Obligations fiscales et délais de procédure : conséquences sur l’irrecevabilité des recours

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Obligations fiscales et délais de procédure : conséquences sur l’irrecevabilité des recours

Mme [F] [I] et M. [W] [I] sont propriétaires d’une maison à [Localité 7] et ont engagé la SARL Soditram pour des travaux autour de leur piscine. Un devis initial de 15 635 euros HT a été validé en mars 2012, suivi d’un devis complémentaire en mai 2012. Les travaux ont été réalisés entre 2012 et 2013, mais des désordres ont été signalés. Deux experts judiciaires ont été désignés, le premier en 2014 et le second en 2018, chacun rendant un rapport sur les problèmes constatés. En mai 2019, les époux [I] ont assigné la SARL Soditram en responsabilité pour obtenir réparation. La société a été liquidée en novembre 2019, et Mme [H] [K], gérante, a été assignée en tant que liquidatrice. Le tribunal a rendu un jugement en février 2023, condamnant Mme [K] à indemniser les époux [I] pour divers préjudices. Mme [K] a interjeté appel en mars 2023, demandant la réformation du jugement et contestant sa responsabilité. Les époux [I] ont réagi en soutenant la recevabilité de leurs demandes et en confirmant la responsabilité de Mme [K]. La cour a finalement déclaré l’appel de Mme [K] irrecevable et l’a condamnée aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG
23/01127
N° RG 23/01127 – N° Portalis DBVM-V-B7H-LX5D

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL SELARL PIRAS BLAYON AVOCATS

Me Christine GOUROUNIAN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2024

Appel d’un jugement (N° R.G. 19/01997) rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 2 février 2023, suivant déclaration d’appel du 15 mars 2023

APPELANTE :

Mme [H] [K]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

S.A.R.L. SODITRAM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège représentée par Me [M] mandataire ad hoc

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentées par Me Ariane PIRAS de la SELARL SELARL PIRAS BLAYON AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Ségolène JAY-BAL de la SARL JBV AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

Mme [F] [I]

née le 08.05.1976 à [Localité 6] (01)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

M. [W] [I]

né le 05.01.1977 à [Localité 5] (73)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentés par Me Christine GOUROUNIAN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,

Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 juin 2024, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Mme Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu à l’audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [F] [I] et M. [W] [I] sont propriétaires d’une maison d’habitation avec terrain, sise à [Localité 7].

Pour réaliser autour de leur piscine une plateforme qu’ils entendaient daller, ils se sont rapprochés de la SARL Soditram.

Le 24 octobre 2011, un devis a été établi pour un montant de 15 635 euros HT soit 16 494,93 euros TTC, devis ramené, après déduction d’une remise commerciale de 229,65 euros, à 16 387,45 euros. Ce devis a été validé le 6 mars 2012.

Le 21 mai 2012, un devis complémentaire est établi pour 375 euros HT, correspondant à la fourniture et la mise en place de caniveaux sans grille.

Les travaux ont été effectués au cours de l’année 2012/2013.

Des désordres ayant été allégués, le 1er octobre 2014, M. [Y] a été désigné en qualité d’expert judiciaire. Il a déposé son rapport le 23 juin 2016,

De nouveaux désordres ayant été allégués, le 4 juillet 2018, M. [G] [L] a été désigné en qualité d’expert judiciaire. Il a déposé son rapport le 29 mars 2019.

Le 20 mai 2019, les époux [I] ont fait assigner en responsabilité la SARL Soditram pour la voir condamner à les indemniser des préjudices allégués.

En cours de procédure, le 29 novembre 2029, Mme [H] [K], gérante et associée de la SARL Soditram, a clôturé amiablement la société.

Les époux [I] ont sollicité la désignation d’un administrateur ad hoc, et Me [M] a été désigné.

Le 17 novembre 2020, les époux [I] ont fait assigner Mme [K] en responsabilité, ès qualités de gérante-associée et liquidatrice.

Le 2 février 2023, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

– constaté l’intervention volontaire de Me [M] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Soditram ;

– jugé les demandes formées contre Mme [H] [K] recevables ;

– rejeté la demande de contre-expertise ;

– condamné Mme [H] [K] à payer aux époux [I] :

– 25 453,41 euros TTC au titre des travaux de reprise,

– 8 000 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance comprenant celui causé par la réalisation des travaux de reprise,

– 6 962,47 euros en remboursement des frais d’expertises judiciaires,

– 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation de ceux dus au moins pour une année entière ;

– fixé les mêmes sommes au passif de la liquidation de la SARL Soditram, laquelle est tenue in solidum avec [H] [K];

Par déclaration du 15 mars 2023, Mme [K] a interjeté appel du jugement.

Dans ses conclusions notifiées le 29 avril 2024, Mme [K] demande à la cour de:

Vu l’ordonnance de référé du 04 juillet 2018,

Vu le rapport d ‘expertise de Monsieur [Y] rendu le 23 juin 2016,

Vu le rapport d’expertise de Monsieur [G] [L] rendu le 29 mars 2019,

Vu l’ordonnance du juge de la mise en état de novembre 2020,

Vu le jugement rendu le 02février 2023,

– réformer le jugement du 02 février 2023 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau:

En tout état de cause :

– déclarer irrecevables les demandes des époux [I] en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de Madame [K] [H] ;

A titre principal :

Vu les deux rapports d’expertise rendus

– ordonner une contre-expertise afin de déterminer les causes et les responsabilités ;

A titre infiniment subsidiaire :

– ramener à de plus justes proportions le montant alloué en première instance aux époux [I], au titre des travaux de reprises, et les ramener au montant fixé dans le rapport d’expertise du 23 juin 2016, soit 5 500 euros TTC ;

– rejeter la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance des époux [I] ;

– laisser à la charge des époux [I] les dépens d’expertise et les frais afférents et leurs frais irrépétibles ;

– condamner Monsieur [W] [I] et Madame [F] [I] à payer Mme [K], la somme de 2 000,00 euros sur le fondement des dispositions de Particle 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens.

