La Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique a engagé une saisie attribution le 7 septembre 2021 contre monsieur [N] pour le paiement d’une somme de 62 052,82 €, en se basant sur un jugement du tribunal de commerce de Libourne du 23 septembre 2016, qui concernait des cautions de la SNC Café de la Gare et de la SCI GLPS, toutes deux en liquidation judiciaire. Monsieur [N] a contesté cette saisie devant le juge de l’exécution, mais a été débouté par un jugement du 4 janvier 2023, qui a validé la saisie et condamné monsieur [N] à payer 1 500 € à la banque.
Monsieur [N] a fait appel, contestant la validité de l’assignation et de la signification du jugement de 2016, arguant que les actes avaient été signifiés à une adresse incorrecte. Il a également soulevé la caducité de la saisie pour défaut de signification dans le délai requis et a remis en question la certitude de la créance. La cour a examiné les documents et a constaté que les actes avaient été signifiés à l’adresse indiquée, mais a demandé des preuves supplémentaires de la part de monsieur [N] concernant son domicile. Un avis de taxe foncière fourni ultérieurement a été jugé irrecevable. Dans ses conclusions, monsieur [N] a demandé l’annulation de la saisie et la reconnaissance de l’incertitude de la créance. La Banque Populaire a, de son côté, demandé la confirmation du jugement de première instance et le rejet des demandes de monsieur [N]. Finalement, la cour a infirmé la décision de première instance, déclarant non avenu le jugement du tribunal de commerce de Libourne à l’égard de monsieur [N], annulant la saisie attribution du 7 septembre 2021 et ordonnant la mainlevée de cette saisie. La Banque Populaire a été condamnée à verser 3 000 € à monsieur [N] et à couvrir les dépens des deux instances. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/430
Rôle N° RG 23/01408 N° Portalis DBVB-V-B7H-BKVW5
[U] [N]
C/
S.A. LA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alexandra BOISRAME
Me Camille MATHIEU-BROSSON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de GRASSE en date du 04 Janvier 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 21/04599.
APPELANT
Monsieur [U] [N]
né le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 12],
demeurant [Adresse 14] – [Localité 1]
représenté par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Jennifer BROCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
S.A. LA BANQUE POPULAIRE AQUITAINE CENTRE ATLANTIQUE,
immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 755 501 590
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2] – [Localité 6]
représentée par Me Camille MATHIEU-BROSSON, avocat au barreau de GRASSE, assistée de Me Juliette ANDRE, avocat au barreau de BORDEAUX
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et prétentions des parties :
La Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique (ci après la banque populaire) a fait diligenter une saisie attribution le 7 septembre 2021, à l’encontre de monsieur [N] pour avoir paiement d’une somme de 62 052.82 €, sur le fondement d’un jugement du tribunal de commerce de Libourne du 23 septembre 2016, prononcé à l’encontre de monsieur [U] [N] et de monsieur [E] [O]. Ces derniers s’étaient en effet portés cautions de la SNC Café de la Gare et de la SCI GLPS, touchées par des liquidations judiciaires, procédures clôturées depuis, pour insuffisance d’actifs, respectivement le 9 mars 2020 et le 30 janvier 2018.
Le tiers saisi, la Banque populaire du Sud Ouest, agence de [Localité 11] a déclaré que le compte
était créditeur de 1 376.05 euros solde bancaire insaisissable déduit.
Monsieur [N] a contesté devant le juge de l’exécution de Grasse cette mesure d’exécution,
mais selon jugement du 4 janvier 2023, il a été débouté de ses demandes et ce magistrat a :
– validé la saisie attribution,
– condamné monsieur [N] à payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article
700 du code de procédure civile, à la banque populaire Aquitaine Centre Atlantique.
La décision du juge de l’exécution a été notifiée par voie postale, conformément à l’article R120-15 du code des procédures civiles d’exécution, et monsieur [N] en a accusé réception le 11 janvier 2023. Il a fait appel par déclaration au greffe de la cour le 20 janvier 2023.
