Mme [K] [S], propriétaire d’un terrain, a engagé la société Habitat Cote Sud pour la construction d’une maison et la société CH Construction pour le gros œuvre, avec un contrat total de 38 557,46 euros. Elle a souscrit un prêt de 150 010 euros et versé un acompte de 11 567 euros. Suite à la défaillance de CH Construction, elle a obtenu un jugement le 17 juillet 2023 pour récupérer son acompte et résilier le contrat. Elle a ensuite confié le chantier à M. [R] de JT Travaux Rénovation, avec un devis de 33 469,46 euros, et a versé deux acomptes totalisant 33 469,46 euros. M. [R] a également reçu un acompte de 12 007 euros pour la toiture. Le chantier, commencé en juin 2022, a été abandonné en août 2022, malgré les relances de Mme [K] [S]. Une expertise a révélé que M. [R] avait perçu 45 476,46 euros mais n’avait réalisé que 16 470,32 euros de travaux. Mme [K] [S] a déposé une plainte contre M. [R] et a tenté d’ouvrir une procédure collective à son encontre, mais le tribunal de commerce a déclaré sa demande irrecevable le 13 décembre 2023, car l’assignation avait été faite plus d’un an après la cessation d’activité de M. [R]. Elle a fait appel de cette décision le 23 décembre 2023, demandant la révision du jugement et l’ouverture d’une liquidation judiciaire contre M. [R]. Le ministère public a recommandé de confirmer la décision initiale, et l’arrêt a été rendu par défaut, confirmant le jugement du tribunal de commerce et laissant les dépens à la charge de Mme [K] [S].
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/232
Rôle N° RG 23/15860 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BMKUB
[K] [S]
C/
[W] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Beverly CAMBIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2023P01435.
APPELANTE
Madame [K] [S]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Beverly CAMBIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIME
Monsieur [W] [R]
entrepreneur individuel, exerçant sous l’enseigne JT TRAVAUX, demeurant [Adresse 3]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 19 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Gwenael KEROMES, Présidentea fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
Madame Agnès VADROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [K] [S], propriétaire d’un terrain situé [Adresse 2] a confié à la société Habitat Cote Sud, une mission de maître d’oeuvre dans le cadre d’un chantier de construction d’une maison individuelle et à la société CH Construction, la réalisation du gros oeuvre pour un montant total de 38 557,46 euros.
Elle a souscrit un prêt de 150 010 euros auprès de la Société Générale pour financer ces travaux et études et versé un acompte de 11 567 euros en exécution d’une facture du 26 avril 2021.
La société CH Construction étant défaillante, Mme [K] [S] l’a fait assigner devant le tribunal de commerce de Fréjus qui a rendu un jugement en date du 17 juillet 2023 condamnant la société CH Construction à restituer l’acompte versé et prononcé la résiliation du contrat.
Mme [K] [S] a confié à M. [R] exerçant sous l’enseigne JT Travaux Rénovation la reprise du chantier et la réalisation des travaux suivant devis en date du 15 novembre 2021 pour un montant total de 33 469,46 euros ayant donné lieu au versement deux acomptes de 10 040,84 euros le 2 mars 2022 et de 23 428,62, le 9 juillet 2022.
M. [R] se voyait également confier la réalisation de la toiture suivant devis du 10 août 2022 et percevait un acompte de 12 007 euros pour l’achat de la toiture.
Le chantier, débuté en juin 2022 a pris du retard puis, à compter du mois d’août 2022, le chantier a été abandonné, M. [R] ne s’y rendant plus, en dépit des relances faites par Mme [K] [S] et d’une mise en demeure par lettre RAR du 14 décembre 2022 du conseil de cette dernière, restée sans effets.
C’est dans ce contexte que Mme [K] [S] a fait intervenir son assurance laquelle a diligenté une expertise amiable à laquelle M. [R] ne se rendra pas. L’expert, aux termes d’un rapport établi le 17 avril 2023, indiquera que M. [R] a perçu une somme totale de 45 476,46 euros et réalisé des travaux pour la seule somme de 16 470,32 euros.
Une plainte a été déposée par Mme [K] [S] à l’encontre de M. [R].
Mme [K] [S] a fait assigner M. [R] par devant le tribunal de commerce de Marseille, par exploit du 16 octobre 2023, en ouverture d’une procédure collective à son encontre et, par jugement en date du 13 décembre 2023, notifié le 21 décembre 2023, le tribunal de commerce a déclaré la demande irrecevable.
Pour se prononcer, le tribunal a relevé que M. [R] a cessé son activité le 20 octobre 2022 tandis que l’assignation, délivrée le 16 octobre 2023, a été enrôlée au greffe le 30 octobre 2023, soit plus d’un an après la cessation d’activité et a déclaré l’assignation de Mme [K] [S] irrecevable en application de l’article L. 640-5 du code de commerce.
Mme [K] [S] a relevé appel de cette décision le 23 décembre 2023.
Aux termes de ses écritures déposées et notifiées par RPVA le 16 janvier 2024, Mme [K] [S] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ,
– de constater la radiation de M. [W] [R] exerçant sous l’enseigne JT Travaux Rénovation du RCS de Toulon le 20 octobre 2022,
– d’ordonner l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de ce dernier,
– d’ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés.
Elle considère que son assignation a été délivrée le 16 octobre 2023, soit dans le délai fixé à l’article L 640-1 du code de commerce, M. [W] [R] ayant cessé son activité le 20 octobre 2022 et considère que c’est par une mauvaise appréciation de cette disposition que le tribunal de commerce a retenu la date de l’enrôlement de l’assignation au greffe du tribunal de commerce (30 octobre 2023).
Par un avis déposé le 16 juin 2024, le ministère public conclut à la confirmation de la décision estimant qu’en application de l’article 857 du code de procédure civile, le tribunal est saisi par la remise d’une copie de l’assignation au greffe, au plus tard huit jours avant la date de l’audience, sous peine de caducité de l’assignation.
M. [W] [R] cité à étude le 18 janvier 2024, est défaillant. L’arrêt sera rendu par défaut en application de l’article 474 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L’article 640-5 du code de commerce dispose :
« Lorsqu’il n’y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du
ministère public aux fins d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de :
1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S’il s’agit d’une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ;
2° La cessation de l’activité, s’il s’agit d’une personne exerçant une activité artisanale, d’un agriculteur ou d’une
personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
3° La publication de l’achèvement de la liquidation, s’il s’agit d’une personne morale non soumise à l’immatriculation.
Lorsque sont applicables les dispositions relatives à la procédure prévue à l’article L. 351-1 du code rural et de la pêche maritime, le président du tribunal judiciaire doit être saisi, préalablement à l’assignation, d’une demande
tendant à la désignation d’un conciliateur présentée en application de l’article L. 351-2 de ce code sauf si la
procédure de rétablissement professionnel prévue au chapitre V du présent titre est en cours ».
En l’espèce, il ressort de l’extrait de situation au répertoire Sirène à la date du 28 novembre 2023 que M. [W] [R], entrepreneur individuel, a cessé son activité à la date du 20 octobre 2023. Mme [K] [S] a fait assigner M. [W] [R] par devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d’ouverture d’une liquidation judiciaire à son égard par exploit en date du 16 octobre 2023, soit dans le délai d’un an prescrit à l’article L 640-5 du code de commerce.
Dès lors, en considérant que l’assignation n’avait été enrôlée par la remise d’une copie au greffe, que le 30 octobre 2023 et que, partant, la demande formée par Mme [K] [S] était hors délai et donc irrecevable, le tribunal a rajouté aux exigences de ce texte.
L’assignation délivrée le 16 octobre 2023, l’a été dans le délai prescrit à l’article L 640-5 du code de commerce, dès lors qu’elle a été régulièrement placée par la remise d’une copie au greffe du tribunal de commerce.
Par ailleurs, le délai d’un an a été interrompu par délivrance de l’assignation au débiteur, conformément aux dispositions de l’article 2241 du code civil lequel dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription comme le délai de forclusion.
En application de l’article L.640-5 du code de commerce, la liquidation judiciaire peut être demandée par un créancier, quelque soit la nature de sa créance, dès lors qu’il justifie d’une créance certaine, liquide et exigible, cette condition étant requise à peine d’irrecevabilité de la demande (Cass. code de commerce. 2 décembre 2014, pourvoi n°13-20.203)
En l’espèce, Mme [K] [S] dont la créance n’est pas constatée par un titre, mais résulte d’une expertise amiable non contradictoire, ne justifie pas d’une créance certaine, liquide et exigible. Sa demande est par conséquent irrecevable.
En conséquence, le jugement sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a déclaré la demande irrecevable.
Mme [K] [S] succombant, conservera à sa charge les dépens de l’instance.
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Confirme, par motifs substitués, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 13 décembre 2023 (n°2023P01435) ;
Laisse les dépens d’appel à la charge de Mme [K] [S].
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE