Évaluation des conditions de recevabilité d’une mesure d’instruction préalable dans le cadre d’un litige relatif à des désordres de construction.

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Évaluation des conditions de recevabilité d’une mesure d’instruction préalable dans le cadre d’un litige relatif à des désordres de construction.

Les époux [E] ont contesté une ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Toulouse, datée du 26 mai 2023, qui avait refusé une expertise et condamné les époux à verser 500 € à la SCOP La Tournée du Coq. Ils ont demandé à la cour de désigner un expert judiciaire pour examiner des désordres allégués sur un chantier, en précisant les missions de l’expert. M. [J] et son assureur, la SA Sma, ont exprimé leur accord pour l’expertise tout en demandant des frais. La société Groupama d’Oc a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale et a proposé des mesures subsidiaires concernant l’expertise. M. [Z] a également demandé le rejet de l’appel des époux [E] et la confirmation de l’ordonnance, tout en se déclarant non opposé à l’expertise sous certaines réserves. La SARL Clavero n’a pas constitué avocat. La procédure a été clôturée le 3 juin 2024. La cour a finalement confirmé l’ordonnance initiale, condamnant les époux [E] aux dépens et à verser des sommes à M. [Z], à Groupama d’Oc et à M. [J] avec son assureur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG
23/02288
10/09/2024

ARRÊT N°360/2024

N° RG 23/02288 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PRF4

EV/KM

Décision déférée du 26 Mai 2023

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE

( 23/00100)

C.LOUIS

[H] [E]

[R] [C] épouse [E]

C/

[W] [J]

[I] [Z]

S.A.R.L. F CLAVERO

S.A. SMA SA

S.C.O.P. S.A.R.L. LA TOURNEE DU COQ

Société GROUPAMA D OC

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTS

Monsieur [H] [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Dominique JEAY de la SCP JEAY & JAMES-FOUCHER, AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [R] [C] épouse [E]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Dominique JEAY de la SCP JEAY & JAMES-FOUCHER, AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [W] [J]

[Adresse 13]

[Localité 7]

Représenté par Me Julie SALESSE de la SCP D’AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Isabelle DINGLI de la SELAS D’AVOCATS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.R.L. F CLAVERO

[Adresse 1]

[Localité 9]

assignée à personne morale le 08/08/2023,sans avocat constitué

S.A. SMA SA SA immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 332 789 296

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Julie SALESSE de la SCP D’AVOCATS SALESSE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.O.P. S.A.R.L. LA TOURNEE DU COQ

[Adresse 12]

[Localité 8]

Représentée par Me Vincent VALADE de la SELARL CAP VERITAS AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Société GROUPAMA D OC Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle ASTIE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Michel BARTHET, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président délégué par ordonnance modificative du 15 avril 2024

E.VET, conseiller

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président, et par I. ANGER, greffier de chambre

M. [H] [E] et Mme [R] [C] épouse [E] ont fait procéder à des travaux d’aménagement et réalisation d’une extension confiés à la maîtrise d »uvre de M. [Z], architecte, dans un immeuble situé [Adresse 4].

La SARL F. Clavero avait en charge les travaux de plâtrerie, M. [W] [J], assuré auprès de la Sagena les travaux de gros ‘uvre et la SCOP Tournée du Coq, assurée auprès de Groupama d’Oc, les travaux de couverture.

Les époux [E] ont constaté l’apparition de fissures.

Par acte d’huissier du 16 janvier 2023, M. [H] [E] et Mme [R] [C] épouse [E] ont fait assigner la SARL F.Clavero, M. [W] [J] et son assureur la SA Sma, anciennement dénomée Sagena, la SCOP Tournée du Coq et son assureur la société Groupama d’Oc et M. [I] [Z], architecte devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse, pour obtenir la désignation d’un expert sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 26 mai 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– dit n’y avoir lieu à référé-expertise,

– dit n’y avoir lieu de faire droit aux demandes de condamnation à communiquer des pièces et informations,

– condamné M. [H] [E] et Mme [R] [C] épouse [E] à payer à la société Tournée du Coq la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [E] et Mme [R] [C] épouse [E] aux entiers dépens.

Par déclaration du 26 juin 2023, les époux [E] ont relevé appel de cette ordonnance, dans des conditions de forme et de délai non discutées.

Par ordonnance du 29 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions au fond de la SCOP La Tournée du Coq déposées au greffe de la cour le 16 octobre 2023.

