Consignation et aménagement de l’exécution provisoire : enjeux et implications pour les copropriétaires d’un immeuble.

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Consignation et aménagement de l’exécution provisoire : enjeux et implications pour les copropriétaires d’un immeuble.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ a assigné la société POLYGONIA, maître de l’ouvrage, en raison de la dégradation des boiseries de façade. Par la suite, la société ANDRE ROUX, chargée des travaux de charpente/couverture/bardage/zinguerie, ainsi que la société BRIERE et BRIERE, maître d’œuvre, et AXA FRANCE IARD, assureur de la société ANDRE ROUX, ont été appelées en cause. Le tribunal judiciaire de Bonneville a rendu un jugement le 11 décembre 2023, déboutant la société ANDRE ROUX et AXA FRANCE IARD de leur demande d’annulation du rapport d’expertise.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Chambéry
RG
24/00034
COUR D’APPEL

DE CHAMBERY

Première Présidence

AUDIENCE DES RÉFÉRÉS DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE DE LA COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY, tenue au Palais de Justice de cette ville le DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Nous, Marie-France BAY-RENAUD, première présidente de la cour d’appel de CHAMBÉRY, assistée de Ghislaine VINCENT, greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :

Dans la cause N° RG 24/00034 – N° Portalis DBVY-V-B7I-HPNK débattue à notre audience publique du 20 Août 2024 – RG au fond n° 24/00219 – 1ère section

ENTRE

S.A. AXA FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 4]

représentée par , avoués associés et ayant pour conseil la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocats au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant AEDES JURIS, avocats au barreau de PARIS

Demanderesse en référé

ET

S.A.S. BRIERE ARCHITECTES, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représenté par Me Bérangère HOUMANI, avocate au barreau de CHAMBERY

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 6] représenté par son syndic en exercice la SAS COMPAGNIE ALPINE DE PROMOTION IMMOBILIER, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 3]

Ayant pour avocat postulant Me Clarisse DORMEVAL, avocat au barreau d’Annecy et pour avocat plaidant Me Fabienne BUFFET, avocat au barreau d’ANNECY

S.A.S. ENTREPRISE ANDRE ROUX, dont le siège social est situé [Adresse 7], assistée par la SELARL AJ MEYNET et ASSOCIES et par la SELARL ANASTA

Ayant pour avocat postulant Me Emeric BOUSAID avocat au barreau de CHAMBERY et pour avocat plaidant la SELARL CONSTRUCTIV’ AVOCATS, avocats au barreau de LYON

SARL POLYGONIA représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5]

Ayant pour avocat postulant la SELURL BOLLONJEON, avocat au barreau de Chambéry et pour avocat plaidant la SARL BALLALOUD et ASSOCIES, avocats au barreau d’Annecy.

Défenderesses en référé

Exposé du litige

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’, constatant une dégradation des boiseries de façade, a assigné, par acte d’huissier délivré le 11 avril 2016, devant le tribunal de grande instance de Bonneville, la société POLYGONIA, en qualité de maître de l’ouvrage.

La société ANDRE ROUX, en qualité d’entreprise chargée du lot charpente/couverture/bardage/zinguerie, la société BRIERE et BRIERE, en sa qualité de maître d’oeuvre et la société AXA FRANCE IARD, en qualité d’assureur de la société ANDRE ROUX, ont ensuite été appelées en cause.

Le tribunal judiciaire de Bonneville a, par jugement du 11 décembre 2023 :

– Débouté la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX, et la société AXA FRANCE IARD de leur demande d’annulation du rapport d’expertise de Monsieur [X] [P] ;

Déclaré recevable l’action du syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’;

– Débouté le syndicat des copropriétaires de l’immeuble « [Adresse 6] » de sa demande tendant à voir réputée non écrite la clause d’exclusion de solidarité stipulée dans le contrat de maîtrise d’oeuvre ;

– Condamné in solidum la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX, la société AXA FRANCE IARD et la société BRIERE ET BRIERE se disant société BRIERE ARCHITECTES, à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble « [Adresse 6] » la somme totale de 334 198, 34 € en réparation de son préjudice ;

