Une ordonnance du 25 mars 2024 a mis fin à l’instruction de la procédure, suivie d’une audience le 7 mai 2024. La cour a confirmé le jugement sauf en ce qui concerne le préjudice moral et la capitalisation des intérêts, qu’elle a infirmés. Elle a condamné solidairement M. [I] [K] et Mme [T] [E] à verser 21 475,01 euros à M. [M] [C] et Mme [N] [G] épouse [C], ordonné la capitalisation des intérêts pour une année, et débouté Mme [T] [E] de sa demande de délais de paiement. De plus, M. [I] [K] et Mme [T] [E] ont été condamnés aux dépens au profit de la société Mermet et Associés, ainsi qu’à payer 2 000 euros à la société MAAF Assurances pour les frais irrépétibles. L’arrêt a été rendu publiquement et signé par la Présidente et le Greffier, avec des copies délivrées le 24 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 24 Septembre 2024
N° RG 21/02140 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G2W7
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15] en date du 27 Septembre 2021
Appelants
M. [I] [P] [B] [K]
né le 01 Juin 1980 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]
Représenté par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représenté par la SELAS RTA AVOCATS, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
Mme [T] [E], dont le siège social est situé [Adresse 11]
Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELARL CABINET MEROTTO, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimés
M. [M] [C]
né le 29 Août 1974 à [Localité 13], demeurant [Adresse 2]
Mme [N] [G] épouse [C]
née le 04 Janvier 1973 à [Localité 14], demeurant [Adresse 2]
S.A. MAAF ASSURANCES SA, dont le siège social est situé [Adresse 9]
Représentés par la SAS MERMET & ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
S.A. GAN ASSURANCES, dont le siège social est situé [Adresse 7]
Représentée par la SELARL RICCHI CHARLES EMMANUEL SELARL, avocats
au barreau d’ANNECY
E.U.R.L. GRANGERAT-AMD, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Sans avocat constitué
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Date de l’ordonnance de clôture : 25 Mars 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 mai 2024
Date de mise à disposition : 24 septembre 2024
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Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– Madame Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
Suivant acte notarié du 28 février 2011, Mme [T] [E] et M. [I] [K] ont acquis une parcelle de terrain sise [Adresse 3] à [Localité 10] [Adresse 1][Localité 6].
Ils ont fait édifier sur ce terrain une maison d’habitation de type chalet sans souscrire d’assurance dommages-ouvrage.
L’entreprise BABCD a effectué les travaux de VRD, dalle sur radier, fondation, parking, drainage périphérique et surélévation de la maison d’habitation pour un montant de 25 474,80 euros TTC.
La construction bois (murs, cloisons intérieures, solivage, et plancher de l’étage, charpente, toiture, couverture et menuiseries extérieures) posée sur une dalle maçonnée (dalle béton à la charge du client) a été réalisée par la société Boucaud pour un montant de 98 290,87 euros TTC acquitté selon dernière facture en date du 28 septembre 2011.
L’installation électrique complète a été confiée à l’entreprise REMS et la zinguerie à la société Costaz.
Les époux [L] ont réalisé par eux-mêmes les autres corps d’état en se fournissant en matériaux de construction auprès de divers magasins (Leroy merlin, Real, Point P, [Localité 12] etc…).
M [K] a ainsi réalisé une cheminée située au rez de chaussée avec le foyer, les pierres de parement, le solin inox et le raccordement du conduit jusqu’à la sortie au-dessus du toit, ce conduit traversant le plancher bois du 1er étage de la maison.
La famille [K] a pris possession de la maison en octobre 2011.
Le 3 juillet 2015, la société Grangerat Amd (Grangerat) est intervenue pour effectuer le ramonage de la cheminée.
Par acte authentique du 30 juillet 2015, Mme [T] [E] et M. [I] [K] ont vendu à M. [C] et Mme [G], (ci-après les époux [C]) leur bien immobilier moyennant le prix de 396 000 euros.
Le 2 janvier 2016, un incendie a ravagé la maison des époux [C] qui, rentrant de vacances, avaient allumé la cheminée en début d’après-midi afin de réchauffer la résidence.
En effet, vers 16h, 16h15, Mme [C] a vu des flammes au niveau de la partie haute de la hotte et du plafond. En montant dans la chambre située au-dessus elle a constaté de la fumée et des flammes au niveau de la partie basse du coffret habillant le conduit de cheminée.
Par ordonnance du 12 avril 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, sur assignation des époux [C] et leur assureur la société MAAF Assurances, a ordonné une expertise et commis M. [W] pour y procéder.
L’expert a rendu son rapport le 6 décembre 2016.
Par acte d’huissier du 1er mars 2018, les époux [C] et leur assureur la société MAAF Assurances (la MAAF) ont fait assigner Mme [E], M. [K] et la société Grangerat devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains notamment aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum à leur payer la somme de 30 075 euros à titre de dommages-intérêts et 338 517,41 euros à la MAAF en qualité de subrogée dans les droits des époux [C] au titre des conséquences de l’incendie.
Par acte d’huissier du 12 novembre 2019, Mme [E] a appelé en cause la société Gan Assurances et a sollicité la garantie de cette dernière en raison de la responsabilité de son assurée.
Par ordonnance du 17 décembre 2019, l’appel en cause et garantie du Gan enrôlé sous le numéro 19/2378 a été joint à l’instance principale enrôlée sous le n° RG 18/467.
Par jugement du 27 septembre 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, devenu le tribunal judicaire, a :
– Dit que société Grangerat Amd n’a commis aucune faute dans la réalisation de sa prestation de ramonage ;
– Rejeté les demandes des époux [C] et de la société Maaf Assurances formées à l’encontre de la société Grangerat Amd ;
– Prononcé en conséquence la mise hors de cause de la société Gan Assurances ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser aux époux [C] la somme de 18 475,01 euros ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser à la société MAAF Assurances la somme de 338 517,41 euros ;
– Dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– Dit que M. [K] et Mme [E] seront autorisés à se libérer de cette dette en 23 versements mensuels de 500 euros dus solidairement, le premier versement devant intervenir le 5 du mois suivant la signification de la présente décision, puis tous les cinq de chaque mois, et en une 24e et dernière échéance devant solder la dette en principal, intérêts et frais ;
– Dit que le non-paiement d’une échéance au terme convenu suivi d’une mise en demeure d’avoir à régulariser demeurée infructueuse pendant 8 jours rendra l’intégralité du solde immédiatement exigible sans nouvelles poursuites judiciaires ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser à la société Maaf la somme de 3 000 euros au titre de 700 du code de procédure civile ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] aux dépens, en ce compris les frais de procédure de référé, de signification des conclusions au défendeur non comparant et d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la société Mermet et associés.
Au visa principalement des motifs suivants :
‘ La cheminée construite par M. [K] constitue bien un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil, installée sur un existant, en l’espèce la maison ;
‘ Les dommages matériels en lien avec l’incendie survenu sont graves puisqu’ils rendent l’ouvrage, en l’espèce la cheminée, mais aussi l’immeuble dans son ensemble impropres à leur destination ;
‘ Les vices n’étaient pas apparents à la réception, qui a eu lieu de manière tacite au printemps 2012 ;
‘ La responsabilité décennale de M. [K] et de Mme [E] en qualité de vendeurs et de constructeurs réalisateurs est engagée à l’égard des époux [C] ;
‘ M. [K] et Mme [E] ont qualité de vendeurs et sont tous deux réputés constructeurs, quand bien même l’ouvrage a été réalisé par M. [K], sachant que le fait générateur du sinistre est antérieur à la séparation du couple et que la réalisation de la cheminée par M. [K] a été mise en ‘uvre pendant la vie commune dans l’intérêt économique du ménage ;
‘ La société Maaf Assurances a payé une indemnité d’assurance aux époux [C] à hauteur de 338 517,41 euros rendant son action au titre de son recours subrogatoire recevable.
Par déclaration au greffe du 29 octobre 2021, M. [K] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions. (RG 21/2140)
Par déclaration au greffe du 4 novembre 2021, Mme [E] a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a : (RG 21/2170)
– Prononcé en conséquence la mise hors de cause de la société Gan Assurances ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser aux époux [C] la somme de 18 475,01 euros ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser à la société Maaf Assurances la somme de 338 517,41 euros ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– Condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser à la société Maaf Assurances la somme de 3 000 euros au titre de 700 du code de procédure civile.
Les deux instances ont été jointes le 3 novembre 2022 sous le numéro RG 21/2140.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 2 mai 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [E] demande à la cour de :
– Réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Thonon les Bains le 27 septembre 2021 en ce qu’il a :
– dit que société Grangerat Amd n’a commis aucune faute dans la réalisation de sa prestation de ramonage ;
– rejeté les demandes des époux [C] et de la société Maaf Assurances formées à l’encontre de la société Grangerat Amd ;
– prononcé en conséquence la mise hors de cause de la société Gan Assurances ;
– condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser aux époux [C] la somme de 18 475,01 euros ;
– condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser à la société Maaf Assurances la somme de 338 517,41 euros ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné solidairement M. [K] et Mme [E] à verser à la société Maaf Assurances la somme de 3 000 euros au titre de 700 du code de procédure civile.
A titre principal,
– Condamner in solidum la société Grangerat Amd et son assureur la société Gan Assurances à la relever et garantir de l’ensemble des condamnations en principal, accessoires, intérêts, frais irrépétibles et dépens qui pourraient être prononcés à son encontre au bénéfice des époux [C] et de leur assureur la société Maaf Assurances ;
A titre subsidiaire,
– Condamner M. [K] à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, accessoires, intérêts, frais irrépétibles et dépens qui pourraient être prononcés à son encontre au bénéfice des époux [C] et de leur assureur la société Maaf Assurances ;
En tout état de cause,
– Limiter les sommes qui pourraient être allouées aux époux [C] et de leur assureur, la société Maaf Assurances, à de plus juste proportion ;
– Lui accorder les plus larges délais de paiement à l’effet de s’acquitter de sa dette éventuelle ;
– Dire et juger que le délai de paiement accordé débutera à compter de l’arrêt à intervenir ;
– Dire et juger que tout paiement s’imputera en priorité sur le capital ;
– Débouter les époux [C], la société MAAF Assurances, la société Grangerat la société GAN Assurances et M. [K] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– Condamner in solidum la société Grangerat et la société Gan Assurances ou qui mieux devra à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Forquin, avocat.
Par dernières écritures du 25 mars 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [K] sollicite l’infirmation de la décision et demande à la cour de :
– Le juger recevable et bien fondé en son appel ;
– Juger que la société Grangerat a manqué à ses obligations de conseil d’information en omettant d’attirer l’attention des époux [K]/[E] sur les non-conformités de l’installation constituant des anomalies parfaitement visibles lors des opération de ramonage ;
– Juger que cette faute est en partie à l’origine de l’incendie survenu le 2 janvier 2016 ;
– Condamner in solidum la société Grangerat Amd et sa la société Gan Assurances à le relever et garantir en tout ou partie et Mme [E] des condamnations qui pourraient prononcées à leur encontre au bénéfice des époux [C] et de la société Maaf Assurances ;
– Ramener les sommes sollicitées par les époux [C] et la société Maaf Assurances à de plus larges proportions ;
– Débouter les époux [C] de leur demande de majoration des dommages intérêts complémentaires alloués ;
– Lui accorder ainsi qu’à Mme [E] des plus larges délais de paiement à l’effet de s’acquitter de leur dette ;
– Débouter Mme [E] de sa demande tendant à le voir condamner à la relever et garantir de toute condamnation qui pourraient être prononcées à son encontre et ce, en raison de la qualité de vendeur et de constructeur des deux époux ;
– Débouter les époux [C], la société MAAF, la société Grangerat Amd et la société GAN Assurances de l’ensemble de leurs fins, demandes et conclusions ;
– Condamner in solidum la société Grangerat Amd et la société Gan Assurances, ou qui mieux le devra, à lui payer une indemnité de 5 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens avec pour ceux d’appel application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la société Bollonjeon, avocat associé.
Par dernières écritures du 19 mars 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les époux [C] et la société Maaf Assurances sollicitent de la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 27 septembre 2021 en ce qu’il a :
– dit que société Grangerat n’a commis aucune faute dans la réalisation de sa prestation de ramonage ;
– rejeté les demandes des époux [C] et de la société Maaf Assurances formées à l’encontre de la société Grangerat ;
– prononcé en conséquence la mise hors de cause de la société Gan Assurances ;
– dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– dit que M. [K] et Mme [E] seront autorisés à se libérer de cette dette en 23 versements mensuels de 500 euros dus solidairement, le premier versement devant intervenir le 5 du mois suivant la signification de la présente décision, puis tous les cinq de chaque mois, et en une 24e et dernière échéance devant solder la dette en principal, intérêts et frais ;
– dit que le non-paiement d’une échéance au terme convenu suivi d’une mise en demeure d’avoir à régulariser demeurée infructueuse pendant 8 jours rendra I ‘intégralité du solde immédiatement exigible sans nouvelles poursuites judiciaires ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Mais, statuant à nouveau, et y ajoutant,
– Déclarer M. [K] et Mme [E] en tant que vendeurs entièrement responsables de plein droit ou par faute, imprudence ou négligence prouvée, du dommage subi par les époux [C] le 2 janvier 2016 ;
– Déclarer aussi la société Grangerat-Amd en tant que ramoneur professionnel assuré par la société Gan Assurances, responsable pour faute, imprudence ou négligence prouvée, ayant concouru à l’incendie dont les époux [C] ont été victimes le 2 janvier 2016 ;
– Condamner in solidum M. [K], Mme [E], la société Grangerat-Amd et son assureur responsabilité civile, la société Gan Assurances, à payer :
– Aux époux [C] la somme de 30 075 euros à titre de dommages-intérêts ;
– à la société MAAF en qualité de subrogée dans les droits des époux [C] la somme de 338 517,41 euros au titre du recours subrogatoire total ;
– Assortir ladite condamnation des intérêts de retard à compter du rapport d’expertise judiciaire reçu le 6 décembre 2016 ou à défaut à compter de l’assignation délivrée le 1er mars 2018, à titre de dommages et intérêts complémentaires eu égard à la résistance abusive et injustifiée à indemniser amiablement le préjudice après dépôt du rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [W] ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;
– Condamner encore in solidum M. [K], Mme [E], la société Grangerat-Amd et la société Gan Assurances, à payer à la société Maaf Assurances une indemnité globale de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la société Mermet & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, lesquels dépens comprendront ceux des instances en référé et au fond, y compris les frais de signification des conclusions à la partie défaillante, ainsi que le coût de l’expertise judiciaire taxé à la somme de 2 836,33 euros, et ceux relatifs aux 2 procédures d’appel ;
– Rejeter toutes demandes de délais de paiement.
Par dernières écritures du 29 août 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Gan Assurances sollicite de la cour de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 27 septembre 2021 ;
– Débouter toutes demandes fins et prétentions formulées à l’encontre de la société Grangerat et à son encontre ;
– Condamner M. [K] et Mme [E], où qui mieux le devra, à lui payer à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel, outre les entiers dépens de l’instance qui seront distrait au profit de la société Charles-Emmanuel Ricchi conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
I – Sur les désordres et leur cause
Après avoir visité les lieux, l’expert judiciaire a relevé que la toiture protégée par un bâchage provisoire était endommagée sur une partie importante et que l’intérieur de la maison avait subi des dégâts très importants qui la rendaient inhabitable.
Ses conclusions relatives à la question de l’origine et des causes de l’incendie survenu le 2 janvier 2016 ont été les suivantes :
« Le point de départ de feu se situe dans la traversée du plancher dans l’angle gauche de la hotte de cheminée.
Une forte chaleur provoquée par un piège à calories a initié ce point de départ de feu par rayonnement et convection dans le volume du faux plafond constitué de matériaux combustibles (bois essentiellement).
Ce volume de faux plafond qui était très faiblement ventilé en partie supérieure (absence de grille de décompression), et au niveau de l’espace constitué par la distance de sécurité non conforme, en périphérie du conduit de fumée, a créé toutes les conditions pour le développement du feu.
Le bois omniprésent dans le volume du faux-plafond, a été soumis à une chaleur importante.
Ainsi, le jour de l’incendie, les éléments constitutifs du plancher se sont enflammés moins de deux heures après l’allumage de l’insert, après avoir été portés à leur température d’auto-inflammation. Le feu s’est propagé, par convection et conduction, au coffrage en bois entourant partiellement le conduit de fumée à l’étage supérieur.
L’incendie s’est ensuite généralisé à l’ensemble des parties du coffrage du conduit situé dans la chambre, puis dans cette pièce et la pièce voisine et à la toiture. »
Selon l’expert, l’ensemble des constatations montre la non-conformité de la cheminée et son conduit par rapport au DTU 24-1.
Il a indiqué que la cause de l’incendie était directement liée à la mauvaise construction du conduit et de son habillage et tout particulièrement :
– Le non-respect des distances de sécurité,
– L’absence de grilles de décompression au niveau de la traversée du plancher, et l’absence de ventilation haute et basse dans le caisson d’habillage du conduit dans la chambre.
Il a précisé :
« Ces deux malfaçons ont créé un piège à calories qui a provoqué l’échauffement de pièces de bois et le départ de l’incendie. »
II ‘ Sur la demande de mise hors de cause de la société Gan
A – Sur la prestation de la société Grangerat
Il sera tout d’abord observé qu’en ce qui concerne le foyer de la cheminée, l’expert a constaté que l’intérieur du collecteur était propre et que les coudes du dévoiement ne présentaient pas de traces de feu. L’étude des éléments du conduit en inox l’a amené à observer que la partie basse et la partie haute étaient relativement conservées et qu’il n’y a pas eu de feu à l’intérieur du conduit.
Les flammes se sont développées à l’extérieur du conduit au niveau de la traversée du plancher de sorte que l’origine du sinistre ne s’apparente pas un feu de cheminée mais à un problème de conception dans la construction de l’ouvrage et que les opérations de maintenance et de nettoyage du conduit ont été réalisées correctement.
C’est ainsi que l’expert a indiqué : « la cause de l’incendie est directement liée à la mauvaise construction du conduit et de son habillage et non à une mauvaise prestation réalisée par la ramoneur. »
Le jugement qui a retenu qu’au regard des investigations expertales, la cause de l’incendie était directement liée aux non conformités de la construction du conduit et non à la prestation réalisée par le ramoneur, sera confirmé.
B – Sur l’existence d’un manquement au devoir de conseil par le ramoneur
Tant la MAAF et les époux [C], que M. [K] et Mme [E] soutiennent que la responsabilité de l’entreprise Grangerat serait engagée au motif que cette dernière aurait manqué à son devoir de conseil en ne mettant pas en garde M. [K] et Mme [E] sur les non conformités de l’installation.
Or, l’expert judiciaire a indiqué dans son rapport que :
« La disposition de la cheminée (grilles) ne permettait pas au ramoneur de voir le non-respect de l’écart de sécurité au niveau de la traversée du plancher.
S’agissant de la traversée du conduit dans la chambre, nous confirmons qu’il s’agit d’une partie privative de la maison, que le ramoneur n’a pas le besoin d’aller dans cette pièce pour faire ses opérations de ramonage.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons que la conformité d’un conduit de cheminée doit être certifiée à la construction de l’ouvrage et lors de sa réception.
S’agissant des opérations de ramonage (opération de maintenance et de nettoyage du conduit), elles ne s’inscrivent pas dans la recherche de conformité d’une installation, sauf à ce que la demande expresse en soit formulée à l’entreprise qui chargée de ces travaux.
Il est intéressant de noter que lors de la vente d’un bien immobilier, aucun certificat de conformité d’une cheminée et de son conduit d’évacuation des fumées n’est demandé au vendeur.
L’article B3-3 de la DTU 24-1 précise que le ramoneur doit attester seulement de la vacuité du conduit de cheminée sur toute sa hauteur après son intervention. Les éventuelles anomalies qu’il doit signaler sur ce certificat concernent uniquement le point de la vacuité. Il n’est en aucun cas demandé au ramoneur de faire une expertise du conduit de cheminée. »
Il a par ailleurs précisé :
« La photo de la cheminée avant sinistre montre que les opérations de ramonage ne permettaient pas à l’entreprise Grangerat de visiter et voir le positionnement du conduit au niveau de la traversée du plancher. L’ouverture des grilles est insuffisante pour faire ce constat. »
Ainsi que l’a retenu à bon droit le premier juge le devoir de conseil du ramoneur se limite aux malfaçons qu’il pourrait constater au cours de ses opérations d’entretien du conduit.
Or, en l’espèce, les non-conformités de construction n’étaient pas visibles pour le ramoneur, les investigations ayant permis de mettre en évidence que le conduit de cheminée présentait deux coudes de dévoiement qui, compte tenu de leur décalage sur la gauche et en partie haute, ne lui permettait pas de constater l’existence d’un piège à calories. De même l’ouverture des grilles en laiton était insuffisante pour pouvoir constater le défaut de conformité.
C’est également à bon droit que le premier juge a écarté les allégations des consorts [K] et [E] relatives à une éventuelle mauvaise utilisation de la cheminée par les époux [C] qui ne sont corroborées par aucune pièce tangible.
Il sera ajouté que Mme [E] vient soutenir à tort que ces grilles, l’une de 54x19cm avec une surface de 7 cm2, deux de 9,5 x 6 cm avec une surface de 2,8 cm2 étaient d’une taille insuffisante pour un tel ouvrage, ce qui n’aurait pas dû échapper au ramoneur.
En effet, d’une part l’expert judiciaire n’a jamais retenu cette insuffisance, d’autre part l’expert [U] de la MAAF a clairement indiqué dans son rapport que ces grilles avaient une section suffisante par rapport aux DTU 24.1 (pièce [K] n°6 page 12).
Le jugement qui a écarté la responsabilité de la société Grangerat et mis hors de cause son assureur la société GAN, sera confirmé.
III – Sur la responsabilité décennale
Aux termes de l’article 1792 du code civil, « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »
Ainsi que l’a relevé à bon droit le premier juge, la jurisprudence retient que constitue un ouvrage au sens de ce texte, une cheminée dont l’installation comporte la création d’un conduit maçonné, d’un système de ventilation et de production d’air chaud et d’une sortie en toiture.
Il ressort du rapport d’expertise, qu’interrogé par l’expert M. [K] a confirmé avoir construit la cheminée :
« Il confirme que c’est lui qui a construit la cheminée de salon et a posé la cheminée à insert. Il a réalisé la hotte, la traversée de plancher. Il a installé les coudes de raccordement sur le collecteur de la cheminée à insert, puis a monté les éléments de conduit double parois qu’il a placé de façon verticale pour les raccorder au conduit de toiture en attente. Il a utilisé des matériaux de type Roc feu et Fermacel.
La hotte était faite de plaques Roc feu en épaisseur de 13 mm avec un habillage extérieur en bois.
Il a acheté ces matériels et matériaux chez Point P.
La cheminée a été terminée au printemps 2012. »
La construction de la cheminée avec son conduit par M. [K] a ainsi nécessité la mise en ‘uvre de techniques de travaux de bâtiments, de sorte qu’elle constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.
Il est, par ailleurs, incontestable que les désordres, soit l’incendie survenu, ont rendu non seulement l’ouvrage, mais l’immeuble dans son ensemble impropre à sa destination, étant précisé que la maison a dû être démolie pour être reconstruite.
Les malfaçons ayant entraîné ces désordres n’étaient pas apparentes lors de la réception tacite de cet ouvrage en 2012 et ainsi qu’il a été vu, il n’existe aucune cause étrangère de nature à exonérer M. [K] et Mme [E].
IV – Sur la solidarité des vendeurs
Selon l’article 1792-1 du code civil est réputé constructeur de l’ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle construit ou fait construire.
En l’absence d’élément nouveau, c’est par une motivation pertinente, que la cour adopte expressément que le premier juge a retenu que :
– L’action des époux [C] à l’égard des deux époux [K]/[E] en qualité de vendeurs était justifiée quand bien même un seul d’entre eux aurait procédé aux travaux,
– si M. [K] a construit la cheminée litigieuse, Mme [E] a la qualité de venderesse de l’immeuble au même titre que son époux,
La fixation de la date des effets patrimoniaux entre les époux fixées au 15 janvier 2015 par le jugement de divorce, n’a aucune incidence sur la solidarité des consorts [K] et [E] en qualité de vendeurs du bien litigieux.
Le fait générateur du sinistre est antérieur à la séparation du couple et la réalisation de la cheminée par M. [K] a été mise en ‘uvre durant la vie commune dans l’intérêt économique du ménage, étant précisé qu’ils se sont partagés le prix de vente.
Le jugement qui a rejeté l’action en garantie de Mme [E] à l’encontre de M. [A] sera confirmé.
V – Sur la subrogation des droits des époux [C] au profit de leur assureur la société MAAF
Aux termes de l’article L 121-12 du code des assurances l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Ainsi que l’a retenu à bon droit le premier juge, il n’est pas contesté que la société MAAF a payé une indemnité d’assurance au époux [C] d’un montant total de 338 517,41 euros et qu’ainsi son action au titre de son recours subrogatoire à l’encontre des consorts [K] et [E] est recevable.
VI- Sur le montant des préjudices sollicités
Mme [E] fait valoir que les époux [C] doivent justifier les sommes perçues de la MAAF ont été utilisées à la reconstruction de leur habitation et qu’ils doivent donc produire les factures poste par poste indemnisé.
Or, le principe de libre utilisation des dommages -intérêts qui est un principe ancien dispose que la victime peut utiliser les dommages-intérêts alloués selon son gré, sans que le juge ne puisse l’obliger à affecter les sommes à la réparation de son préjudice, ce en dehors de quelques hypothèses très réduites de dommage connaissant un principe d’affectation comme les dommages de guerre ou les dommages indemnisés par le biais d’une assurance dommage-ouvrage.
La demande de Mme [E] tendant à vouloir contrôler l’usage qu’ont fait les époux [C] des fonds versés par l’assureur multirisques habitation ne peut donc qu’être rejetée.
Il n’est pas contesté qu’en l’espèce l’immeuble litigieux ayant été détruit par l’incendie du 2 janvier 2016, il a été reconstruit à l’identique sur le terrain d’origine.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu que l’indemnité due aux époux [C] est égale à la valeur à neuf de l’immeuble.
Il résulte des conclusions de l’expert judiciaire que celui-ci a retenu une évaluation de l’indemnité fondée sur la valeur à neuf comme suit :
« Le montant des dommages s’établit à 345 388,96 euros TTC se répartissant de la façons suivante :
Mesures d’urgence : 1 722 euros
Bureau d’étude solidité : 1 680 euros
Immobilier : 260 474,89 euros
Mise en conformité (norme RT 2012) : 9 245 euros
Perte d’usage : 25 630 euros arrêtés à la date du rapport
Déplacement -replacement mobilier : 1 500 euros
Contenu : 49281 euros
Assurance dommages ouvrage 6 347,86 euros
Honoraires d’expert assuré (cabinet [R]) 17 586 euros. »
La MAAF a versé une somme totale de 338 517,41 euros.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge, en application de l’article L 121-12 du code des assurances a retenu que la MAAF était subrogée dans les droits et actions de ses assurés les époux [C], contre les consorts [K] et [E], auteurs du dommage, à concurrence de cette somme.
En l’absence d’élément nouveau, c’est par une motivation pertinente que la cour adopte expressément, que le premier juge a retenu les demandes des époux [C] relatives aux découverts de garantie des assurés sur le mobilier soit 8 519 euros, sur les honoraires de maîtrise d »uvre, sur les honoraires d’expert assuré soit la somme de 5 198 euros, outre le montant de la franchise de 120 euros, soit une somme totale de 14 921,68 euros.
S’agissant de la perte d’usage, fixée par l’expert à 22 mois, du 2 janvier 2016 au 2 novembre 2016, le premier juge a retenu à juste titre que les époux [C] n’avaient déménagé que le 12 décembre 2017, date de l’achèvement des travaux et alloué une somme complémentaire de 1553,33 euros au titre des 40 jours supplémentaires correspondant au découvert de garantie.
En revanche au regard de l’importance du préjudice moral subi par la famille [C] composée des parents et de leurs deux enfants, du fait de la peur qu’a engendré l’incendie qu’ils ont vu démarrer devant eux, de la perte des souvenirs familiaux et du changement brutal de leur cadre de vie quotidien, le jugement qui a octroyé en indemnisation de ce poste de préjudice une somme de 2 000 euros sera infirmé et il sera alloué la somme de 5 000 euros à ce titre.
C’est à juste titre que le tribunal a retenu que la somme totale de 18 475,01 due par les consorts [K]/[E] aux époux [C], portait intérêt à compter du jugement et celle de 5 000 euros supplémentaire allouée par la cour portera intérêts à compter de l’arrêt.
Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts ayant couru pour une année entière et le jugement sera infirmé en ce sens.
VII – Sur les délais de paiement
Au regard de la situation financière des consorts [K] et [E], le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué des délais avec un échéancier de 500 euros par mois sur une durée de deux ans, le solde étant exigible à la dernière échéance.
En revanche, il ne saurait être accordé un nouveau délai et la demande en ce sens de Mme [E] sera rejetée.
VIII ‘ Sur les demandes accessoires
Les consorts [K] et [E] qui échouent en leur appel sont tenus aux dépens exposés devant la cour.
L’équité commande faire application au profit de la MAAF des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La cour, statuant publiquement et par défaut,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf celles concernant le montant du préjudice moral et la capitalisation des intérêts,
L’infirme de ces chefs et statuant à nouveau,
Condamne solidairement M. [I] [K] et Mme [T] [E] à payer à M. [M] [C] et Mme [N] [G] épouse [C] la somme de 21 475,01 euros,
Ordonne la capitalisation des intérêts sur les sommes dues pour une année entière,
Y ajoutant,
Déboute Mme [T] [E] de sa nouvelle demande de délais de paiement,
Condamne solidairement M. [I] [K] et Mme [T] [E] aux dépens exposés devant la cour, avec distraction de ces derniers au profit de la société Mermet et Associés, avocat,
Condamne solidairement M. [I] [K] et Mme [T] [E] à payer à la société MAAF Assurances la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Arrêt de défaut rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 24 septembre 2024
à
Me Christian FORQUIN
la SAS MERMET & ASSOCIES
la SELURL BOLLONJEON
la SELARL CharlesEmmanuel [F]
Copie exécutoire délivrée le 24 septembre 2024
à
la SAS MERMET & ASSOCIES
la SELARL CharlesEmmanuel [F]