La société Maisons évolution a signé un contrat de construction avec M. et Mme [M] pour un pavillon à [Localité 6]. Elle a sous-traité à la société Locapelle BTP le remblaiement des terres après la réalisation de la dalle du rez-de-chaussée. Des fissures sont apparues dans les murs du sous-sol, entraînant une expertise qui a conclu à une faute de la société Locapelle, accusée d’avoir frappé le mur avec une pelleteuse. Après avoir sollicité la garantie de son assureur, la société Maisons évolution a tenté un règlement amiable, puis a assigné Locapelle en réparation. Le tribunal de commerce de Melun a débouté Maisons évolution de ses demandes et a condamné cette dernière à payer Locapelle. En appel, Maisons évolution a contesté le jugement, tandis que Locapelle a demandé la confirmation de la décision initiale. La cour a finalement infirmé partiellement le jugement, condamnant Maisons évolution à verser une somme réduite à Locapelle et à payer les dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 5
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2024
(n° /2024, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10651 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2HC
Décision déférée à la Cour : jugement du 22 mars 2021 – tribunal de commerce de MELUN – RG n° 2018F00305
APPELANTE
Société MAISONS EVOLUTION, société de construction de maisons individuelles, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérôme HOCQUARD de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087, substitué à l’audience par Me Florence REGENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P87
INTIMEE
S.A.R.L. LOCAPELLE BTP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sylvie DELACOURT, présidente faisant fonction de conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Ludovic Jariel, président de chambre
Mme Sylvie Delacourt, présidente faisant fonction de conseillère
Mme Viviane Szlamovicz, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
– contradictoire.
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 03 juillet 2024 et prorogé au 25 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Ludovic Jariel, président de chambre et par Manon Caron, greffière, présent lors de la mise à disposition.
La société Maisons évolution, ayant pour activité la construction de maisons individuelles, a conclu un contrat de construction avec M. et Mme [M] pour réaliser un pavillon sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6] (93), comprenant en soubassement de la maison, un vide sanitaire sur un mur en agglomérés creux de 20cm sur une hauteur de 0,62m sous la partie aménagée et un sous-sol comprenant un mur périphérique de refends en agglos d’une hauteur de 2,25m.
Le 31 mars 2016, par un contrat de sous-traitance, la société Maisons évolution a confié à la société Locapelle BTP (la société Locapelle), la charge de procéder au remblaiement des terres du niveau sous-sol, une fois que la dalle du rez-de-chaussée aurait été réalisée.
Le 19 avril 2016, la société Locapelle a réalisé les travaux.
Des fissures, localisées au niveau des murs périphériques du soubassement du sous-sol garage, sont apparues.
La garantie de l’assureur de la société Maisons évolution a été mobilisée et la société Saretec construction (la société Saretec) a été missionnée pour étudier les circonstances ayant conduit à l’incident.
Après avoir exclu un défaut de portance du mur de refend, l’expert en assurance a conclu à une faute de la société Locapelle, laquelle aurait violemment frappé le mur avec le godet de la pelleteuse durant l’excavation des terres.
Le 10 juillet 2017, à la suite du rapport remis par la société Saretec, la société Maisons évolution a sollicité la garantie de son assureur qui l’a invitée à se retourner directement contre l’assureur RCP de la société Locapelle, la société Axa France IARD.
Le 29 novembre 2017, la société Maisons évolution a tenté d’obtenir un règlement amiable de la société Locapelle et de son assureur.
Le 26 Juillet 2018, la société Maisons évolution a assigné en réparation de ses préjudices la société Locapelle, qui a reconventionnellement sollicité le paiement du solde de son marché.
Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal de commerce de Melun a statué en ces termes :
Déboute la société Maisons Evolution de l’ensemble de ses prétentions,
Condamne la société Maisons Evolution à payer à la société Locapelle la somme de vingt-deux mille cent un euros et quarante-deux centimes (22 101,42 euros) correspondant au solde lui restant dû au titre des différentes factures émises et ce avec intérêts au taux légal,
Condamne la société Maisons Evolution à payer à la société Locapelle la somme de trois mille euros TTC (3 000 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les autres défenderesses de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société Maisons Evolution en tous les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 115,46 euros TTC.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration en date du 7 juin 2021, la société Maisons évolution a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour la société Locapelle.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2023, la société Maisons évolution demande à la cour de :
A titre principal,
Infirmer les chefs du jugement déféré en ce qu’ils ont condamné la société Maisons Evolution à verser à la société Locapelle la somme de 22 101,42 euros ;
Statuant à nouveau,
Débouter la société Locapelle de sa demande de paiement de la somme de 22 101,42 euros correspondant au solde qu’elle prétend lui rester dû au titre de différentes factures et avoirs et plus généralement de toute demande de paiement ;
En tout état de cause
Condamner la société Locapelle à verser à la société Maisons Evolution la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Locapelle aux entiers dépens de première instance et d’appel dont recouvrement par Me Hocquard, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 décembre 2021, la société Locapelle demande à la cour de :
Juger que la société Maisons Evolution n’apporte la moindre preuve d’une faute de la société Locapelle, engageant sa responsabilité,
Juger, au contraire, qu’il ressort de l’expertise amiable une absence de responsabilité de la société Locapelle dans l’origine du » sinistre » dont s’agit,
En conséquence,
Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et, notamment, en ce qu’il a condamné la société Maisons Evolution à payer à la société Locapelle la somme de 22 101,42 euros correspondant au solde lui restant dû au titre des différentes factures émises et ce avec intérêts au taux légal, outre celle de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouter la société Maisons Evolution de toutes autres demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société Locapelle,
Y ajoutant
Condamner la société Maisons Evolution à payer à la société Locapelle, la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner enfin la société Maisons Evolution aux entiers dépens de la présente instance.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 12 septembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 3 avril 2024, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
Préalable
Les demandes de » juger » ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d’aucune demande (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-18.778).
Sur le périmètre de la déclaration d’appel
La société Maisons évolution fait état d’une procédure engagée par la société Locapelle devant le président du tribunal de commerce de Melun, visant à obtenir le paiement provisionnel de plusieurs factures impayées pour un montant de 22 101,42 euros, sous déduction d’un certain nombre d’avoirs.
Cette procédure aurait été jointe, dans le cadre d’une passerelle, à celle engagée au fond par la société Maisons évolution relative à la responsabilité des fissures lors de la construction du pavillon.
Le jugement soumis à l’examen de la cour ne mentionne pas cette jonction.
Néanmoins, la société Maisons évolution a limité son appel à sa condamnation à payer à la société Locapelle 22 101, 42 euros en principal, 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et 115,46 euros de dépens.
L’appelante ne discute pas dans ses conclusions récapitulatives la responsabilité des désordres résultant des fissures.
Elle conteste uniquement le bien-fondé de la condamnation en principal, en ce qu’elle aurait réglé les sommes réclamées par la société Locapelle dans le cadre du partenariat commercial qu’elles entretenaient.
Il n’y a donc pas lieu de revenir, comme le fait la société Locapelle dans ses conclusions, sur la question de la responsabilité au titre des fissures.
Ce point ne sera donc pas examiné par la cour.
Sur le paiement des factures réclamées par la société Locapelle
Moyens des parties
La société Maisons évolution expose qu’elle a procédé à des règlements trimestriels globaux à l’égard de la société Locapelle, du fait qu’elle entretenait avec elle un partenariat régulier.
Elle explique qu’elle a été condamnée à payer à la société Locapelle la somme de 22 101,42 euros au titre du solde restant dû sur des factures impayées, alors même qu’elle a procédé à leur règlement entre le 15 juin et le 26 septembre 2017.
La société Locapelle soutient qu’elle est bien fondée à réclamer le paiement de la somme de 22 101,42 euros TTC correspondant au solde qui lui reste dû et dont elle justifie en produisant un récapitulatif des factures émises auprès de la société Maisons évolution depuis le 17 juillet 2015 et, également, les factures émises depuis le 10 décembre 2016.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Aux termes de l’article R. 123-173 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-903 du 23 juillet 2015, tout commerçant tient obligatoirement un livre-journal et un grand- livre. Le livre-journal et le grand-livre peuvent, à la demande du commerçant, être cotés et paraphés, dans la forme ordinaire et sans frais, par le greffier du tribunal dans le ressort duquel le commerçant est immatriculé. Chaque livre reçoit un numéro d’identification répertorié par le greffier sur un registre spécial. Des documents sous forme électronique peuvent tenir lieu de livre-journal et de grand-livre ; dans ce cas, ils sont identifiés et datés dès leur établissement par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve.
Il appartient à la cour d’apprécier la valeur probante des documents qui lui sont soumis (3e Civ., 13 juillet 2023, pourvoi n° 22-17.190) et à la société Locapelle de prouver que les prestations facturées ont été commandées et réalisées (Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-14.888).
En l’occurrence, la société Locapelle produit les factures suivantes :
– N° 160870 du 10 décembre 2016, pour un montant de 1 716,17 euros TTC,
– N° 170469 du 9 juin 2017, pour 1 900 euros TTC,
– N° 170471 du 9 juin 2017, pour 635,82 euros TTC,
– N° 170472 du 9 juin 2017, pour 834,40 euros TTC,
– N° 170479 du 13 juin 2017, pour 1 805 euros TTC,
– N° 170652 du 31 juillet 2017, pour 2 979,26 euros TTC,
– N° 170985 du 9 novembre 2017, pour 7 933,22 euros TTC,
– N° 170986 du 9 novembre 2017, pour 4 979 euros TTC.
Soit un total de 22 782,87 euros TTC.
Elle produit également les avoirs suivants :
– N° 170202 du 23 mars 2017, pour 210,81 euros TTC,
– N° 171083 du 12 décembre 2017, pour 229,40 euros TTC,
– N° 180041 du 31 janvier 2018, pour 241,24 euros TTC,
Soit un total de 681,45 euros TTC.
Elle justifie ainsi de la somme de 22 101,42 euros dont elle a effectivement demandé le paiement provisionnel par une assignation de la société Maisons évolution devant le président du tribunal de commerce de Melun du 24 juillet 2018.
De son côté, la société Maisons évolution conteste devoir, en ce qu’elles seraient indues, les factures :
– N° 170985 du 9 novembre 2017, pour 7 933,22 euros TTC qui n’a pas fait l’objet d’un ordre de service,
– N° 170986 du 9 novembre 2017, pour 4 979 euros TTC qui fait doublon avec la précédente en ce qu’elle concerne les mêmes quantités de terre excavée que la facture N° 170985 et porte sur des raccordements extérieurs déjà facturés dans celle-ci.
La société Locapelle qui ne rapporte pas la preuve que les travaux facturés le 9 novembre 2017 pour 7 933,22 euros et 4 979 euros ont bien été commandés par la société Maisons évolution et correspondent à des prestations différentes effectivement réalisées, ne verra pas sa demande en paiement prospérer
Pour justifier des paiements intervenus sur les autres factures, la société Maisons évolution produit une impression d’écran qu’elle désigne en pièce n° 1 sous la dénomination » relevé de compte du grand livre comptable Locapelle « , sans qu’il puisse être établi que ce document soit effectivement le grand-livre mentionné à l’article R. 123-173 du code de commerce.
Il est illisible en ce qui concerne la somme figurant sur la première ligne de compte de la page 4 qui serait contestée par la mention manuscrite en marge » pas OK « .
Il mentionne dans une colonne intitulée » crédit(société) « , des sommes qui correspondent aux factures suivantes de la société Locapelle :
– N° 160870 du 10 décembre 2016 pour un montant de 1 716,17 euros TTC,
– N° 170471 du 9 juin 2017 pour 635,82 euros TTC,
– N° 170472 du 9 juin 2017 pour 834,40 euros TTC,
– N° 170479 du 13 juin 2017 pour 1 805 euros TTC,
– N° 170652 du 31 juillet 2017 pour 2 979,26 euros TTC,
– N° 170985 du 9 novembre 2017 pour 7 933,22 euros TTC laquelle est accompagnée de la mention » pas OS « .
L’indication de ces sommes dans la colonne » crédit (société) » ne démontre pas pour autant qu’elles ont fait l’objet d’un paiement effectif.
En conséquence, la société Maisons évolution ne rapporte pas la preuve des paiements qu’elle allègue avoir effectués au profit de la société Locapelle de nature à solder les factures réclamées par son ancienne partenaire commerciale à hauteur de la somme de 9 189,20 euros (22 101,42-7 933,22 – 4 979 = 9 189,20).
Le jugement sera donc infirmé.
Sur les frais du procès
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En cause d’appel, la société Maisons évolution, partie succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à la société Locapelle, la somme de 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour à l’exception des condamnations relatives aux dépens et aux frais irrépétibles,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Maisons évolution à payer à la société Locapelle BTP la somme de 9 189,20 euros,
Condamne la société Maisons évolution aux dépens ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, condamne la société Maisons évolution à payer à la société Locapelle BTP la somme de 2 000 euros.
La greffière, Le président de chambre,