Mme [K] conclut en premier lieu à son absence de responsabilité sur le fondement de l’article L.223-22 du code de commerce, dès lors qu’elle n’a commis aucune faute.

Elle fait état de la contradiction des conclusions des deux rapports d’expertise et conclut en conséquence à la nécessité d’ordonner une contre-expertise.

Elle affirme que les époux [I] n’ont subi aucun préjudice.

Dans leurs conclusions notifiées le 16 octobre 2023, les époux [I] demandent à la cour de:

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil, 1104 et suivants et 1240 et suivants, et 1355 du code civil, 120 et 797 du code de procédure civile,

Vu le jugement rendu le 02 février 2023 par le tribunal judiciaire de Grenoble,

– juger irrecevables les demandes de la SARL Soditram, celle-ci n’étant pas appelante ;

– juger que la responsabilité contractuelle de la SARL Soditram est engagée, en ce qu’elle n’a pas respecté les préconisations de pose des dalles du fabricant et n’a pas créer une dalle suffisamment pentue pour évacuer correctement l’eau de pluie ;

– confirmer le jugement déféré en ce qui concerne la SARL Soditram ;

– juger irrecevables les demandes de Mme [H] [K] en contre-expertise et diminution du montant des sommes allouées à Mme [F] [I] et M. [W] [I], pour défaut de qualité à agir ;

– débouter Mme [H] [K] de ses demandes de contre-expertise, non motivée et infondée, et d’article 700 du code de procédure civile ;

– homologuer le rapport d’expertise de M. [G] [L] du 29 mars 2019,

– confirmer le jugement rendu le 2 février 2023 par le tribunal judiciaire de Grenoble, en ce qu’il a retenu la responsabilité de Mme [H] [K] ;

– juger que la responsabilité de Mme [H] [K] est engagée en sa qualité de gérante et liquidateur amiable de la SARL Soditram, en ce qu’elle n’a pas assuré le chantier, a fait croire pendant les opérations d’expertise et judiciaires que le chantier était assuré, a tenté d’échapper à sa responsabilité en clôturant la société et faisant croire à une liquidation judiciaire pour défaut d’actifs, et ayant omis de déclarer la créance litigieuse au bilan social de clôture ;

– condamner Mme [H] [K] à payer à Mme [F] [I] et M. [W] [I], en réparation de leurs préjudices, au titre:

des travaux de reprise : 28 102,91 euros,

du préjudice de jouissance de 07/2012 à 12/2024 : 43 800,00 euros,

du préjudice de jouissance pendant les 2 mois de travaux : 1 200,00 euros,

des frais d’expertise : 6 962,47 euros,

de l’article 700 du code de procédure civile : 4 000,00 euros,

outre intérêts sur ces sommes à compter de la date de l’assignation du 17 novembre 2020 et capitalisation des intérêts, par années entières,

– condamner Mme [H] [K] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Ch. Gourounian, sur son affirmation de droit.

Les époux [I] concluent en premier lieu à l’irrecevabilité des demandes de la SARL Soditram et/ou au nom de la SARL Soditram, rappelant que le jugement a été signifié à Mme [K] le 17 février 2023 et à la SARL Soditram le 13 février 2023, mais qu’il n’a été frappé d’appel que par Mme [K] et non par la SARL Soditram.

Ils concluent ensuite à l’irrecevabilité des demandes de Mme [K] en rappelant l’autorité de chose jugée qui s’attache à l’ordonnance juridictionnelle du 1er mars 2022, ordonnance qui a jugé que les époux [I] sont recevables à rechercher la responsabilité délictuelle pour faute de Mme [K] du fait des éventuelles fautes qu’elle aurait commises dans ses fonctions successives de gérante puis de liquidatrice.

Subsidiairement, ils énoncent que Mme [K] n’a pas qualité à agir pour solliciter une contre-expertise ou la diminution des sommes allouées, seul Me [M] pouvant formuler de telles demandes.

A titre infiniment subsidiaire, ils concluent à la confirmation du jugement du 2 février 2023 quant au principe des responsabilités.

Enfin, ils font état de leurs préjudices.

La clôture a été prononcée le 15 mai 2024.

MOTIFS

Selon l’article 1635 bis P du code général des impôts, il est institué un droit d’un montant de 225 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel. Le droit est acquitté par l’avocat postulant pour le compte de son client par voie électronique.

Selon l’article 963 du code de procédure civile, lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses selon le cas, de l’acquittement du droit prévu à cet article.

[…]

L’irrecevabilité est constatée d’office par le magistrat ou la formation compétents. Les parties n’ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité. Elles sont avisées de la décision par le greffe.

En l’espèce, Mme [K], avisée par l’intermédiaire de son Conseil le 4 avril 2024 de la nécessité de s’acquitter du timbre fiscal, n’a pas payé celui-ci. Son appel est irrecevable.

Les époux [I] sollicitent dans leurs conclusions des sommes supérieures à celles qui leur ont été allouées en première instance mais ne demandent pas la réformation du jugement et en tout état de cause, leurs premières conclusions ont été notifiées le 31 juillet 2023, soit plus de trois mois après la déclaration d’appel du 15 mars 2023, celle-ci aurait donc été caduque en application de l’article 908 du code de procédure civile.

Mme [K] qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Déclare l’appel de Mme [K] irrecevable ;

Condamne Mme [K] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE                                        LA PRÉSIDENTE


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