute de 435 000 € et nette de
365 000 €.
Aucune pièce ne contredit ces déclarations, de sorte qu’en s’engageant chacun comme caution à hauteur, pour les trois contrats, de 93 311 €, la disproportion de leurs engagements n’est pas établie.
Ce second moyen est écarté.
L’intimée justifie avoir déclaré ses créances au passif de la liquidation de la société Atelier Réalité, avoir actualisé sa déclaration suite à la recommercialisation du matériel et il est établi que ces déclarations n’ont pas été contestées.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants la société BPCE se prévaut d’une créance exigible dans la mesure où d’une part la résiliation du contrat est intervenue dans les termes de l’article 8 du contrat et que d’autre part, la procédure collective a eu pour effet d’entraîner automatiquement l’exigibilité anticipée.
En conséquence c’est à tort que les appelants prétendent ne pas être débiteurs pour défaut d’exigibilité des créances.
Ce troisième moyen est également rejeté.
Enfin si l’indemnité de résiliation indemnise le crédit-bailleur qui subit un préjudice, comme en l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les appelants dans la mesure où la société Atelier Réalité a été très rapidement défaillante en 2019 alors que les contrats avaient été souscrits en 2018 pour une durée de 5 ans, il ressort des pièces et du décompte que le matériel a pu être recommercialisé dans le cadre des opérations de liquidation au cours desquelles le crédit bailleur a revendiqué le matériel financé, de sorte que c’est à juste titre qu’assimilant l’indemnité de résiliation à une clause pénale, les premiers juges l’ont ramené à 2 % des loyers HT à échoir au lieu de 10 %.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
Les appelants qui succombent supportent les dépens d’appel et sont condamnés à payer à la société BPCE Lease la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne in solidum M. [M] [B] et Mme [R] [W] – [F] à supporter les dépens d’appel et à payer à la société BPCE Lease la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,