Monsieur [M] [S] a déposé une demande de permis de construire le 4 décembre 2014 pour surélever un pavillon à [Adresse 3], qui a été accordé le 19 janvier 2015 avec des conditions spécifiques. La SCI Solau a ensuite demandé le transfert de ce permis, ce qui a été accepté. Un contrat a été signé le 31 juillet 2015 entre la SCI Solau et l’architecte Monsieur [H] [E] pour la surélévation et la création de logements. Un avenant a été ajouté le 2 novembre 2015 pour la création de trois appartements supplémentaires.
La SCI Solau a déposé une demande de permis complémentaire le 16 mars 2016, qui a été refusée en raison de non-conformités avec le Plan Local d’Urbanisme. Suite à cela, la SCI Solau a demandé une indemnisation à Monsieur [E] pour les préjudices subis à cause des refus de permis et des travaux engagés sans autorisation. Un constat d’huissier a été réalisé le 26 juillet 2016. La SCI Solau a ensuite assigné Monsieur [H] [E] et son assureur devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la résolution du contrat et le remboursement des sommes versées. Le tribunal a rendu un jugement le 9 avril 2019, condamnant Monsieur [E] à verser 12 000 euros de dommages et intérêts à la SCI Solau. Monsieur [H] [E] a interjeté appel le 21 février 2021, demandant la confirmation du jugement sauf pour la condamnation à payer 12 000 euros. La SCI Solau a également déposé des conclusions en appel pour confirmer le jugement initial et demander des remboursements supplémentaires. La cour a prononcé la clôture de la mise en état le 16 janvier 2024 et a finalement infirmé le jugement en déboutant la SCI Solau de toutes ses demandes et en la condamnant aux dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n° /2024, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03538 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFGW
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 janvier 2021 – tribunal judiciaire de Paris – RG n° 20/01942
APPELANT
Monsieur [H] [E]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090
INTIMEE
S.C.I. SOLAU prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne-Constance COLL de la SELASU CABINET COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère
Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 19 juin 2024 et prorogé au 25 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Une demande de permis de construire a été déposé par Monsieur [M] [S] le 4 décembre 2014 pour la surélévation d’un pavillon existant, situé [Adresse 3].
Ce permis de construire a été accordé par arrêté du 19 janvier 2015, sous réserve du respect des prescriptions du Code civil relatives aux vues obliques et aux vues droites, à la hauteur et à la distance des fenêtres conformément au Plan Local d’Urbanisme, au non déplacement des arbres et des équipements existants, précisant en outre que « les travaux sont autorisés sur un pavillon individuel comprenant un seul logement , tout aménagement de logement supplémentaire devant faire l’objet d’une déclaration ».
La SCI Solau a sollicité le 6 juillet 2015 le transfert dudit permis de construire lequel a été accordé à son bénéfice au vu du respect des mêmes prescriptions et avis que ceux émis lors de l’autorisation délivrée le 19 janvier 2015.
La SCI Solau, en qualité de maître d’ouvrage, a signé le 31 juillet 2015 avec Monsieur [H] [E] en qualité d’architecte, un contrat intitulé « Contrat d’architecte pour travaux sur existants Partie 1 Cahier des Clauses Particulières » ayant pour objet la « Surélévation, Extension, création de 8 logements de l’immeuble à destination d’habitation unifamiliale, sis [Adresse 3] ».
Le contrat d’architecte comporte les missions suivantes :
– Phase 1 Mission Diagnostic, Esquisse, Avant-Projet Sommaire.
– Phase 2 Mission Conception et Travaux : Etudes d’Avant-Projet Définitif (APD), Dossier de Permis de Construire ou autres autorisations (APD), Etudes de Projet de Conception Générale (PCG), Assistance pour la Passation des Marchés de Travaux (APD), Dossiers de Consultation des Entreprises (DCE) et Assistance aux Opérations de Réception (AOR).
Au titre des missions complémentaires il était également prévu les missions ECC (Elaboration du Cahier des Charges) et OPC ( Ordonnancement, Pilotage, Coordination).
Un délai d’approbation des documents de l’Architecte de 7 jours était prévu à la clause Article P8.
Les conditions générales jointes au contrat ont été signées des parties à une date non précisée et les honoraires convenus à hauteur de la somme de 12 200 euros TTC figurant au bas du détail de la mission co-signée des parties le 3 août 2015, portée à 12 400 euros TTC par un écrit également co-signé des parties en date du 21 mai 2015.
Par un avenant du 2 novembre 2015, les parties ont convenu de la « création et du suivi de chantier de 3 appartements supplémentaires sur l’extension arrière pour un montant forfaitaire de 5 000 euros TTC livrés fini avec tous les aménagements identiques aux huit autres. Les modalités de paiement supplémentaires sont ainsi définies : premier acompte de 50 % soit 2 500 euros le 30 décembre 2015, le solde réparti en 4 mensualités de 625 euros ».
La SCI Solau a déposé le 16 mars 2016 une demande de permis de construire complémentaire complétée le 11 avril 2016 en vue de l’extension et de la surélévation de la construction existante sis [Adresse 3] qui a été refusée au regard du non-respect de l’article UB5-II alinéa 1 du règlement du PLU, l’unité foncière n’étant pas constructible compte tenu de sa largeur de façade s’élevant à 10,94 mètres et du non-respect de la condition tenant à ce que les travaux sont autorisés sur un pavillon individuel comprenant un seul logement, tout aménagement supplémentaire devant faire l’objet d’une déclaration complémentaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2016 le conseil de la SCI Solau sollicitait de Monsieur [E] l’indemnisation des préjudices financiers et de la perte de chance d’un investissement futur au motif des refus successifs de permis de construire, de l’injonction délivrée par la mairie de cesser immédiatement les travaux soulignant que ceux-ci ont été engagés sans obtention préalable de l’autorisation de construire, la création de plusieurs logements ayant été clairement exprimée par la SCI Solau cependant que le transfert du permis de construire ne prévoyait pas cette création imputant à l’architecte un manquement à son obligation de diligence et de conseil.
Un procès-verbal de constat a été dressé par Maître [K] [C], huissier de justice, le 26 juillet 2016 pour constater l’état d’avancement des travaux au [Adresse 4] à [Localité 7].
La SCI Solau a assigné Monsieur [H] [E] et son assureur la MAF, par exploits séparés délivrés le 22 et le 28 mars 2017 devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins de juger la résolution judiciaire du contrat et en remboursement des sommes versées.
Le tribunal, par jugement réputé contradictoire du 9 avril 2019, a ainsi statué :
CONDAMNE Monsieur [H] [E] à payer à la SCI Solau la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
CONDAMNE Monsieur [H] [E] à payer à la SCE SOLAU le somme de 3.000 euros de l’article 700 du code de procédure civile,
Le CONDAMNE aux entiers dépens,
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.
Monsieur [H] [E] a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 21 février 2021.
Par conclusions d’appelant signifiées le 9 décembre 2021 Monsieur [H] [E] demande à la cour de :
Recevoir Monsieur [E] en ses conclusions et le déclarant bien fondé, vu les articles 1147 ancien Code Civil / 1231.1 nouveau Code Civil, et 1184 du Code Civil, vu le jugement pris le 5 JANVIER 2021 par la 7°Chambre du TRIBUNAL JUDICIAIRE de PARIS dont appel, vu les conclusions noti ées par la SCI SOLAU au visa des articles 1147 et 1189 du Code Civil et ses onze pièces communiquées
1- Confirmer le jugement, rendu le 5 janvier 2021, par le Tribunal Judiciaire de Paris, hormis en ce qu’il a condamné Monsieur [E] à payer 12.000 Euros à la SCI SOLAU, et statuant à nouveau,
2- Constater que la SCI SOLAU ne rapporte pas la preuve d’un lien causal entre les préjudices dont elle se dit victime, ni la preuve d’une certitude de préjudice non-forfaitaire, ni celle d’une faute quelconque de Monsieur [E],
3-In rmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Monsieur [E] au visa unique de l’article 1134 ancien du Code Civil au paiement de la somme de 12.000 Euros d’indemnisation pour préjudice de jouissance en raison de la période d’avril à juillet 2016,
4- Généralement, débouter la SCI SOLAU en toutes ses demandes, constater qu’il n’appartient pas au défendeur ni au Juge de se substituer dans la carence du demandeur quant à la preuve de ses allégations,
5- Condamner la SCI SOLAU à indemniser Monsieur [E] des frais irrépétibles qu’il doit dépenser pour résister à l’action, à hauteur de 3.000 Euros au visa des dispositions de l’article700 du CPC, et admettre Maitre FLAURAUD Avocat constitué à poursuivre ses dépens, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.
Par conclusions d’intimé n°2 signifiées le 24 janvier 2022 la SCI Solau demande à la cour de :
Vu l’article 1147 et 1189 du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats,
RECEVOIR la SCI SOLAU en ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
CONFIRMER le jugement rendu le 05 janvier 2021 par le Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il :
– Condamne Monsieur [E] à payer à la SCI SOLAU la somme de 12.000euros à titre de dommages et intérêts ;
– Dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;
– Condamne Monsieur [E] à payer à la SCI SOLAU la somme de 3.000 euros de l’article 700 du code de procédure civil, ainsi qu’aux entiers dépens ;
CONDAMNER Monsieur [E] à payer à la SCI SOLAU la somme de 76.500 euros à titre de remboursement des versements effectués par la SCI SOLAU entre février et mai 2016 sans avancement des travaux, ni justificatif de l’affectation de ladite somme ;
En tout état de cause,
DEBOUTER Monsieur [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2024.
LA COUR
1 – Sur la responsabilité de l’architecte
Le tribunal a constaté l’abandon du chantier imputable à l’architecte à la date du constat d’huissier établi par la SCI Solau au 26 juillet 2016, a refusé de prononcer la résolution du contrat compte tenu de l’avancement des travaux permettant de constater que l’immeuble est clos et couvert. Il a limité la réparation du préjudice au retard de livraison accordant un préjudice de jouissance de 3 000 euros par mois entre le 1er avril 2016 et le 27 juillet 2016 soit au total 12 000 euros.
Monsieur [H] [U] rappelle qu’il a développé le dossier de demande de permis de construire de Monsieur [S] transféré à la SCI Solau dont la mention, essentielle selon lui à la compréhension du litige relative à l’obligation de déclarer tout aménagement de logement supplémentaire dans la construction, était soumise à une simple déclaration. Le projet n’a pas été poursuivi par Monsieur [S] faute de moyens et tant la parcelle que les droits à construire ont été repris par Messieurs [O] et [Y], tous deux marchands de biens, associés dans la SCI Solau le 15 septembre 2015, laquelle ne peut selon l’appelant, revendiquer plus de droits que ceux qu’elle a acquis. Il affirme n’avoir jamais donné aucune assurance quant à l’obtention des autorisations de travaux supplémentaires, le contrat d’architecte stipulant, au demeurant de manière imprécise, « deux logements de type T1 » et « huit logements » dans un bâtiment initialement à habitation unique avec un budget de 176 594 euros TTC, insuffisant, moyennant une rémunération forfaitaire, également insuffisante, dont il précise qu’elle ne comportait aucune mission technique de conception, la SCI Solau ayant imposé son entreprise de maçonnerie avec laquelle elle a conclu un avenant portant création de trois appartements sur l’extension arrière, sans souscrire d’assurance dommages-ouvrage et ayant fait l’économie d’un contrôleur technique. Il observe que le chantier ouvert en octobre 2015 a été achevé, les logements sont occupés, la SCI Solau en perçoit la rentabilité locative et rappelle n’avoir pas visé les situations comptables de l’entreprise générale Cubique Construction choisie directement par Messieurs [Y] et [O]. Postérieurement à cette première tranche de travaux, le 16 décembre 2015 puis le 16 mars 2016, la SCI Solau a sollicité de la mairie à deux reprises un permis de construire pour l’extension de la surface de plancher de 206,77 mètres carré, à destination d’habitation, refusée la première fois pour des motifs mineurs tenant à l’esthétique du projet et, la seconde fois, au regard de la règle d’urbanisme posée par l’article UB 5 11 du PLU qui impose pour la constructibilité d’une unité foncière, une largeur de façade au moins égale à 12 mètres alors que la largeur du terrain sur la rue était en l’espèce limitée à 10,94 m2 de sorte que la SCI Solau n’avait aucune chance de réaliser ce collectif. La SAS Cubique Constructions ayant été mise en liquidation judiciaire, clôturée le 8 août 2016, les travaux ont été achevés par les sous-traitants et Monsieur [E] indique n’y avoir pas participé. Au constat qu’à hauteur d’appel la SCI Solau a renoncé à ses revendications initiales relatives au dépassement de budget, Monsieur [Z] sollicite l’infirmation du jugement qui a statué sur le préjudice de jouissance dérivé d’une revendication de perte de rentabilité locative de logements ne caractérisant selon lui aucun préjudice indemnisable s’agissant d’une créance illégale, puisque la réalisation du collectif de logements est elle-même illégale. Il souligne que l’arrêté du 19 janvier 2015 permettait une certaine confiance et n’interdisait nullement a priori de réaliser plus d’un logement, l’empêchement à la réalisation du programme collectif n’ayant été identifié que lorsque la mairie a eu connaissance du découpage en huit puis onze logements. Il conclut que la SCI Solau ne peut revendiquer aucun préjudice indemnisable contre l’architecte à défaut de démontrer un lien causal entre l’architecte et l’impossibilité de réaliser le nombre de logements, outre l’absence de preuve d’un gain manqué et/ou d’une perte de chance de réaliser plusieurs logements, cette réalisation étant impossible cependant qu’il lui a été donné d’apprendre en 2020 que la Mairie de [Localité 8] avait depuis lors délivré le permis de construire ce qui montre la faisabilité de l’opération.
La SCI Solau, au soutien de la confirmation du jugement qui lui a alloué réparation de son préjudice de jouissance, fait valoir que Monsieur [E] s’est chargé seul de la faisabilité du projet et de la demande de permis de construire et qu’il a débuté les travaux d’extension sans disposer d’aucun permis de construire sauf pour l’élévation, et ce au mépris des dispositions de l’article L 421-1 du Code de l’Urbanisme et en violation également des obligations tirées de la loi du 3 janvier 1977 en omettant de réaliser un avant-projet et des études préliminaires. Elle ajoute que Monsieur [E] ne justifie d’aucune trace attestant de l’avancement des travaux dont il devait assurer le suivi les acomptes appelés couvrant à la fois la rémunération de l’architecte et celle des entreprises ce qui est interdit. Elle en infère le manquement de l’architecte à ses obligations contractuelles de renseignement et de conseil et, sur le préjudice, les travaux n’ayant pas été achevés à la date prévue soit le 1er avril 2016 elle indique n’avoir pu percevoir les loyers qu’à partir du 1er août 2017 pour la première locataire puis à partir du 1er septembre 2017 ce qui fonde selon l’intimée la confirmation des dispositions du jugement relativement aux dommages et intérêts à laquelle elle ajoute, sur appel incident, une demande de 76 500 euros correspondant au remboursement des versements effectués entre février et mai 2016 sans justification de l’avancement des travaux.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l’article 1147 du Code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
Selon les dispositions de l’article 1149 du même code : « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. »
Les dispositions du Code de déontologie des architectes énoncent :
– Article 12 : « L’architecte doit assumer ses missions en toute intégrité et clarté et éviter toute situation ou attitude incompatibles avec ses obligations professionnelles ou susceptibles de jeter un doute sur cette intégrité et de discréditer la profession. Pendant toute la durée de son contrat, l’architecte doit apporter à son client ou employeur le concours de son savoir et de son expérience. »
– Article 33 : « Les missions confiées à l’architecte doivent être accomplies par lui- même ou sous sa direction. L’architecte doit adapter le nombre et l’étendue des missions qu’il accepte à ses aptitudes, à ses connaissances, à ses possibilités d’intervention personnelle, aux moyens qu’il peut mettre en oeuvre, ainsi qu’aux exigences particulières qu’impliquent l’importance et le lieu d’exécution de ces missions. Il doit recourir en cas de nécessité à des compétences extérieures. »
– Article 36 : « Lorsque l’architecte a la conviction que les disponibilités dont dispose son client sont manifestement insuffisantes pour les travaux projetés, il doit l’en informer. Outre des avis et des conseils, l’architecte doit fournir à son client les explications nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des services qu’il lui rend. L’architecte doit rendre compte de l’exécution de sa mission à la demande de son client et lui fournir à sa demande les documents relatifs à cette mission. L’architecte doit s’abstenir de prendre toute décision ou de donner tous ordres pouvant entraîner une dépense non prévue ou qui n’a pas été préalablement approuvée par le maître d’ouvrage. »
Les manquements invoqués à l’encontre de l’architecte doivent donc être examinés à l’aune des obligations résultant de son exercice professionnel, dans les limites de la mission contractée et n’ouvrent droit à réparation que dans la mesure où ces manquements sont à l’origine d’un préjudice indemnisable au sens des dispositions de l’article 1149 précitées.
Il a été rappelé dans l’exposé des faits que la mission confiée par la SCI Solau à Monsieur [E] porte sur :
– Phase 1 Mission Diagnostic, Esquisse, Avant-Projet Sommaire
– Phase 2 Mission Conception et Travaux : Etudes d’Avant-Projet Définitif (APD), Dossier de Permis de Construire ou autres autorisations (APD), Etudes de Projet de Conception Générale (PCG), Assistance pour la Passation des Marchés de Travaux (APD), Dossiers de Consultation des Entreprises (DCE) et Assistance aux Opérations de Réception (AOR)
– missions complémentaires : ECC ( Elaboration du Cahier des Charges) et OPC (Ordonnancement, Pilotage, Coordination).
Cette mission, contrairement à ce que soutient Monsieur [E], engage sa responsabilité quant au choix des entreprises et met à sa charge la réalisation des études préliminaires, l’avant-projet définitif ainsi que le dossier de permis de construire et toutes autres autorisations dans le cadre des études d’avant-projet définitif.
Monsieur [E], intervenu en qualité d’architecte, professionnel de la construction, s’est engagé à constituer le Dossier de Consultation des Entreprises, obligation dont il ne peut s’exonérer par la seule affirmation, nullement étayée, selon laquelle la SCI Solau lui aurait imposé le choix d’une entreprise générale alors qu’il lui appartenait, au regard de son savoir et de son expérience, de mettre en garde le maître d’ouvrage sur les conséquences de ce choix contraire à l’obligation contractée.
Cependant la SCI Solau ne produit aucun élément sur les circonstances ( liquidation judiciaire, défaillances constatées, réclamations du maître d’ouvrage adressées à l’entreprise de travaux) permettant de relier l’arrêt du chantier à l’arrêt d’activité de l’entreprise principale lequel n’a pas été constaté, le procès-verbal d’huissier établi le 26 juillet 2016 sans que celle-ci y ait été appelée, montrant que les travaux sont en cours de réalisation : les portes et les menuiseries sont posées, les doublages des murs également, les câbles électriques sont installés, le clos et le couvert sont assurés, l’inachèvement de la chape de ciment et des peintures ainsi que l’absence de pose des équipements sanitaires et électriques ne pouvant être imputés à l’architecte alors que les travaux sont en cours d’exécution et que ne sont produits ni les comptes rendus de chantier ni aucune pièce permettant d’étayer la défaillance alléguée de l’entreprise.
Aucun élément ne permet par ailleurs d’imputer l’arrêt du chantier à l’intervention de la mairie qui, selon l’appelante, en aurait interdit la poursuite faute d’avoir satisfait aux déclarations complémentaires nécessaires à la construction des huit logements.
Il est justifié par Monsieur [E], de la réalisation des plans de façade, coupes, plans de masse caractérisant l’Avant-Projet Sommaire et les Etudes Préliminaires et du Cahier des Clauses Particulières ( CCTP) établi lot par lot signé des représentants de la SCI Solau (date non précisée) stipulant la surélévation et l’extension d’une maison individuelle pour la création de huit logements.
Le contrat d’architecte signé le 31 juillet 2015 stipule également en partie 1 Cahier des Clauses Particulières « la Surélévation, Extension, création de 8 logements de l’immeuble à destination d’habitation unifamiliale, sis [Adresse 3] ».
Le permis de construire demandé par Monsieur [M] [S] le 4 décembre 2014, transféré à la SCI Solau le 6 juillet 2015 comporte les mêmes prescriptions relatives à l’autorisation des travaux « sur un pavillon individuel comprenant un seul logement » et précise que : « tout aménagement de logement supplémentaire devant faire l’objet d’une déclaration ».
Or Monsieur [E] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du dépôt d’une déclaration complémentaire satisfaisant aux prescriptions du permis de construire transféré en application de l’article UB5-II alinéa 1 du règlement du PLU, l’aménagement des huit logements procédant d’un changement de destination de l’habitat initialement unifamilial.
Ce faisant et alors que l’élaboration du dossier de permis de construire lui incombait, Monsieur [E], débiteur de l’obligation d’adapter sa mission aux exigences particulières du dossier de permis de construire, n’a pas anticipé cette obligation déclarative complémentaire lors du dépôt du permis de construire du 16 mars et 11 avril 2016 et les travaux ont démarré alors même que le permis de construire pour les huit logements collectifs n’était pas accordé.
Le manquement de l’architecte a donc directement concouru au refus de permis de construire mais pour être indemnisable ce refus doit être constitutif d’un préjudice or la SCI Solau, qui ne conteste pas l’affirmation de l’intimé selon laquelle la construction du collectif de huit logement a finalement abouti, ainsi que l’établit le permis de construire délivré le 12 janvier 2017 pour la construction de huit logements, ne produit aucun courrier ou courriels, mettant en cause la responsabilité de l’architecte du chef de ce refus, avant le courrier adressé par son conseil au mois d’août 2016.
La SCI Solau ne caractérise pas non plus le retard pris dans la commercialisation des appartements du fait de ce refus, en l’absence de calendrier d’exécution des travaux et/ou des compte rendus de chantier témoignant des mises en garde relatives aux délais non tenus ou de l’obligation d’arrêter le chantier du fait du permis de construire non-accordé.
Ainsi en l’absence de démonstration de la perte subie et/ou du gain manqué déterminable au vu de la date prévue de fin du chantier (non stipulée au CCTP) ou d’un calendrier d’exécution postérieurement établi ( non produit) et du point de départ de la commercialisation ( aucun bail ou attestation de gestion locative émanant d’un professionnel agréé n’est produit) le préjudice de jouissance invoqué par la SCI Solau n’est ni déterminable ni déterminé et il ne saurait y être fait droit quand par ailleurs, la SCI Solau ne réclame pas réparation d’une perte de chance de commercialisation et/ou d’un préjudice moral du fait du démarrage des travaux alors que le permis de construire n’était pas accordé.
Sur infirmation du jugement la SCI Solau sera donc déboutée de ce chef.
La SCI Solau réclame le remboursement des sommes réglées au titre de la location de benne, des fournitures du chantier, du matériel et de la main d »uvre pour le mois d’avril et le mois de mai 2016 et produit au soutien de sa demande en paiement de la somme de 76 500 euros des factures sans en-tête ni dénomination sociale de l’entité les ayant émises, adressée à Monsieur [E] Architecte.
Or la preuve de l’arrêt des travaux à cette période n’est pas rapportée, le constat d’huissier, n’ayant été établi qu’au mois de juillet 2016 et aucune pièce ne venant étayer que ces fournitures ont été mobilisées en pure perte.
La SCI Solau sera donc déboutée de toutes ses demandes.
2 – Les frais irrépétibles et les dépens
Le sens de l’arrêt conduit à infirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens.
Statuant de ces chefs, chacune des parties supportera les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel et la SCI Solau, succombante, sera condamnée aux entiers dépens.
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
DEBOUTE la SCI Solau de l’intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE la SCI Solau aux entiers dépens.
La greffière, La présidente de chambre,