Indemnisation pour détention provisoire : Évaluation du préjudice moral et conditions de réparation

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Indemnisation pour détention provisoire : Évaluation du préjudice moral et conditions de réparation

L’affaire concerne une requête déposée par M. [I] en réparation du préjudice subi durant sa détention provisoire, qui a duré 120 jours, du 14 janvier 2021 au 13 mai 2021. Le Tribunal pour enfants a rendu un jugement le 23 mars 2023, relaxant M. [I] des faits qui lui étaient reprochés. En conséquence, le tribunal a décidé d’allouer à M. [I] une indemnité de 12.000 euros pour préjudice moral, ainsi qu’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laissant les dépens à la charge du Trésor Public. La décision a été prononcée par mise à disposition au greffe de la cour.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG
23/00010
N° RG 23/00010 – N° Portalis DBVM-V-B7H-L557

N° Minute : 7/2024

Notifications faites le

10 SEPTEMBRE 2024

copie exécutoire délivrée

le 10 SEPTEMBRE 2024 aux avocats

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DÉCISION DU 10 SEPTEMBRE 2024

ENTRE :

DEMANDEUR suivant requête du 20 Juillet 2023

M. [Z] [I]

né le [Date naissance 2] 2003 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant assisté et plaidant par Me Céline ROUX, avocat au barreau de GRENOBLE

ET :

DEFENDEUR

M. L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats au barreau de GRENOBLE substituée par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de Mme Marie-Gabrielle RATEL, avocate générale

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Juin 2024,

Nous, Martin DELAGE, président de chambre délégué par Monsieur le président de la cour d’appel de Grenoble, assisté de Valérie RENOUF, greffier, les formalités prévues par l’article R 37 du code de procédure pénale ayant été respectées,

Avons mis l’affaire en délibéré et renvoyé le prononcé de la décision à l’audience de ce jour, ce dont les parties présentes ou représentées ont été avisées.

Vu les articles 149 et 150 du Code de Procédure Pénale ;

Vu la requête en date du 17 juillet 2023, enregistrée au secrétariat du premier président le 20 juillet 2023 et déposée par le Conseil de [Z] [I], né le [Date naissance 2] 2003 à [Localité 3] ;

Sur le fondement des articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale, en réparation du préjudice subi pour la période de détention provisoire effectuée du 14 janvier 2021 au 13 mai 2021, soit 120 jours ;

Vu le jugement du Tribunal pour enfants du 23 mars 2023 le relaxant des faits reprochés ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat reçues le 19 février 2023 ;

Vu les conclusions du ministère public ;

MOTIFS DE LA DECISION :

Il résulte des articles 149 à 150 du code de procédure pénale qu’une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l’objet d’une détention provisoire, au cours d’une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d’acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.

Par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d’obtenir de l’État réparation du préjudice subi à raison d’une détention provisoire fondée sur des charges entièrement et définitivement écartées.

Sur la recevabilité de la requête

La requête en réparation a été formée dans les conditions prescrites par les articles 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale. Elle est recevable.

Sur l’indemnisation

Le requérant sollicite :

– une somme de 30.000€ au titre de son préjudice moral

M.[I] rappelle qu’il n’a jamais cessé de clamer son innocence pour les faits de vol avec violence ayant entrainé une ITT inférieure à 8 jours et commis en réunion, pour lesquels il a été mis en examen. Il considère que son Conseil a mis en évidence les nombreuses incohérences du dossier et qu’il y a eu une méprise entre lui et un autre mineur interpellé.

M. [I] estime que son préjudice est d’autant plus important qu’il était mineur au moment de son incarcération et qu’il a été placé en détention provisoire dans le centre pénitentiaire de [6], régulièrement dénoncé pour ses conditions délétères de détention.

L’Agent judiciaire de l’Etat considère que la somme octroyée au titre du préjudice moral, devait être ramenée à la somme de 12.000 euros, au regard des critères jurisprudentiels d’évaluation.

**********

Il est de jurisprudence constante que la souffrance morale doit être appréciée indépendamment de l’attitude du demandeur, pendant l’enquête ou l’information, ou de son comportement. Ainsi, les dénégations de M. [I], au cours de l’enquête préliminaire et de l’instruction préparatoire, sur les faits qui ont entraîné sa mise en examen, sont sans portée sur le principe et le montant de la réparation.

De même, le bien-fondé de la décision de placement et de maintien en détention échappe au contrôle du premier président, qui ne saurait, pour évaluer le montant de la réparation, retenir que la privation de liberté n’était pas nécessaire en l’espèce.

Si M. [I] était âgé de 17 ans au moment de son placement en détention provisoire, il ne justifie d’aucun préjudice personnel, causé directement par son incarcération, à l’égard de sa situation personnelle ou familiale.

Par ailleurs, le casier judiciaire de M. [I] fait état de plusieurs condamnations, notamment pour des faits de vol avec violence. En revanche, il n’avait encore jamais fait l’objet d’incarcération avant son placement en détention provisoire, le 14 janvier 2021. Ainsi, son choc psychologique a nécessairement été aggravé par cette circonstance.

Enfin, M. [I] ne justifie pas de conditions de détention difficiles au quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de [6].

Dès lors, le préjudice moral sera fixé à 12.000 euros.

Une somme de 1.000 € lui sera alloué au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

ALLOUONS à M.[I] la somme de 12.000 euros en réparation de son préjudice moral, celle de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


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