– Condamné in solidum la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX, la société AXA FRANCE IARD et la société BRIERE ET BRIERE se disant société BRIERE ARCHITECTES, à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble « [Adresse 6] » la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné in solidum la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX, la société AXA FRANCE IARD et la société BRIERE ET BRIERE se disant société BRIERE ARCHITECTES, à payer à la SARL POLYGONIA la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejeté le surplus des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné in solidum la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX, la société AXA FRANCE IARD et la société BRIERE ET BRIERE se disant société BRIERE ARCHITECTES aux dépens, incluant les frais de l’expertise judiciaire ;

– Dit que la charge définitive de l’ensemble de ces condamnations sera supportée à hauteur de 90% par la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX et son assureur la société AXA FRANCE IARD, et à hauteur de 10 % par la société BRIERE ET BRIERE se disant société BRIERE ARCHITECTES ;

– Condamné d’une part, la société ANDRE ROUX se disant société ENTREPRISE ANDRE ROUX, in solidum avec la société AXA FRANCE IARD et d’autre part, la société BRIERE ET BRIERE se disant société BRIERE ARCHITECTES à se relever et garantir réciproquement de l’intégralité de ces condamnations dans les proportions ci-dessus fixées ;

– Ordonné l’exécution provisoire.

La société AXA FRANCE IARD a interjeté appel de cette décision le 14 février 2024 (n° DA 24/00219 et n° RG 24/00219) émettant notamment des critiques à l’encontre des chefs du jugement la condamnant in solidum au paiement de diverses sommes d’argent au syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’.

Par actes de commissaire de justice signifiés les 26, 29 et 30 avril 2024, la société AXA FRANCE IARD a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ ainsi que la société BRIERE et BRIERE, la société ANDRE ROUX et la société POLYGONIA devant madame la première présidente de la cour d’appel de Chambéry statuant en référé sur le fondement de l’article 521 ancien du code de procédure civile afin de voir aménager l’exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire de Bonneville du 11 décembre 2023.

Le tribunal de commerce de Grenoble a, par jugement du 03 juin 2024, prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au profit de la société ANDRE ROUX.

Par actes de commissaire de justice signifiés le 18 juillet 2024, la société AXA FRANCE IARD a fait assigner en intervention forcée la société ANASTA et la société AJ MEYNET & ASSOCIES, en qualité d’administrateurs judiciaires, la société BERTHELOT & ASSOCIES et la société MJ ALPES LA, en qualité de mandataire judiciaire.

L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties aux fins d’échange de conclusions et de communication de pièces et a été débattu à l’audience du 20 août 2024.

La société AXA FRANCE IARD demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées par voie électronique le 22 juillet 2024, de :

– Déclarer la société AXA FRANCE IARD recevable et bien fondée en sa demande ;

Y faisant droit,

– Aménager l’exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire de Bonneville du 11 décembre 2023 en autorisant la société AXA FRANCE IARD à consigner la somme de 302 778, 51 euros mise à sa charge au profit du syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Chambéry ou, à défaut du barreau d’Annecy, désigné en sa qualité de séquestre jusqu’au prononcé de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry ;

– Réserver les frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle énonce que le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ ne dispose pas des ressources nécessaires pour effectuer les travaux de reprise et partant, pour restituer le montant de la condamnation en cas de réformation de la décision de première instance.

Elle estime par ailleurs qu’il existe un moyen sérieux de réformation en ce que l’action en responsabilité contractuelle est prescrite. Elle indique que le moyen tiré de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle, n’a pas été proposé tardivement dans une intention dilatoire en ce que celui-ci a été soulevé dans ses conclusions de première instance.

Elle ajoute que l’action en justice devait être dirigée contre l’assureur de la société ANDRE ROUX au moment de la déclaration des désordres et non contre son assureur durant la réalisation des travaux.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées par voie électronique le 02 juillet 2024, de :

– à titre principal, débouter la compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD de sa demande tendant à l’aménagement de l’exécution provisoire par la consignation de la somme de 302 778, 51 euros ;

– à titre subsidiaire, autoriser AXA FRANCE IARD à consigner la somme de 302 778, 51 euros mise à sa charge au profit du syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 6], entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau d’Annecy, qui sera désigné en qualité de séquestre jusqu’au prononcé de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Chambéry.

Au soutien de ses prétentions, il énonce que les copropriétaires ont demandé au syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’, à l’occasion de l’assemblée générale du 29 février 2024, de placer le montant de la condamnation sur un compte rémunéré dans l’attente qu’une décision soit rendue dans le cadre de la procédure d’appel en cours.

Il ajoute que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle, bien que mentionnée dans le dispositif des conclusions de la société AXA FRANCE IARD en première instance, ne peut être proposée pour la première fois en appel en l’absence de développements s’y rapportant dans la discussion en première instance.

Il précise, de ce fait, que la société AXA FRANCE IARD s’est abstenue, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle.

Il estime par ailleurs, que la société AXA FRANCE IARD ne pouvait prétendre, pour la première fois en appel, que l’action devait être dirigée contre l’assureur de la société ANDRE ROUX au jour de l’introduction de l’instance, sans méconnaître le principe de l’estoppel.

La société POLYGONIA demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées par voie électronique le 09 juillet 2024, de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte sur la demande présentée par la société AXA FRANCE IARD.

La société ANDRE ROUX, assistée de la société AJ MEYNET ET ASSOCIES et de la société ANASTA, ès qualité d’administrateurs judiciaires, demande à la Cour, conformément à ses écritures notifiées par voie électronique le 19 juillet 2024, de :

– Statuer ce que de droit sur la demande d’aménagement de l’exécution provisoire sollicitée par la compagnie AXA FRANCE IARD ;

– Condamner la compagnie AXA FRANCE IARD aux entiers frais et dépens du présent incident avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Emeric BOUSSAID.

La société BRIERE et BRIERE déclare s’en rapporter à la décision à venir.

La société BERTHELOT & ASSOCIES et la société MJ ALPES, régulièrement appelées à la procédure, sont non comparantes.

Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions, arguments et moyens des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées.

Sur ce

Sur la demande de consignation

Aux termes de l’article 521 ancien du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

En l’espèce, les sommes sur lesquelles porte la condamnation ne sont ni des aliments, ni des rentes indemnitaires, ni des provisions et peuvent en conséquence faire l’objet d’une consignation au titre de l’aménagement de l’exécution provisoire, au terme d’une appréciation souveraine du premier président.

Il est constant que la reprise des dommages indemnisés par le jugement du tribunal judiciaire de Bonneville ne présente pas un caractère d’urgence ;

Il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du 29 février 2024 que ces derniers ont demandé au syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ de consigner le montant de la condamnation sur un compte rémunéré dans l’éventualité d’une réformation du jugement de première instance (pièce n° 1 du défendeur).

Cette décision repose sur un vote de l’assemblée générale qui peut, lors d’une prochaine assemblée générale, la modifier ;

En cas de réformation, le risque de non-recouvrement de la somme de 302 778.51 euros est manifeste dès lors que le syndicat des copropriétaires est composé de huit copropriétaires auprès desquels le syndicat devrait engager des procédures de recouvrement, ce qui multiplie le risque ;

En conséquence, dans l’intérêt de chacune des parties, il y a lieu de faire droit à la demande de consignation de la société AXA FRANCE IARD.

Selon l’article L 518-17 du Code monétaire et financier, la caisse des dépôts et consignations est chargée de recevoir les consignations de toute nature, en numéraire ou en titres financiers, prévues par une disposition législative ou réglementaire ou ordonnées soit par une décision de justice soit par une décision administrative.

Sur les autres demandes

La présente décision étant prononcée dans son intérêt, la société AXA FRANCE IARD supportera la charge des dépens, étant rappelé que les dépens relatifs à une instance de référé ne peuvent être réservés pour être tranchés avec l’instance au fond.

Dès lors que la constitution d’avocat n’est pas obligatoire en référé devant le premier président, les dépens ne peuvent être distraits.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en matière de référés.

AUTORISONS la société AXA FRANCE IARD à consigner une somme de 302 778,51 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et Consignations dans le délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;

DISONS qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble ‘[Adresse 6]’ pourra poursuivre l’exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Bonneville en date du 11 décembre 2023 ;

CONDAMNONS la société AXA FRANCE IARD à supporter la charge des dépens de l’instance.

Ainsi prononcé publiquement, le 10 septembre 2024, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Marie-France BAY-RENAUD, première présidente, et Ghislaine VINCENT, greffière.

La greffière La première présidente


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