Madame [H] a construit une véranda en 2011, confiant une partie des travaux à la SAS Rad Leaderbat, assurée par la SMABTP jusqu’à fin 2012. Des infiltrations sont apparues, entraînant une expertise judiciaire qui a révélé des malfaçons. En 2016, un jugement a été rendu, et des travaux de réparation ont été effectués par la SAS Rad Leaderbat en 2017. Face à la persistance des problèmes, une nouvelle expertise a été ordonnée en 2021 et 2022. La SMABTP a assigné la société d’assurance Areas Vie, prétendant qu’elle était l’assureur de Rad Leaderbat depuis 2013. Le juge a mis hors de cause Areas Vie, a reconnu l’intervention d’Areas Dommages, a débouté la SMABTP de ses demandes et l’a condamnée à verser des frais. La SMABTP a fait appel, contestant l’ordonnance. Areas Vie et Dommages ont demandé la confirmation de l’ordonnance et des dommages pour procédure abusive. La cour a confirmé l’ordonnance, débouté Areas Vie de sa demande de dommages, et condamné la SMABTP à verser des frais aux deux sociétés d’assurance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Numéro 24/02886
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/09/2024
Dossier : N° RG 23/02942 – N° Portalis DBVV-V-B7H-IVYD
Nature affaire :
Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction
Affaire :
SMABTP
C/
Cie d’assurances AREAS VIE
Société AREAS DOMMAGES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 25 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 19 Juin 2024, devant :
Madame FAURE, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Maître POTHIN-CORNU de la SELARLU KARINE POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître CASADEBAIG, de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES – ELIGE PAU – avocat au barreau de PAU
INTIMÉES :
Société AREAS VIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Société AREAS DOMMAGES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentées par Maître CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU
assistées de Maître GUESPIN, de la SCP GUESPIN CASANOVA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 18 OCTOBRE 2023
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 23/00164
Madame [H] a fait construire en 2011 une véranda attenante à sa maison d’habitation située à [Localité 6] (64), et a en partie confié les travaux à la SAS Rad Leaderbat, assurée auprès de la Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) jusqu’au 31 décembre 2012.
Suite à l’apparition d’infiltrations dans la véranda, une première expertise judiciaire a eu lieu, confiée à M. [K], lequel a établi l’existence de malfaçons rendant l’ouvrage impropre à sa destination, notamment imputables aux travaux réalisés par la SAS Rad Leaderbat.
Un jugement du tribunal judiciaire de Pau est intervenu le 20 mai 2016.
Selon devis du 22 novembre 2016 et facture du 18 octobre 2017, la SAS Rad Leaderbat a réalisé les travaux de réparation de la véranda, avec dépose globale et remise en place de l’ouvrage avec traitement de l’étanchéité.
Du fait de la persistance des désordres, et par ordonnances des 8 décembre 2021 et 28 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau a ordonné l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise judiciaire confiée à Mme [N], au contradictoire des entreprises intervenues aux travaux, et de leurs assureurs, dont la SAS Rad Leaderbat et la SMABTP.
Par acte de commissaire de justice du 19 mai 2023, la SMABTP a fait assigner la société d’assurance mutuelle Areas Vie, en sa qualité selon elle d’assureur de la SAS Rad Leaderbat à compter du 1er janvier 2013, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau aux fins que les opérations d’expertise en cours lui soient déclarées communes et opposables.
La société d’assurance mutuelle Areas Dommages est intervenue volontairement à l’instance.
Par ordonnance contradictoire du 18 octobre 2023 (RG n°23/00164), le juge des référés a :
– ordonné la mise hors de cause de la compagnie Areas Vie,
– constaté l’intervention volontaire de la compagnie Areas Dommages et l’a déclarée recevable,
– débouté la SMABTP de ses demandes,
– condamné la SMABTP à verser à la compagnie Areas Dommages la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toutes demandes plus amples et contraires,
– condamné la SMABTP aux dépens.