Il contestait devant la cour, l’assignation ayant abouti au jugement du tribunal de commerce de Libourne, le 23 septembre 2016 et également l’acte de signification de cette décision en raison de l’adresse à laquelle les actes étaient signifiés par l’huissier de justice, de sorte que le jugement serait non avenu car réputé contradictoire. Il invoquait également la caducité de la saisie du 7 septembre 2021 pour défaut de signification dans le délai de 8 jours. Enfin, il considérait que la créance était incertaine.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2023 et l’affaire mise en délibéré au 7 décembre 2023.
Par l’arrêt du 7 décembre 2023, précité, la cour constatait que la décision du tribunal de commerce, prononcée en 2016 domiciliait monsieur [N] au [Adresse 7] à [Localité 8] et que c’était également au [Adresse 7] que lui avaient été adressés les actes suivants :
– signification du jugement le 2 décembre 2016, avec confirmation du domicile par un voisin,
– dénonce de saisie attribution le 13 avril 2016 avec cependant pour cet acte retour d’un accusé
de réception signé le 16 avril 2016.
De sorte que pour établir de manière plus officielle et certaine l’erreur d’adresse, elle demandait à monsieur [N], plutôt que les simples courriers qu’il avait produits, de communiquer des documents fiscaux permettant d’admettre plus sûrement son domicile.
Par une autre décision du 8 février 2024, la cour a constaté que le document communiqué, un avis de taxe foncière, n’était pas recevable car postérieur à l’ordonnance de clôture et qu’il n’avait pas été communiqué au nouveau conseil de la Banque Populaire, de sorte qu’une réouverture des débats était nécessaire en sollicitant par la même occasion un avis d’imposition sur les revenus de la part de monsieur [N].
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 14 mars 2023, auxquelles il est renvoyé, monsieur [U] [N] demande à la cour de :
Vu l’article 313-1 du code pénal,
Vu les articles 1108 et suivants, 1129, 1131, 1170, 1174, 1382 du Code civil,
Vu les articles 325, 331, 333, 696 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces communiquées,
– dire son appel recevable et bien fondé en ses demandes,
– confirmer le jugement du 4 janvier 2023 en ce qu’il a :
* Déclaré la contestation de Monsieur [N] recevable,
– réformer le jugement du 4 janvier 2023 en ce qu’il a :
* Débouté monsieur [U] [N] de l’ensemble de ses demandes,
* Validé la saisie-attribution pratiquée à son préjudice, à la requête de la Banque Populaire, selon procès-verbal du 7 septembre 2021,
* Dit que le tiers saisi paiera le créancier, conformément aux dispositions de l’article R211-13 du code des procédures civiles d’exécution, après notification aux parties de la présente décision, sur présentation de celle-ci,
* Condamné Monsieur [U], [G] [N] à payer à la Banque Populaire la somme de 1500 euros, mille cinq cent euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* Condamné Monsieur [U], [G] [N] aux dépens de la procédure,
* Rejeté tous autres chefs de demandes,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– déclarer irrégulier et nul l’acte d’huissier portant assignation de monsieur [N] dans le cadre de la procédure ayant abouti au jugement du Tribunal de commerce de Libourne du 23 septembre 2016,
– déclarer irrégulier et nul l’acte d’huissier portant signification à monsieur [N] du
jugement du Tribunal de commerce de Libourne du 23 septembre 2016,
– déclarer non avenu le jugement réputé contradictoire et en premier ressort rendu par le tribunal de commerce de Libourne du 23 septembre 2016 en l’absence de signification régulière dans le délai de 6 mois de son prononcé,
– dire caduque la saisie effectuée le 7 septembre 2021pour défaut de signification au débiteur dans le délai de 8 jours,
– constater que la saisie attribution effectuée le 7 septembre 2021 est atteinte d’irrégularités,
– déclarer nulle la saisie attribution du 7 septembre 2021,
– ordonner la mainlevée de la saisie-attribution,
A titre subsidiaire :
– constater que la créance dont se prévaut la BPACA est incertaine,
– déclarer infondée la saisie attribution du 7 septembre 2021,
– ordonner la mainlevée de la saisie-attribution effectuée le 7 septembre 2021,
En tout état de cause,
– condamner la banque populaire à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de première instance,
– condamner la BPACA à payer à monsieur [N] la somme de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d’appel,
– condamner la même aux entiers dépens des deux instances.
Il soutient que l’adresse à laquelle les actes ont été signifiés n’était pas la sienne et que l’huissier
de justice n’a pas fait de diligences suffisantes permettant de valider les actes (assignation devant le tribunal de commerce de Libourne, signification du jugement du 23 septembre 2016, caducité du jugement au regard de l’article 487 du code de procédure civile) .
Il affirme qu’il habitait [Adresse 7] à [Localité 8] et les actes étaient établis au 232. L’accusé de réception revenu signé ne porte pas sa signature (comparer les pièces 7 et 1 de la BP). De plus, la saisie attribution est caduque pour ne pas avoir été dénoncée dans les 8 jours, car la dénonce du 10 septembre 2021 se rapporte à une saisie entre les mains du CIC et non de la banque populaire, au mépris de l’article R211-3 du code des procédures civiles d’exécution.
La créance est en outre incertaine car les cautionnements étaient solidaires et le créancier ne justifie pas de ses poursuites à l’encontre de monsieur [O], alors au demeurant que des
acomptes ont été obtenus qui n’ont pas été déduits. Lors de la saisie il n’était plus dû que 47 651.36 euros (pièce 8). La banque ne fait pas état des versements qu’elle a pu recevoir. La décision de première instance n’a pas tiré les conséquences nécessaires de ces difficultés, pas davantage du fait que la condamnation financière devait être divisée par deux.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 6 avril 2023 auxquelles il est
ici renvoyé, la Banque Populaire, demande à la cour de :
– Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
– Rejeter l’ensemble des demandes formulées par monsieur [N] ;
– Le condamner à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle rappelle les différents engagements financiers souscrits par monsieur [N] et monsieur
[O] en tant que cautions solidaires et le jugement intervenu le 23 septembre 2016, devant le tribunal de commerce de Libourne. Lors de ces engagements, monsieur [N] était
domicilié [Adresse 3] à [Localité 11], mais ne l’a pas informée de son changement d’adresse vers [Localité 8], ce pourquoi la signification a été faite en 659 du code de procédure civile, après qu’on lui ait communiqué ce nouveau domicile (pièce 5). A la nouvelle adresse, il y avait certes une agence immobilière mais aussi des logements, et l’accusé de réception est revenu signé sans nécessité d’une expertise graphologique à faire par l’officier ministériel. Les
actes doivent être validés. L’erreur sur le tiers saisi dans la dénonciation de la saisie attribution
n’est pas une cause de nullité de l’acte au regard de l’article R211-3 du code des procédures civiles d’exécution. Il n’y a pas de grief. Encore à ce jour, par décompte actualisé, tenant compte des sommes versées par monsieur [O], il lui reste dû 44 336.42 €, somme très largement supérieure au montant appréhendé de 1 376.05 €. Il n’y a donc lieu ni à annulation ni à cantonnement.
A la suite des deux arrêts prononcés par la cour, visant à s’assurer du caractère exécutoire du jugement du tribunal de commerce de Libourne prononcé le 23 septembre 2016, en application de l’article 503 du code de procédure civile, et de la communication contradictoire des documents, monsieur [N], justifie désormais que son adresse d’imposition au 1er janvier 2016 était fixée au [Adresse 4] à [Localité 8]. (pièce 16). Ce qui était également son adresse au cours de l’année 2015 selon la déclaration de revenus antérieure, endroit dont il était locataire, après avoir habité [Adresse 3] à [Localité 11].(pièce n°17).
Lors de la signification du jugement qui constitue le titre exécutoire, par acte du 2 décembre 2016, l’huissier de justice indique au titre de ses diligences que sur place :
– se trouve une agence immobilière, l’intéressé est inconnu et son nom ne figure sur aucune des boîtes aux lettres ni aucune des sonnettes,
– les personnes rencontrées sur place n’ont pu donner aucun plus ample renseignement,
– il n’a pas été possible d’identifier un lieu de travail,
– les services postaux et municipaux n’ont pu donner d’information,
– la consultation des pages blanches et jaunes, du correspondant, a été vaine,
– il est mentionné cependant que lors d’une précédente signification par PV 659 à la même adresse, l’accusé de réception est revenu à l’étude signé.
Ce dernier point est exact, car le 8 avril 2016 une saisie attribution avait été réalisée entre les mains de la banque populaire mais sur la base d’un acte notarié établi par Me [T] [Y], notaire à [Localité 11] le 13 août 2012 pour avoir paiement d’une somme de 22 459.01 euros et il avait été indiqué qu’un montant de 830.12 euros après SBI pouvait être saisi à l’agence de [Localité 13]. (Dossier Me [F]-Huissier de justice à [Localité 10]-Ref 290837).
Figure au dossier de plaidoirie de la banque cet accusé de réception (pièce 7), retourné au mandant par courrier du 29 avril 2016, à savoir un avis postal qui parait signé à la date assez peu lisible du 16 avril 2016 par monsieur [N], lequel aujourd’hui devant la cour, conteste sa signature. Il ne saurait effectivement être exigé de l’huissier de justice une expertise graphologique, d’autant moins qu’il ne disposait d’aucun élément de comparaison, ce qui n’est pas le cas de la cour d’appel dans le débat actuel. L’officier ministériel a relaté des diligences sérieuses réalisées, mais dont aucune ne confirmait le domicile de monsieur [N] sauf l’accusé de réception d’avril 2016, qu’il a tenu pour valable. Cependant la comparaison de cette pièce avec l’avis de réception de mise en demeure de payer à la caution, le 12 novembre 2015 (pièce 12 de la banque) réalisée à la précédente adresse de monsieur [N], [Adresse 9], le 17 novembre 2015, revèle une signature tout à fait différente de celle qu’on lui impute lors de la signification du jugement qui constitue le titre exécutoire basant la mesure d’exécution, tandis qu’il établit comme rappelé précédemment que son adresse fiscale, et donc présumée réelle, était au [Adresse 4] à [Localité 8] et non au [Adresse 7]. Ainsi il n’a pas été en mesure de connaitre les termes de la décision, et éventuellement d’en faire recours, et le caractère exécutoire du jugement en raison de cette erreur, ne peut être admis. Monsieur [N] invoque à juste titre un double grief, celui de n’avoir pas pu faire valoir ses droits devant le tribunal de commerce de Libourne, de n’avoir pu en faire appel alors que rien ne justifie la pertinence de l’adresse invoquée par la banque au [Adresse 7].
Bien plus, et en application de l’article 478 du code de procédure civile, le jugement réputé contradictoire n’étant pas valablement signifié dans les six mois de sa date, il sera déclaré non avenu.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de monsieur [N] les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 3 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de la Banque Populaire.
La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à dispositon au greffe,
INFIRME la décision déférée,
Statuant à nouveau,
DIT non avenu le jugement du tribunal de commerce de Libourne du 23 septembre 2016 à l’égard de monsieur [U] [N],
ANNULE en conséquence la saisie attribution pratiquée sur ses comptes le 7 septembre 2021 sur la base de ce titre,
ORDONNE la mainlevée de la saisie attribution du 7 septembre 2021,
CONDAMNE la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique à payer à monsieur [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE