Responsabilité et obligations contractuelles dans le cadre de travaux de revêtement : analyse des conséquences d’une inadéquation entre produits et supports.

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Responsabilité et obligations contractuelles dans le cadre de travaux de revêtement : analyse des conséquences d’une inadéquation entre produits et supports.

En 2001, la SCI Les Thuyas a sollicité la SARL [P] [L] pour des travaux de peinture extérieure sur un immeuble, avec un devis établi à 131 420,58 francs. Les travaux, réalisés en 2002, ont été entièrement réglés. En 2005, l’EURL Les Tilleuls, nouvel acquéreur de l’immeuble, a constaté des désordres sur la façade, notamment un écaillage du revêtement. Malgré des reprises effectuées par la SARL [P] [L], les problèmes ont persisté.

En 2011, un sinistre a été déclaré à l’assureur de la SARL, MAAF Assurances, qui a ordonné une expertise. En 2012, l’EURL Les Tilleuls a assigné la SARL [P] [L], MAAF Assurances et PPG AC France en référé pour une expertise judiciaire. L’expert a constaté des désordres dus à une inadéquation entre le support et les produits utilisés, soulignant des erreurs dans l’évaluation des matériaux.

En 2016, la SARL [P] [L] a été radiée. En 2018, l’EURL Les Tilleuls a assigné MAAF et PPG AC France devant le tribunal de commerce d’Angers, demandant des indemnités pour les dommages. Le tribunal a déclaré l’action irrecevable pour cause de prescription et a débouté l’EURL de ses demandes.

L’EURL a fait appel, soutenant que sa demande n’était pas prescrite et que la responsabilité de MAAF et PPG AC France était engagée. Les deux sociétés ont contesté la recevabilité de l’action et la responsabilité qui leur était imputée.

Le jugement d’appel a finalement déclaré recevable l’action de l’EURL contre MAAF et PPG AC France, condamnant ces dernières à verser des indemnités pour les travaux de réparation, tout en rejetant la demande d’indemnisation pour préjudice immatériel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Cour d’appel d’Angers
RG
19/01666
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/01666 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ERW2

jugement du 31 Juillet 2019

Tribunal de Commerce d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 18/014226

ARRET DU 10 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. EURL LES TILLEULS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Mickaël BOULAY de la SELARL SELARL MICKAEL BOULAY, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 370592

INTIMEES :

SA MAAF ASSURANCES

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau D’ANGERS substitué par Me Audrey PAPIN

SA PPG AC FRANCE

agissant poursuites et diligences de son représentant égal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19112 et par Me Bertrand DELCOURT, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 21 Mai 2024 à 14’H’00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M.’CHAPPERT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 10 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

Courant 2001, la société (SCI) Les Thuyas, propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 2] (49) s’est rapprochée de la société (SARL) [P] [L], assurée auprès de la société (SA) MAAF Assurances, afin qu’elle établisse un devis en prévision de la réalisation de travaux de peintures extérieures notamment sur les façades de cet immeuble.

Le 10 juillet 2001, la SARL [P] [L] a établi un devis pour un montant de 131 420,58 francs (soit 20 034,94 euros) prévoyant, pour les façades, un lavage à haute pression, un traitement anti-mousse, l’application d’une couche de fixateur, un raccord d’enduit et l’application de deux couches de peinture hydrofuge référence Garnytex.

Pour ce faire, la SARL [P] [L] a sollicité les conseils de la société Seigneurie fournisseur de la peinture Garyntex, aux droits de laquelle vient la société PPG AC France, et qui, après visite sur site, lui a adressé un dossier de recommandations techniques sur le processus à mettre en oeuvre pour l’application de ses produits et sur les préparations des surfaces, une proposition de garantie contractuelle de bonne tenue d’une durée de dix ans pour les revêtements décoratifs, ainsi que la documentation technique se rapportant aux produits proposés.

Plus précisément, la recommandation de la SA PPG AC France du 13 septembre 2001 préconisait l’application sur les façades de l’immeuble revêtues d’une ‘ancienne isolation thermique par l’extérieur’ (ITE), d’un traitement ‘Garnytex’ de classe décorative normalisée D3 composé d’une couche d’impression Garnytex Fongicide ou Garnytex Mat Fongicide dilué à 10% d’eau, chargée à 0,500 kg / m², d’une couche de finition de Garnytex Fongicide ou Garnytex Mat Fongicide dilué à 5% d’eau, chargée à 0,500 kg / m² et les conseils de mise en oeuvre, après description des travaux préparatoires des surfaces correspondantes.

Les travaux ont été exécutés et ont donné lieu, le 19 juin 2002, à une facture d’un montant total de 19 230,51 euros HT, incluant des travaux supplémentaires, reprenant pour les travaux de peinture sur façades la description figurant au devis, que la SCI Les Thuyas a entièrement réglée, le’25 »juin 2002.

Le 29 juillet 2004, l’EURL Les Tilleuls a acquis l’immeuble de la SCI’Les Thuyas, constitué de quinze appartements, en vue de les donner en location.

L’EURL Les Tilleuls a déclaré avoir découvert, courant 2005, un’écaillage du revêtement de la façade. La SARL [P] [L] a effectué des reprises en dépit desquelles les désordres sont réapparus et se sont étendus.

La SARL [P] [L] a adressé une déclaration de sinistre à son assureur qui a diligenté une expertise amiable, le 14 janvier 2011.

Par acte d’huissier du 16 janvier 2012, l’EURL Les Tilleuls a fait assigner la SARL [P] [L], la SA MAAF Assurances et la SA PPG AC France, en référé, devant le président du tribunal de grande instance d’Angers, aux fins de voir mise en oeuvre une mesure d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 29 mars 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Angers a ordonné une expertise confiée à M. [K] [B] qui a déposé son rapport le 24 janvier 2014.

L’expert judiciaire a constaté lors d’une première réunion d’expertise du 11 juin 2012, que les désordres se présentaient ainsi :

‘ – sur les quatre façades de la résidence, décollement et écaillage du revêtement décoratif, principalement au niveau des planchers (…) et des rives basses de l’isolation (…), ainsi qu’au droit des appuis (…) et des linteaux de certaines fenêtres (…). La façade principale orientée à l’est en est la moins touchée ;

– soufflage de l’ancien enduit minéral sur les murs de soubassement des façades sud et ouest du logement (…) et sur les murs de soutènement des terres (…) et en partie basse des poteaux qui soutiennent le balcon (…) ;

– écaillage de la peinture en sous face du balcon au dessus du hall d’entrée (…)’

Il a précisé que lors d’une deuxième réunion d’expertise du 8 mars 2013, il avait constaté que les désordres s’étaient accentués ‘notamment le décollement du revêtement au niveau du joint de dilatation en façade nord, le réseau de fissures sur la façade arrière exposée à l’ouest et sur le pignon sud, ainsi que la désagrégation sableuse sur les rives basses de l’isolation (…)’

En réponse à une observation de l’EURL Les Tilleuls, l’expert judiciaire a précisé que ‘ la survenue des désordres n’est pas due à un défaut d’application ou au non-respect des recommandations, mais à l’inadéquation entre le support et la nature même des produits utilisés.’

M. [B] a conclu ainsi son rapport :

(…) l’entreprise Seigneurie et l’entreprise de peinture [P] [L], ont agi de façon professionnelle, mais d’une façon trop systématique. Leur jugement, à l’une et l’autre, s’est trouvé erroné par manque de perspicacité et pour ne pas avoir pratiqué de sondage sur l’ITE. Il y a eu trois erreurs manifestes : une première sur la nature du support de l’isolation, une seconde sur la composition de la structure de l’isolation, et une troisième sur la qualité du subjectile. Ce sont particulièrement les deux derniers points qui sont à l’origine des désordres constatés. Ces entreprises ont mal estimé le comportement du subjectile et surestimé les qualités des produits de revêtement utilisés. (…) Pour »tous ces types de supports à porosité élevée – mortier de chaux ou bâtard plâtre et chaux -, il faut réaliser un badigeon, en 2 ou 3 couches, à la chaux teintée, aérienne ou faiblement hydraulique, dans lequel on ajoute une petite quantité de résine d’accrochage (12 l d’eau pour 4 l de chaux et 0,25 l de résine d’accrochage) et c’est tout. Si cette recette avait été appliquée sur toutes les parties enduites au mortier, ces dommages auraient pu être évités.

Ces désordres n’affectent en rien la structure même de la construction, toutefois, un simple revêtement décoratif, à fortiori lorsqu’il est inadapté au subjectile, peut modifier et altérer l’échange gazeux entre les parois d’un mur notamment en déplaçant le point de rosée. La condensation, à l’intérieur ou sur les parois du mur, peut-être alors un facteur supplémentaire de création de désordres – moisissures, décollement de peinture ou de papiers peints, altération des plâtres -. Mais elle est difficilement quantifiable et imputable à une seule cause, dans la mesure où elle dépend aussi des habitudes de vie des locataires, de la qualité du système de ventilation et des ponts thermiques qui peuvent exister. Au vue des éléments dont nous disposons, on ne peut infirmer ou confirmer ces propos, cela reste dans le domaine des possibles.

Par contre, les désordres causés par le revêtement décoratif ont et vont occasionner sur l’ITE, du fait de leurs caractères évolutifs, des décollements du revêtement, une désagrégation de l’enduit et une mise à nue de l’isolant. La’solidité et la résistance thermique de l’ITE s’en trouve et s’en trouvera donc amoindrie ce qui la rend impropre à l’usage. Rappelons également que l’une des fonctions du revêtement décoratif, et non la moindre, ce sont ces qualités esthétiques et dans le cas présent celles-ci ne sont plus respectées.

Ces entreprises portent toutes deux une part de responsabilité dans la survenue du sinistre. L’une, l’entreprise [P] [L] (…), pour les surfaces hors ITE, et la seconde, l’entreprise Seigneurie (SA PPG -AC-France) pour les surfaces isolées dans la mesure où ces conseils portaient sur l’ITE.

Le 14 octobre 2016, la SARL [P] [L] a fait l’objet d’une radiation du registre du commerce et des sociétés.

Par actes d’huissier du 3 décembre 2018, aucune solution amiable n’ayant pu être trouvée, l’EURL Les Tilleuls a fait assigner la SA PPG AC France et la SA MAAF Assurances devant le tribunal de commerce d’Angers.

En l’état de ses dernières conclusions devant le tribunal, l’EURL Les’Tilleuls lui a demandé, au vu de l’article 1792 du code civil, et subsidiairement des articles 1147 et 1382 anciens du code civil, la condamnation in solidum de la MAAF et la société PPG Ac-France à l’indemniser de ses dommages matériels et immatériels.

En réplique, la SA MAAF Assurances, en qualité d’assureur de la SARL [P] [L], a sollicité du tribunal, au vu des articles 2224 et suivants, 1147 ancien et 1792 et suivants du code civil, et 122 du code de procédure civile, qu’il déclare l’EURL Les Tilleuls irrecevable en l’intégralité de ses demandes comme prescrites, qu’il déboute la société PPG AC-France venant aux droits de la société Seigneurie, de l’ensemble de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ou à tout le moins limite l’indemnisation au montant du devis établi par la société Tuzelet et chiffrant les travaux de réparation à 40’430,77 euros HT. Subsidiairement, elle a demandé à être garantie par la société PPG AC-France venant aux droits de la société Seigneurie, de toute condamnation qui serait éventuellement prononcée à son encontre, tant en principal, intérêt et accessoire.

La SA PPG AC-France a sollicité du tribunal, à titre principal, qu’il juge prescrite, et par suite, irrecevable, l’action de l’EURL Les Tilleuls en ce qu’elle est dirigée à son encontre sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, par application des articles 2239 du code civil et 122 du code de procédure civile ; à titre subsidiaire, qu’il juge mal fondées les demandes de l’EURL Les Tilleuls en ce qu’elles sont dirigées à son encontre sur le fondement des articles 1792 du code civil ou 1231-1 et 1241 nouveaux du code civil, qu’il déboute en conséquence la demanderesse de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ; à titre très subsidiaire, qu’il juge que les sommes susceptibles d’être allouées à l’EURL Les Tilleuls au titre de son préjudice matériel ne sauraient excéder 40 430,77 euros HT, qu’il déboute l’EURL Les’Tilleuls du surplus de ses demandes, en tant que de besoin, qu’il condamne la compagnie MAAF à la relever et la garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre, sur le fondement de l’article 1241 nouveau du code civil ; en toute hypothèse, qu’il juge la compagnie MAAF mal fondé en son appel en garantie dirigé à son encontre et l’en déboute.

Par jugement du 31 juillet 2019, le tribunal de commerce d’Angers a :

– déclaré irrecevable l’action en responsabilité formée par la société Les Tilleuls à l’encontre de la SA MAAF et de la société PPG AC-France,

– débouté en conséquence la société Les Tilleuls de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société PPG Ac-France de ses demandes dirigées à l’encontre de la MAAF,

– débouté la MAAF de son appel en garantie dirigée à l’encontre de la société PPG AC-France,

– condamné la société Les Tilleuls à payer à la MAAF la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Les Tilleuls à payer à la société PPG AC-France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Les Tilleuls aux dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Dufourgburg pour le compte de la société PPG AC-France en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi que les frais de greffe.

Par déclaration du 9 août 2019, l’EURL Les Tilleuls a formé appel de ce jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action en responsabilité formée par elle à l’encontre de la SA MAAF et de la société PPG AC-France, l’a déboutée en conséquence de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à payer à la MAAF la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’a condamnée à payer à la société PPG AC-France la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’a condamnée aux dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire ; intimant la SA MAAF Assurances et la SA PPG AC-France.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance du 6 mai 2024 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L’EURL Les Tilleuls demande à la cour de :

vu l’article 1792 du code civil,

subsidiairement, vu les anciens articles 1147 et 1382 du code civil,

– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angers en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes,

– la dire et juger recevable et bien fondée dans ses demandes,

– dire et juger que son action n’est pas prescrite,

– condamner in solidum la MAAF et la société PPG AC-France à lui verser la somme de 90 194,25 euros HT assortie de la TVA au taux en vigueur, soit 10%,

– dire et juger que le montant des condamnations prononcées au titre des travaux préparatoires sera indexé sur l’évolution de l’indice du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire et celle de leur versement effectif,

– condamner in solidum la MAAF et la société PPG AC-France à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des dommages immatériels subis,

– débouter la MAAF et la société PPG AC-France de leurs demandes au titre de leurs frais irrépétibles,

– condamner in solidum la MAAF et la société PPG AC-France à lui verser la somme de 9 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la MAAF et la société PPG AC-France aux entiers dépens comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire qui se sont élevés à la somme de 5 314,66 euros.

Elle estime à titre principal que la responsabilité de la SA PPG AC-France est engagée et la garantie de la SA MAAF Assurances acquise, sur le fondement des article 1792 du code civil et L. 124-3 du code des assurances. Elle demande la condition in solidum des intimées.

Elle prétend que la responsabilité civile décennale de la SARL'[P] [L], assurée par la MAAF, est engagée dès lors que les travaux qui avaient pour objet de protéger l’étanchéité par l’extérieur de l’immeuble d’un apport d’humidité en permettant notamment d’éviter l’apparition et la propagation de mousses, et ne pouvant de par leur complexité être réalisés que par un professionnel, sont constitutifs d’un ouvrage de construction au sens de l’article 1792 du code civil. Elle estime que le tribunal s’est contredit en écartant cette qualification tout en retenant que la protection était inexistante et que le bâtiment litigieux destiné à l’habitation ne disposait plus d’isolation, celle-ci étant impropre à son usage. Elle affirme que les désordres relatifs aux travaux de ravalement rendent l’immeuble impropre à sa destination.

Elle soutient que la responsabilité civile décennale de la SA PPG AC-France est engagée dans la mesure où, en formulant des préconisations très précises à la SARL [P] [L] sur les travaux à réaliser, sur le choix des produits destinés au ravalement et sur leur mise en oeuvre, elle a assuré la maîtrise d’oeuvre des travaux. Elle estime que cette entreprise ne peut prétendre, alors qu’elle s’est rendue sur place et a proposé des solutions techniques, que son rôle se fût limité à une information générale. Elle prétend qu’en préconisant les travaux et techniques à mettre en oeuvre, la SA PPG AC-France a participé à la conception des travaux, en soulignant que la mission d’un maître d’oeuvre ne se limite pas nécessairement à un suivi de chantier.

A titre subsidiaire, elle prétend que la responsabilité civile de droit commun de la SARL [P] [L] est engagée parce qu’alors qu’elle était tenue d’une obligation de résultat, elle a choisi un produit de ravalement non compatible avec le support existant. Elle s’estime en conséquence fondée à obtenir la garantie de la MAAF au visa des articles 1147 ancien du code civil et L. 124-3 du code des assurances.

Elle soutient que la société PPG-AC France est redevable d’une garantie de bonne tenue de 10 ans sur la peinture de ravalement qu’elle avait proposée à la SARL [P] [L], en faisant valoir qu’elle ne justifie pas que cette demande aurait fait l’objet d’un refus. Elle souligne que dans le cadre de la garantie, le règlement de la prime d’assurance était uniquement demandé à l’entrepreneur et qu’il n’est pas établi que la SARL [P] [L] ne l’aurait pas réglée, aucune facture n’étant produite. Elle oppose que la garantie n’était pas due par AGF, puisque le formulaire de garantie qu’elle se défend d’avoir modifié, était délivré au nom de la société Seigneurie aux droits de laquelle vient PPG-AC France et les déclarations de sinistre devaient être adressées à celle-ci. Elle observe qu’il n’est pas anormal qu’un fabricant assure un service après-vente au travers de telle garantie. Pour se prévaloir elle-même de la garantie, elle prétend qu’attachée aux produits mis en oeuvre par la SARL [P] [L], elle lui a été nécessairement transmise.

De plus, elle fait valoir que la société Seigneurie a engagé sa responsabilité délictuelle à son endroit pour avoir préconisé un produit de ravalement inadapté. Elle estime que le rapport d’expertise judiciaire caractérise son préjudice et le lien de causalité avec le manquement imputé à PPG AC-France.

Elle conteste toute prescription de ses actions en responsabilité contre les intimées.

Elle fait valoir que la prescription quinquennale à l’encontre de la SARL [P] [L] et son assureur ne pouvait être acquise que le 25’janvier 2019 au regard des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, de l’interruption du délai par l’assignation en référé expertise et de la date de dépôt du rapport de M. [B]. Elle reproche au tribunal une confusion des règles de forclusion et de prescription.

Elle considère que son action à l’égard de PPG AC-France n’est pas susceptible non plus d’être prescrite avant le 25 janvier 2019. Elle ajoute que celle-ci ne peut pas lui opposer la forclusion de l’action en garantie de bon fonctionnement alors que les enduits de façade ne constituent pas un élément d’équipement dissociable au sens de l’article 1792-3 du code civil.

S’agissant de l’évaluation du montant de ses préjudices, elle estime adéquat d’obtenir, en réparation de son préjudice matériel, un quantum équivalant à la moyenne des devis Espace Façade, Robineau et Aripl’Ex, avec application de la TVA au taux de 10% et indexation en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction. Elle demande à la cour d’écarter le devis SARL Tuzelet en estimant qu’il n’est pas établi que cette société se soit rendue sur place et en soulignant que l’expert judiciaire a émis une réserve tenant à la nécessité d’une validation après réalisation d’une étude Etics qui n’a pas été réalisée. Elle estime qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir engagé de frais pour l’étude Etics relative à la faisabilité des travaux de reprise, alors qu’il n’existe aucune obligation pour la victime de limiter son préjudice. Elle affirme qu’il est nécessaire d’assainir préalablement l’ancienne étanchéité par l’extérieur.

Soutenant n’avoir, au vu des dégradations des façades de l’immeuble, pu augmenter les loyers au départ des locataires et avoir rencontré des difficultés pour retrouver des locataires, elle sollicite une indemnisation au titre de préjudices immatériels. Elle soutient que son préjudice est établi alors que les travaux de 2001 avaient été entrepris pour conserver les locataires de l’immeuble. Elle prétend que la persistance des désordres depuis quinze ans démontre le caractère raisonnable de sa demande.

La SA PPG AC-France demande à la cour de :

– la dire et juger recevable et bien fondée en ses conclusions,

à titre principal,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Angers en ce qu’il a déclaré la société Les Tilleuls irrecevable en ses demandes sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, par application des articles 2239 du code civil et 122 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

– dire et juger mal fondées les demandes de la société Les Tilleuls en ce qu’elles sont dirigées à son encontre sur le fondement des articles 1792 du code civil ou 1231-1 et 1240 nouveaux du code civil, et l’en débouter,

à titre très subsidiaire,

– dire et juger que les sommes susceptibles d’être allouées à la société Les Tilleuls au titre de son préjudice matériel ne sauraient excéder 40’430,77 euros HT,

– débouter la société Les Tilleuls du surplus de ses demandes,

– en tant que de besoin, condamner la compagnie MAAF à la relever et garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre, en sa qualité d’assureur de la société [P] [L], et sur le fondement des articles 1240 et 1241 nouveaux du code civil et L. 124-3 du code des assurances,

à titre reconventionnel,

– condamner in solidum la société Les Tilleuls et la compagnie MAAF à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum la société Les Tilleuls et la compagnie MAAF aux entiers dépens d’instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Dufourgburg par application de l’article 699 du code de procédure civile.

La SA PPG AC-France considère que la garantie décennale des constructeurs est inapplicable à son encontre.

Elle soutient qu’elle n’a pas la qualité de locateur d’ouvrage au sens des articles 1792 et 1792-1 du code civil. Elle estime n’avoir fait que s’acquitter, avec des réserves, de l’obligation de conseil incombant à tout fabricant en émettant, le 13 septembre 2001, une recommandation technique de mise en oeuvre de ses produits, ce qui ne suffit pas à lui conférer une telle qualité, soulignant que cette recommandation qu’elle accuse l’appelante d’avoir tronquée, précise en page 8 que cette fonction d’information ne peut en aucun cas se confondre avec une mission de contrôle ou de suivi dévolue à un maître d’oeuvre. Elle affirme n’être jamais intervenue sur le chantier.

Elle fait valoir que les désordres allégués ne permettent pas de mobiliser la garantie décennale des constructeurs dès lors que les travaux consistaient à mettre en oeuvre un revêtement décoratif. Elle affirme qu’il ne peut être soutenu que l’immeuble ne disposerait plus d’isolation, alors que l’expert judiciaire a retenu que seul le revêtement se fissurait et non le support, et que les désordres n’affectaient pas la structure même de la construction. Elle objecte que ni la complexité éventuelle des travaux ni l’intervention d’un professionnel ne suffisent à justifier la mise en oeuvre de la garantie décennale de l’article 1792. En outre, elle observe que les produits Garnytex et Garnytex Mat appliqués se constituent d’une peinture à base de résine acrylique en dispersion aqueuse correspondant à un revêtement de classe D3 (revêtement décoratif) et ne constituent pas un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, qui aurait pu entraîner la responsabilité solidaire du fabricant.

Elle approuve le tribunal d’avoir jugé prescrite l’action de l’EURL Les Tilleuls. Elle affirme que toute action au titre de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil qui seule aurait pu s’appliquer, est irrémédiablement prescrite car le délai de deux ans a couru à compter de la réception réputée avoir été prononcée le 25 juin 2002, date de paiement de la facture de la SARL [P] [L] par le maître de l’ouvrage. Et si l’appelante pouvait agir sur le fondement des articles 1792-2 et 1792-4 du même code, elle soutient que le délai de prescription venait à expiration six mois après la date de dépôt du rapport d’expertise judiciaire conformément aux dispositions de l’article 2239 du code civil.

A titre subsidiaire, elle prétend que les demandes au visa de l’article 1231-1 du code civil ne sont pas fondées, dès lors qu’elle n’était liée contractuellement qu’à la SARL [P] [L]. Bien que sa recommandation technique ait fait état d’une proposition de garantie, elle affirme qu’aucune garantie contractuelle de bonne tenue de 10 ans n’a été consentie par la compagnie AGF, ni par elle-même, pour le chantier devisé en 2001. Elle prétend qu’aucune demande de garantie n’a été formée par la SARL [P] [L] auprès d’elle, que les modalités de souscription n’ont pas été respectées. Elle’réfute avoir reçu le formulaire complété par M. [L] prétendument daté du 17 septembre 2001, soutient que la date d’ouverture du chantier ne lui a pas été déclarée, qu’aucun procès-verbal de réception des travaux ne lui a été communiqué, qu’aucune prime d’assurance n’a pu être calculée, réclamée et payée par la SARL [P] [L]. Elle fait grief à l’appelante d’inverser la charge de la preuve s’agissant du paiement d’une prime d’assurance et constate sa défaillance à prouver la souscription de la garantie. Au surplus, elle estime que la demande aurait dû être dirigée contre la seule compagnie AGF. Elle observe que de par son objet social, elle n’offre pas des garanties d’assurance, et qu’elle n’a été que souscripteur d’une garantie d’assurance pour le compte de la SARL'[P] [L] à laquelle elle a fourni des produits.

Elle fait valoir aussi que la mise en oeuvre de la peinture Garnytex ne peut ouvrir droit à application de la garantie décennale de l’article 1792-4 du code civil et que l’octroi d’une garantie de dix ans pour un tel produit revêt nécessairement un caractère contractuel.

En outre, elle soutient que l’appelante ne peut invoquer l’article 1241 (1382 ancien) du code civil, à son encontre, aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité quasi-délictuelle n’étant prouvée. Elle souligne que sa recommandation technique était précise et détaillée quant aux travaux préparatoires impératifs avant la mise en oeuvre du revêtement sur les façades revêtues d’une ancienne ITE et que le caractère succinct du détail des travaux de la SARL [P] [L] laisse à penser que celle-ci n’a pas effectué les travaux préparatoires selon ses recommandations. Elle fait grief à l’expert d’avoir surestimé son rôle eu égard à la seule obligation de conseil qui lui incombait en tant que fournisseur du produit et réfute toute mauvaise estimation de sa part de la qualité du subjectile quand elle a recommandé l’application du traitement Garnytex, n’ayant émis sa recommandation qu’après un examen visuel depuis le pied de la façade, ce qui ne lui permettait pas d’appréhender une contre-indication que M. [B] a relevée après prélèvement d’échantillons et analyses. Enfin, elle considère que l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre la prétendue faute et la survenance des désordres allégués, n’est pas démontrée.

A titre très subsidiaire, elle prétend que la disproportion entre le montant initial des travaux et la somme réclamée au titre de son préjudice matériel par l’appelante révèle le peu de sérieux de son action. Elle estime que rien ne justifie que le devis Tuzelet soit écarté alors qu’examiné par M. [B], il’a été retenu prioritairement par l’expert judiciaire. Elle note que la moyenne des montants des trois autres devis analysés par M. [B] est moindre que le quantum réclamée par l’EURL Les Tilleuls. Elle estime que l’appelante ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour ne pas avoir diligenté l’étude préalable Etics.

Pour conclure au rejet des demandes indemnitaires au titre de préjudices immatériels, elle prétend que ceux-ci ne sont pas justifiés. Elle’constate que l’appelante n’a, dans le cadre des opérations d’expertise, transmis à M. [B], aucune pièce de nature à les étayer. Elle remarque que l’expertise judiciaire a conduit à vérifier que l’immeuble n’était affecté d’aucune infiltration, et à retenir que la condensation était à relier aux habitudes de vie des locataires et à la qualité du système de ventilation. Elle souligne que l’appelante a attendu plus de quatre ans après le dépôt du rapport d’expertise judiciaire pour assigner.

A titre très subsidiaire, si la cour faisait droit en tout ou partie aux demandes de l’appelante à son encontre, elle s’estime fondée à poursuivre en garantie la compagnie MAAF, eu égard aux fautes d’exécution commises par son assurée la SARL [P] [L] dont elle affirme qu’elle n’a pas respecté ses recommandations notamment au plan des travaux préparatoires. Elle affirme aussi que la SARL [P] [L] a mis en oeuvre un produit d’impression (le primaire 872) qu’elle n’a pas recommandé et qui a pu modifier les performances du système concernant le transfert de vapeur d’eau.

La SA MAAF Assurances prie la cour de :

vu les dispositions des articles 2224 et suivants du code civil,

vu les dispositions de l’ancien article 1147 et des articles 1792 et suivants du même code,

vu les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile,

– déclarer l’EURL Les Tilleuls non fondée en son appel, ainsi qu’en ses demandes, fins et conclusions,

– l’en débouter,

en conséquence,

– confirmer le jugement dont appel en son intégralité et notamment en ce qu’il a :

* déclaré l’EURL Les Tilleuls irrecevable en l’intégralité de ses demandes comme prescrites,

* débouté la société Les Tilleuls de l’ensemble de ses demandes,

* débouté la société PPG AC-France de ses demandes dirigées à l’encontre de la MAAF,

* condamné la société Les Tilleuls à payer à la MAAF la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux dépens,

– débouter la société PPG AC-France, venant aux droits de la société Seigneurie, de l’ensemble de ses demandes, en ce qu’elles sont dirigées à son encontre comme irrecevables et mal fondées,

subsidiairement,

– condamner la société PPG AC-France venant aux droits de la société Seigneurie, à la relever et garantir, en sa qualité d’assureur de la société [P] [L], de toute condamnation qui serait éventuellement prononcée à son encontre, tant en principal, intérêt et accessoire,

– dire en tout état de cause que le devis établi par la société Tuzelet et chiffrant les travaux de réparation à la somme de 47 445,65 euros HT est valable,

– débouter en conséquence l’EURL Les Tilleuls de toutes ses autres demandes plus amples et contraires,

– condamner l’EURL Les Tilleuls et la société PPG AC-France à lui verser la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La SA MAAF Assurances estime que la responsabilité décennale de son assurée ne peut être recherchée. Elle soutient que l’article 1792 du code civil est inapplicable dès lors que les travaux de peinture confiés à la SARL [P] [L] avaient pour unique but, au vu du devis et de la facture, non pas de protéger l’étanchéité par l’extérieur de l’immeuble, mais de remettre en état l’aspect esthétique des façades. Elle en déduit que les travaux de la SARL'[P] [L] ne constituent pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil. Elle ajoute que les désordres dénoncés ne rendent pas l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. Elle fait valoir que la peinture appliquée par son assurée ne s’assimile pas à un élément d’équipement au sens de la jurisprudence.

Prétendant que seule la responsabilité civile de droit commun de son assurée pourrait être recherchée, peu important la gravité des désordres affectant l’immeuble en cause, elle excipe de l’irrecevabilité de l’action de l’appelante pour être prescrite. Elle affirme que la mesure d’expertise ordonnée le 29 mars 2012 (après écoulement d’un délai de 3 ans 9 mois et 10 jours depuis le 19 juin 2008, compte tenu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008) a suspendu la prescription jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, le 11 juin 2012, sans effacer le délai déjà couru, au regard de l’article 2230 du code civil, de sorte que l’appelante avait jusqu’au 13 avril 2015 pour agir contre la SARL [P] [L], délai qui a été prorogé jusqu’au 29 mars 2017 par l’effet de l’interruption de la prescription résultant de l’assignation en référé expertise.

Subsidiairement, en cas de recevabilité de la demande de l’appelante, elle sollicite la garantie de la SA PPG AC-France en affirmant que son assurée a respecté les préconisations de son fournisseur, mandaté pour donner un avis technique sur le choix des produits utilisés et que les désordres résultent d’un manquement exclusivement imputable à la SA PPG AC-France en faisant valoir que selon M. [B], qui a écarté tout défaut de mise en oeuvre de son assurée, les désordres de détérioration de la façade ont été causés par une inadéquation entre le support et la nature même des produits utilisé. Elle prétend que la SA PPG AC-France avait pour mission de déterminer la nature, la composition et la qualité du support devant recevoir les peintures afin de valider le choix des produits de son assuré et rappelle que la société Seigneurie s’est déplacée in situ pour diagnostiquer le support ; que revêtant le rôle de prescripteur, la SA PPG AC-France a commis une erreur dans la composition de l’isolant extérieur qui ne comportait pas un RPR mais un enduit minéral.

Elle souligne qu’eu égard au contrat les liant, la SA PPG AC-France ne peut rechercher que la responsabilité contractuelle de la SARL [P] [L]. Elle estime irrecevable la demande fondée sur l’article 1241 du code civil.

Enfin, sur les préjudices, elle considère qu’il appartient à l’appelante de solliciter un devis pour l’étude Etics afin de vérifier la validité du devis Tuzelet que rien ne permet selon elle d’écarter.

Elle constate que l’appelante procède par voie de simples affirmations s’agissant de l’allégation de préjudices immatériels, alors qu’aucun élément ne démontre une difficulté à louer.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 27 septembre 2021 pour l’EURL Les Tilleuls,

– le 16 août 2021 pour la SA PPG AC-France,

– le 16 juillet 2021 pour la SA MAAF Assurances.

MOTIFS DE LA DECISION

A défaut d’avoir pu obtenir de la propriétaire actuelle des données sur l’isolation thermique extérieure (ITE) qui revêt les murs, l’expert a procédé à un sondage à partir duquel il a constaté que cette ITE, de conception ancienne, avait été appliquée sur un ancien enduit à la tyrolienne et non un plastique épais comme il est indiqué par la société Seigneurie dans son dossier de recommandations techniques ; qu’elle est composée d’une première couche de mousse polyuréthane de 4 cm d’épaisseur dans laquelle est incorporée une résille métallique galvanisée dont les fils les plus gros, à l’extérieur de la mousse, servent de liaison entre la mousse et le corps d’enduit en mortier réalisé avec du sable et un mélange de liants hydrauliques chaux/ciment auquel a été incorporé un plastifiant ; que ce corps d’enduit qui fait environ 12 mm, est lui-même recouvert d’un enduit de finition au mortier de chaux teinté dans la masse de 5 à 8 mm d’épaisseur et qui, après analyse chimique, est apparu comme étant composé essentiellement de calcite (chaux) et de sable. C’est sur cet enduit de finition qu’ont été appliquées par l’entreprise [L] les peintures fournies par la société PPG AC-France après lavage et traitement des surfaces.

I – Sur la responsabilité de la SARL [P] [L]

*Sur la garantie décennale :

L’article 1792 du code civil prévoit que le constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, le constructeur pouvant néanmoins écarter sa responsabilité en prouvant que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Il appartient donc à l’EURL Les Tilleuls de rapporter, d’abord, la preuve que les travaux en cause ont donné lieu à la construction d’un ouvrage.

L’ouvrage, au sens de l’article 1792 du code civil, est le résultat de travaux de construction. Sur un bâtiment existant, ces travaux doivent y apporter des éléments nouveaux. Dès lors, l’application de couches de peinture sans fonction d’étanchéité n’est pas un ouvrage à la différence d’un ravalement de façade apportant une étanchéité.

Or, dans le cas présent, les travaux en cause ont consisté non pas en un ravalement de façade ou pose d’un enduit destiné à assurer l’étanchéité du bâtiment mais d’un revêtement décoratif consistant, selon la facture, en l’application de deux couches d’une peinture sur un enduit existant, après un lavage des surfaces à traiter, application d’un fongicide suivie d’une sous-couche de peinture et d’un mastic pour calfeutrer les fissures. L’expert, qui a fait analyser le revêtement décoratif a constaté trois couches solidaires entre elles, les deux dernières probablement du Garnitex et Garnitex mat et la première, probablement le primaire 872.

De tels travaux ne constituent donc pas un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil ni un élément constitutif d’ouvrage, peu important que l’application des produits ait pu être complexe à réaliser parce que nécessitant un lavage spécifique des surfaces, une décontamination ainticrytogamique des mousses et moisissures et un bon dosage des produits choisis. Contrairement à ce que prétend l’EURL Les Tilleuls, il ne s’agissait pas de travaux ayant pour objet de protéger l’étanchéité par l’extérieur de l’immeuble d’un apport d’humidité même si la peinture était hydrofuge et que l’objectif était d’éviter, en particulier, l’apparition et la propagation des mousses.

Le revêtement purement décoratif n’est pas non plus un élément d’équipement, étant rappelé, quoi qu’il en soit, qu’il est désormais jugé que si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-même un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun.

En conséquence, la responsabilité de la SA PPG AC- France à l’égard de l’EURL Les Tilleuls ne relève pas de la garantie décennale et ne peut être recherchée que sur le fondement contractuel de droit commun, de l’article 1147, ancien, du code civil, si l’action n’est pas prescrite.

*sur la prescription

La loi du 18 juin 2008 a réduit la durée de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle à cinq ans. En application de l’article 26 -I de cette loi, la loi nouvelle s’applique à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Il en résulte que le nouveau délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008 compte tenu de la date d’apparition des désordres que les parties situent en 2005.

D’une part, aux termes de l’article 2241, alinéa 1, du code civil, la’demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Conformément à l’article 2231 du code civil, l’interruption, par l’assignation en référé, du délai de prescription fait courir un nouveau délai de cinq ans à compter de la date du prononcé de l’ordonnance désignant un expert.

D’autre part, selon l’article 2239 du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Ainsi, il résulte de la combinaison de ces textes que l’effet interruptif de prescription produit par l’assignation en référé-expertise du 16 janvier 2012, date à laquelle la prescription n’était pas acquise, s’est prolongé jusqu’à la décision ordonnant la mesure d’ expertise, le 29 mars 2012, et le nouveau délai quinquennal de prescription, qui a été suspendu à partir de cette décision, a recommencé à courir à la date de l’exécution de cette mesure, le 24 janvier 2014, de sorte qu’à cette date, le délai d’action était encore de cinq ans. L’action au fond, introduite le 3 décembre 2018, n’est pas prescrite contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges.

* Sur la responsabilité contractuelle de droit commun

En application de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, l’entrepreneur est tenu à l’égard de son contractant d’accomplir la prestation promise conformément aux règles de l’art, par des travaux exempts de vices. Il s’agit d’une obligation de résultat dont il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère.

Dans le cas présent, l’expert judiciaire a constaté que le revêtement décoratif appliqué par la SARL [P] [L], non seulement s’écaille, se décolle et se fissure à de nombreux endroits mais est également à l’origine d’un soufflage du mortier qui constituait le support sur lequel ce revêtement a été appliqué.

L’expert judiciaire a estimé qu’à la date des travaux, l’ITE était en bon état, seules des salissures étaient présentes, la propriétaire ayant alors décidé de faire appliquer un revêtement décoratif.

Concernant la cause du décollement et de l’écaillage du revêtement décoratif, l’expert a constaté que des fissures et microfissures apparaissent à intervalles réguliers correspondant aux panneaux d’isolation et aux fils galvanisés assurant la liaison entre l’isolant et l’enduit, et que le revêtement décoratif sur les façades ouest et sud, lesquelles sont les plus ensoleillées, a subi un vieillissement accéléré ponctuel au droit des fils. Il en a déduit que ces fils, sous l’effet de la chaleur, se dilatent et provoquent une légère tension au revêtement décoratif seulement au droit des fils, ce qui crée des contraintes dans le revêtement et que la chaleur qui est stockée dans les fils est par la suite redistribuée vers le parement, ce qui accentue la distension du revêtement et les contraintes différentielles dans le revêtement. Il tire de ces phénomènes l’enseignement selon lequel après quelques années, des microfissures commencent à apparaître, ce qui est la cause d’infiltration d’eau, l’eau percole alors dans le mortier de chaux de l’enduit qui est particulièrement poreux et a donc un pouvoir de stockage important ; l’eau étant de plus en plus présente, l’échange gazeux augmente et bien que le revêtement soit mircro-poreux, il ne peut évacuer toute l’eau contenue dans l’enduit, d’où le début d’une réaction en chaîne, complexe, d’imbibition du carbonate de calcium, de cristallisation et d’expansion des sels minéraux, de désagrégation granulaire, de desquamation de l’enduit et de développement de micro-organismes tels que des mousses et algues, processus qui aboutit inévitablement au décollement du revêtement décoratif. Il explique le même phénomène pour les parties basses à ceci-près que l’apport d’eau s’est fait dans un premier temps par condensation à la surface de la bavette en zinc, c’est-à-dire à l’intérieur du revêtement. Il ajoute que le décollement du revêtement décoratif au droit du plancher est dû à un pont thermique.

Concernant le soufflage de l’ancien enduit minéral, l’expert explique que pour les murs de soutènement et de soubassement, la production de vapeur est suffisamment importante pour qu’elle provoque le décollement de l’ancien enduit de l’ITE de son support, l’interface enduit/mur béton étant un plan de moindre adhérence ; pour les murs de soutènement, l’eau provient des terres qu’ils retiennent et pour les murs de soubassement, celle-ci est présente par condensation. L’expert explique que la production de vapeur a toujours été présente mais la porosité de l’enduit permettait cet échange gazeux important. L’application du revêtement décoratif a bloqué au moins en partie cet échange. Il ajoute que les fabricants de peinture ont beau dire que leurs peintures et/ou revêtement sont microporeux et laissent respirer le support, cela n’est vrai que dans le cas où l’humidité n’est pas trop importante.

Il a conclu que ce sont les propriétés du carbonate de calcium dont était composé l’enduit qui se sont révélées être pour une part à l’origine du désordre et pour l’autre part, la structure même de l’ITE.

Ces conclusions ne sont pas contredites par la SA MAAF Assurances et les contestations de la société PPG AC-France sont écartées pour les motifs qui suivent. Il est retenu que les produits appliqués par la SARL [P] [L] étaient incompatibles avec l’ITE existante.

Il est ainsi démontré que la SARL [P] [L] a manqué à son obligation de résultat.

Le fait d’avoir suivi les préconisations de la société Seigneurie ne peut s’analyser en une cause étrangère, ce qui n’est d’ailleurs pas invoqué. La SA MAAF Assurances assureur de la SARL [P] [L], qui ne dénie pas sa couverture, est donc tenue d’indemniser l’EURL Les Tilleuls de son entier préjudice.

II – Sur la responsabilité de la SA PPG AC-France

* Sur la garantie décennale

Il a été retenu plus avant que les travaux litigieux ne constituent pas un ouvrage, de sorte que la garantie décennale ne peut pas davantage être mise à la charge de la SA PPG AC-France, encore moins du fait que le rôle de celle-ci s’est limité à vendre ses produits après en avoir préconisé l’emploi et à donner des conseils d’utilisation incluant les travaux préparatoires à exécuter, ce qui ne suffit pas, même si elle s’est déplacée sur le site, à pouvoir être assimilée à un maître d’oeuvre de conception.

En conséquence, sa responsabilité ne relève pas de la garantie décennale.

* Sur la garantie contractuelle

L’EURL Les Tilleuls prétend que la peinture de ravalement bénéficiait d’une garantie contractuelle de bonne tenue de dix ans consentie par la société Seigneurie à la SARL [P] [L]. Elle produit un formulaire de demande de garantie remplie par M. [L], le 17 septembre 2001, pour le chantier de la SCI Les Thuyas ainsi que la police AGF n°65.105.873, édition F.033 mars 2001 qui accompagnait la proposition de garantie et qui stipule, s’agissant des conditions d’application des garanties, que la ‘bonne tenue’ d’un revêtement était définie par la norme NFT 36-001, qu’il était dit d’un revêtement par produit de peinture qu’il a ‘bonne tenue’ ‘lorsqu’il ne présente ni cloquage, ni’craquelage, ni écaillage, ni décollement au-delà de 5% de l’élément de référence’, que ‘les salissures d’origine biologique et les encrassements ne sont pas des altérations de ‘bonne tenue’, que ‘les altérations accidentelles (dues aux mouvements du support, à des fuites de canalisations d’eau etc.) ne dépendant pas de la qualité du revêtement, ne concernent pas la ‘bonne tenue’, que ‘la fonction ‘bonne tenue’ est indépendante de la fonction ‘imperméabilité’, qu » une variation de couleur non uniforme sur des surfaces de même exposition est susceptible de mettre en cause la ‘bonne tenue’. Il est précisé à cette police qu’en cas de sinistre susceptible d’entraîner la mise en jeu de la garantie, l’assuré devait en informer la société Seigneurie dès qu’il en avait connaissance et au plus tard dans les dix jours ouvrés.

Mais l’EURL Les Tilleuls ne justifie pas que cette garantie, qui n’était que facultative, aurait été effectivement consentie à la SARL [P] [L], étant relevé qu’il s’agissait, en réalité, pour l’entreprise d’adhérer à une assurance souscrite par la société Seigneurie pour le compte d’autrui auprès d’AGF, ni que les conditions d’octroi de la garantie contractuelle de bonne tenue (revêtements décoratifs), posées par la police, auraient été remplies, sachant que les conditions étaient les suivantes :

‘avant toute intervention sur le chantier :

* un examen des fonds doit être effectué par l’entrepreneur et par l’un de nos techniciens.

* l’octroi de la garantie est subordonné à l’envoi par Seigneurie du processus à mettre en oeuvre sur les surfaces examinées,

* l’entrepreneur doit confirmer par écrit à l’aide du formulaire ci-joint, son intention de souscrire à la police AGF,

* l’entrepreneur devra déclarer à Seigneurie la date d’ouverture du chantier dans les 15 jours précédents celle-ci en cours de travaux :

L’entrepreneur s’engage à respecter les règles de l’art écrites (normes, DTU) ou non écrites ainsi que les recommandations, fiches descriptives ou cahier des clauses techniques de Seigneurie, à la fin des travaux :

L’entrepreneur doit adresser à Seigneurie :

* les factures d’achat des produits appliqués concernant le chantier objet de la garantie.

* l’indication de la surface exacte traitée et le montant H.T. des travaux réalisés (fourniture + main d’oeuvre + échafaudage)

* le procès-verbal de réception des travaux signé par le maître d’ouvrage, par les constructeurs (entrepreneurs, maître d’oeuvre) ou autres intervenants habilités.

Tous les documents susmentionnés doivent nous parvenir impérativement dans le mois qui suit l’émission du procès-verbal de réception des travaux.

A réception de ces documents, Seigneurie établit une facture de la prime.

L’entrepreneur s’engage à régler cette facture dans le mois qui suit son établissement.

Le non-respect de l’une quelconque des conditions ci-avant entraîne automatiquement la non-attribution ou la déchéance des garanties de la police.’

A défaut de prouver que ces conditions ont été remplies et même que le formulaire de demande de garantie a bien été reçu par la société Seigneurie et ensuite transmis à AGF, étant relevé qu’il n’est justifié de l’émission d’aucune prime, la garantie, qui ne pourrait de surcroît qu’être demandée à la société AGF, n’est pas acquise.

* Sur la responsabilité extra-contractuelle

La responsabilité de la société PPG AC-France est recherchée par l’EURL Les Tilleuls sur le terrain quasi-délictuel pour avoir préconisé un produit de ravalement inadapté à l’immeuble.

La société PPG AC-France oppose deux moyens d’irrecevabilité tenant à la prescription et l’expiration de la garantie biennale

Mais, d’abord, la prescription n’est pas acquise pour les mêmes motifs que ceux retenus pour écarter la prescription de l’action engagée contre la SA MAAF Assurances. En effet, le délai de prescription avant la loi du 18 juin 2008, s’agissant d’une action en responsabilité extra-contractuelle, était de dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation en vertu de l’article 2270-1 du code civil et qu’il a été réduit à cinq ans par l’article 2224 du code civil. Il n’est pas prétendu ni encore moins démontré que la date de la manifestation du dommage serait antérieure au 15 juillet 2007, date à laquelle la SARL [P] [L] aurait découvert que le revêtement se décollait, de sorte qu’en vertu des dispositions transitoires de la loi du 18 juin 2008, un délai de cinq ans a commencé à courir le 19 juin 2008. Par le même effet conjugué de l’interruption de la prescription par l’assignation en référé expertise et de suspension de la prescription jusqu’au dépôt du rapport d’expertise, la durée de la prescription n’était pas atteinte lorsque l’action au fond a été introduite.

Ensuite, les travaux en cause n’affectent pas un élément d’équipement dissociables ainsi qu’il a été dit plus haut, et ne relèvent donc pas de la garantie de bon fonctionnement de l’article 1792-3 du code civil.

Il revient alors à l’EURL Les Tilleuls de démontrer que les éléments de la responsabilité quasi-délictuelle de la société PPG AC-France sont réunis, à savoir une faute en relation causale avec le dommage.

L’expert judiciaire a démontré que la préconisation de l’application sur l’ITE, telle qu’elle était composée, de deux couches de peinture et d’une sous-couche, quelle que soit leur qualité qu’il a jugé intrinsèquement bonne, était une erreur. Il a, en effet, conclu que les désordres ont pour origine, pour une part, les propriétés du carbonate de calcium dont était composé l’enduit sur l’ITE et, pour l’autre part, la structure même de l’ITE. Ainsi, la cause des désordres provient du choix du revêtement décoratif qui a été appliqué sur le mortier de chaud trop poreux et qui était inadapté aux contraintes de l’ITE, ce que la société PPG AC-France aurait pu déceler si un sondage avait été réalisé avant les travaux.

Pour contester ces conclusions, la société PPG AC-France s’appuie en premier lieu sur une étude faite par le CBTB sur les essais de perméabilités du revêtement Garnytex. Mais l’expert a précisément répondu sur ce point que cette étude avait été menée seulement un an après la pose du revêtement et à partir d’une ITE comportant une couche de finition organique alors que dans le cas présent, il s’agit d’un revêtement minéral de surcroît à base de chaux. Les éléments de réponse de l’expert n’étant en rien contredits, cette étude ne peut être retenue pour écarter les conclusions de l’expert.

Le reproche que la société PPG AC-France fait à la SARL [P] [L] de ne pas avoir respecté ses prescriptions sur le travaux préparatoires, qui ne peut être établi par le seul fait que la facture de l’entreprise ne détaille pas ces travaux et reproduit la même description que celle figurant sur le devis établi avant l’envoi de ses recommandations techniques, n’est conforté par aucune constatation de l’expert. En tout état de cause, à le supposer même établi, un tel manquement est formellement écarté par l’expert comme pouvant avoir contribué à l’apparition des désordres.

Ainsi la société PPG AC-France ne conteste pas utilement les conclusions de l’expert qui reposent sur une démonstration reposant sur l’analyse chimique de l’enduit ayant mis en évidence qu’il était trop poreux par rapport aux capacités d’absorption des produits utilisés lesquels étaient, de plus, inadaptés aux contraintes de l’ITE, notamment en raison des contraintes qu’entraînait la présence des fils métalliques.

Ensuite, la société PPG AC-France conteste pouvoir être tenue responsable des désordres en soutenant n’avoir eu à l’égard de la SARL [P] [L] qu’une obligation de conseil limitée en se prévalant de ce que le document comportant ses recommandations rappelle que ses interventions ont seulement pour but d’apporter aux clients assistance et conseils sur les conditions de mise en oeuvre des produits et qu’elles ne relèvent pas d’une mission de diagnostic approfondi. Elle en déduit, notamment, qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé à un sondage.

Mais dès lors qu’elle a accepté de donner son avis sur le choix des produits, sollicité par la SARL [P] [L] parce que les murs étaient revêtus d’une isolation thermique par l’extérieur dont la structure et la composition étaient inconnues, elle était tenue à l’égard de la SARL [P] [L] de s’assurer, par tous les moyens à sa disposition, au besoin en opérant un sondage, que les produits dont elle recommandait l’application étaient compatibles avec le support sur lequel ils devaient être appliqués. La société PPG AC-France en s’abstenant de procéder à cette vérification ou, à tout le moins, de faire une réserve sur la compatibilité de ses produits, a commis une faute dans l’exécution du contrat la liant à la SARL [P] [L], qui engage sa responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de la propriétaire de l’immeuble dès lors que cette faute a un lien direct avec le préjudice subi par l’EURL Les Tilleuls consécutif aux désordres que l’application des peintures a causés sur les façades de l’immeuble, ce qui est le cas puisque cette faute en est à l’origine.

La société PPG AC-France est donc tenue d’indemniser l’EURL Les Tilleuls de son entier préjudice. Sa condamnation sera prononcée in solidum avec la SA MAAF Assurances.

II – Sur le montant de l’indemnisation

Sur le préjudice matériel

L’expert retient au titre des travaux propres à remédier aux désordres, que ‘la seule solution (…) consiste à refaire en totalité les quatre façades de l’immeuble et tous les travaux de ragréage et de peinture que cela comprend’, que ‘des travaux d’enduit et/ou de peinture sont également à prévoir sur les murs de soubassement et de soutènement ainsi que sur les poteaux qui soutiennent le balcon, lequel devra être repeint.’ S’agissant de la rénovation de l’isolation affectée par les désordres, l’expert a relevé qu’elle mettra en oeuvre une technique lourde, avec néanmoins plusieurs possibilités : mise à nu de l’isolant, mise à nu du mur, bardage ou vêtage sur l’ITE en place ou sur-isolation du support.

L’expert a retenu quatre devis, trois remis par la l’EURL Les Tilleuls et celui de la SARL Tuzelet, le moins cher. II a estimé que ce dernier devis, d’un’montant de 47 445,65 euros semblait ‘intéressant’ puisqu’il ‘conservait l’ancienne ITE, sous réserve que l’étude Etics [sur l’application des règles professionnelles pour l’entretien et la rénovation de systèmes d’isolation par l’extérieur], réalisée par un organisme indépendant] et seulement celle-ci valide ce choix’, en ajoutant que cette étude doit être commanditée par l’EURL Les’Tilleuls.

Or cette étude n’a pas été demandée par l’EURL Les Tilleuls, de’sorte que les travaux préconisés par la société Tuzelet, n’étant pas validés, ne’peuvent être retenus comme base pour évaluer le coût des travaux de reprise. Il ne peut être reproché à l’EURL Les Tilleuls, qui rappelle justement qu’elle n’est pas tenue de minorer son préjudice, de ne pas avoir avancé les frais pour réaliser une étude nécessaire à la validation d’une solution de remise en état quand d’autres solutions étaient approuvées par l’expert.

Le devis le moins cher parmi les trois autres sera retenu à proportion, comme le retient l’expert, de la seule part correspondant aux travaux liés à l’ITE, soit la somme de 59 311,58 euros HT auquel doit s’ajouter la TVA. Ce’montant sera indexé sur l’évolution de l’indice du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire et celle du paiement.

La MAAF et la société PPG AC-France seront condamnées in solidum à payer à l’EURL Les Tilleuls cette somme.

Sur le préjudice immatériel

Pas plus qu’à l’expert, l’EURL Les Tilleuls ne démontre à la cour que la dégradation esthétique des façades de l’immeuble lui aurait fait subir des pertes financières liées à la perte de revalorisation des loyers ou à une plus longue vacance des logements.

III- Sur le recours en garantie

Il a été retenu que les désordres ne sont pas dus à un défaut d’application ou au non-respect par la SARL [P] [L] des recommandations de la société Seigneurie, mais exclusivement à l’inadéquation entre le support et la nature même des produits utilisés dont l’origine est due au manquement de la société Seigneurie à ses obligations contractuelles envers la SARL [P] [L], laquelle ayant demandé les conseils de son fournisseur au regard de la spécificité du support, pouvait légitimement suivre les recommandations techniques qu’il lui avait délivrées sans avoir à faire elle-même de plus amples investigations. La MAAF est donc en droit d’être intégralement garantie par la SA PPG AC-France des condamnations prononcées à son encontre.

Pour ce même motif, la demande de garantie présentée par la SA’PPG AC-France contre la MAAF ne peut qu’être rejetée, d’autant plus que la SA PPG AC-France ne peut rechercher que la responsabilité contractuelle de la SARL [P] [L] et non pas agir, comme elle le fait, sur le fondement de l’article 1241, nouveau, du code civil.

Sur les frais et dépens

La SA PPG AC-France et la MAAF seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise et à payer à l’EURL Les Tilleuls la somme de 9 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La MAAF sera intégralement garantie par la SA PPG AC-France de ces condamnations.

Les demandes de la SA PPG AC-France et de la MAAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande en garantie décennale.

Déclare recevable comme non prescrite l’action de l’EURL Les’Tilleuls contre la MAAF sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Déclare recevable comme non prescrite l’action de l’EURL Les’Tilleuls contre la SA PPG AC-France sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle.

Condamne in solidum la MAAF et la société PPG AC-France à verser à l’EURL Les Tilleuls la somme de 59 311,58 euros HT à laquelle doit s’ajouter la TVA et qui sera indexée sur l’évolution de l’indice du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire et celle du paiement.

Rejette la demande d’indemnisation d’un préjudice immatériel.

Condamne in solidum la MAAF et la société PPG AC-France à payer à l’EURL Les Tilleuls la somme de 9 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette les demandes de la SA PPG AC-France et de la MAAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la MAAF et la société PPG AC-France aux dépens de première instance et d’appel et qui comprendront les frais d’expertise.

Condamne la société PPG AC-France à relever et garantir la MAAF de toutes les condamnations prononcées contre elle.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


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