Le juge a retenu que la SMABTP ne démontre pas disposer d’un intérêt légitime à ce que les sociétés d’assurance mutuelle Areas Vie et Areas Dommages interviennent à la mesure d’expertise dès lors qu’il est justifié qu’à la période des travaux en 2017, elles n’étaient pas l’assureur de la SAS Rad Leaderbat.
Par déclaration du 8 novembre 2023 (RG n°23/02942), la SMABTP a relevé appel, critiquant l’ordonnance en toutes ses dispositions.
Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l’affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2023, la SMABTP, appelante, entend voir la cour :
– infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
– déclarer les opérations d’expertise confiées à Mme [N] communes et opposables à la société d’assurance mutuelle Areas Dommages es qualités d’assureur de la SAS Rad Leaderbat,
– condamner la société d’assurance mutuelle Areas Dommages à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa de l’article 145 du code de procédure civile :
– que la SAS Rad Leaderbat a résilié sa police d’assurance auprès de la SMABTP à compter du 31 décembre 2012, et a été assurée auprès de la compagnie Areas à compter du 1er janvier 2013,
– que les travaux de reprise de la véranda ne sont intervenus qu’en 2016 pour s’achever en octobre 2017,
– que si le contrat auprès de la société Areas a été résilié au 1er janvier 2014, elle reste le dernier assureur connu de la société Rad Leaderbat, et doit donc sa garantie subséquente, de sorte que sa présence aux opérations d’expertise est indispensable, l’expert ayant d’ores et déjà relevé que les désordres relevaient de la garantie décennale des constructeurs.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2024, la société d’assurance mutuelle Areas Vie et la société d’assurance mutuelle Areas Dommages, intimées, demandent à la cour de :
– les juger recevables et bien fonder en leurs demandes, et y faisant droit,
– confirmer l’ordonnance de référé,
– juger en effet que la SMABTP ne dispose d’aucun intérêt à agir à l’encontre de la société d’assurance mutuelle Areas Vie qui a pour objet exclusif de commercialiser des contrats d’assurance-vie et ne commercialise aucun contrat d’assurance de responsabilité décennale,
– mettre hors de cause la société Areas Vie,
– condamner la SMABTP à verser à la société Areas Vie la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Au surplus,
– juger que le contrat souscrit par la SAS Rad Leaderbat auprès de la société Areas Dommages a pris effet le 1er janvier 2012 et a été résilié au 1er janvier 2014 de telle sorte qu’il n’était pas en cours de validité au moment de la réalisation des travaux par la SAS Rad Leaderbat en 2017 ni au cours de la réclamation,
– juger par suite qu’aucune garantie de la société Areas Dommages n’est susceptible d’être mobilisée,
– juger en conséquence que la SMABTP ne justifie d’aucun intérêt légitime à l’encontre de la société Areas Dommages,
– mettre hors de cause la société Areas Dommages,
– débouter la SMABTP de toute demande plus ample ou contraire à leur encontre,
– condamner la SMABTP à leur verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SMABTP aux dépens.
Au soutien de leurs demandes, elles font valoir, au visa de l’article 1240 du code civil :
– que la société Areas Vie a pour activité exclusive la commercialisation de contrats d’assurance sur la vie de sorte qu’elle n’est pas l’assureur décennal ni responsabilité contractuelle de la SAS Rad Leaderbat, et que la SMABTP n’a donc pas d’intérêt à agir à son encontre,
– que la SMABTP a néanmoins maintenu la société Areas Vie dans la procédure de manière abusive, sans former de demande à son encontre, justifiant l’octroi de dommages et intérêts,
– que la SAS Rad Leaderbat était assurée auprès de la société Areas Dommages à compter du 1er janvier 2012, jusqu’au 1er janvier 2014, date de résiliation du contrat, de sorte que sa garantie décennale n’est pas mobilisable pour des travaux réalisés en 2017,
– que les garanties complémentaires à la responsabilité civile décennale ne sont pas mobilisables dès lors qu’aucune réclamation n’est intervenue pendant la période d’effet du contrat, et avant sa résiliation,
– que la SAS Rad Leaderbat est toujours en activité et à ce titre nécessairement assurée, de sorte que la SMABTP aurait pu lui faire délivrer sommation de communiquer ses attestations d’assurance ; qu’il n’est donc pas démontré que la société Areas Dommages est le dernier assureur de la SAS Rad Leaderbat,
– qu’il en résulte que la SMABTP n’a aucun intérêt à agir à l’encontre de la société Areas Dommages.
L’affaire a été retenue à l’audience du 19 juin 2024 pour y être plaidée.
– Sur l’intérêt à agir à l’encontre de la société mutuelle d’assurance Areas Vie
L’article 31 du code de procédure civile dispose que ‘l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.’
En l’espèce, une mesure d’expertise judiciaire est en cours aux fins de déterminer la responsabilité de la SAS Rad Leaderbat dans la réalisation de travaux de reprise de la véranda de Mme [H] suite aux désordres l’ayant affectée.
Il est établi, et n’est d’ailleurs pas contesté par la SMABTP qui ne formule aucune demande contre elle, que la société d’assurance mutuelle Areas Vie est étrangère à ce litige.
En effet, son objet social, tel que défini dans ses statuts, est de ‘réaliser toutes opérations d’assurance comportant des engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine, et de capitalisation ainsi que les opérations accessoires autorisées’.
En outre, elle n’est pas et n’a jamais été l’assureur responsabilité civile décennale ou contractuelle de la SAS Rad Leaderbat.
En conséquence, l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a mis hors de cause la société d’assurance mutuelle Areas Vie, faute d’intérêt de la SMABTP à agir à son encontre.
– Sur l’intérêt à agir à l’encontre de la société Areas Dommages
L’article 31 du code de procédure civile dispose que ‘l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.’
Aux termes de l’article L. 124-5 du code des assurances, ‘la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. (…)
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret. (…)’
En l’espèce, la SAS Rad Leaderbat a été assurée au titre de sa responsabilité civile décennale auprès de la société d’assurance mutuelle Areas Dommages du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, date à laquelle le contrat a été résilié.
Il n’est pas contesté que les travaux, objet de la mesure d’expertise judiciaire en cours, ont été réalisés suivant devis du 22 novembre 2016, de sorte que le fait dommageable est nécessairement postérieur à cette date.
Il en résulte que la garantie de la société d’assurance mutuelle Areas Dommages n’est pas mobilisable, que le contrat ait été souscrit en base fait dommageable (le fait dommageable devant survenir entre la prise d’effet de la garantie et sa date de résiliation, ce qui n’est pas le cas), ou en base réclamation (le fait dommageable devant survenir avant la résiliation du contrat et la réclamation devant intervenir entre la prise d’effet de la garantie et la date de résiliation du contrat, ce qui n’est pas le cas), et ce même au titre de sa garantie subséquente si la SAS Rad Leaderbat n’a pas été assurée après la résiliation du contrat, la condition relative à l’antériorité de la survenance du fait dommageable à la résiliation du contrat étant inchangée.
En conséquence, aucune action au fond n’est susceptible de prospérer à l’encontre de la société d’assurance mutuelle Areas Dommages, et l’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de la SMABTP de lui rendre communes et opposables les opérations d’expertise judiciaire, faute d’intérêt à agir à son encontre.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l’encontre
de la société mutuelle d’assurance Areas Vie
Aux termes de l’article 559 alinéa premier du code de procédure civile, ‘en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.’
Il est constant que l’abus d’exercice d’une voie de recours ne résulte pas du seul caractère infondé de la procédure, mais doit révéler le comportement fautif de l’auteur du recours.
En l’espèce, il n’est pas établi que la SMABTP aurait exercé son droit d’agir avec malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, de sorte que la demande de condamnation à des dommages et intérêts de ce chef sera rejetée.
L’équité commande que soit allouée une indemnité aux sociétés d’assurance mutuelle Areas Vie et Areas Dommages sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l’ordonnance en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant :
DÉBOUTE la société d’assurance mutuelle Areas Vie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la SMABTP à payer à la société d’assurance mutuelle Areas Vie et à la société d’assurance mutuelle Areas Dommages, ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE la SMABTP aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE