Le 19 octobre 2012, CFC Bijoux a signé un contrat d’affacturage avec HSBC Factoring France, avec M. [T] comme caution pour 100 000 euros. Le 16 décembre 2014, CFC Bijoux a été placée en sauvegarde judiciaire. Le 17 mars 2016, HSBC a assigné M. [T] en paiement, mais le tribunal a suspendu la procédure jusqu’à la fin de la sauvegarde. Le 3 juillet 2019, CFC Bijoux a été placée en redressement judiciaire. Le 17 juin 2022, le tribunal a levé les suspensions, débouté M. [T] de ses demandes contre HSBC, et l’a condamné à payer 100 000 euros plus intérêts et frais. M. [T] a fait appel le 12 juillet 2022, demandant l’infirmation de la décision. Dans ses conclusions, il a soutenu que l’engagement de caution était disproportionné et a demandé la déchéance de HSBC de son droit de se prévaloir de cet engagement. HSBC a réclamé la confirmation du jugement et des frais. L’instruction a été close le 2 mai 2024. La cour a confirmé le jugement initial, condamnant M. [T] aux dépens d’appel et à verser 2 500 euros à HSBC.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/04617 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VKAA
AFFAIRE :
[F], [S], [J] [T]
C/
S.A. HSBC FACTORING FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2016F0068
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Dan ZERHAT
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
Monsieur [F], [S], [J] [T]
né le 30 Mars 1967 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 – N° du dossier 22078117
Plaidant : Me Olivier CREN de l’ASSOCIATION CREN MARQUET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 0716
****************
INTIME
S.A. HSBC FACTORING FRANCE
N° SIRET : 414 141 846 RCS PARIS
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2269441
Plaidant : Me Damien WAMBERGUE de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0725
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Juillet 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,
Monsieur Cyril ROTH, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
Le 19 octobre 2012, la société CFC Bijoux a conclu un contrat d’affacturage avec la société HSBC Factoring France (le factor). Le même jour, M. [T], son dirigeant, s’est porté caution de ses engagements pour une durée de cinq ans, à hauteur de 100 000 euros .
Le 16 décembre 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert la sauvegarde judiciaire de la société CFC Bijoux.
Le 17 mars 2016, le factor a assigné M. [T] en paiement devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Par jugements successifs des 26 mai 2016, 30 mars 2017 et 24 mai 2019, ce tribunal a sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure de sauvegarde.
Par jugement du 3 juillet 2019 le tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement judiciaire de la société CFC Bijoux.
Par jugement contradictoire du 17 juin 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– prononcé la révocation des sursis à statuer prononcés par les jugements du 26 mai 2016, 30 mars 2017 et 24 mai 2019 et dit que l’instance reprend son cours ;
– débouté M. [T], en sa qualité de caution, de ses demandes à l’encontre de la société HSBC Factoring France ;
– condamné M. [T], ès qualités, à payer à la société HSBC Factoring France la somme de 100 000 euros au titre de son engagement de caution, outre intérêt au taux légal à compter du 3 juillet 2019 et capitalisation ;
– condamné M. [T], ès qualités, à payer à la société HSBC Factoring France la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [T], ès qualités, aux dépens.
Le 12 juillet 2022, M. [T] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a prononcé la révocation des sursis à statuer.
Par dernières conclusions du 9 novembre 2023, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes à l’encontre de la société HSBC Factoring France ;
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la société HSBC Factoring France la somme de 100 000 euros au titre de son engagement de caution, outre intérêt au taux légal à compter du 3 juillet 2019 et capitalisation ;
Statuant à nouveau,
– juger que la fiche de renseignement du 19 octobre 2012 présente des anomalies apparentes qui auraient dû alerter la banque ;
– juger que l’engagement de caution du 19 octobre 2012 était manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [T] ;
– par conséquent, déchoir la société HSBC Factoring France du droit de se prévaloir de l’engagement de caution signé par M. [T] le 19 octobre 2012 ;
En tout état de cause,
– débouter la société HSBC Factoring France de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société HSBC Factoring France à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société HSBC Factoring France aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions du 6 janvier 2023, le factor demande à la cour de :
– déclarer M. [T] mal fondé en son appel et l’en débouter ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
– débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes, fin et conclusions ;
Y ajoutant,
– condamner M. [T] à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [T] en tous les dépens de première instance et d’appel.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 mai 2024.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
Sur l’opposabilité à la caution de son engagement
L’article L. 332-1 du code de la consommation dispose, dans sa rédaction applicable au jour de l’engagement en cause :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C’est à la caution qu’incombe la preuve de l’existence de la disproportion manifeste qu’elle invoque.
Pour d’apprécier si un cautionnement est ou non disproportionné, le juge peut se fonder sur les indications non contestées d’une fiche de renseignements, en les confrontant avec les éléments de preuve versés aux débats afin de déterminer la valeur des biens de la caution au jour de la conclusion du cautionnement (Com., 30 août 2023, n° 21-20.222, publié).
Le créancier n’a pas à vérifier l’exactitude des biens et revenus déclarés par la caution (Com, 14 décembre 2010, n°09-69.807, publié).
