L’Union de crédit pour le bâtiment Suisse a accordé à [G] [P] et [R] [E] [P] deux prêts in fine, l’un de 3 200 000 francs suisses en mars 2007 pour refinancer un prêt et acquérir un appartement, et l’autre de 800 000 francs suisses en juin 2008 pour une acquisition. BNP Paribas Suisse a pris la suite de l’Union de crédit suite à une fusion en octobre 2013. En mai 2022, [G] [P] et [R] [E] [P] ont assigné BNP Paribas (Suisse) et d’autres parties devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la nullité de certaines clauses des contrats de prêts et des dommages-intérêts. BNP Paribas (Suisse) a contesté la compétence territoriale du tribunal. Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance le 10 novembre 2023.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
ARRÊT SUR COMPÉTENCE
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/18319 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQYA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Novembre 2023 – Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris – RG n° 22/12844
APPELANTE
Société BNP PARIBAS SUISSE, société de droit suisse immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Genève sous le n° CH 270 3000 542 1
Venant aux droits de l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse (UCB SUISSE) par suiste d’une fusion absorption e, date du 18 octobre 2013 ayant entrainé sa dissolution et sa radiation du registre du commerce de Genève
[Adresse 2]
[Localité 8] (Suisse)
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Clément DEAN de la SELARL PUGET LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur [G] [P]
[Adresse 5]
Royaume-Uni
Madame [R] [E] épouse [P]
[Adresse 5]
Royaume-Uni
Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant Me François DE CAMBIAIRE de la SELARL SEATTLE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P206
Maître [T] [N]
[Adresse 3]
[Localité 10]
S.C.P. JACQUIOT-MONTEILLARD [N] ROYER DUJON LYNE ROYER ET SOPHIE DUJON NOTAIRES ASSOCIES
[Adresse 3]
[Localité 10]
N°SIRET : D 300 231 602
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentés par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
N°SIRET : 542 097 902
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J002
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre et M. Vincent BRAUD, président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
M. Vincent BRAUD, président chargé du rapport
Mme Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 20 mars 2007, accepté le 28 mars 2007, et réitéré par-devant maître [T] [N] par acte authentique en date du 24 avril 2007, l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse a consenti à [G] [P] et [R] [E] [P] un prêt in fine d’un montant de 3 200 000 francs suisses, d’une durée de quinze ans, ayant pour objet le «refinancement d’un prêt de la Banque Barclays Private Banking, [Localité 9] et mise à disposition des fonds pour permettre l’acquisition d’un appartement à [Localité 7] ».
Par acte sous seing privé du 25 juin 2008, accepté le 7 juillet 2008, et réitéré par-devant maître [T] [N] par acte authentique en date du 12 septembre 2008, l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse a consenti à [G] [P] et [R] [E] [P] un second prêt in fine d’un montant de 800 000 francs suisses, d’une durée de quinze ans, ayant pour objet la « mise à disposition de fonds en vue d’une acquisition ».
La société BNP Paribas Suisse est venue aux droits et obligations de l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse à la suite d’une fusion absorption du 4 octobre 2013.
Par exploits en date des 29 avril, 2 et 4 mai 2022, [G] [P] et [R] [E] [P] ont assigné la société BNP Paribas (Suisse), la société BNP Paribas Personal Finance, [T] [N] et la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon, notaires associés, devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment d’obtenir, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1137 du code civil, L. 132-1 anciennement du code de la consommation et de la directive européenne 93/13/CEE du 5 avril 1993, que soient réputées non écrites les clauses de devises étrangères et de taux d’intérêts variables contenues dans les contrats de prêts souscrits auprès de la société BNP Paribas (Suisse), ainsi que la condamnation in solidum des défendeurs à indemniser leur préjudice.
La société BNP Paribas (Suisse) a soulevé l’incompétence territoriale du tribunal.
Par ordonnance contradictoire en date du 10 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
‘
‘ Rejeté la demande de sursis à statuer ;
‘ Accueilli l’exception d’incompétence ;
‘ Renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bonneville, avec transmission du dossier dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 82 du code de procédure civile ;
‘ Déclaré [G] [P] et [R] [E] [P] irrecevables en leur demande de communication de pièces dirigée contre la société BNP Paribas Personal Finance ;
‘ Rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Rejeté le surplus des demandes ;
‘ Réservé les dépens.
Par déclaration du 27 novembre 2023, la société BNP Paribas Suisse a interjeté appel contre [G] [P], [R] [E] [P], [T] [N] et la société civile professionnelle Catherine Jacquiot-Monteillard, [T] [N], [V] Royer et Sophie Dujon, notaires associés, de l’ordonnance en ce qu’elle a : « – Accueilli une exception d’incompétence au profit du Tribunal Judiciaire de Bonneville et a ainsi renvoyé devant cette juridiction avec transmission du dossier dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 82 du Code de procédure civile – Rejeté les demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile – Rejeté le surplus des demandes ».
Par ordonnance du délégué du premier président de la cour d’appel de Paris en date du 4 décembre 2023, elle a été autorisée à assigner à jour fixe [G] [P], [R] [E] [P], [T] [N] et la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard [N] Royer Dujon pour l’audience du 18 juin 2024.
La société BNP Paribas Suisse a assigné [G] [P] et [R] [E] [P] par exploits en date du 22 décembre 2023 délivrés à domicile élu, et par actes en date du 29 décembre 2023, conformément à l’article 684 du code de procédure civile et à la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ; la société civile professionnelle Jacquiot Monteillard [N] Royer et Dujon par exploit en date du 26 décembre 2023 délivré à domicile. [T] [N] et la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard [N] Royer Dujon se sont constitués le 8 décembre 2023.
Par exploit en date du 15 mars 2024 remis à l’étude, [G] [P] et [R] [E] [P] ont assigné en appel provoqué la société BNP Paribas Personal Finance.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 juin 2024 la société anonyme de droit suisse BNP Paribas Suisse demande à la cour de :
Déclarer BNP PARIBAS SUISSE recevable et bien fondée en son appel et ses demandes
Déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer formée par les consorts [P] par application des 73, 74 et 378 du CPC mais également en tout état de cause par application des articles 910-4 et 954 du CPC.
Infirmer l’ordonnance du 10/11/2023 rendue par le Juge de la mise en état près le Tribunal Judiciaire de Paris en ce qu’il a accueilli une exception d’incompétence au profit du Tribunal Judiciaire de Bonneville et ainsi renvoyé devant cette juridiction avec application des dispositions de l’article 84 du CPC
Déclarer irrecevables ou, à défaut, mal fondés les consorts [P] et/ou Me [N] et la SCP JACQUIOT MONTEILLARD [N] ROYER ET DUJON en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions contraires
Et, statuant à nouveau :
Déclarer le Tribunal Judiciaire de Paris territorialement incompétent, mais également le Tribunal Judiciaire de Bonneville ainsi que toute autre juridiction française, pour avoir à connaître des demandes, fins et prétentions des consorts [P] à l’égard de BNP PARIBAS SUISSE et les renvoyer à mieux se pourvoir devant la juridiction genevoise compétente
Prononcer le cas échéant une disjonction d’instances concernant les demandes, fins et prétentions des consorts [P] à l’égard de Me [N] et/ou de la SCP JACQUIOT MONTEILLARD [N] ROYER ET DUJON et/ou de BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Condamner solidairement les consorts [P] en tous les dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du CPC
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 13 juin 2024, la société anonyme BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
Sur l’irrecevabilité et la mise hors de cause de BNP Paribas Personal Finance
– A titre principal :
o Confirmer l’ordonnance du Juge de la mise en état de la 9ème chambre, 3ème section du Tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2023 (RG n°22/12844) en ce qu’elle a déclaré Monsieur et Madame [P] irrecevables en leurs demandes dirigées contre BNP Paribas Personal Finance
o Confirmer l’ordonnance du Juge de la mise en état de la 9ème chambre, 3ème section du Tribunal judiciaire de Paris du 10 novembre 2023 (RG n°22/12844) en ce qu’elle a déclaré Monsieur et Madame [P] irrecevables en leur demande de communication de pièces dirigées contre BNP Paribas Personal Finance ;
– A titre subsidiaire :
o Juger que BNP Paribas Personal Finance n’a pas qualité à défendre dans le cadre de cette instance ;
o Juger que Monsieur et Madame [P] ne justifient pas d’un intérêt à agir à l’encontre de BNP Paribas Personal Finance ;
En conséquence,
o Juger que Monsieur et Madame [P] sont irrecevables en toutes leurs demandes à l’encontre de BNP Paribas Personal Finance ;
o Mettre hors de cause BNP Paribas Personal Finance ;
o Débouter Monsieur et Madame [P] de leur demande de communication de pièces sous astreinte ;
Sur les autres demandes
– Donner acte à BNP Paribas Personal Finance qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant des autres demandes formulées par BNP Paribas Suisse, Monsieur et Madame [P], Monsieur [T] [N] et la SCP Catherine Jacquiot-Monteillard, [T] [N], [V] Royer et Sophie Dujon ;
En tout état de cause
– Condamner Monsieur et Madame [P] au paiement de la somme de 10.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Monsieur et Madame [P] aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 17 juin 2024, [G] [P] et [R] [E] [P] demandent à la cour de :
RECEVOIR les époux [P] en leurs conclusions d’intimé et d’appelants à titre incident ;
Y faisant droit
1) Sur la fin de non-recevoir soulevée par BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
INFIRMER l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a « [déclaré] M. [G] [P] et Mme [R] [E] [P] irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE » ;
Et, statuant à nouveau
DECLARER RECEVABLES les époux [P] à agir à l’encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
REJETER la fin de non-recevoir soulevée par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE tirée de son prétendu défaut de qualité à défendre ;
2) Sur l’exception d’incompétence soulevée par la SA BNP PARIBAS (SUISSE)
CONFIRMER l’ordonnance en ce qu’elle a jugé illicite la clause attributive de compétence stipulée dans les contrats de prêts litigieux ;
En conséquence, à titre principal
INFIRMER l’ordonnance en ce qu’elle « [accueilli] l’exception d’incompétence » et, en conséquence, décliné la compétence du Tribunal judiciaire de Paris
ET, STATUANT À NOUVEAU, déclarer le Tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître de l’entier litige ;
À titre subsidiaire
CONFIRMER l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a « [renvoyé] l’affaire devant le tribunal judicaire de Bonneville, avec transmission du dossier dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 82 du code de procédure civile » s’agissant de Maître [T] [N], la SCP notariale et la société BNP PARIBAS (SUISSE) ;
3) Sur la demande de communication de pièces
INFIRMER l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a « [déclaré] M. [G] [P] et Mme [R] [E] [P] irrecevables en leur demande de communication de pièces dirigées contre la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE »
Et, statuant à nouveau
ORDONNER à BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, les documents suivants :
(i) la fiche client ou tout autre document de même nature qui lui aurait été remis ou qui aurait été remis à l’une de ses filiales par le dénommé [H] [X], relatifs à la constitution du dossier de prêt des époux [P] ;
(ii) l’accord commercial conclu directement ou indirectement par l’intermédiaire de l’une ou plusieurs de ses filiales avec l’agence MeilleursTaux pour la commercialisation des prêts tels que souscrits par les époux [P] ;
(iii) les rapports internes établis directement ou indirectement par l’intermédiaire de l’une ou plusieurs de ses filiales relatifs au financement souscrit par les époux [P] ;
(iv) le dossier de comité de crédit relatif à la demande de prêt formulée par les époux [P] ;
(v) la liste de ses administrateurs et/ou mandataires sociaux communs avec sa filiale S.A. BNP PARIBAS SUISSE.
4) Sur les demandes de disjonction
REJETER la demande de disjonction formée par Maître [T] [N] et la SCP notariale ;
REJETER la demande de disjonction formée par BNP PARIBAS (SUISSE)
En conséquence
JUGER ET DÉCLARER que le Tribunal Judiciaire de Paris est compétent pour statuer à l’égard de Maître [T] [N] et de la SCP notariale, aux côtés de BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et BNP PARIBAS (SUISSE) ;
5) En tout état de cause
DÉBOUTER Maître [T] [N], la SCP notariale et les sociétés BNP PARIBAS (SUISSE) et BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER in solidum Maître [T] [N], la SCP notariale et les sociétés BNP PARIBAS (SUISSE) et BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer la somme de 15.000 euros aux époux [P] sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 25 janvier 2024, [T] [N] et la société civile professionnelle Catherine Jacquiot-Monteillard, [T] [N], [V] Royer et Sophie Dujon notaires associés demandent à la cour de :
CONFIRMER EN TOUTES SES DISPOSITIONS L’ORDONNANCE RENDUE PAR MONSIEUR LE JUGE DE LA MISE EN ETAT PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS EN DATE DU 10 NOVEMBRE 2023
ET Y AJOUTANT
– FAIRE DROIT à l’exception d’incompétence soulevée in limine litis par Maître [T] [N] et la Société « CATHERINE JACQUIOT-MONTEILLARD, [T] [N], [V] ROYER ET SOPHIE DUJON NOTAIRES ASSOCIES »
– DIRE ET JUGER le Tribunal judiciaire de PARIS incompétent pour statuer sur la responsabilité civile professionnelle de Maître [T] [N] et de la Société « CATHERINE JACQUIOT-MONTEILLARD, [T] [N], [V] ROYER ET SOPHIE DUJON NOTAIRES ASSOCIES »
– RENVOYER, après disjonction des instances et pour la partie qui concerne les notaires, devant le Tribunal judiciaire de BONNEVILLE territorialement compétent pour statuer sur les demandes formulées par Monsieur [G] [P] et Madame [R] [E] épouse [P] contre Maître [T] [N] et la Société « CATHERINE JACQUIOT-MONTEILLARD, [T] [N], [V] ROYER ET SOPHIE DUJON NOTAIRES ASSOCIES »,
– DEBOUTER Monsieur [G] [P] et Madame [R] [E] épouse [P] de toutes les demandes incidentes et additionnelles qu’ils pourraient diriger contre Maître [T] [N] et la Société « CATHERINE JACQUIOT-MONTEILLARD, [T] [N], [V] ROYER ET SOPHIE DUJON NOTAIRES ASSOCIES »,
– CONDAMNER in solidum Monsieur [G] [P] et Madame [R] [E] épouse [P] à payer à Maître [T] [N] la somme de 1.500 euros au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER in solidum Monsieur [G] [P] et Madame [R] [E] épouse [P] à payer à la Société « CATHERINE JACQUIOT-MONTEILLARD, [T] [N], [V] ROYER ET SOPHIE DUJON NOTAIRES ASSOCIES » la somme de 1.500 euros au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER in solidum Monsieur [G] [P] et Madame [R] [E] épouse [P] aux dépens de l’incident.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé à l’ordonnance déférée et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’audience a été fixée pour être plaidée au 18 juin 2024.
Par note du 18 juin 2024, la société BNP Paribas Suisse indique à la cour que les dernières conclusions des époux [P] déposées le 17 juin précédent n’appellent pas de nouvelles conclusions en réplique de sa part.
Par note du 9 juillet 2024, les époux [P] entendent répondre à la note précédente.
Par note du 11 juillet 2024, la société BNP Paribas Suisse demande le rejet de la note en délibéré des époux [P] et des pièces communiquées au soutien de celle-ci.
Par note du 18 juillet 2024, les époux [P] demandent que soient déclarées recevables leur note en délibéré et leurs pièces communiquées le 9 juillet 2024. À défaut, ils demandent que la note en délibéré de la société BNP Paribas Suisse soit également écartée des débats.
CELA EXPOSÉ,
Sur les notes en délibéré :
Aux termes de l’article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
En l’occurrence, les notes échangées après la clôture des débats n’ont pas pour objet de répondre au ministère public, ni de déférer à une demande du président. Elles seront donc déclarées irrecevables.
Sur le sursis à statuer :
L’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile dispose : « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »
La cour constate qu’elle n’est saisie, aux termes du dispositif des époux [P], d’aucune demande de sursis à statuer.
Sur la qualité à défendre de la société BNP Paribas Personal Finance :
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 31 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Aux termes de l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
La société BNP Paribas Personal Finance conteste sa qualité à défendre au motif qu’elle n’est pas le cocontractant des époux [P], et que sa filiale BNP Paribas Suisse est juridiquement autonome et économiquement indépendante de sa société mère.
Les époux [P] répliquent qu’ils entendent faire reconnaître la responsabilité conjointe de la société BNP Paribas Personal Finance au titre d’une faute qui lui est personnellement imputable, notamment le défaut de surveillance de sa filiale BNP Paribas (Suisse), laquelle est une filiale à 100 % privée de toute autonomie décisionnelle, qui s’est conformée aux instructions données par sa mère en commercialisant les prêts en cause.
Aux termes de leur assignation, les époux [P] ont saisi le tribunal judiciaire de Paris afin :
‘ qu’il juge abusives les clauses de devises étrangères et de taux d’intérêts variables contenues dans les contrats de prêt et en conséquence qu’il juge que l’anéantissement de ces clauses contenues dans les contrats de prêts entraîne l’anéantissement corrélatif des contrats notariés des 24 avril 2007 et 12 septembre 2008 ; qu’il limite le montant de la dette des emprunteurs à la somme qu’ils ont effectivement reçue de la part de la société BNP Paribas Suisse ; qu’il condamne la société BNP Paribas Suisse, in solidum avec la société BNP Paribas Personal Finance, à leur restituer le montant des intérêts que les emprunteurs lui ont versés et ce, en prononçant la compensation de cette somme avec la somme totale due par les emprunteurs au titre des contrats de prêt ;
‘ qu’il juge que la société BNP Paribas Suisse et la BNP Paribas Personal Finance ont manqué à l’obligation d’information et de mise en garde dont elles étaient débitrices auprès des époux [P] en ne les informant pas des risques de change et d’augmentation des intérêts des prêts souscrits, ainsi qu’en ne vérifiant pas l’adéquation desdits prêts à leur patrimoine et leur profil de risque et en ne leur proposant pas de mettre en place un nantissement sur un contrat d’assurance vie en garantie de leurs engagements ;
‘ qu’il juge que les manquements de la société BNP Paribas Suisse, de BNP Paribas Personal Finance et de maître [T] [N], notaire associé de la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon, ont causé une perte de chance quasi-certaine aux époux [P] de ne pas souscrire aux contrats de prêts ;
‘ qu’il fixe le montant de la perte de chance à hauteur de 95 %, calculé par comparaison entre le coût total des prêts litigieux et le coût total d’un prêt ordinaire.
Les époux [P] ont contracté avec l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse. Quoique la société BNP Paribas Suisse soit venue aux droits et obligations de l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse à la suite d’une fusion absorption, celle-ci n’a pas pour effet de conférer rétroactivement à la société BNP Paribas Personal Finance la qualité de société mère de l’établissement de crédit avec lequel les emprunteurs ont contracté. Puisque les époux [P] recherchent la responsabilité de la société BNP Paribas Personal Finance en qualité de société mère du prêteur, et qu’il n’est pas allégué ni établi qu’elle ait été la société mère de l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse à la date d’octroi des prêts, elle n’a pas qualité à défendre à l’action engagée contre elle par les emprunteurs. L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle déclare les époux [P] irrecevables en leurs demandes contre la société BNP Paribas Personal Finance, et notamment, par voie de conséquence, en leur demande de production de pièces.
Sur la compétence :
Sur la compétence à l’égard de la société BNP Paribas Suisse :
L’ordonnance frappée d’appel n’est pas critiquée en ce qu’elle statue sur la compétence par application de la convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Aux termes de l’article 2, paragraphe premier, de ladite convention, sous réserve des dispositions de la présente convention, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État lié par la présente convention sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État.
La société BNP Paribas Suisse, partie défenderesse, a son siège à [Localité 8], en Suisse, État lié par la convention.
Aux termes de l’article 3, paragraphe premier, de ladite convention, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État lié par la présente convention ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État lié par la présente convention qu’en vertu des règles énoncées aux sections II à VII du présent titre.
Les époux [P] se prévalent en l’occurrence des dispositions des articles 15 à 17 de la section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs de la convention susdite, et contestent sur ce fondement la validité de la clause attributive de juridiction que leur oppose la société BNP Paribas Suisse.
La section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs de la convention de Lugano du 30 octobre 2007 est applicable dans les conditions énoncées par son article 15 :
« 1. En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l’article 4 et de l’article 5, paragraphe 5 :
« a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ;
« b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ;
« c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État lié par la présente convention sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État ou vers plusieurs États, dont cet État, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »
Il n’est pas discuté que les époux [P] ont contracté pour un usage pouvant être considéré comme étranger à leur activité professionnelle. Il n’est pas soutenu que les parties se trouvent dans les cas a et b du texte précité.
Il convient donc de déterminer si la condition posée à l’article 15, paragraphe premier, c, est remplie en l’espèce.
Les époux [P] soutiennent à cet égard que la société BNP Paribas Suisse dirige ses activités vers la France. Ils font valoir en ce sens que :
‘ ils ont été démarchés en France, par l’intermédiaire de [H] [X], mandataire pour BNP, lequel leur a donné rendez-vous au sein de l’agence « Meilleur Taux » à [Localité 6] (pièce no 33 des époux [P]) ;
‘ les actes de prêts ont été réitérés sous forme notariée devant un notaire français à [Localité 10], en France (pièces nos 6 et 8 des époux [P]) ;
‘ les immeubles financés sont situés en France, à [Localité 7] ;
‘ les sûretés inscrites sur l’immeuble sont soumises au droit français ;
‘ les époux [P] disposaient de comptes bancaires ouverts au sein du Crédit agricole, en France ;
‘ le site de la société BNP Paribas Suisse indique le préfixe international de la Suisse dans ses coordonnées téléphoniques ;
‘ des décisions impliquant la société BNP Paribas Suisse et des consommateurs français sont citées par la société BNP Paribas Suisse, confirmant sa mise en cause par de nombreux consommateurs français et partant sa commercialisation auprès d’eux des prêts litigieux, sous l’impulsion de la politique de sa société mère.
La pièce no 33 des intimés, qui n’est qu’une capture d’écran du site de l’agence Meilleurtaux d'[Localité 6], où n’apparaît pas le nom de [H] [X], ne prouve en rien qu’ils aient été démarchés par un mandataire de la société BNP Paribas Suisse, ni même d’ailleurs de l’Union de crédit pour le bâtiment Suisse. Ni le fait que les prêts aient été réitérés par-devant un notaire français, ni la situation des immeubles financés, ni le droit applicable aux sûretés inscrites sur lesdits immeubles, ni le fait que les emprunteurs aient disposé de comptes ouverts dans une autre banque que la société BNP Paribas Suisse, ni l’indication sur son site www.bnpparibas.ch du préfixe téléphonique international de la Suisse, ni l’existence alléguée d’un contentieux en France dont les décisions versées aux débats ne concernent pas la société BNP Paribas Suisse (pièce no 5 de BNP Paribas Suisse), ne constituent des indices que la société BNP Paribas Suisse ait, à la date des prêts en cause, dirigé vers la France l’activité dans le cadre de laquelle entrent les contrats de prêt qu’elle a conclus avec les époux [P].
Au surplus, ceux-ci étaient domiciliés au Royaume-Uni ainsi qu’il ressort des actes sous seing privé de prêt comme des actes authentiques, nonobstant le fait que, aux termes de l’article 19 Communications de l’acte en date du 12 septembre 2008, les emprunteurs indiquent une adresse en France pour la correspondance entre les parties.
Les parties ne se trouvant pas dans le cas c, ni dans aucun autre des cas prévus par l’article 15, paragraphe premier, précité, la compétence n’est pas déterminée par la section IV Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs.
Il s’ensuit que les intimés ne peuvent bénéficier de l’option de compétence ouverte au consommateur par l’article 16 de la convention de Lugano du 30 octobre 2007, et que la juridiction compétente doit être déterminée conformément à l’article 2 précité.
Il s’ensuit pareillement que la validité de la clause attributive de juridiction stipulée dans les prêts et dont la société BNP Paribas Suisse réclame le bénéfice n’a pas à s’apprécier au regard de l’article 17 de ladite convention.
En application de l’article 2 de la même convention, la société BNP Paribas Suisse doit être attraite devant les juridictions de la Suisse.
En outre, l’article 23, paragraphe premier, de la section VII de la convention de Lugano du 30 octobre 2007 dispose :
« Si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un État lié par la présente convention, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un État lié par la présente convention pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. »
Or, la clause de compétence territoriale Lieu d’exécution, droit applicable et for stipulée dans les conditions particulières des prêts en cause, répétée dans leurs conditions générales, et reprise dans les actes notariés, prévoit :
« Le présent contrat de prêt est soumis au droit suisse. Tout litige entre les parties relatif à l’exécution, à l’interprétation ou à la validité du contrat de prêt, relève de la compétence des tribunaux de la République et Canton de Genève, les recours au Tribunal fédéral étant réservés.
« À sa seule et entière discrétion, UCB Suisse conserve toutefois le droit exprès d’agir devant toute autre autorité compétente de son choix, le droit suisse restant applicable dans tous les cas. »
Les juridictions désignées par cette clause pour connaître de l’action engagée par les époux [P] sont les juridictions suisses, conformément à l’article 2 de la convention de Lugano du 30 octobre 2007.
Cette clause ne confère pas à la banque le droit de saisir discrétionnairement toute juridiction de son choix, mais se borne à renvoyer aux règles de compétence de droit commun selon la loi suisse. Ainsi cette stipulation contractuelle n’est pas contraire à l’objectif de prévisibilité que doivent présenter les règles de compétence au regard de l’article 23 de la convention de Lugano du 30 octobre 2007, les juridictions éventuellement amenées à se saisir d’un litige opposant les parties à l’occasion de l’exécution, de l’interprétation ou de la validité du contrat, étant identifiables.
En l’espèce, la société BNP Paribas Suisse, qui n’est pas l’origine de la saisine, est fondée à invoquer en défense l’application de cette clause liant les parties (1re Civ., 28 sept. 2022, no 21-13.686).
À titre subsidiaire, les époux [P] se prévalent des dispositions de l’article 6, premièrement, de la section II Compétences spéciales de la convention susdite, en vertu duquel une personne domiciliée sur le territoire d’un État lié par la présente convention peut être attraite, s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.
Ils font valoir qu’une clause attributive de juridiction s’efface devant la compétence dérivée issue du for du codéfendeur en cas d’indivisibilité entre les demandes, et que, dans le cas présent, le litige les opposant aux sociétés BNP Paribas Suisse et BNP Paribas Personal Finance, à [T] [N] et à la société notariale est indivisible, de sorte qu’est compétent le tribunal judiciaire de Paris, siège de la société BNP Paribas Personal Finance, à défaut le tribunal de Bonneville, compétent à raison du domicile de [T] [N] et de la société notariale.
La société BNP Paribas Suisse réplique qu’une clause attributive de compétence a vocation à primer sur les règles de compétences dérivées ; que les prétentions des époux [P] à son égard devront le cas échéant être analysées à l’aune du droit suisse et non au regard des dispositions du code civil français sur le dol ou de celles du code de la consommation français ; tandis que la responsabilité du notaire, engagée pour manquement à son « devoir de conseil », sera le cas échéant analysée au regard des principes législatifs et jurisprudentiels français en la matière.
La clause attributive de compétence figurant dans les prêts, conforme aux dispositions de l’article 23 précité de la convention de Lugano du 23 octobre 2007, crée une compétence exclusive au profit de la juridiction désignée. Elle prime sur la compétence spéciale de l’article 6, premièrement, de la même convention concernant la pluralité de défendeurs invoquée par les époux [P] (1re Civ., 13 déc. 2017, no 16-22.412).
Au surplus, dès lors que les époux [P] sont irrecevables à agir contre la société BNP Paribas Personal Finance, ils ne peuvent sur le fondement de l’article 6 précité attraire la société BNP Paribas Suisse devant le tribunal de Paris, siège de la société BNP Paribas Personal Finance.
Par ailleurs, aux termes de leur assignation, les époux [P] ont saisi le tribunal judiciaire de Paris afin qu’il constate le manquement des société BNP Paribas Suisse et BNP Paribas Personal Finance à leur obligation d’information et de mise en garde à leur égard et en conséquence, qu’il condamne ces dernières, in solidum avec maître [T] [N] et la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon, au paiement de la somme de 720 036,00 euros à titre de réparation de leur préjudice financier, outre 20 000 euros à titre de réparation de leur préjudice moral.
Encore que les demandeurs poursuivent la réparation d’un même dommage à raison d’une même abstention fautive, la responsabilité de chaque défendeur s’appréciera au regard de règles de droit différentes puisqu’ils ne sont pas intervenus au même titre (prêteur, rédacteur) dans la conclusion des contrats de prêt en cause. Le litige pourra ainsi trouver des solutions différentes à leur égard sans qu’elles soient pour cela inconciliables. Les demandes ne sont donc pas liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y ait intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Aussi les époux [P] ne peuvent-ils pas, sur le fondement de l’article 6 précité, attraire la société BNP Paribas Suisse devant le tribunal de Bonneville, dans le ressort duquel [T] [N] et la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon ont leur domicile.
La clause attributive de juridiction litigieuse, qui n’est pas autrement critiquée, désigne valablement les tribunaux de la République et Canton de Genève pour connaître des demandes dirigées contre la société BNP Paribas Suisse. Elle doit recevoir application conformément à l’article 23 précité de la convention de Lugano du 30 octobre 2007.
L’ordonnance attaquée sera infirmée en conséquence. L’instance dirigée contre la société BNP Paribas Suisse sera disjointe et les parties renvoyées à mieux se pourvoir, conformément à l’article 81, alinéa premier, du code de procédure civile.
Sur la compétence à l’égard de [T] [N] et de la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon :
Aux termes de l’article 42, alinéa premier, du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. En l’espèce, les parties conviennent que si la compétence du tribunal judiciaire de Paris n’est pas retenue, seule peut l’être celle de Bonneville pour statuer sur les demandes dirigées contre [T] [N] et la société notariale. L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle accueille l’exception d’incompétence par eux soulevée, et renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bonneville, avec transmission du dossier dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 82 du code de procédure civile.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les époux [P] en supporteront donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.
La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.
Sur ce fondement, les époux [P] seront condamnés à payer la somme de 1 500 euros chacune à la société BNP Paribas Suisse et à la société BNP Paribas Personal Finance, et celle de 1 500 euros à [T] [N] et à la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon, au titre des frais irrépétibles.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
DÉCLARE irrecevables les notes et pièces déposées après la clôture des débats ;
INFIRME PARTIELLEMENT l’ordonnance en ce qu’elle renvoie l’affaire devant le tribunal judiciaire de Bonneville, avec transmission du dossier dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 82 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
DISJOINT les instances concernant, d’une part, les demandes, fins et prétentions de [G] [P] et [R] [E] [P] à l’égard de la société BNP Paribas Suisse, d’autre part, les demandes, fins et prétentions de [G] [P] et [R] [E] [P] à l’égard de [T] [N] et de la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon ;
DÉCLARE le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître des demandes, fins et prétentions de [G] [P] et [R] [E] [P] à l’égard de la société BNP Paribas Suisse ;
RENVOIE [G] [P] et [R] [E] [P] à mieux se pourvoir contre la société BNP Paribas Suisse ;
RENVOIE l’instance opposant [G] [P] et [R] [E] [P] à [T] [N] et à la société civile professionnelle Jacquiot-Monteillard, [N], Royer et Dujon devant le tribunal judiciaire de Bonneville, avec transmission du dossier dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 82 du code de procédure civile ;
CONFIRME toutes les autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
CONDAMNE [G] [P] et [R] [E] [P] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [G] [P] et [R] [E] [P] à payer à la société BNP Paribas Suisse la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [G] [P] et [R] [E] [P] à payer à [T] [N] et à la société civile professionnelle Catherine Jacquiot-Monteillard, [T] [N], [V] Royer et Sophie Dujon notaires associés, ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum [G] [P] et [R] [E] [P] aux entiers dépens ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.
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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT