La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Brie Picardie a ouvert un compte de dépôt pour Mme [G] sans convention de découvert le 1er avril 2010. En raison d’un solde débiteur persistant, la banque a mis en demeure Mme [G] de régler 10 634,29 euros par lettre recommandée le 28 septembre 2021. Le 12 avril 2022, la banque a assigné Mme [G] devant le tribunal pour obtenir le paiement de 11 134,15 euros, plus des intérêts et des frais. Le jugement du 8 novembre 2022 a déclaré la banque recevable dans sa demande, prononcé la déchéance des intérêts conventionnels, et condamné Mme [G] à payer le solde sans intérêts, avec la possibilité de régler en 24 mensualités. Mme [G] a interjeté appel, demandant l’infirmation de la condamnation au paiement, tout en confirmant la déchéance des intérêts. La banque a demandé la confirmation du jugement, sauf pour les délais de paiement. Le tribunal a confirmé la recevabilité de l’action de la banque et la déchéance des intérêts, tout en maintenant la condamnation de Mme [G] au paiement du solde. Concernant les délais de paiement, le tribunal a rejeté la demande de suspension de deux ans, considérant que Mme [G] avait déjà bénéficié de délais suffisants. Enfin, Mme [G] a été condamnée aux dépens et à payer des frais à la banque.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N°
[G]
C/
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PI CARDIE
le 10 septembre 2024
à
Me de Boislaville
Me Derbise
OG
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/00047 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IUJ2
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 08 novembre 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [F] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Charlotte DE BOISLAVILLE, avocat au barreau de COMPIEGNE
ET :
INTIMEE
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D’AMIENS, substitué par Me Agnès GRANDET de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau D’AMIENS
vestiaire : 06
DEBATS :
A l’audience publique du 07 Mai 2024 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2024.
GREFFIER : Madame Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 10 Septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.
Suivant convention de compte en date du 1er avril 2010 la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Brie Picardie (CRCA mutuel Brie Picardie) a consenti à Mme [F] [G] l’ouverture d’un compte de dépôt ne prévoyant aucune convention de découvert.
Se prévalant d’un solde débiteur persistant sur ce compte la CRCA mutuel Brie Picardie a par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 septembre 2021 reçue le 2 octobre 2021 mis en demeure Mme [G] de lui régler la somme de 10634,29 euros.
Par exploit d’huissier en date du 12 avril 2022 la CRCA mutuel Brie Picardie a fait assigner Mme [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Compiègne aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 11134,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2022 et la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du juge des contentieux de la protection en date du 8 novembre 2022, la CRCA mutuel Brie Picardie a été déclarée recevable en son action, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels a été prononcée et Mme [G] a été condamnée au paiement de la somme de 11134,15 euros pour solde de son compte et ce sans intérêts et il lui a été accordé la faculté d’apurer sa dette en 24 mensualités. Mme [G] a été condamnée en outre aux entiers dépens et il a été dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 décembre 2022 Mme [G] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle l’a condamnée au paiement de la somme de 11134,15 euros pour solde du compte.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 16 février 2023, Mme [G] demande à la cour d’infirmer sur ce chef le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter la banque de sa demande en remboursement.
Elle demande en revanche la confirmation du prononcé de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
A titre subsidiaire elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris du chef des délais accordés et statuant à nouveau de dire y avoir lieu à suspension du paiement de la dette.
A titre infiniment subsidiaire elle demande la confirmation du délai de 24 mois qui lui a été accordé.
En tout état de cause elle demande que la CRCA mutuel Brie Picardie soit condamnée aux dépens et au paiement d’une somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 mai 2023 la CRCA mutuel Brie Picardie demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a accordé des délais de paiement à Mme [G] et statuant de nouveau de la débouter de ses demandes au titre de l’article 1343-5 du code civil.
Elle demande enfin la condamnation de Mme [G] au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.
SUR CE
La recevabilité de l’action de la CRCA mutuel Brie Picardie n’est pas discutée et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la demande de la banque.
Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts le premier juge a retenu que le dépassement significatif du découvert s’est prolongé plus d’un mois sans que le prêteur ne justifie avoir fourni au consommateur les informations prévues à l’article L 311-46 devenu L312-92 par écrit ou sur un autre support durable et que le dépassement s’étant prolongé pour une durée supérieure à trois mois le prêteur ne justifie pas avoir respecté les dispositions des articles L 311-1 et suivants du coded e la consommation et notamment en établissant un contrat de crédit conforme aux dispositions de l’article L311-18 devenu l’article L 312 – 28 du code de la consommation, ce non-respect étant sanctionné par une déchéance du droit aux intérêts et non par le débouté de la demande en paiement.
Mme [G] soutient que la CRCA a laissé perdurer le découvert plus de trois mois sans lui proposer de solution contrairement aux dispositions de l’article L 312-93 du code de la consommation.
Elle fait valoir que le solde du compte est débiteur depuis le 23 décembre 2020 mais que ce n’est que par courrier en date du 28 septembre 2021 qu’elle a été mise en demeure de régulariser sa situation et qu’elle n’a d’ailleurs pas reçu ce courrier.
Elle maintient que la CRCA ayant manqué à ses obligations n’est pas fondée à solliciter le remboursement de la somme de 11134 euros.
La CRCA mutuel Brie Picardie relève en premier lieu que l’article L 312-93 résulte de la loi du 1er juillet 2016 alors que le présent litige est soumis aux dispositions de la loi du 1er juillet 2010 et que seules les dispositions de l’article L 311-46 sont applicables en l’espèce.
Elle soutient que l’établissement bancaire en cas de découvert de plus de trois mois a seulement l’obligation d’informer son client dans le délai d’un mois des conditions résultant du découvert et de lui proposer un crédit en cas de découvert de plus de trois mois s’il l’accepte mais qu’il a le choix de dénoncer le découvert et n’est pas obligé d’accepter un crédit sous quelque forme que ce soit.
Elle ajoute que si le découvert perdure plus de trois mois la sanction est prévue par l’article L 311-48 du code de la consommation emportant déchéance du droit aux intérêts et non pas débouté de la demande en paiement.
Avant comme après la réforme de 2010, tout découvert en compte qui se prolonge au-delà de trois mois devient un crédit à la consommation et en conséquence doit faire l’objet d’un contrat de crédit répondant aux exigences des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation.
Par ailleurs l’article L 311-47 devenu l’article L 312-93 du code de la consommation dispose que lorsque le découvert se prolonge au-delà de trois mois le prêteur propose sans délai un contrat de crédit répondant aux conditions protectrices du code de la consommation.
A défaut le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts en effet le prêteur qui omet de présenter une offre préalable de crédit au titulaire d’un compte bancaire ayant fonctionné à découvert pendant plus de trois mois, est déchu du droit à tous les intérêts courus sur le solde débiteur de ce compte.
L’emprunteur ne saurait en revanche être déchargé du solde débiteur du compte.
En l’espèce la CRCA Mutuel Brie Picardie ne conteste pas la déchéance du droit aux intérêts.
Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné Mme [G] au paiement du solde du compte bancaire pour unn montant de 11134,15 euros.
Sur les délais de paiement
Le premier juge a accordé un délai de 24 mois pour régler sa dette en raison de ses difficultés financières en précisant qu’il lui appartiendra de déposer un dossier de surendettement en cas de persistance des difficultés.
La CRCA mutuel Brie Picardie s’oppose au moratoire de deux ans sollicité à hauteur d’appel par Mme [G] faisant observer que la commission de surendettement s’étant prononcée en faveur de la recevabilité du dossier de Mme [G] la suspension et l’interdiction des procédures d’exécution qui ne peut excéder deux ans est acquise jusqu’à l’approbation du plan conventionnel, jusqu’à la décision imposant les mesures prévues par les articles L 733-1 et suivants ou jusqu’au jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation.
Elle en déduit que jusqu’à ce qu’il soit statué sur la contestation de la recevabilité du plan par un créancier Mme [G] est protégée par la procédure de surendettement et sa demande de délais est sans objet.
Elle fait valoir que de même si la contestation était reçue la demande ne se justifierait plus Mme [G] ayant déjà bénéficié de délais plus que de raison.
Mme [G] sollicite une suspension de deux années pour le paiement des sommes dues dès lors que sa situation est particulièrement obérée au point qu’elle a déposé un dossier de surendettement qui a été déclaré recevable et orienté vers une phase de conciliation avec un réaménagement des dettes mais que la recevabilité est contestée par un créancier et qu’il convient de lui accorder un délai de 24 mois dans l’attente de l’issue de la contestation.
A titre subsidiaire elle sollicite la confirmation de l’échelonnement sur 24 mois.
Mme [G] justifie de sa situation financière obérée ayant justifié le dépôt d’un dossier de surendettement déclaré recevable le 25 octobre 2022.
Depuis lors elle bénéficie de fait durant la procédure d’une mesure de suspension des poursuites et d’une interdiction de payer ses dettes et ce pour une durée maximale de deux années.
Il n’est pas justifié de la suite donnée à la contestation de la recevabilité et de la poursuite éventuelle de la procédure.
En tout état de cause sa demande de report d’une durée de deux ans n’est donc aucunement fondée en l’état.
Par ailleurs elle a déjà de fait bénéficié de délais très importants et dans l’hypothèse où la procédure de surendettement ne serait pas déclarée recevable un échelonnement sur 24 mois ne se justifierait pas au regard de l’ensemble des dettes cumulées par Mme [G] et de sa capacité de remboursement évaluée à 306 euros par la commission de surendettement.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner Mme [G] qui succombe en son appel aux entiers dépens d’appel et de la condamner à payer à la CRCA mutuel Brie Picardie la somme de 1000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d’appel.
Les chefs relatifs aux dépens et frais irrépétibles en première instance seront confirmés.
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision entreprise excepté du chef des délais de paiement;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé;
Déboute Mme [G] de sa demande de délais ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [F] [G] aux entiers dépens d’appel ;
Condamne Mme [F] [G] à payer à la CRCA mutuel Brie Picardie la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d’appel.
Le Greffier, La Présidente,