Lorsque la fiche de renseignement établie par la caution comporte des éléments qui ne sont affectés d’aucune anomalie apparente et permettent à eux seuls de considérer que l’engagement souscrit n’est pas disproportionné aux biens et revenus de la caution, la banque n’a pas à vérifier l’exactitude d’autres éléments de cette fiche, fussent-ils affectés d’une telle anomalie (Com., 21 sept. 2022, n° 21-12.218, publié.
La caution ayant rempli une fiche de renseignements dépourvue d’anomalies apparentes ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée au créancier (1re civ., 24 mars 2021, n° 19-21.254, publié).
Peuvent néanmoins être pris en considération les engagements antérieurs déclarés ou dont le créancier avait connaissance ou qu’il ne pouvait ignorer (Com., 26 fév. 2020, n°18-16.243 ; 8 janv. 2020, n°18-19.528 ; 11 avr. 2018, n°16-19.348).
La disproportion de l’engagement de la caution personne physique est sanctionnée par l’inopposabilité de son engagement au créancier professionnel.
En l’espèce, le 19 octobre 2012, M. [T] a rempli une fiche de renseignements au travers laquelle il a déclaré :
– Etre marié sous le régime de la séparation de biens ;
– Exercer une activité non salariée dégageant un bénéfice net annuel de 80 000 euros ;
– Etre propriétaire d’un appartement constituant sa résidence principale, sis à [Localité 4], acquis 800 000 euros en 2010, grevé de garanties à hauteur de 620 000 euros.
Le formulaire n’est pas renseigné à la rubrique ‘Passif’, qui comprend quatre items : emprunts, engagements de caution, soumission à l’ISF et autres charges (loyers, pensions alimentaires), si ce n’est en ce que M. [T] y signale ne pas être soumis à l’ISF.
Au regard d’un engagement de caution limité à 100 000 euros et d’un patrimoine net de 180 000 euros compte tenu des garanties mentionnées dans la fiche de renseignements, il résulte de ce qui précède qu’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les biens et revenus de M. [T] et le montant de son engagement de caution au jour de sa conclusion..
M. [T] soutient cependant que la fiche était affectée de plusieurs anomalies apparentes.
Il fait valoir en premier lieu que la fiche n’est pas renseignée à la rubrique « passif ».
Mais il s’évinçait suffisamment des mentions relatives à l’immeuble que M. [T] s’était endetté à hauteur de 620 000 euros pour son achat.
M. [T] soutient en deuxième lieu que la fiche mentionne que cet immeuble est un bien propre, alors qu’il n’existe pas de bien propre en régime de séparation de biens.
Mais cette confusion, courante, entre les biens personnels des époux dans le régime de la séparation de biens et les biens propres dans le régime de la communauté légale, n’est pas de nature à constituer une anomalie apparente ; de cette mention, le factor était légitime à déduire que l’immeuble était en intégralité un bien personnel de la caution.
M. [T] fait valoir en troisième lieu que, dans la colonne « valeur actuelle approximative » correspondant à l’immeuble, il a indiqué une valeur de 110 000 euros, ce qui était incohérent au regard de la valeur déclarée de l’immeuble, soit 800 000 euros, et de sa date d’acquisition, en 2010, comme des garanties déclarées à hauteur de 620 000 euros.
Mais cette mention procède manifestement d’une erreur de plume, imputable à la caution elle-même, sans constituer une anomalie apparente ; au reste, même en prenant en compte une valeur de l’immeuble de 110 000 euros, l’engagement litigieux ne serait pas manifestement disproportionné.
M. [T] fait valoir enfin qu’« HSBC », qui était sa banque depuis plusieurs années, avait une pleine connaissance de sa situation financière réelle, obérée par plusieurs emprunts et engagements de caution ; l’appelant produit une attestation de Mme [L], ancienne directrice adjointe de la banque HSBC, dont il résulte que le factor avait connaissance des garanties personnelles qu’il avait données à cette banque au bénéfice de la société dont il était le dirigeant.
Mais comme le fait valoir à juste titre l’intimée, la banque HSBC et la société HSBC Factoring sont deux entités juridiques distinctes, aux activités séparées ; le seul engagement de caution donné à la banque HSBC dont il est justifié par les pièces produites a été souscrit le 1er juillet 2011, était limité à la somme de 30 000 euros, et il n’est pas établi que cette banque avait connaissance des engagements de caution souscrits par l’appelant auprès d’autres banques.
Ainsi, en l’absence d’anomalie apparente affectant la fiche de renseignements, M. [T] n’est pas admis à soutenir que sa situation patrimoniale était en réalité moins favorable que celle qui pouvait en être déduite.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [T] tendant à se voir déclarer inopposable l’engagement de caution et accueilli les prétentions du factor.
Il convient ainsi de le confirmer en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
L’appelant, qui succombe, supportera les dépens d’appel.
L’équité commande en outre d’allouer à la banque l’indemnité de procédure fixée au dispositif.
la cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [T] aux dépens d’appel ;
Condamne M. [T] à verser à la société HSBC Factoring France la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,