Par dernières écritures en date du 13 juillet 2023, les époux [E] demandent à la cour de :

– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 26 mai 2023 en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé expertise et a condamné les époux [E] à payer à la SCOP La Tournée du Coq la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

– désigner tel expert judiciaire qu’il plaira à la Cour avec le mandat de :

* se rendre sur les lieux litigieux, [Adresse 4],

* les visiter en présence de toutes parties intéressées et recueillir leurs prétentions,

* procéder à l’audition de tout sachant éventuel et se faire délivrer tous documents utiles à l’exercice de sa mission,

* vérifier si les désordres allégués existent et dans ce cas, les décrire, indiquer leur nature et en rechercher les causes,

* fournir tous éléments permettant de déterminer si les désordres proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de construction, d’une malfaçon dans leur mise en oeuvre, d’une négligence ou de toute autre cause,

* dire si ces désordres et non conformités constituent une simple défectuosité, des malfaçons ou des vices graves et préciser s’ils sont susceptibles de mettre l’ouvrage en péril ou bien de le rendre impropre à sa destination,

* dire quelle pourra être leur évolution à plus ou moins long terme dans l’hypothèse d’un caractère évolutif,

* déterminer les travaux nécessaires pour remédier tant aux désordres qu’aux dommages conséquents et en chiffrer le coût ainsi que la durée,

* fournir tous éléments techniques et de fait permettant de définir les responsabilités encourues et d’évaluer, s’il y a lieu, les préjudices subis,

* soumettre un pré-rapport aux parties et recueillir leurs dires éventuels,

* rapporter au tribunal l’accord susceptible d’intervenir entre parties,

* à défaut, déposer son rapport définitif dans les plus brefs délais, afin qu’il puisse être statué au fond,

* faire, plus généralement, toutes constatations utiles à la solution du présent litige,

– statuer ce que de droit quant aux dépens, distraction en étant prononcée au profit de Me Jeay, Avocat, sur son affirmation de droit.

Par dernières écritures en date du 19 juillet 2023, M. [J] et son assureur, la SA Sma demandent à la cour de :

– donner acte à M. [J] et à la Sma SA de ce qu’ils ne s’opposent pas à la mesure d’expertise sollicitée sous les plus expresses réverses et protestations d’usage,

– condamner tout succombant à verser à M. [J] et à la SMA SA la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des entiers dépens.

Par dernières écritures en date du 11 août 2023, la société Groupama d’Oc demande à la cour de :

A titre principal :

– confirmer l’ordonnance du 26 mai 2023 en ce que le juge des référés a dit n’y avoir lieu à expertise et a condamné M. et Mme [E] aux dépens.

En conséquence :

– rejeter la demande d’expertise de M. et Mme [E],

– condamner M. et Mme [E] à payer à Groupama d’Oc la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 ainsi que les entiers dépens d’appel.

A titre subsidiaire :

– donner acte à Groupama d’Oc de ses protestations et réserves d’usage,

– ordonner la mesure d’expertise aux frais avancés de M. et Mme [E] au contradictoire de l’ensemble des défendeurs y compris Groupama d’Oc,

– ordonner un complément de mission à l’expert judiciaire qui devra donner tous éléments sur la réception des travaux,

– condamner M. et Mme [E] aux entiers dépens.

Par dernières écritures en date du 11 août 2023, M. [Z] demande à la cour de:

– rejeter l’appel de M. et Mme [E] formé à l’encontre de l’ordonnance de référé du 26 mai 2023 et la demande d’expertise judiciaire formulée par M. et Mme [E], pour défaut de motif légitime,

– confirmer l’ordonnance de référé du 26 mai 2023, en ce que le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé-expertise, et a condamné M. et Mme [E] aux dépens.

En conséquence :

– rejeter la demande d’expertise judiciaire de M. et Mme [E],

– condamner M. et Mme [E] à payer à M. [Z] une somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles en appel,

– condamner M. et Mme [E] aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Isabelle Dingli, de la SELAS Atcm, Avocat à Toulouse.

Très subsidiairement, et en toutes hypothèses :

– déclarer que M. [I] [Z] ne s’oppose pas à la demande d’expertise sollicitée, sous les plus expresses réserves de son opportunité et de la recevabilité de l’action,

– condamner M. et Mme [E] à communiquer aux débats leurs coordonnées d’assurance multirisques habitation et à justifier de leurs démarches auprès de leur assureur,

– condamner in solidum M. et Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Isabelle Dingli, de la SELAS Atcm, avocat à Toulouse.

La SARL Clavero n’a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 3 juin 2024.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Les époux [E] font valoir que, selon rapport d’expertise amiable du 24 février 2023 leur immeuble présente des fissures affectant le mur de l’extension et qui trouvent leur origine dans un phénomène de dilatation dont la reprise justifie la création de joint de dilatation sur les ouvrages de maçonnerie y compris l’enduit et la plâtrerie.

M. [Z] souligne que le rapport conclut lui-même à l’absence de recours à l’encontre des locateurs d’ouvrage et que le mur supportant les désordres existait avant la réalisation des travaux et a été conservé.

M. [J] et son assureur la SA Sma ne s’opposent pas à la mesure.

Le Groupama d’Oc, assureur de la Scop La Tournée du Coq oppose que son assuré a établi sa facture le 30 mai 2012 de sorte que sa garantie décennale ne peut être recherchée et qu’en tout état de cause il résulte du rapport que le désordre provient d’un mouvement structurel d’un mur existant conservé indépendamment des travaux de sorte que la responsabilité des constructeurs de l’extension ne peut être recherchée.

SUR CE

L’article 145 du Code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.

Ce motif existe dès lors que l’éventuelle action au fond n’est pas manifestement vouée à l’échec, que la mesure demandée est légalement admissible, qu’elle est utile et améliore la situation probatoire des parties et qu’elle ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes de l’adversaire.

Il est dès lors indispensable que le demandeur établisse l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur, dont le contenu et le fondement soient cernés, approximativement au moins, et sur lequel pourra influer le résultat de la mesure à ordonner. Cependant, Il n’est pas exigé que le fondement et les limites d’une action par hypothèse incertaine, soient déjà fixées.

En l’espèce, les époux [E] produisent :

‘ la photographie d’une fissure dont ni la situation ni l’importance ne sont établies,

‘ le rapport d’expertise établi à la demande de la Maif, assureur des appelants selon lequel la maison a fait l’objet de travaux de surélévation et d’agrandissement qui ont fait l’objet d’une réception tacite le 5 janvier 2013 pour le gros ‘uvre. Il relève l’existence d’une fissure sur le doublage en plaques de plâtre sur un mur conservé orienté nord-est et des fissures d’amplitudes moindres sur la façade sud-ouest, d’allure horizontale, quelques microfissures et fissures d’amplitudes millimétriques sur le doublage (mur de façade orienté nord-est) à proximité de l’appui d’une poutre, une fissure d’amplitudes faible horizontale à proximité d’une autre poutre. En extérieur, le mur existant et conservé donnant sur le séjour orienté nord-est, présente une fissure d’allure verticale dans l’environnement de celle observée en doublage.

Ainsi :

‘ la date d’apparition des désordres n’est pas établie autrement que par les seules affirmations des appelants,

‘ selon le rapport le dommage provient d’un mouvement structurel , la dilatation entre deux murs indépendants existants et conservés dans le cadre des travaux, qu’il évalue à 3000 € TTC,indépendant des travaux susvisés. Il conclut que le dommage ne relève pas de la responsabilité décennale des constructeurs et précise ne pas être en mesure d’apporter la preuve d’une faute d’une entreprise susceptible d’engager leur responsabilité civile , que dès lors aucun recours n’est possible à l’encontre des locateurs d’ouvrage.

L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès en germe possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée .

Elle ne peut avoir pour objet de pallier la carence des parties dans démonstration de la preuve et si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure étant justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

Tel n’est pas le cas en l’espèce au vu des pièces produites par les époux [E] qui ne permettent pas, au regard des éléments du rapport de leur expert amiable que rien ne permet de démentir, d’apprécier en droit comme en fait l’intérêt d’une mesure d’expertise judiciaire spécialement quant à la nature et à la date d’apparition des désordres.

En conséquence, la décision déférée doit être confirmée.

Les époux [E] qui succombent garderont la charge des dépens.

L’équité commande de faire droit à la demande présentée par M. [Z], la SA Sma et M. [J] ensemble et Groupama d’Oc au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 800 €.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Statuant dans les limites de sa saisine:

Confirme l’ordonnance déférée,

Condamne M. [H] [E] et Mme [R] [C] épouse [E] aux dépens,

Condamne M. [H] [E] et Mme [R] [C] épouse [E] à verser en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 800 € à M. [I] [Z], 800 € au Groupama d’Oc et 800 € à M. [W] [J] avec son assureur la SA Sma.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

I.ANGER M.DEFIX


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